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Date : 20081029

Dossier : A-540-07

Référence : 2008 CAF 335

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE BLAIS

 

ENTRE :

JON STEPHEN KILBRIDE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 29 octobre 2008.

Jugement rendu à l’audience à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 29 octobre 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                    LE JUGE SEXTON

 


 

Date : 20081029

Dossier : A-540-07

Référence : 2008 CAF 335

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE BLAIS

 

ENTRE :

JON STEPHEN KILBRIDE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 29 octobre 2008)

LE JUGE SEXTON

[1]               Il s’agit de l’appel d’une décision de la juge Campbell, de la Cour de l’impôt, rejetant l’appel de M. Kilbride visant la cotisation établie par le ministre du Revenu national pour ses années d’imposition 2001 et 2002. Le ministre avait refusé la déduction de dépenses d’entreprise réclamée par l’appelant, estimant que celui-ci n’était pas un entrepreneur indépendant mais un employé de la société Thermaray Incorporated.

 

[2]               Thermaray est une société familiale établie à Fredericton. Elle fabrique des systèmes de chauffage. Le père et le frère de l’appelant sont, respectivement, président et vice-président des opérations. L’appelant est actionnaire minoritaire de Thermaray, dont il est également secrétaire et trésorier.

 

[3]               Chez Thermaray, l’appelant s’occupait de la comptabilité et du soutien technique. La juge de première instance a conclu que l’appelant était chargé « de l’installation, de la configuration et de l’entretien des systèmes informatiques, en plus de s’occuper de la comptabilité générale ». Il participait aussi à des activités de l’industrie pour le compte de la compagnie et rencontrait des clients. D’après certains éléments du dossier, certains clients de Thermaray auraient pu penser que M. Kilbride était le directeur financier de l’entreprise, bien qu’on ait nié qu’il ait jamais détenu ce titre.

 

[4]               Il n’existait, entre Thermaray et l’appelant, aucun contrat de travail, mais la juge de première instance a admis que toutes les parties concernées voulaient que l’appelant soit considéré comme un entrepreneur indépendant, qui travaillait comme conseiller en gestion. L’horaire de travail de l’appelant était très souple, et il passait une bonne partie de son temps à travailler dans le bureau installé à son domicile, même si l’entreprise n’exigeait pas de lui qu’il ait un bureau à l’extérieur. Thermaray mettait en effet à sa disposition, dans ses locaux, un bureau avec tous les logiciels et le matériel dont il avait besoin pour effectuer son travail. Il ressort de la preuve que l’appelant se rendait au siège de Thermaray presque tous les jours, même si, selon lui, il s’agissait là d’une exigence d’ordre purement « pratique ». C’est aussi lui qui, en cas d’absence de son père et de son frère, les remplaçait au bureau.

 

[5]               La juge de la Cour de l’impôt a estimé qu’au cours de la période en cause, Thermaray était l’unique source de revenu de l’appelant. Contrairement aux autres employés, il n’avait ni avantages sociaux, ni congés de maladie, ni vacances. Il était libre de se chercher d’autres clients, mais ne faisait pas de publicité et n’avait, en fait, pour ses services de conseiller, aucun autre client que cette entreprise.

 

[6]               Selon l’appelant, la juge de la Cour de l’impôt n’a pas appliqué le bon critère pour décider s’il était ou non un entrepreneur indépendant, mais nous ne sommes pas de cet avis.

 

[7]               L’appelant soutient en outre que la juge de première instance a commis une erreur dans son application du critère à quatre volets dégagé dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. Ministre du Revenu national, 87 DTC 5025 (C.A.F.), confirmé par l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59. Il fait valoir que la juge Campbell n’a pas tenu compte de certaines preuves pertinentes qui, pourtant, donnaient à penser qu’il était un entrepreneur indépendant et qu’elle a en outre pris en compte des faits qui, au regard du critère retenu dans Wiebe Door, étaient sans pertinence. Il s’agit là de questions mixtes de fait et de droit et, en l’absence d’erreur manifeste et dominante, la Cour n’a pas à modifier les conclusions de la juge de première instance (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33).

 

[8]               L’arrêt Wiebe Door a énuméré, de façon non limitative, quatre éléments du critère applicable : le degré de contrôle exercé, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice et les risques de perte. La juge Campbell a conclu que le critère du contrôle n’était pas concluant, mais que l’appelant devait occuper un poste de direction élevé s’il était un employé étant donné le degré de contrôle qu’il exerçait sur son emploi du temps. Elle a estimé que les trois autres facteurs portaient à penser que l’appelant était un employé. Certaines cours ne tiendraient plus compte du critère de l’intégration, mais la juge de première instance a conclu que, dans l’hypothèse où il devrait être pris en considération, il viendrait lui aussi appuyer la position que l’appelant était un employé.

 

[9]               L’appelant conteste l’application que la juge de première instance a faite du critère du contrôle. Selon lui, la juge Campbell a tenu compte de facteurs dénués de pertinence en relevant qu’il assurait la direction de Thermaray en l’absence de son père et de son frère, qu’il rencontrait les clients de l’entreprise et qu’il avait touché pendant plusieurs années une rémunération presque identique à celle de son frère.

 

[10]           D’après nous, ces faits ne sont pas sans pertinence. Ils démontrent que même si l’appelant affirme avoir été entièrement maître de son emploi du temps, l’entreprise exigeait souvent sa présence au bureau pendant les heures d’ouverture et approuvait sa participation à des activités de l’industrie et à des réunions en tant que représentant de Thermaray. L’appelant affirme avoir été libre de travailler quand il le voulait, mais son horaire de travail et son taux de rémunération montrent bien qu’il avait un horaire de travail régulier et une rémunération, elle aussi, régulière, et qu’il était en cela essentiellement dans la même situation que son frère qui, lui, était très certainement un employé de l’entreprise.

 

[11]           Il ne s’agit pas en l’espèce d’un cas limite où que le critère dégagé dans l’arrêt Wiebe Door ne permet pas de trancher l’affaire et où la Cour doit, par conséquent, accorder davantage de poids à l’intention des parties. La juge de première instance a reconnu que les parties pouvaient très bien avoir voulu que l’appelant soit considéré comme un entrepreneur indépendant, mais elle a conclu que la relation qu’elles entretenaient n’appuie pas cette intention et qu’il n’y avait pas lieu de retenir leur intention subjective (voir Royal Winnipeg Ballet c. Ministre du Revenu national, 2006 DTC 6323, paragraphe 61 (C.A.F.)).

 

[12]           Nous estimons qu’en invoquant les autres erreurs qui, selon lui, auraient été commises au regard du critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door, l’appelant ne fait qu’inviter la Cour à soupeser à nouveau la preuve alors que celle-ci a fait l’objet d’un examen détaillé dans les motifs de la juge de première instance. Il n’appartient pas à une cour d’appel de tirer des conclusions à l’égard de la preuve (Housen, précité, aux paragraphes 23 et 24).

 

[13]           La juge de la Cour de l’impôt n’a pas commis d’erreur en concluant que l’appelant était un employé plutôt qu’un entrepreneur indépendant, et nous estimons qu’il n’était par conséquent pas en droit de déduire les dépenses réclamées. En tant qu’employé, il ne pouvait pas, aux termes de l’alinéa 18(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1, déduire les dépenses en question puisque celles-ci n’avaient pas été effectuées par lui en vue de tirer un revenu d’une entreprise. L’appelant n’a pas invoqué le droit de déduire les dépenses en question aux termes de l’article 8, qui s’applique aux dépenses effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu d’une charge ou d’un emploi. Mais, même s’il l’avait fait, l’appelant ne s’est pas acquitté de sa charge de présentation. Il appartient en effet au contribuable de démontrer que la cotisation établie par le ministre est erronée (Johnson c. Ministre du Revenu national, [1948] R.C.S. 486). La juge de première instance a conclu à l’insuffisance des documents produits par l’appelant pour justifier ses dépenses et, au vu du dossier, cette conclusion est parfaitement raisonnable.

 

[14]           L’appel devrait être rejeté, avec dépens.

 

 

« J. Edgar Sexton »

j.c.a.

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-540-07

 

APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT RENDU PAR LA JUGE CAMPBELL LE 30 OCTOBRE 2007

 

INTITULÉ :                                                                           Jon Stephen Kilbride c. Sa Majesté la Reine

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 28 octobre 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR                         (LES JUGES LINDEN, SEXTON et BLAIS)

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :                               LE JUGE SEXTON

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Bruce S. Russell, c.r.

POUR L’APPELANT

 

John Smithers

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McInnes Cooper

Halifax (N.-É.)

POUR L’APPELANT

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

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