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Date : 20100218

Dossier : A-215-08

Référence : 2010 CAF 51

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE EVANS                 

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

INTERNATIONAL PENTECOSTAL MINISTRY

FELLOWSHIP OF TORONTO (IPM)

appelant

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

SA MAJESTÉ LA REINE

intimé

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 18 février 2010

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 18 février 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                         LE JUGE SEXTON

           


Date : 20100218

Dossier : A-215-08

Référence : 2010 CAF 51

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE EVANS     

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

INTERNATIONAL PENTECOSTAL MINISTRY

FELLOWSHIP OF TORONTO (IPM)

appelant

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

SA MAJESTÉ LA REINE

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 18 février 2010)

 

LE JUGE SEXTON

 

Contexte factuel

[1]               L’appelant a été constitué en société le 8 novembre 1990. Il a été enregistré en tant qu’organisme de bienfaisance le 1er janvier 1991 sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e Suppl.) (la « LIR »). En novembre 2005, l’intimé a procédé à une vérification comptable de l’appelant relativement aux exercices 2002 et 2003. Le vérificateur a conclu que l’appelant contrevenait à plusieurs de ses obligations aux termes de la Loi, dont la nécessité de tenir des livres et registres comptables adéquats, de délivrer des reçus officiels de dons, de respecter la norme prescrite, de déclarer avec exactitude tous les reçus officiels de dons, et de conserver les documents établissant ses activités et dépenses engagées à l’étranger.

 

[2]               Le 4 juillet 2006, l’intimé a avisé l’appelant des résultats de la vérification et l’a invité à y répondre. Celui‑ci a répondu en présentant une demande de prorogation du délai accordé pour formuler sa réponse. Le 26 septembre 2006, l’intimé a envoyé à l’appelant deux lettres. Par la première lettre, il avisait celui‑ci qu’il avait l’intention de révoquer son enregistrement en tant qu’organisme de bienfaisance. Par la deuxième lettre, l’intimé lui accordait une prorogation de délai jusqu’au 6 octobre 2006 pour qu’il soumette ses observations.

 

[3]               Le 5 octobre 2006, l’appelant a déposé un avis d’opposition. L’avis indiquait que l’appelant avait changé de cabinet comptable et qu’il aurait de nouveau besoin de plus de temps pour répondre aux résultats de la vérification comptable. Le 8 février 2008, l’intimé a informé l’appelant de son intention de confirmer l’avis d’intention de révoquer l’enregistrement, et lui a accordé un délai de prorogation allant jusqu’au 10 mars 2008 pour présenter des observations supplémentaires. L’appelant a répondu le 14 mars 2008 et expliqué les contradictions et les erreurs figurant dans les reçus délivrés ainsi que dans les registres comptables.

 

[4]               Le 9 avril 2008, l’intimé a écrit à l’appelant pour l’informer qu’il avait examiné ses observations ultérieures et que, compte tenu des résultats de la vérification comptable et la correspondance ultérieure, il confirmait qu’il se proposait de révoquer l’enregistrement de l’appelant en tant qu’organisme de bienfaisance. L’appelant porte maintenant en appel ladite révocation.

 

Questions en litige

[5]               L’appelant soulève deux arguments. Premièrement, il soutient que la réglementation des organismes de bienfaisance dépasse la compétence du législateur fédéral parce que cette matière relève de la compétence législative exclusive des provinces. Par conséquent, l’intimé a outrepassé sa compétence et sa décision est nulle ab initio. Deuxièmement, il soutient que l’intimé a omis de respecter ses propres lignes directrices lorsqu’il a décidé de révoquer l’enregistrement de l’appelant en tant qu’organisme de bienfaisance, sans essayer d’abord de traiter la non‑conformité à la Loi par des mesures de sensibilisation, une entente de conformité et une sanction.

 

Analyse

1. Compétence

[6]               L’absence alléguée de pouvoir constitutionnel de prendre une décision constitue une question touchant véritablement à la compétence que la Cour suprême du Canada a examinée dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, 2008 CSC 9, au paragraphe 59 (Dunsmuir). Les questions de compétence, comme dans la présente affaire, sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte.

 

[7]               Le pouvoir de légiférer en matière d’organismes de bienfaisance relève exclusivement des provinces en vertu du paragraphe 92(7) de la Loi constitutionnelle de 1867. En vertu du paragraphe 91(3) de la Loi constitutionnelle de 1867, le Parlement du Canada peut faire des lois relatives au « prélèvement de deniers par tous modes ou systèmes de taxation ». Par conséquent, la résolution de la présente affaire porte sur la question de savoir si l’enregistrement ou la révocation de l’enregistrement des organismes de bienfaisance sous le régime de la LIR relève de la réglementation des organismes de bienfaisance, en vertu du paragraphe 92(7), ou de celle de la fiscalité, en vertu du paragraphe 91(3).

 

[8]               Nous ne sommes pas convaincus que l’argument de l’appelant selon lequel les dispositions de la LIR en matière d’enregistrement et de révocation de l’enregistrement des organismes de bienfaisance portent une atteinte inconstitutionnelle à la compétence législative des provinces est bien fondé. À notre avis, les dispositions en question relèvent, de par leur caractère véritable, de la fiscalité fédérale, et donc de la compétence du Parlement du Canada visée au paragraphe 91(3) de la Loi constitutionnelle de 1867. Les avantages associés à l’enregistrement ainsi que les désavantages associés à sa révocation relèvent uniquement du traitement fiscal des organismes de bienfaisance et de leurs donateurs. Ils ne touchent pas autrement, de manière inacceptable, aux activités des organismes de bienfaisance, ni ne font obstacle au pouvoir réglementaire des provinces à cet égard.

 

[9]               Nous sommes donc d’avis que l’intimé a agi dans les limites de sa compétence lorsqu’il a révoqué l’enregistrement de l’appelant en tant qu’organisme de bienfaisance.

 

2. L’intimé a-t-il omis de suivre ses propres lignes directrices, commettant ainsi une erreur?

[10]           L’appelant soutient également que l’intimé n’a pas tenu compte de ses propres lignes directrices lorsqu’il a révoqué son enregistrement en tant qu’organisme de bienfaisance sans favoriser le respect de la Loi au moyen de la sensibilisation, de sanctions ou d’une entente de conformité. L’exercice de son pouvoir discrétionnaire de révoquer l’enregistrement est susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité.

 

[11]           En l’espèce, l’intimé a fourni des arguments précis expliquant pourquoi les pratiques de l’appelant n’ont pas respecté la Loi. L’appelant a eu amplement de temps pour prendre les mesures nécessaires pour se conformer à la Loi. Celui‑ci n’a pas répondu de façon appropriée.

 

[12]           La décision de l’intimé, dans son ensemble, appartient aux issues possibles acceptables. Bien que l’appelant allègue que l’intimé a omis de suivre ses propres lignes directrices, compte tenu du présent dossier, il était raisonnablement loisible au ministre de conclure que les contraventions étaient suffisamment graves pour justifier la révocation de l’enregistrement.

 

Conclusion

[13]           Nous concluons donc que l’intimé n’a pas outrepassé sa compétence et que les mesures qu’il a prises étaient raisonnables aux termes de la LIR. Nous rejetterions l’appel, avec dépens en faveur de l’intimé.

 

     « J. Edgar Sexton »

j.c.a.

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                       A-215-08

 

(APPEL D’UN AVIS D’INTENTION DE RÉVOQUER L’ENREGISTREMENT DÉLIVRÉ LE 9 AVRIL 2008, PAR GHISLAINE LANDRY, GESTIONNAIRE, DIRECTION DES APPELS EN MATIÈRE FISCALE ET DE BIENFAISANCE, DOSSIER NO 0907774)

 

INTITULÉ :                                                      INTERNATIONAL PENTECOSTAL  

                                                                           MINISTRY FELLOWSHIP OF TORONTO (IPM) c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                              Le 18 février 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR PAR                                          (LES JUGES SEXTON, EVANS ET SHARLOW.)

 

PRONONCÉS À L' AUDIENCE PAR :         LE JUGE SEXTON

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jide Oladejo

Simeon A. Oyelade

POUR L’APPELANT

 

 

Joanna Hill

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR L’APPELANT

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉ

 

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