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Date : 20090211

Dossiers : A-331-08

A-355-08

 

Référence : 2009 CAF 41

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE RYER

Dossier : A-331-08

ENTRE :

j2 GLOBAL COMMUNICATIONS, INC.

appelante (demanderesse)

 

et

 

 

PROTUS IP SOLUTIONS INC.

intimée (défenderesse)

 

 

ET ENTRE

 

PROTUS IP SOLUTIONS INC.

intimée

(demanderesse reconventionnelle)

 

et

 

 

j2 GLOBAL COMMUNICATIONS, INC.

et CATCH CURVE INC.

 

appelantes

(défenderesses reconventionnelles)

 


Dossier : A-355-08

 

ENTRE :

CATCH CURVE INC.

appelante (demanderesse)

 

et

 

PROTUS IP SOLUTIONS INC.

intimée (défenderesse)

 

 

ET ENTRE :

PROTUS IP SOLUTIONS INC.

intimée

(demanderesse reconventionnelle)

 

et

 

 

CATCH CURVE INC. et

j2 GLOBAL COMMUNICATIONS, INC.

appelantes

(défenderesses reconventionnelles)

 

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 10 février 2009

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 11 février 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                   LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                   LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                                                  LE JUGE RYER

 


 

 

 

 

Date : 20090211

Dossiers : A-331-08

A-355-08

 

Référence : 2009 CAF 41

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE RYER

Dossier : A-331-08

ENTRE :

j2 GLOBAL COMMUNICATIONS, INC.

appelante (demanderesse)

et

PROTUS IP SOLUTIONS INC.

intimée (défenderesse)

 

 

ET ENTRE

 

PROTUS IP SOLUTIONS INC.

intimée

(demanderesse reconventionnelle)

 

et

 

j2 GLOBAL COMMUNICATIONS, INC.

et CATCH CURVE INC.

 

appelantes

(défenderesses reconventionnelles)

 

 


Dossier : A-355-08

 

ENTRE :

CATCH CURVE INC.

appelante (demanderesse)

 

et

 

PROTUS IP SOLUTIONS INC.

intimée (défenderesse)

 

 

ET ENTRE :

PROTUS IP SOLUTIONS INC.

intimée

(demanderesse reconventionnelle)

 

et

 

 

CATCH CURVE INC. et

j2 GLOBAL COMMUNICATIONS, INC.

appelantes

(défenderesses reconventionnelles)

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EVANS

[1]               Les appelantes, Catch Curve Inc. et j2 Global Communications Inc., sont des sociétés liées qui ont introduit des actions distinctes contre Protus IP Solutions Inc. (Protus) pour contrefaçon de leurs brevets canadiens portant sur des services de télécopie par Internet. Bien qu’elles n’aient pas été jointes, les actions font l’objet d’une gestion conjointe d’instances par la Cour fédérale.

 

[2]               Les appelantes interjettent appel d’une décision de la Cour fédérale (2008 CF 759) rendue par le juge Russell, qui a rejeté les requêtes par lesquelles les appelantes faisaient appel d’une ordonnance de la protonotaire Tabib, en date du 8 février 2008. Dans cette ordonnance, la protonotaire avait permis à Protus de modifier certains de ses actes de procédure, mais n’avait pas accepté d’autres modifications qu’elle avait proposé d’apporter à sa défense et demande reconventionnelle. Notre Cour a instruit les appels ensemble, étant donné que les faits et les questions en litige sont pratiquement identiques. Je vais prononcer des motifs communs pour les deux appels et une copie de mes motifs sera versée dans chacun des dossiers de la Cour.

 

[3]               Les appelantes allèguent que le juge Russell a commis une erreur justifiant l’infirmation de sa décision en confirmant l’ordonnance par laquelle la protonotaire avait fait droit aux requêtes présentées par Protus en vue de modifier ses actes de procédure et en prévoyant une procédure spéciale pour permettre à Protus de communiquer des précisions au sujet des modifications proposées que la protonotaire n’avait pas acceptées.

 

(i) Modifications proposées 

[4]               Estimant que l’aspect des requêtes des appelantes relatif aux modifications proposées portait sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal, le juge des requêtes a repris depuis le début l’examen de l’ordonnance par laquelle la protonotaire avait accordé en partie les modifications proposées par Protus. Pour obtenir gain de cause dans leurs appels, les appelantes doivent démontrer que la décision du juge Russell de rejeter leurs requêtes était entachée d’une erreur flagrante, en ce sens qu’il s’est fondé, pour exercer son pouvoir discrétionnaire, sur une erreur de droit ou une mauvaise appréciation des faits (Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc., 2003 CAF 488, au paragraphe 20). Le juge Russell a exposé en détail et de façon limpide les motifs pour lesquels il confirmait l’ordonnance de la protonotaire, qui est chargée de la gestion des instances.

 

[5]               Dans ces conditions, et compte tenu du caractère discrétionnaire et interlocutoire des ordonnances en question, les appelantes doivent s’acquitter d’une très lourde charge pour arriver à convaincre la Cour qu’elle devrait intervenir.

 

[6]               Le juge Russell a souscrit à la conclusion de la protonotaire suivant laquelle les modifications ne causeraient pas aux appelantes un préjudice qui ne pourrait être réparé par les dépens. Les appelantes ne contestent pas cette conclusion dans le présent appel. Signalant qu’aucun préjudice n’était causé, le juge des requêtes a expliqué qu’en principe, un plaideur devrait pouvoir modifier ses actes de procédure à tout stade de l’action pour s’assurer que les véritables questions en litige entre les parties sont effectivement soumises au tribunal.

 

[7]               Pour déterminer s’il y avait lieu de permettre les modifications demandées, le juge Russell a appliqué le critère dont on se sert dans le cas des requêtes en radiation, à savoir s’il est évident et manifeste que les modifications n’ont aucune chance de succès. Les appelantes soutiennent qu’il s’agit là d’une erreur de droit puisque ce n’est pas le critère qui s’applique pour décider s’il y a lieu de permettre une modification, et ce, même lorsque la modification, si elle est accordée, ne causerait aucun préjudice.

 

[8]               Les appelantes allèguent que, lorsqu’elle est saisie d’une requête en autorisation de modifier les actes de procédure, la Cour peut aussi utilement tenir compte de l’ampleur du changement que les modifications proposées apporteraient à l’instance. Dans le cas qui nous occupe, elles soutiennent que les modifications proposées par Protus transformeraient les actions en contrefaçon de brevet en litiges sur la question de savoir si les appelantes ont contrevenu à la Loi sur la concurrence, ce qui constitue une procédure radicalement différente.

 

[9]               Je ne suis pas de cet avis. Le juge Russell a attentivement examiné cet argument (aux paragraphes 71 à 80) et a conclu qu’à défaut de préjudice qui ne pourrait être indemnisé, le fait que les modifications proposées auraient pour effet de « modifier radicalement » la procédure ne constituait pas un motif distinct de refuser une modification, à condition que les modifications proposées satisfassent au critère du caractère « évident et manifeste ».

 

[10]           Vu l’ensemble des faits dont je dispose, je ne décèle aucune erreur de droit dans cette conclusion. Je relève notamment que les actions en contrefaçon des appelantes demeurent intactes, et que Protus n’a pas renoncé aux moyens de défense qu’elle invoquait relativement à ces actions, mais qu’elle cherche plutôt à compléter sa défense et sa demande reconventionnelle.

 

[11]           Je ne suis pas non plus convaincu que le juge a commis une erreur qui justifierait l’infirmation de sa décision dans la façon dont il a appliqué le critère du caractère « évident et manifeste » aux modifications proposées. En particulier, le juge Russell n’a pas commis une erreur flagrante en refusant les modifications proposées, qui reposent sur l’article 32 de la Loi sur la concurrence. Compte tenu de la nature de l’entreprise de Protus, qui est liée à l’Internet, et de la nécessité d’interpréter cet article à la lumière de la technologie de l’information actuelle, on ne saurait affirmer à ce stade-ci que le moyen de défense tiré de l’article 32 est voué à l’échec.

 

[12]           On ne saurait non plus affirmer, à mon avis, compte tenu du caractère transnational des activités de Protus et du fait que les déclarations faites et les actes accomplis par les appelantes aux États-Unis sont susceptibles de nuire aux activités de Protus au Canada, que les modifications proposées en ce qui a trait à ces questions n’ont aucune chance de succès dans le cadre d’une défense ou d’une demande reconventionnelle présentée en réponse aux actions en contrefaçon des appelantes.

 

(ii) Marche à suivre pour fournir des précisions

[13]           La protonotaire a refusé de permettre un certain nombre des modifications proposées par Protus parce qu’elles n’étaient pas suffisamment détaillées pour lui permettre de déterminer s’il était évident et manifeste qu’elles étaient vouées à l’échec. Toutefois, au lieu de rejeter carrément les requêtes et de laisser ainsi le champ libre à Protus pour qu’elle retarde encore le déroulement de l’instance en présentant une ou plusieurs autres requêtes en modification de ses actes de procédure après y avoir ajouté des détails, la protonotaire a établi une marche à suivre visant à simplifier la procédure.

 

[14]           Suivant cette procédure, Protus doit d’abord soumettre aux appelantes les modifications détaillées qu’elle se propose d’apporter à ses actes de procédure et demander aux appelantes de les commenter. Lorsque les parties sont allées aussi loin qu’elles le pouvaient et ont fourni des précisions suffisantes, Protus peut déposer et signifier sa défense et demande reconventionnelle modifiées proposées. Si les appelantes ne sont pas satisfaites, elles peuvent présenter une requête en vue de faire écarter les modifications proposées ou d’obtenir des détails plus amples et plus précis. Cette façon de faire empêchera les parties, en cas de présentation d’une nouvelle requête en autorisation de modifier, de plaider à nouveau la question juridique de savoir si les allégations au sujet desquelles des détails ont été fournis constituent des allégations raisonnables de contravention à la Loi sur la concurrence, question que la protonotaire a déjà tranchée en faveur de Protus.

 

[15]           Le juge Russell a estimé que, comme cet aspect des requêtes des appelantes n’était pas déterminant pour l’issue de l’affaire et que la décision de la protonotaire comportait l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, il ne devait intervenir que s’il était convaincu que cette décision était manifestement erronée. Il a conclu qu’elle ne l’était pas. Je suis du même avis.

 

[16]           Notre Cour a maintes fois réaffirmé qu’en raison de leur connaissance intime du procès et de sa dynamique, les protonotaires et les juges de première instance doivent pouvoir jouir d’une grande latitude dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire en matière de gestion des instances (voir également les articles 75 et 385 des Règles des Cours fédérales). Comme notre Cour se tient loin de la mêlée, elle ne doit intervenir que pour empêcher des injustices flagrantes et pour corriger des erreurs graves et évidentes. Or, aucune erreur de cette nature n’a été démontrée en l’espèce. Au contraire, l’ordonnance de la protonotaire Tabib me semble être une solution créative et efficace pour faire avancer un procès qui semble s’empêtrer depuis un bon moment.

 

[17]           Les principales plaintes des appelantes à l’égard de l’ordonnance de la protonotaire sont les suivantes : (i) l’ordonnance les force à fournir des précisions au sujet de la cause de Protus à la place de celle-ci; (ii) elle permet à Protus de signifier et de déposer ses modifications sans avoir d’abord obtenu l’autorisation de la Cour et sans avoir accordé aux appelantes la possibilité de s’opposer à la requête en autorisation; (iii) elle oblige les appelantes à présenter une requête en rejet ou à réclamer de plus amples précisions si elles sont d’avis que les détails fournis ne sont pas suffisants.

 

[18]           Je ne suis pas d’accord avec cette façon de décrire la marche à suivre suggérée par la protonotaire ni avec les plaintes des appelantes à cet égard. L’ordonnance prévoit simplement un mécanisme permettant aux parties de tenter d’arriver à une entente au sujet des précisions ou pour circonscrire l’étendue de leur désaccord avant que la question ne revienne devant le tribunal. Si les appelantes soutiennent toujours que les précisions fournies par Protus ne sont pas suffisantes, elles peuvent s’adresser à la Cour pour contester les modifications.

 

[19]           Certes, il est inusité d’obliger la partie qui s’oppose à des modifications à prendre l’initiative et à présenter une requête en radiation. Je ne suis toutefois pas convaincu que, dans le contexte d’une procédure de gestion d’instance, cette obligation impose aux appelantes un fardeau injuste au point où l’on doive conclure que l’ordonnance constitue un exercice manifestement erroné d’un pouvoir discrétionnaire. Après tout, suivant la procédure habituellement suivie pour modifier des actes de procédure, les appelantes auraient à déposer une réponse à la requête en modification de Protus si elles ne sont pas satisfaites des précisions fournies.

 

[20]           Si les appelantes ont l’intention de donner suite à leurs actions en justice, elles feraient mieux de consacrer leur temps et leurs ressources à faire progresser l’affaire au lieu de poursuivre à trois niveaux juridictionnels les manœuvres préalables au procès auxquelles elles se livrent dans les présents appels.

 

[21]           Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter avec dépens les appels interjetés par les appelantes.

 

« John M. Evans »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

            Alice Desjardins, j.c.a. »

 

 

« Je suis d’accord.

            C. Michael Ryer, j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                                  A-331-08 & A-355-08

 

POUR LE DOSSIER A-331-08 (APPEL DU JUGEMENT EN DATE DU 18 JUIN 2008 PAR LEQUEL LE JUGE RUSSELL A REJETÉ L’APPEL INTERJETÉ PAR LES APPELANTES À L’ÉGARD DE L’ORDONNANCE PRONONCÉE LE 8 FÉVRIER 2008 PAR LA PROTONOTAIRE TABIB DANS LE DOSSIER T-139-06 DE LA COUR FÉDÉRALE)

 

POUR LE DOSSIER A-355-08 (APPEL DU JUGEMENT EN DATE DU 18 JUIN 2008 PAR LEQUEL LE JUGE RUSSELL A REJETÉ L’APPEL INTERJETÉ PAR LES APPELANTES À L’ÉGARD DE L’ORDONNANCE PRONONCÉE LE 8 FÉVRIER 2008 PAR LA PROTONOTAIRE TABIB DANS LE DOSSIER T-140-06 DE LA COUR FÉDÉRALE)

 

 

INTITULÉ :                                                   A-331-08

 

                                                                        J2 GLOBAL COMMUNICATIONS, INC. c. PROTUS IP SOLUTIONS INC.

                                            

                                 ET ENTRE :                    PROTUS IP SOLUCTIONS INC. c.
j2 GLOBAL COMMUNICATIONS, INC. et CATCH CURVE INC.

 

                                                                        A-355-08

 

                                 ENTRE :                         CATCH CURVE INC. c.
PROTUS IP SOLUTIONS INC.

 

                                 ET ENTRE :                    PROTUS IP SOLUTIONS INC. c.
CATCH CURVE INC. et
j2 GLOBAL COMMUNICATIONS, INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 10 FÉVRIER 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE EVANS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LA JUGE DESJARDINS

                                                                        LE JUGE RYER

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 11 FÉVRIER 2009

COMPARUTIONS :

 

Paul V. Lomic

Kenneth D. Hanna

 

POUR L’APPELANTE

Steven B. Garland

Kevin K. Graham

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

RIDOUT & MAYBEE s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

SMART & BIGGAR

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

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