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Date : 20100223

Dossier : A-134-09

Référence : 2010 CAF 59

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER                    

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

LINDA GAUDET

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Frédéricton (Nouveau-Brunswick), le 22 février 2010

Jugement rendu à Frédéricton (Nouveau-Brunswick), le 23 février 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LA JUGE TRUDEL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                LE JUGE NOËL

                                                                                                                         LE JUGE PELLETIER

 


Date : 20100223

Dossier : A-134-09

Référence : 2010 CAF 59

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER                    

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

LINDA GAUDET

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE TRUDEL

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire faisant suite à la décision par laquelle la Commission d’appel des pensions (la Commission) a conclu que les éléments de preuve que Mme Gaudet avait soumis pour examen conformément au paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 (le Régime), ne satisfaisaient pas au critère des « faits nouveaux » à respecter pour établir l’invalidité et la capacité professionnelle de la demanderesse en date du 31 décembre 1997, date à laquelle la période minimale d’admissibilité (PMA) de la demanderesse a pris fin.

[2]               Bien que je sois sensible à la situation difficile dans laquelle se trouve Mme Gaudet, force m’est de conclure que sa demande ne peut être accueillie. En l’espèce, la question n’est pas celle de savoir si Mme Gaudet souffre de fibromyalgie, mais plutôt celle de savoir si, en date du 31 décembre 1997, elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée qui la rendait régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice (voir l’alinéa 42(2)a) du Régime).

 

[3]               Notre Cour a affirmé à maintes reprises que, pour être admissible en tant que révélatrice de « faits nouveaux », la preuve doit remplir deux critères : 1) elle doit établir un fait (en général un état pathologique visé par le Régime) qui existait au moment de la première audience, mais ne pouvait être découvert avant celle‑ci moyennant une diligence raisonnable (c’est le « critère de la possibilité de découverte »); 2) il doit être raisonnablement probable que cette preuve aurait influé sur la décision rendue à l’issue de la première audience (c’est le « critère du caractère substantiel ») (Canada (Procureur général) c. MacRae, [2008] A.C.F. no 393 (MacRae), au paragraphe 16; voir également Kent c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. no 2083, aux paragraphes 33 à 35 (Kent); Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Macdonald, [2002] A.C.F. no 197, au paragraphe 2 ; Mazzotta c. Canada (Procureur général), [2007] A.C.F. no 1209, au paragraphe 45). Il n’est pas contesté que la Commission a exposé correctement les deux volets de ce critère. La présente demande de contrôle judiciaire concerne surtout le premier volet – le « critère de la possibilité de découverte » – et l’appréciation que la Commission a faite des éléments de preuve s’y rapportant.

 

[4]               La norme de contrôle qui régit la conclusion tirée au sujet de l’existence de « faits nouveaux » au sens du paragraphe 84(2) du Régime est celle de la décision raisonnable (Taylor c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2005 CAF 293, au paragraphe 12). Par conséquent, notre Cour doit se demander si la décision de la Commission appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).

 

[5]               Les faits révèlent qu’en 1998, la demanderesse a présenté sans succès au ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences une demande de prestations d’invalidité dans laquelle elle déclarait être invalide en raison de la sarcoïdose. Sa demande de réexamen a été refusée. La demanderesse a alors interjeté appel au tribunal de révision qui, le 4 août 1999, a conclu que les rapports du rhumatologue ne faisaient pas état de l’existence d’une invalidité au sens du Régime. La demanderesse a présenté une demande d’autorisation d’en appeler de cette décision, demande dont elle s’est par la suite désistée. Puis, en juin 2004, elle a introduit une seconde demande, dont elle s’est également désistée en juillet 2006.

 

[6]               Finalement, en août 2006, la demanderesse a, en vertu du paragraphe 84(2) du Régime, sollicité le réexamen de la décision rendue en 1999 par le tribunal de révision en invoquant des faits nouveaux, en l’occurrence le fait qu’elle souffrait également de fibromyalgie depuis 1997. Dans une décision rendue en avril 2007, un tribunal de révision différemment constitué a accepté la demande sur le fondement de ces nouveaux éléments de preuve. Le tribunal a toutefois conclu que rien ne prouvait que la fibromyalgie était présente au moment où sa PMA avait pris fin et que l’invalidité dont la demanderesse était atteinte n’était pas suffisamment grave pour justifier une pension d’invalidité.

[7]               Comme il a déjà été précisé, la Commission qui a été saisie de l’appel de cette décision a estimé que les allégations de la demanderesse suivant lesquelles elle souffrait de fibromyalgie à l’époque de sa PMA ne constituaient pas des faits nouveaux. La Commission a estimé que l’existence de la fibromyalgie à l’époque de la PMA n’avait pas été démontrée et qu’il était donc peu probable que cette preuve aurait influé sur l’issue de l’affaire (décision de la Commission, au paragraphe 2). La Commission a par conséquent conclu que la demande présentée par Mme Gaudet en vue de faire réexaminer son dossier en raison de l’existence de faits nouveaux échouait parce qu’aucune des deux conditions n’était remplie (décision de la Commission, au paragraphe 2). La décision rendue en 1999 par le tribunal de révision était donc définitive et exécutoire (ibidem, au paragraphe 3).

 

[8]               La thèse de la demanderesse peut se résumer comme suit : dans un cas comme celui de la fibromyalgie, dont les symptômes sont purement subjectifs, le fait de ne pas présenter suffisamment d’éléments de preuve objectifs n’est pas nécessairement déterminant (mémoire de la demanderesse, au paragraphe 53). La demanderesse soutient que, comme la fibromyalgie est une maladie évolutive, [traduction] « un changement de diagnostic peut s’avérer probant, voire crucial en ce qui concerne la question de savoir si la demanderesse est atteinte ou non d’une invalidité grave et prolongée » (ibidem, au paragraphe 56). Au soutien de sa thèse, la demanderesse cite les arrêts MacRae, précité, et Kent, précité, dans lesquels notre Cour s’est dite d’avis que, pour certains cas d’invalidité, par exemple ceux résultant d’affections physiques et mentales, qui ne sont pas bien compris des médecins, il est important de s’assurer que la règle des faits nouveaux n’est pas appliquée d’une manière indûment rigide, qui priverait un requérant du droit à ce que sa réclamation soit évaluée au fond, d’une manière équitable (voir l’arrêt Kent, aux paragraphes 32 et 36). Aux yeux de la demanderesse, il est concevable que le diagnostic de sarcoïdose qui a été posé en 1995 ait été erroné, ou que les médecins traitants se soient occupés seulement de la sarcoïdose tout en ignorant l’autre diagnostic de fibromyalgie, comme dans MacRae, où il y avait un double diagnostic de douleurs lombaires et de dépression, et Kent, où il était question de fibromyalgie et de dépression (mémoire de la demanderesse, au paragraphe 55).

 

[9]               Dans le même ordre d’idées, la demanderesse critique sévèrement l’appréciation que la Commission a faite de la preuve qu’elle a produite, laquelle comprenait des rapports médicaux établis par des rhumatologues, les Drs Ecker et Docherty et par son médecin généraliste, le Dr Park.

 

[10]           Je suis d’avis que cette critique est injustifiée. En premier lieu, le principe qui a été posé dans l’arrêt Kent, précité, et qui a été invoqué dans l’arrêt MacRae, précité, n’est pas en jeu. Dans le présent dossier, aucun symptôme n’a été passé sous silence. Au contraire, les symptômes de la demanderesse ont été bien observés et étudiés à fond.

 

[11]           En second lieu, la Commission a soigneusement examiné la preuve médicale et elle a préféré celle des rhumatologues, comme elle avait le droit de faire. Le Dr Docherty avait signé en décembre 1997 un rapport dans lequel il affirmait que [traduction] « la plupart des constatations [relatives à la demanderesse] se limitaient à son pied […] Il n’y a pas d’autres articulations qui sont atteintes. Linda se porte bien » (dossier d’appel, volume 1, à la page 43).

 

[12]           Des rapports subséquents établis par les mêmes rhumatologues à partir de 2000 faisaient allusion à des symptômes [traduction] « relevant de la fibromyalgie », sans toutefois conclure carrément aux premières manifestations de cette maladie (dossier d’appel, à l’onglet I). En 2008, le Dr Docherty s’est dit d’avis que la fibromyalgie avait évolué pendant quelques années avant 2005 (dossier d’appel, volume 1, à l’onglet Q-1). Comme l’affirme la Commission, « les seules preuves qui auraient pu, en théorie » permettre de retenir une date antérieure à celle à laquelle la période minimale d’admissibilité de la demanderesse a pris fin, sont celles fournies par le Dr Park, qui a le premier conclu à l’existence de la fibromyalgie en 1999, pour ensuite la faire remonter à 1994, après avoir été informé de la date exacte à laquelle la PMA avait pris fin. La Commission n’a pas accepté l’avis du Dr Park sur ce point (décision de la Commission, au paragraphe 6). Cette conclusion n’était pas déraisonnable. En fin de compte, le fait de diagnostiquer une sarcoïdose ou une fibromyalgie ne pouvait en soi améliorer les chances de la demanderesse de recevoir une pension d’invalidité si elle ne soumettait pas des éléments de preuve convaincants démontrant qu’elle était invalide au sens du Régime à la date à laquelle la PMA avait pris fin.

 

[13]           En conséquence, j’estime que la décision de la Commission repose sur la preuve versée au dossier et qu’elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[14]           Je rejetterais par conséquent la demande de contrôle judiciaire, le tout sans frais.

 

 

« Johanne Trudel »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

            Marc Noël »

 

« Je suis d’accord.

            J.D. Denis Pelletier »

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A-134-09

 

APPEL D’UNE DÉCISION RENDUE PAR LA COMMISSION D’APPEL DES PENSIONS LE 16 FÉVRIER 2009

 

INTITULÉ :                                                   LINDA GAUDET c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Frédéricton (Nouveau-Brunswick)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 22 février 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE TRUDEL    

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE NOËL

                                                                        LE JUGE PELLETIER

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 23 février 2010       

 

 

COMPARUTIONS :

 

Vanessa Anderson

POUR LA DEMANDERESSE

 

Joël Robichaud

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stewart McKelvey

Frédéricton  (Nouveau-Brunswick)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Ressources humaines

et Développement des compétences

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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