ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
appelant
et
DORA SFETKOPOULOS, DAVID MCGREGOR,
PRISCILLA LAVELL, EUGENE HARACK, ROBIN TURNEY,
RONALD FOLZ, MICHAEL GIBBISON, TIMOTHY DEGANS,
MARK HUKULAK, LEONARD SISSON, PAUL MANNING,
RON REID, RON SPECK, JOHN LOBRAICO, EDDIE WALLACE,
MICHAEL DELARMEE, RONALD GEORGE WILSON
et JEFFREY LONG
intimés
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 27 octobre 2008.
Jugement rendu à l'audience à Toronto (Ontario), le 27 octobre 2008.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE EVANS
Date : 20081027
Dossier : A‑55‑08
Référence : 2008 CAF 328
CORAM : LE JUGE EVANS
LA JUGE SHARLOW
LE JUGE RYER
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
appelant
et
DORA SFETKOPOULOS, DAVID MCGREGOR,
PRISCILLA LAVELL, EUGENE HARACK, ROBIN TURNEY,
RONALD FOLZ, MICHAEL GIBBISON, TIMOTHY DEGANS,
MARK HUKULAK, LEONARD SISSON, PAUL MANNING,
RON REID, RON SPECK, JOHN LOBRAICO, EDDIE WALLACE,
MICHAEL DELARMEE, RONALD GEORGE WILSON
et JEFFREY LONG
intimés
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 27 octobre 2008)
[1] Il s'agit d'un appel interjeté par le procureur général du Canada contre la décision de la Cour fédérale (2008 CF 33) par laquelle le juge suppléant Strayer a déclaré invalide l'alinéa 41b.1) du Règlement sur l'accès à la marihuana à des fins médicales, DORS 2003/387 (le RAMM), au motif qu'il restreignait arbitrairement le droit d'accès des intimés à la marihuana pour fins médicales sous le régime de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Cette disposition du RAMM porte qu'une personne désignée par le titulaire d'une autorisation de possession pour produire de la marihuana en vue de sa consommation par ledit titulaire à des fins médicales ne pourra obtenir de licence si elle est désignée pour produire à l'intention de plus d'une personne. La demande des intimés tendant à obtenir la désignation d'un producteur avait été rejetée sous le régime de l'alinéa 41b.1).
[2] La version précédente de l'alinéa 41b.1) du RAMM, au libellé presque identique, avait été annulée par l'arrêt Hitzig c. La Reine (2003), 231 D.L.R. (4th) 104 de la Cour d'appel de l'Ontario, au motif qu'elle enfreignait l'article 7 de la Charte. La seule question de fond dans la présente espèce est le point de savoir si la politique des pouvoirs publics consistant à ne délivrer de licence qu'à un seul fournisseur pour produire de la marihuana aux fins de distribution aux titulaires d'une autorisation de possession en vue d'un usage médical permet un approvisionnement licite desdits titulaires qui soit suffisant sous le régime de l'article 7. Voir Santé Canada (Bureau de l'accès médical au cannabis), Politique sur l'approvisionnement en graines de marihuana et en marihuana séchée à des fins médicales, 3 décembre 2003.
[3] Le juge suppléant Strayer a conclu qu'il fallait répondre à cette question par la négative, et l'on ne nous a pas convaincus qu'en concluant ainsi il ait commis une quelconque erreur qui justifierait l'intervention de notre Cour.
[4] L'avocat de l'appelant a avancé deux moyens principaux dans ses conclusions orales. Premièrement, selon lui, le juge suppléant Strayer aurait commis une erreur de droit en imposant à l'appelant la charge d'établir que la politique attaquée était conforme aux principes de justice fondamentale, au motif qu'elle restreignait dans des limites raisonnables l'accès à la marihuana à des fins médicales. Nous ne souscrivons pas à cette thèse. Si nous prenons l'exposé des motifs du juge dans son ensemble, en tenant compte notamment du passage où il déclare que l'appelant supporte la charge de la preuve sous le régime de l'article premier et que sa tâche est ainsi plus difficile à cet égard que relativement à l'article 7, nous ne pouvons dire qu'il ait commis l'erreur qu'on lui reproche. Il est également important de lire l'exposé des motifs du juge dans le contexte du présent litige, c'est‑à‑dire à la lumière du fait que la version précédente de la disposition du RAMM attaquée dans la présente espèce a déjà été déclarée invalide, la seule question à trancher dans ladite espèce étant celle de savoir si la politique de l'appelant, introduite en 2003, change quelque chose à la situation.
[5] Deuxièmement, l'avocat de l'appelant a fait valoir que le juge avait commis une erreur en concluant que pas plus de 20 % environ des titulaires d'une autorisation de possession n'avaient eu recours, pour leur approvisionnement en marihuana séchée, au fournisseur unique retenu par l'État dans le cadre de sa politique. Compte tenu de la preuve produite devant le juge, nous n'estimons pas que cette conclusion de fait soit entachée d'une erreur manifeste et dominante, ni que ledit juge ait eu tort d'invoquer cette conclusion pour démontrer l'insuffisance de la source d'approvisionnement licite en marihuana.
[6] Enfin, l'avocat de l'appelant a soutenu que, si nous décidions de rejeter le présent appel, nous devrions suspendre l'effet de la déclaration d'invalidité pendant un an pour permettre à l'État de refondre le dispositif réglementaire afin de faire en sorte qu'il soit conforme à la Charte sans qu'augmente indûment le risque que la marihuana cultivée par les personnes désignées pour la consommation à des fins médicales des titulaires d'une autorisation de possession n'aboutisse entre les mains de personnes non autorisées.
[7] Nous rejetons cette proposition. Premièrement, l'appelant n'a pas demandé au juge suppléant Strayer de suspendre l'effet de la déclaration d'invalidité. Deuxièmement, la suspension de l'effet de la déclaration d'inconstitutionnalité d'une disposition législative est une mesure corrective assez exceptionnelle, et nous ne pensons pas qu'il convienne de la prononcer compte tenu des circonstances de la présente espèce : les questions ici en litige ont été longtemps débattues devant les tribunaux; le juge suppléant Strayer a rendu son jugement en janvier dernier, soit il y a dix mois; et les voies ouvertes à l'appelant pour rendre le dispositif réglementaire conforme à la Charte sans mettre en cause les objectifs concurrents d'action publique ne sont ni incertaines ni particulièrement compliquées.
[8] Pour ces motifs, l'appel sera rejeté avec dépens.
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A‑55‑08
APPEL DE L'ORDONNANCE DU JUGE SUPPLÉANT STRAYER EN DATE DU 10 JANVIER 2008, DOSSIER DE LA COUR FÉDÉRALE NO T‑1415‑04
INTITULÉ : LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c.
DORA SFETKOPOULOS, DAVID MCGREGOR,
PRISCILLA LAVELL, EUGENE HARACK,
ROBIN TURNEY, RONALD FOLZ, MICHAEL GIBBISON, TIMOTHY DEGANS, MARK HUKULAK, LEONARD SISSON, PAUL MANNING,RON REID, RON SPECK, JOHN LOBRAICO, EDDIE WALLACE, MICHAEL DELARMEE, RONALD GEORGE WILSON et
JEFFREY LONG
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 27 octobre 2008
MOTIFS DU JUGEMENT
DE LA COUR : LES JUGES EVANS, SHARLOW ET RYER
PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR : LE JUGE EVANS
COMPARUTIONS :
James Gorham
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POUR L'APPELANT
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Alan Young |
POUR LES INTIMÉS
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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POUR L'APPELANT
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Toronto (Ontario) |
POUR LES INTIMÉS
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