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Cour d’appel fédérale

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Federal Court of Appeal

Date : 20100414

Dossier : A-291-09

Référence : 2010 CAF 101

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

MIKHAIL PERSIIANTSEV

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 14 avril 2010.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 14 avril 2010.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                       LE JUGE NOËL

 


Cour d’appel fédérale

emblem

 

Federal Court of Appeal

Date : 20100414

Dossier : A-291-09

Référence : 2010 CAF 101

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

MIKHAIL PERSIIANTSEV

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 14 avril 2010.)

 

LE JUGE NOËL

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision du juge-arbitre Stevenson portant que Mikhail Persiiantsev (le prestataire) avait un motif valable pour avoir soumis sa demande de prestations en retard et que sa demande pouvait en conséquence être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure. En rendant cette décision, le juge-arbitre confirmait une décision antérieure du conseil arbitral (le conseil).

 

 

[2]               Le paragraphe 10(5) de Loi sur l’assurance-emploi, L.R. 1996, ch. 23, (la Loi) prévoit les circonstances dans lesquelles une demande de prestations peut être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure :

 

10. (5) Lorsque le prestataire présente une demande de prestations, autre qu’une demande initiale, après le délai prévu par règlement pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si celui-ci démontre qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

 

 

10. (5) A claim for benefits, other than an initial claim for benefits, made after the time prescribed for making the claim shall be regarded as having been made on an earlier day if the claimant shows that there was good cause for the delay throughout the period beginning on the earlier day and ending on the day when the claim was made.

 

 

[3]               L’essentiel du raisonnement suivi par le conseil pour permettre que la demande soit considérée comme ayant été présentée à une date antérieure est exposé dans les termes suivants (motifs du conseil, dossier de la demande, page 53) :

 

 

Par le truchement de son interprète, le prestataire a indiqué qu'il n'a pas reçu les paiements de prestations auxquels il avait droit en raison de sa faible maîtrise de l'anglais, du peu d'information dispensée par Service Canada et parce qu'il croyait avoir épuisé toutes les prestations de sa demande initiale, ce qui n'était pas le cas.

 

[...]

 

Dans la présente affaire, la raison invoquée par le prestataire pour avoir tardé à renvoyer sa déclaration constitue-t-elle un motif valable au sens de la Loi? Le prestataire a indiqué qu'il avait eu des problèmes au moment de transmettre sa troisième déclaration par Télédec. Le code d'accès téléphonique, qui avait bien fonctionné jusque-là, n'était plus valide la troisième fois. Le juge-arbitre dans Caverly c. Canada (décision CUB 55057) a

 

 

 

établi que les difficultés survenues au moment d'utiliser le système Télédec pouvaient avoir une incidence sur la non-présentation de ses déclarations de quinzaine. [...]

En l'espèce, compte tenu de la difficulté qu'avait eue le prestataire à accéder au système Télédec, et considérant sa connaissance limitée du régime de l'assurance-emploi en raison de la barrière des langues et du manque d'assistance de Service Canada, le conseil conclut que le prestataire a agi comme l'aurait fait une personne raisonnable dans la même situation et qu'il a montré qu'il avait un motif valable pour son retard.

 

[4]               Après avoir cité ce passage de la décision du conseil, le juge-arbitre a précisé que la question de savoir si le prestataire avait un motif valable en était une de fait. Il a ensuite rejeté l’appel de la décision du conseil au motif qu’il n’avait pas été démontré qu’elle était déraisonnable.

 

[5]               Le demandeur soutient que le juge-arbitre a commis une erreur susceptible de révision en n’intervenant pas. En particulier, il fait valoir que le conseil n’a pas tenu compte de la preuve selon laquelle le prestataire avait reçu son code d’accès en même temps que des instructions, qu’il avait rempli avec succès deux déclarations au moyen du système Télédec et qu’il avait reçu deux chèques de prestations. Dans la même veine, le demandeur allègue que le conseil n’a pas tenu compte de la preuve du prestataire selon laquelle la raison pour laquelle ce dernier n’avait pas donné suite à sa demande était qu’il croyait avoir reçu toutes les  prestations disponibles.

 

[6]               À ce titre, le demandeur fait valoir que la conclusion du conseil selon laquelle le défaut de présenter la demande en temps opportun était dû à des difficultés de langue est déraisonnable et que le juge-arbitre était tenu d’intervenir.

 

 

 

[7]               Nous ne partageons pas cette opinion. En ce qui a trait aux deux premières tentatives réussies d’utiliser le système Télédec, le conseil a accepté la preuve du prestataire que le code

 

 

d’accès, qui avait fonctionné pour lui dans le passé, ne fonctionnait plus pour lui la troisième fois. Il était loisible au conseil de parvenir à cette conclusion qui ne peut être considérée comme déraisonnable.

[8]               En ce qui a trait à l’affirmation du prestataire selon laquelle il croyait que ses droits aux prestations étaient épuisés, il a expliqué au conseil que telle était la raison pour laquelle il n’avait pas persisté lorsque son code d’accès n’a pas fonctionné la troisième fois. Le conseil a finalement attribué la compréhension erronée que le prestataire avait de ses droits à des difficultés linguistiques et au manque d’aide dispensée par Service Canada. De nouveau, il était loisible au conseil de parvenir à cette conclusion qui ne peut pas être considérée comme déraisonnable.

 

[9]               Subsidiairement, le demandeur soutient que, bien que le conseil ait déterminé le critère approprié pour démontrer l’existence d’un motif valable, il ne l’a pas appliqué correctement. Le critère en question a été énoncé par la Cour dans la décision Canada (Procureur général) c. Waldemar Albrecht, [1985] 1 C.F. 170 :

 

[...] lorsqu'un prestataire a omis de formuler sa demande dans le délai imparti et qu'en dernière analyse, l'ignorance de la loi est le motif de cette omission, on devrait considérer qu'il a prouvé l'existence d'un "motif valable" s'il réussit à démontrer qu'il a agi comme l'aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s'assurer des droits et obligations que lui impose la Loi [...]

 

 

[10]           Le demandeur fait valoir que la conviction du prestataire qu’il avait reçu toutes les prestations de sa demande ne suffit pas à démontrer l’existence d’un motif valable qui justifie le retard et que le conseil a commis une erreur en acceptant cette explication, sans plus.

 

[11]           Cependant, le conseil savait très bien que l’ignorance de la loi ne constitue pas un motif valable pour présenter une demande en retard, puisqu’il le dit dans ses motifs (motifs du conseil, dossier du demandeur, page 53). Une interprétation raisonnable de la décision du conseil montre que les arbitres comprenaient que le prestataire devait démontrer l’existence d’un motif valable justifiant le retard durant toute la période, que la norme applicable est celle d’une personne raisonnable dans la même situation et que l’ignorance de la loi, sans plus, ne suffit pas. Ces facteurs sont conformes au critère juridique permettant d’établir l’existence d’un motif valable.

 

[12]           À notre avis, il n’a pas été démontré que le conseil a commis une erreur dans l’application de ce critère.

 

[13]           La demande de contrôle judicaire sera rejetée.

 

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-291-09

 

(DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE VISANT UNE DÉCISION DE MONSIEUR LE JUGE STEVENSON, À TITRE DE JUGE-ARBITRE, CUB 72513)

 

INTITULÉ :                                                                           LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c.

MIKHAIL PERSIIANTSEV

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 14 AVRIL 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                       LES JUGES NOËL, EVANS ET DAWSON

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :                               LE JUGE NOËL

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Derek Edwards

POUR LE DEMANDEUR

 

Mikhail Persiiantsev

POUR LE DÉFENDEUR

(S’est représenté lui-même)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles Kirvan

Sous-procureur général Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

S.O.

POUR LE DÉFENDEUR

(S’est représenté lui-même)

 

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