Date : 20100226
Dossier : A‑595‑08
Référence : 2010 CAF 66
CORAM : LE JUGE SEXTON
LA JUGE DAWSON
LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON
ENTRE :
NICO VAN DUYVENBODE
demandeur
et
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 23 février 2010
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 26 février 2010
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE DAWSON
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE SEXTON
LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON
Date : 20100226
Dossier : A‑595‑08
Référence : 2010 CAF 66
CORAM : LE JUGE SEXTON
LA JUGE DAWSON
LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON
ENTRE :
NICO VAN DUYVENBODE
demandeur
et
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] La Cour statue sur une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) a refusé d’accorder au demandeur une prorogation du délai qui lui était imparti pour déposer un grief. La question en litige dans le présent appel est celle de savoir si le refus de la Commission était raisonnable.
Faits et historique procédural
[2] Le demandeur travaillait pour la fonction publique fédérale. Il allègue qu’il a commencé à faire l’objet de harcèlement et de discrimination de la part de ses supérieurs en 1997. Au lieu de déposer un grief pour se plaindre de ces agissements, il a introduit en 2003, devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, une action civile dans laquelle il réclamait des dommages‑intérêts en réparation du harcèlement et de la discrimination dont il affirmait avoir été victime. La décision du demandeur d’engager un procès au civil s’explique par le fait qu’il était d’avis qu’il n’obtiendrait pas une réparation adéquate s’il utilisait le système de règlement des différends prévu par la loi fédérale applicable.
[3] En avril 2006, le demandeur a, dans le cadre de son procès civil, présenté une requête en injonction en vue d’empêcher son licenciement. Il a été débouté de sa requête parce qu’il n’avait pas réussi à démontrer qu’il subirait un préjudice irréparable. Pour rejeter la requête, la Cour a fait observer que, s’il était licencié, le demandeur pourrait déposer un grief et obtenir une des nombreuses réparations prévues par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (la Loi). La Cour a exprimé ses doutes quant à la possibilité pour le demandeur de poursuivre son procès au civil.
[4] Le 3 mai 2006, le demandeur a été licencié. Il n’a pas déposé de grief, mais il a modifié son procès en instance au civil pour soulever la question de son présumé licenciement illégal.
[5] Le 25 juin 2007, la déclaration du demandeur a été radiée sur le fondement de l’arrêt Vaughan c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 146, de la Cour suprême du Canada et de l’article 236 de la Loi qui, dans sa rédaction en vigueur en 2005, déclarait irrecevable toute action en justice portant sur tout différend lié au licenciement ou aux conditions d’emploi d’un fonctionnaire. Le demandeur a été avisé le 7 juillet 2007 de la décision radiant sa demande.
[6] Le 24 août 2007, le demandeur a communiqué avec la Commission au sujet de ses plaintes. On l’a informé qu’il lui fallait obtenir une prorogation de délai pour pouvoir soumettre un grief et qu’il devait demander sans délai cette prorogation. La Commission a reçu une demande de prorogation le 30 novembre 2007.
[7] La Commission a refusé la demande de prorogation le 29 octobre 2008. Ce refus constitue la décision qui est présentement soumise à la Cour.
Décision de la Commission
[8] La Commission a commencé son examen de la question en litige en énumérant les critères dont elle tient compte pour se prononcer sur toute demande de prorogation. Le demandeur n’a rien à reprocher à la Commission en ce qui concerne la façon dont elle a exposé les critères applicables.
[9] La Commission a ensuite conclu que le demandeur n’avait invoqué aucun motif solide ou convaincant pour expliquer son retard à soumettre un grief. La Commission a estimé que ce défaut d’invoquer des motifs suffisants tranchait le sort de la demande de prorogation. La Commission a poursuivi en signalant que « la longueur du délai est importante, que le demandeur n’a pas fait preuve de diligence raisonnable et que le préjudice à l’employeur l’emporte sur toute injustice causée au demandeur ».
Erreurs reprochées par le demandeur
[10] Le demandeur affirme que la conclusion de la Commission suivant laquelle il n’avait invoqué aucun motif solide ou convaincant pour expliquer son retard est déraisonnable à deux égards. Il affirme en premier lieu que la Commission a mal compris les conséquences de l’arrêt Vaughan de la Cour suprême du Canada. En second lieu, il affirme que la Commission n’a pas tenu compte de certains éléments de preuve.
Norme de contrôle
[11] Les parties conviennent qu’il s’agissait d’une décision discrétionnaire de la Commission et que ce genre de décision commande le degré de déférence le plus élevé. Je suis du même avis. Le contrôle de cette décision devrait par conséquent s’effectuer selon la norme de la décision raisonnable.
Application de la norme de contrôle
[12] Le demandeur soutient que sa décision d’intenter une poursuite au civil constitue une explication claire, solide et convaincante de sa décision de ne pas avoir formulé un ou plusieurs griefs en temps utile. Il ajoute que la Commission a commis une erreur en déclarant que, par suite de l’arrêt Vaughan, rendu en 2005, il est « devenu clair […] que la procédure de règlement des griefs était le mécanisme approprié ».
[13] Je ne décèle aucune erreur dans les motifs de la Commission sur ce point. Dans l’arrêt Vaughan, la Cour suprême a jugé que, dans les cas des différends en milieu de travail, on doit recourir aux mécanismes prévus par le législateur. La Cour suprême a tout de même reconnu que les tribunaux conservaient une certaine compétence résiduelle. Au paragraphe 42 de ses motifs, la Commission a reconnu l’existence d’une telle compétence. Contrairement à ce que prétend le demandeur, la Commission n’a pas conclu que l’arrêt Vaughan interdisait aux fonctionnaires tout accès aux tribunaux supérieurs pour faire trancher les différends en milieu de travail.
[14] Par ailleurs, je ne suis pas d’accord pour dire que la Commission n’a pas tenu compte de certains éléments de preuve. Le demandeur affirme que la Commission n’a pas tenu compte de son affirmation qu’il avait communiqué avec elle pour la première fois en août 2007 et qu’elle a plutôt conclu qu’il avait attendu jusqu’en novembre 2007 pour demander une prorogation de délai. Au paragraphe 24 de ses motifs, la Commission mentionne que le premier contact que le demandeur a eu avec elle remontait au mois d’août 2007. Il est donc faux de dire que la Commission n’a pas tenu compte de cet élément de preuve. Il n’était pas déraisonnable de la part de la Commission de se fonder sur la date de novembre 2007 parce que ce n’est qu’alors que le demandeur a déposé sa demande officielle de prorogation de délai.
[15] À toutes les époques pertinentes, le demandeur était au courant de l’existence du mécanisme de règlement des griefs. Il n’y a pas eu recours parce qu’il ne croyait pas obtenir une réparation suffisante s’il procédait de cette manière. Au moment où sa requête en injonction a été rejetée en avril 2006, la Cour suprême du Canada avait rendu ses motifs dans Vaughan et, lorsqu’elle a rejeté la requête en injonction, la Cour a cité cet arrêt dans ses motifs. En réponse à la requête en radiation de sa demande, le demandeur a tenté de faire valoir qu’il était un « dénonciateur », de manière à pouvoir relever de la compétence résiduelle de la Cour au sens de l’arrêt Vaughan. La Cour a rejeté cet argument en affirmant que cette prétention était [traduction] « invraisemblable ». Ce n’est qu’après que la Cour eut radié son action que le demandeur a pris des mesures pour tenter d’obtenir une prorogation de délai afin de formuler un ou plusieurs griefs. Dans sa demande de prorogation de délai, il affirme que ses plaintes remontent à 1997.
[16] Il ne s’agit pas d’un cas dans lequel une erreur a été commise de bonne foi au sujet du choix de l’autorité compétente. Le demandeur a délibérément choisi de ne pas déposer de grief parce qu’il croyait qu’il n’obtiendrait pas une réparation suffisante s’il agissait ainsi. Vu l’ensemble des faits, il était loisible à la Commission de conclure qu’aucun motif convaincant n’avait été invoqué pour justifier le défaut de déposer un grief dans les délais impartis.
[17] La Commission a exposé des motifs intelligibles qui justifient sa conclusion. Sa décision appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La décision de la Commission était par conséquent raisonnable.
[18] Pour ces motifs, je rejetterais la demande avec dépens.
« Je suis d’accord.
J. Edgar Sexton, j.c.a. »
« Je suis d’accord.
Carolyn Layden‑Stevenson, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A‑595‑08
INTITULÉ : NICO VAN DUYVENBODE c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 23 février 2010
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE DAWSON
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE SEXTON
LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON
DATE DES MOTIFS : Le 26 février 2010
COMPARUTIONS :
POUR LE DEMANDEUR
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous‑procureur général du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR |