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Cour d'appel fédérale

    CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20090602

Dossier : A-435-08

Référence : 2009 CAF 184

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE BLAIS

 

ENTRE :

INSTITUT PROFESSIONEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 2 juin 2009.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 2 juin 2009.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                               LE JUGE LÉTOURNEAU

 


Date : 20090602

Dossier : A-435-08

Référence : 2009 CAF 184

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE BLAIS

 

ENTRE :

INSTITUT PROFESSIONEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 2 juin 2009)

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]               Dans cette affaire, les parties conviennent que la norme de révision applicable à la décision du commissaire de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2008 CRTFP 50) est celle de la décision déraisonnable : voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9.

 

[2]               Appliquant cette norme, nous sommes satisfaits, pour les raisons qui suivent, que cette demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

 

[3]               Le commissaire a déclaré irrecevable la plainte déposée par la demanderesse en vertu de l’alinéa 190(1)(b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (Loi). Une telle plainte comporte de la part du plaignant allégation que le sujet de la plainte a manqué à son devoir de négocier de bonne foi.

 

[4]               La conclusion en irrecevabilité prise par le commissaire se fonde sur l’article 135 de la Loi et sur le fait que la demanderesse s’est prévalue du processus d’arbitrage des différends prévu par la Loi. L’article 135 que l’on retrouve dans la section 9 de la Loi intitulée Arbitrage se lit :

 

Section 9

Arbitrage

Application de la section

Application

135. La présente section s’applique à l’employeur et à l’agent négociateur représentant une unité de négociation dans le cas où :

a) d’une part, le mode de règlement des différends applicable à l’unité de négociation est le renvoi à l’arbitrage;

b) d’autre part, les parties ont négocié de bonne foi en vue de conclure une convention collective, mais n’ont pu s’entendre sur une condition d’emploi qui peut figurer dans une décision arbitrale.

 

Division 9

Arbitration

Application of Division

Application

135. This Division applies to the employer and the bargaining agent for a bargaining unit whenever

(a) the process for the resolution of a dispute applicable to the bargaining unit is arbitration; and

(b) the parties have bargained in good faith with a view to entering into a collective agreement but are unable to reach agreement on a term or condition of employment that may be included in an arbitral award.

(Nous soulignons.)

 

 

[5]               Comme l’a souligné le commissaire, cet article énonce comme conditions cumulatives d’application de la section 9 de la Loi, premièrement que le renvoi à l’arbitrage comme mode de règlement des différends soit autorisé et, deuxièmement, que les parties, et pas seulement l’une d’elles, aient négocié de bonne foi en vue de conclure une convention collective.

 

[6]               Il n’était pas déraisonnable pour le commissaire d’inférer et de conclure dans un premier temps en application de l’article 135, que la demanderesse avait soumis ou reconnu par son recours à l’arbitrage que l’Agence canadienne d’inspection des aliments (Agence), durant la période pertinente en cours, avait négocié de bonne foi.

 

[7]               Dans un deuxième temps, sans qu’il n’enfreigne pour autant la norme de la raisonnabilité, il lui était loisible, à partir de cette première conclusion, de déclarer irrecevable la plainte subséquente de la demanderesse alléguant maintenant que, pour la même période, l’Agence avait négocié de mauvaise foi.

 

[8]               La demanderesse invoque à l’appui de ses prétentions une décision subséquente impliquant les mêmes parties, rendue par le même commissaire, dans laquelle il a rejeté une objection de l’intimée, similaire à celle qui fut faite et acceptée dans la présente instance : voir Professional Institute of the Public Service of Canada v. Canadian Food Inspection Agency, 2008 PSLRB 78.

 

[9]               Dans cette affaire, le commissaire a maintenu une plainte fondée sur l’alinéa 190(1)(b) de la Loi alléguant que l’intimée n’avait pas fait tous les efforts raisonnables pour conclure une convention collective alors et bien qu’il y eut, par la suite, une reprise des négociations, une médiation et, finalement, une demande d’arbitrage. Selon la demanderesse, cette nouvelle décision du même commissaire reconnaît que les recours sous l’alinéa 190(1)(b) et le paragraphe 135(b) de la Loi ne sont pas incompatibles, contredisant ainsi sur ce point sa décision antérieure qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

[10]           Avec respect, nous estimons que la demanderesse attribue à la décision qui est devant nous une portée qu’elle n’a pas et qui se désincarne des faits qui la sous-tendent et la justifient.

 

[11]           En outre, de l’aveu même de la demanderesse, la situation factuelle est dans l’affaire qui nous occupe, différente de celle qui prévalait dans la décision subséquente du commissaire. Le paragraphe 9 de la décision 2008 PSLRB 78 rapporte en ces termes la position de la demanderesse sur la question :

[9]        The complainant argues that the situation in 2008 PSLRB 50 is different from that of this case. When this complaint was filed, the complainant had not yet requested the establishment of an arbitration board. Furthermore, at the time of the hearing, an arbitration board had not yet been established. In 2008 PSLRB 50, the complainant had already applied for arbitration when it filed a complaint, and the arbitration board had issued its arbitral award when the complaint was heard.

 

[12]           Le commissaire a accepté cette prétention de la demanderesse parce que la plainte en vertu de l’alinéa 190(1)(b) avait précédé la demande d’arbitrage et qu’elle couvrait des comportements différents de ceux qui ont eu cours après la reprise des négociations qui ont conduit éventuellement à la demande d’arbitrage. Voici comment s’est exprimé le commissaire aux paragraphes 18 à 20 de sa décision :

[18]      In 2008 PSLRB 50, arbitration was requested four months before a bad-faith bargaining complaint was filed. Furthermore, an arbitration board had already been established by the Chairperson of the Board when the complaint was filed. Finally, when the complaint was heard, the arbitration board had rendered its arbitral award.

 

[19]      As argued by the complainant, the schedule of events differentiates this case from 2008 PSLRB 50. In that case, when the complaint was filed, the complainant had already requested arbitration. In this case, the request for arbitration was made several months after the complaint and the incidents that gave rise to it.

 

[20]      To decide on the objection, the Board needs to look at the situation as it was in October 2007, when the complaint was filed, and as it was on January 23, 2008, the date of the incident that is the subject of the amendment. At those times, the complainant had not yet requested arbitration. If the complaint had been heard before April 2008, this objection could not have been made.

 

[13]           En d’autres termes, les deux demandes, soit celle de sanctionner la mauvaise foi de l’intimée et celle de requérir un arbitrage, couvraient deux périodes de temps différentes donnant, par les comportements affichés, ouverture aux deux remèdes recherchés.

 

[14]           Mais tel n’est pas le cas dans le présent dossier. La demanderesse a exercé un choix entre deux recours qui, dans les circonstances, ne pouvaient cohabiter dans l’ordre où le recours choisi fut exercé. À notre avis, le commissaire n’a pas eu tort de contraindre la demanderesse à s’en tenir à l’option qu’elle avait choisie.

 

[15]           De fait le différend fut renvoyé à l’arbitrage le 12 septembre 2006. L’arbitrage eut lieu les 31 janvier et 1er février 2007. La plainte alléguant une négociation de mauvaise foi fut déposée le 15 janvier 2007. La décision arbitrale fut rendue le 14 février 2007.

 

[16]           La demanderesse soumet qu’entre la demande d’arbitrage faite le 12 septembre 2006 et le moment où la plainte alléguant mauvaise foi fut déposée le 15 janvier 2007, il n’y a pas eu de négociations entre les parties à cause de la mauvaise foi de l’Agence, de sorte que sa plainte était recevable et aurait dû être décidée à son mérite.

 

[17]           Or la source de cette mauvaise foi, soit la difficulté pour l’Agence d’obtenir du Conseil du Trésor un mandat concernant les offres salariales, était celle qui prévalait pour toute la période antérieure au 12 septembre 2006 et que la demanderesse a reconnu par sa demande d’arbitrage comme ne constituant pas de la mauvaise foi. En somme la situation après le 12 septembre 2006 n’était pas différente de celle qui existait avant cette date, de sorte que, dans les circonstances, elle ne pouvait fonder une plainte sous l’alinéa 190(1)(b) de la Loi.

 

[18]           Enfin, bien que la décision arbitrale fut rendue et que le dossier fut clos, la demanderesse a cherché à obtenir du commissaire une déclaration pour le futur. L’objectif de l’article 190, et plus précisément de l’alinéa (1)(b), est d’amener les parties à négocier de bonne foi et, à cette fin, d’obtenir une déclaration ordonnant que les négociations se poursuivent dans le respect de ce devoir imposé par la Loi en vue de conclure la convention collective en cours de discussion. Si la demanderesse avait entrepris les démarches en temps opportun pour obtenir une telle déclaration pour le présent, elle n’aurait pas eu à chercher tardivement à en obtenir une pour une convention collective future.

 

[19]           Pour ces motifs la demande de contrôle judiciaire sera rejetée avec dépens.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-435-08

 

Appel d’une décision de M. Renaud Paquet, commissaire à la Commission des relations de travail dans la fonction publique, 2008 CRTFP 50, le 4 juillet 2008.

 

INTITULÉ :                                                                           Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Procureur général du Canada

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Ottawa (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   2 juin 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                       LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                LE JUGE NADON

                                                                                                LE JUGE BLAIS

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :                                        LE JUGE LÉTOURNEAU

 

COMPARUTIONS :

 

Sean T. McGee

POUR LA DEMANDERESSE

 

Neil McGraw

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Nelligan O'Brien Payne LLP

POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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