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Cour d'appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20100521

Dossier : A-250-09

Référence : 2010 CAF 127

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

VILLE DE CALGARY

intimée

 

 

 

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 13 janvier 2010.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 mai 2010.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :                                                                              LE JUGE EN CHEF BLAIS

LA JUGE SHARLOW

 

 


Cour d'appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20100521

Dossier : A-250-09

Référence : 2010 CAF 127

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

VILLE DE CALGARY

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PELLETIER

INTRODUCTION

[1]               La Ville de Calgary (la Ville) a construit un réseau de transport destiné à ses résidents conformément aux obligations que lui imposait la City Transportation Act, R.S.A 2000, ch. C-14 (la CTA). Dans le cadre du projet de construction de ce réseau, la Ville a conclu des accords de financement avec la Province d’Alberta (la province) comme le prévoyait la CTA.

 

[2]               La Ville a payé la TPS à l’égard des achats faits dans le cadre de la construction du réseau de transport. La fourniture de services municipaux de transport étant une fourniture exonérée, selon la définition qui en est donnée dans la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 ( la Loi), la Ville n’a pas le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants à l’égard des achats faits pour réaliser cette fourniture exonérée. La Ville était d’avis que la construction du réseau de transport (par opposition à son exploitation) constituait une fourniture distincte à la province,  conformément aux contrats conclus avec celle‑ci, à l’égard de laquelle la province a payé une contrepartie, conformément à ces mêmes contrats. La Ville a soutenu que cette fourniture distincte n’était pas une fourniture exonérée et a demandé des crédits de taxe sur les intrants à l’égard de cette fourniture. Le ministre a rejeté cet argument, mais la Cour canadienne de l’impôt l’a accepté dans une décision répertoriée sous l’intitulé Ville de Calgary c. La Reine, 2009 CCI 272, [2009] A.C.I. no 195. Je suis en désaccord. Pour les motifs exposés ci‑dessous, je suis d’avis d’accueillir l’appel.

 

LES FAITS

[3]               La Ville est constituée en vertu de la Municipal Government Act, R.S.A. 2000, ch. M‑26. En tant que ville, elle est assujettie à la CTA qui l’oblige à élaborer un plan en matière de transport et à le mettre en œuvre par la construction d’un réseau de transport dont elle doit acquitter les coûts. Avant de commencer la construction d’une installation de transport, la Ville doit soumettre le projet à la province. Si la province approuve le projet, elle peut conclure un accord de partage des coûts avec la Ville. À défaut d’entente contraire, le réseau de transport appartient à la Ville. En l’espèce, il n’existe aucune entente contraire.

 

[4]               Conformément à la CTA, la Ville a élaboré un plan en matière de transport (le plan) et a entrepris de le mettre en œuvre. La province a approuvé le plan et a conclu des accords avec la Ville relativement à la construction des installations de transport prévues dans le plan. Les accords se rapportaient à la construction des voies de circulation et aux installations de transport en commun, mais nous nous intéresserons seulement aux installations de transport en commun puisque aucune question de fourniture exonérée n’a été soulevée relativement à la construction des voies de circulation.

 

[5]               Quatre accords ont été signés par les parties, mais seuls trois d’entre eux sont pertinents dans le cadre du présent appel puisque le quatrième, l’accord de subvention des raccordements des routes principales, ne concerne que la construction des voies de circulation. Parmi les trois autres accords, deux étaient essentiellement identiques : l’accord de subvention d’investissement de base (l’accord BSI) et l’accord de subvention d’investissement en matière de transport (l’accord SIT). Le troisième accord, l’accord du fonds de transport municipal (l’accord FTM) (collectivement, les accords) différait des deux autres sur un certain nombre de points, y compris la source du financement. Les modalités précises de ces accords qui sont pertinentes dans le présent appel seront abordées plus loin.

 

[6]               Il est bien établi que la Ville a demandé et obtenu du financement conformément à ces trois accords  pour la construction de son réseau de transport en commun.

 

[7]               Avant 2003, la Ville demandait, à titre d’organisme de services publics, en vertu de l’article 259 de la Loi, des remboursements de la TPS payée dans le cadre de la mise en place de son réseau de transport. Le ministre établissait des cotisations à l’égard de la Ville conformément à cette même disposition. Ainsi, la Ville a eu droit à des remboursements totalisant environ 56 p. 100 de la TPS payée.

 

[8]               Toutefois, en janvier 2003, la Ville a produit une déclaration de TPS pour la période se terminant le 31 décembre 2002, dans laquelle elle demandait des crédits de taxe sur les intrants à l’égard de la TPS payée dans le cadre de la mise en place de son réseau de transport jusqu’à cette date. La Ville a reconnu avoir reçu les montants remboursés en vertu de l’article 259 de la Loi et elle a demandé  un crédit de taxe sur les intrants s’élevant à quelque 6,5 millions de dollars, la différence entre les remboursements reçus et la TPS payée. En établissant la cotisation à l’égard de la Ville pour la période se terminant le 31 décembre 2002, le ministre a refusé d’accorder les crédits de taxe sur les intrants demandés. La Ville s’est opposée à la cotisation et a par la suite interjeté appel devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

LA DÉCISION DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

[9]               Le juge en chef adjoint Rossiter (le juge de la Cour de l’impôt) a instruit l’appel interjeté par la Ville et, tel qu’il a été mentionné précédemment, il y a fait droit.

 

[10]           Le juge de la Cour de l’impôt a commencé ses motifs en résumant les exigences de la CTA. Il a ensuite résumé les modalités contenues dans les accords.

 

[11]           Le juge de la Cour de l’impôt a décrit comme suit les obligations, prévues dans les accords, que la Ville était tenue d’exécuter :

[14]      En s’acquittant des obligations qui lui incombaient aux termes des [accords], l’appelante a engagé des dépenses et payé la TPS à l’égard de ces dépenses. Ces dernières se rattachent à des installations de transport précises, notamment à des extensions du TLR [train léger sur rail], à la remise à neuf du matériel, à la remise en état des véhicules de TLR et à l’acquisition de systèmes de communication, de systèmes de signalisation, d’autobus, de navettes et de véhicules de TLR.

 

[12]           Le juge de la Cour de l’impôt a décrit comme suit la question en litige dont il était saisi :

[18]      [La Ville] a‑t‑elle droit aux CTI [crédits de taxe sur les intrants] additionnels à l’égard de la TPS payée dans le cadre de la construction des installations de transport conformément aux accords qu’elle a conclus avec la province?

 

[13]           Le juge de la Cour de l’impôt a commencé son analyse en reproduisant le paragraphe 169(1) de la Loi qui établit la formule de calcul du montant du crédit de taxe sur les intrants qu’un inscrit peut demander. Il a résumé comme suit les conditions à remplir pour avoir droit à des crédits de taxe sur les intrants : (1) le demandeur doit être un inscrit; (2) le demandeur doit avoir acquis des biens ou des services pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales; (3) le demandeur doit avoir payé ou être légalement tenu de payer la TPS pour l’acquisition des biens ou des services. Le juge de la Cour de l’impôt a souligné que la seule question en litige était de savoir si la Ville avait acquis les biens et les services à l’égard desquels elle avait payé de la TPS pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

 

[14]           Le juge de la Cour de l’impôt a ensuite cité la définition d’« activité commerciale » donnée au paragraphe 123(1) de la Loi et il a souligné que la partie de la définition qui s’appliquait à la Ville était l’alinéa a) qui prévoit que les activités commerciales s’entendent de l’exploitation d’une entreprise par une personne, sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation de fournitures exonérées.

 

[15]           Le juge de la Cour de l’impôt a fait état de l’argument de la Ville suivant lequel les activités qu’elle exerçait dans l’exécution des obligations qui lui incombaient en vertu des accords constituaient une entreprise. Selon la Ville, « […] en acquérant et en construisant des installations de transport en commun et en mettant ces installations à la disposition des résidents de la ville, elle effectuait une fourniture taxable à la province » : voir les motifs, au paragraphe 25. La Ville était d’avis que les montants payés par la province en vertu des accords constituaient la contrepartie de cette fourniture. La Ville a fait valoir que les biens et les services en question ont été acquis dans le cadre de l’entreprise où elle effectue une fourniture à la province, à savoir une entreprise distincte de celle où elle effectue la fourniture de services municipaux de transport au profit du public.

 

[16]           Le juge de la Cour de l’impôt a examiné la définition des termes « entreprise », « fourniture » et « service » qui figurent au paragraphe 123(1) de la Loi, en soulignant que toutes ces définitions étaient très larges. Son examen, à la lumière de son interprétation des accords intervenus entre la Ville et la province, l’a amené à conclure ce qui suit :

[32]      Il s’ensuit que les activités que l’appelante exerce en exécutant les obligations qui lui incombent aux termes de l’accord BSI, de l’accord SIT et [de l’accord FTM] relevaient de ses activités commerciales, sauf dans la mesure où ces activités comportaient la réalisation de fournitures exonérées. Comme il a été signalé plus haut, ces activités, selon ces accords, consistaient à acquérir et à construire des installations de transport en commun et à les mettre à la disposition des résidents de la ville de Calgary.

[Non souligné dans l’original.]

 

[17]           Cette conclusion même l’a porté à conclure que, en acquérant et en construisant les installations de transport et en les rendant accessibles, la Ville a effectué une fourniture aux fins de la Loi. Il ne lui restait à examiner que la question de l’acquéreur de la fourniture.

 

[18]           Pour trancher cette question, le juge de la Cour de l’impôt s’est penché sur la définition du mot « acquéreur » prévue au paragraphe 123(1) et dont les parties pertinentes sont reproduites ci‑dessous.

« acquéreur »

 

 

a) Personne qui est tenue, aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

 

 

 

b) personne qui est tenue, autrement qu’aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

 

[…]

 

Par ailleurs, la mention d’une personne au profit de laquelle une fourniture est effectuée vaut mention de l’acquéreur de la fourniture.

“recipient” of a supply of property or a service means

 

(a) where consideration for the supply is payable under an agreement for the supply, the person who is liable under the agreement to pay that consideration,

 

(b) where paragraph (a) does not apply and consideration is payable for the supply, the person who is liable to pay that consideration,

 

and any reference to a person to whom a supply is made shall be read as a reference to the recipient of the supply;

[19]           Le juge de la Cour de l’impôt s’est également référé à la définition de « contrepartie », que l’on retrouve au paragraphe 123(1), qui comprend « tout montant qui, par effet de la loi, est payable pour une fourniture ». Il s’est ensuite penché sur l’arrêt Commission Scolaire des Chênes c. R., 2001 CAF 264, [2001] A.C.F. no 1559, de notre Cour dans lequel la question de la nature des activités entreprises avec du financement gouvernemental a été examinée. Après avoir cité les paragraphes 19 et 20 de cette décision, le juge de la Cour de l’impôt a conclu ce qui suit :

[41]      Par conséquent, pour que le financement fourni à [la Ville] par la province constitue une contrepartie, (1) le financement doit découler d’une obligation légale (contractuelle ou autre), et (2) la subvention doit être suffisamment rattachée à une fourniture pour être considérée comme ayant été effectuée « pour » cette fourniture.

 

[20]           S’appuyant sur la preuve dont il disposait et selon laquelle les accords entre la Ville et la province étaient exécutoires, ainsi que sur l’historique des négociations entre la province et la Ville, le juge de la Cour de l’impôt a conclu qu’il s’agissait bel et bien de contrats valides et exécutoires. Par conséquent, il était d’avis que la fourniture d’un financement à la Ville par la province, conformément aux dispositions des accords conclus entre elles, constituait une obligation légale de la province.

 

[21]           Le juge de la Cour de l’impôt était également d’avis qu’il existait un lien direct entre le financement fourni et la fourniture en question. Citant l’arrêt Commission Scolaire des Chênes, il a souligné que « le paiement effectué selon les modalités d’un contrat satisfait forcément à la condition de lien direct puisque l’existence même de l’obligation de payer est conditionnelle, le cocontractant devant s’acquitter des obligations correspondantes conformément aux conditions du contrat » : voir le paragraphe 45 des motifs du juge de la Cour de l’impôt.

 

[22]           Le juge de la Cour de l’impôt a rejeté l’argument selon lequel la province ne recevait rien en contrepartie des sommes accordées, en s’appuyant encore une fois sur l’arrêt Commission Scolaire des Chênes, où la Cour a statué que le montant payé en vue d’obtenir un avantage pour un tiers conserve tout autant sa nature de contrepartie que le montant payé en vue d’obtenir un avantage pour le payeur. Dans la présente affaire, la province a obtenu de la ville de Calgary « le service qui consistait à mettre les installations de transport à la disposition des résidents conformément aux conditions négociées et sur lesquelles la province et [la Ville] s’étaient entendues » : voir le paragraphe 48 des motifs du juge de la Cour de l’impôt.

 

[23]           Le juge de la Cour de l’impôt a voulu ensuite renforcer sa conclusion en invoquant le partage des compétences entre les gouvernements fédéral et provincial. Il a conclu que, puisque les provinces ont compétence pour légiférer en matière de travaux et d’entreprises d’une nature locale et puisque les municipalités sont créées par le législateur provincial, celui‑ci est tenu de faire en sorte que l’administration municipale reçoive du financement en cas de difficultés financières. De plus, la province a le pouvoir de déléguer sa compétence en matière de travaux et d’entreprises d’une nature locale à l’administration municipale et, lorsqu’elle décide de le faire, elle est légalement tenue de fournir un financement suffisant : voir le paragraphe 54 des motifs du juge de la Cour de l’impôt. Cette obligation constituait une autre indication du lien direct entre les fonds avancés par la province et les projets en matière de transport que ces fonds ont financés.

 

[24]           Après avoir survolé certaines autres questions qui ne sont pas en litige dans le présent appel, le juge de la Cour de l’impôt s’est penché sur la question de la distinction entre la mise en place d’un réseau de transport (une fourniture taxable) et la fourniture de services municipaux de transport au profit du public (une fourniture exonérée). Il s’est appuyé sur l’arrêt London Life Assurance Co. c. Canada, [2000] A.C.F. no 2121, de notre Cour, pour affirmer qu’une entité peut exercer plus d’une activité commerciale dans le cadre de l’exploitation de son entreprise principale. Dans London Life, la Cour a statué qu’un assureur, dont l’entreprise consistait à effectuer des fournitures exonérées, avait fait une fourniture taxable à son locateur lorsqu’il a fourni à ce dernier des améliorations aux locaux loués en contrepartie d’une allocation pour améliorations locatives. La fourniture d’améliorations locatives à un locateur constituait une entreprise distincte de l’entreprise principale de fourniture de contrats d’assurance qui constitue une fourniture exonérée.

 

[25]           Le juge de la Cour de l’impôt a conclu que « la construction et l’acquisition d’installations de transport et la mise de ces installations à la disposition du public révélaient une activité commerciale indépendante. L’entreprise de [la Ville] ainsi décrite ne comprenait pas la réalisation de fournitures exonérées » : voir le paragraphe 68 des motifs du juge de la Cour de l’impôt.

 

[26]           Compte tenu de ce raisonnement, le juge de la Cour de l’impôt a conclu que les biens et les services acquis par la Ville dans le cadre de la mise en place de son réseau de transport avaient été acquis dans le cadre de ses activités commerciales, que la fourniture d’un réseau de transport à la province en contrepartie d’un financement par subvention était une entreprise distincte qui ne constituait pas une fourniture exonérée et que, par conséquent, la Ville avait le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants pour la TPS payée à l’égard de ces biens et services.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[27]           Le juge de la Cour de l’impôt a formulé la question en litige dans la perspective de la question ultime, à savoir si la Ville avait droit au crédit de taxe sur les intrants. Sa conclusion à l’égard de cette question dépendait de son opinion à l’égard de l’effet des contrats conclus entre la Ville et la province et, plus précisément, de la nature de la fourniture effectuée par la Ville dans le cadre de ces contrats. C’est ce qui l’a amené à se demander qui était l’acquéreur de cette fourniture, une question qui tient à la contrepartie de la fourniture.

 

[28]           À mon avis, la Ville a bâti son argument autour de la nature et l’effet des accords, et c’est aussi ce sur quoi le juge de la Cour de l’impôt a fondé ses motifs. La Ville a allégué que les accords imposaient à la Ville l’obligation de fournir à la province un réseau de transport municipal, et qu’en contrepartie de cette obligation la province lui octroyait des fonds, ce à quoi le juge de la Cour de l’impôt a également conclu. La question en litige dans l’appel porte sur l’interprétation des accords et la détermination des obligations qu’ils imposent aux parties.

 

 

 

L’ANALYSE

La norme de contrôle

[29]           Comme il s’agit d’un appel de la décision rendue par un juge à la suite d’un procès, la ou les normes de contrôle applicables sont celles énoncées dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. Dans le cas des conclusions de fait, la norme de contrôle applicable est celle de l’erreur manifeste et dominante. Dans le cas des questions de droit, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. Les questions mixtes de fait et de droit doivent être examinées suivant la même norme que les questions de fait, à moins qu’il ne soit possible de discerner une question de droit isolable qui, dans ce cas, doit être examinée suivant la norme de la décision correcte.

 

Le contexte législatif

[30]           Comme nous l’avons vu précédemment dans les présents motifs, la Ville est assujettie à la CTA. Les dispositions pertinentes de cette loi sont reproduites ci‑dessous.

[traduction]

2.         Chaque ville doit acquitter les coûts d’établissement et d’entretien de toutes les installations de transport dont elle a la direction, le contrôle et la gestion, mais elle peut avoir droit à de l’aide financière du gouvernement en se conformant à la présente loi.

3.         La ville doit produire un rapport d’étude détaillé en matière de transport en vue de la mise en place d’un réseau de transport intégré conçu pour desservir toute la ville.

4(1)      Le conseil municipal établit par règlement un réseau de transport conformément au rapport d’étude en matière de transport et le règlement désigne le réseau de transport.

4(6)      Le conseil municipal soumet le règlement au ministre pour approbation par le lieutenant‑gouverneur en conseil qui peut modifier ou approuver le règlement, en totalité ou en partie. Si le règlement est modifié ou approuvé en partie seulement, il est appliqué et mis en vigueur tel qu’approuvé.

6(1)      Lorsqu’elle est d’avis qu’une installation de transport intégrée au réseau de transport devrait être construite, la ville soumet le projet au ministre.

6(2)      Si le ministre approuve le projet, il peut passer avec la ville un accord de partage des coûts d’établissement de l’installation de transport.

7.         Sauf disposition contraire d’une autre loi ou d’un accord, le titre afférent aux installations constituant le réseau de transport appartient à la ville.

 

[31]           Les obligations qui incombent à la Ville en vertu de la CTA sont les suivantes :

            -           produire un rapport d’étude détaillé en matière de transport en vue de la mise en                                    place d’un réseau de transport intégré;

            -           établir par règlement un plan de transport conformément au rapport;

            -           soumettre le règlement pour approbation par le lieutenant‑gouverneur en conseil;

            -           soumettre un projet au ministre lorsqu’elle estime qu’une installation de transport                                    devrait être construite;

            -           payer les coûts d’établissement et d’entretien des installations de transport.

 

[32]           En vertu de la CTA, la province a l’obligation d’examiner et d’approuver le règlement par lequel la Ville établit son plan de transport et d’approuver la construction des installations de transport particulières.

 

[33]           Il est vrai que le libellé du paragraphe 6(1) laisse entendre que la décision de mettre en œuvre le plan de transport est une question qui relève du pouvoir discrétionnaire de la Ville, mais il est plus exact de dire que le paragraphe 6(1) concerne seulement l’ordre des mesures à prendre dans la mise en œuvre du plan de transport. À mon avis, la CTA impose aux villes l’obligation de mettre en œuvre le plan de transport approuvé mais laisse l’ordonnancement des travaux à leur discrétion. En vertu de l’article 2, la ville est tenue d’acquitter les coûts d’établissement et d’entretien de son réseau de transport. Le paragraphe 4(6) prévoit que, si la province approuve le règlement de la Ville, il doit être appliqué tel qu’il a été approuvé. À mon avis, ces dispositions indiquent que les obligations d’origine législative de la Ville ne sont pas limitées à la planification d’un réseau de transport, mais qu’elles comprennent la construction et l’exploitation d’un plan de transport approuvé.

 

[34]           En revanche, la CTA confère à la province le pouvoir discrétionnaire de fournir une aide financière à la Ville pour lui permettre de couvrir les coûts qu’elle est tenue d’acquitter en vertu de l’article 2 ou de partager les coûts de construction des installations de transport qu’elle a approuvées en vertu du paragraphe 6(1). En théorie, la province pourrait refuser de partager les coûts de construction d’une installation de transport mais pourrait fournir une aide financière prenant la forme de prêts ou de garanties d’emprunt ou autres.

 

[35]           En résumé, la Ville est tenue par la CTA d’établir et d’entretenir le réseau de transport en commun décrit dans le rapport d’étude détaillé en matière de transport et adopté dans son règlement tel qu’il a été approuvé par la province. La province, par contre, est habilitée à fournir à la Ville une aide financière relativement aux coûts de son réseau de transport ou à partager les coûts de construction des installations de transport approuvées.

 

 

La nature et l’effet des contrats

[36]           L’étape suivante de l’analyse consiste à examiner la nature des obligations de la Ville énoncées dans les contrats qu’elle a signés avec la province. Comme la Ville a fondé sa demande sur les accords conclus avec la province, la question qui se pose est celle de savoir ce que la Ville était tenue de faire en vertu de ces accords. Si la Ville n’était pas tenue de fournir un réseau de transport à la province, la Ville doit alors être déboutée et l’appel doit être accueilli.

 

[37]           L’accord BSI et l’accord SIT sont, pour l’essentiel, identiques et seront examinés ensemble. Le préambule de chaque accord est incorporé à l’accord général. Le préambule de l’accord BSI est reproduit ci‑dessous. Le préambule de l’accord SIT est en grande partie identique, mises à part les mentions relatives au programme de subvention en question et l’omission des conditions d’octroi des subventions.

            [traduction]

Attendu que la province s’engage à accorder à la Ville, à certaines conditions, 75 % (soixante‑quinze pour cent) des fonds nécessaires à la réalisation des projets qui satisfont aux critères de la subvention d’investissement de base dans le cadre du partenariat en matière de transport conclu avec les villes de l’Alberta suivant les modalités contenues aux présentes;

 

Attendu que la province s’engage à avancer à la Ville, à certaines conditions, ces fonds approuvés annuellement :

 

a)      après approbation par l’assemblée législative du budget de subvention d’investissement de base nécessaire, lequel est incorporé au budget de la province de chaque année civile de la période allant de 1989 à 1991 inclusivement;

 

b)      après examen et approbation par la province de la demande d’acceptation des projets de la Ville en vue du partage des coûts des projets admissibles;

 

c)      à partir de 1990, après réception et acceptation par la province de l’état du financement et des dépenses de la Ville pour l’année civile précédente se terminant le 31 décembre, relativement à la subvention d’investissement de base, y compris l’attestation de l’état financier et l’attestation de conformité aux modalités du présent accord et du document intitulé « Procédures administratives – Partenariat en matière de transport »; (ci‑après désigné « les procédures administratives »);

 

Attendu que ces fonds doivent être utilisés par la Ville comme la partie des dépenses en capital admissibles de la province qui ont été engagées pour les projets approuvés par le conseil municipal;

 

Attendu que la Ville s’engage à accepter ces fonds suivant les modalités énoncées aux présentes;

 

En foi de quoi, en contrepartie des modalités mutuellement convenues ci‑après énoncées, les parties conviennent de ce qui suit :

 

1.       Le préambule fait partie intégrante du présent accord.

 

[38]           Le préambule fait état d’un engagement antérieur de la province de verser 75 p. 100 du coût des projets approuvés suivant les modalités du programme de subvention visé et de l’engagement de la Ville à utiliser les fonds pour ces projets. La Ville, pour sa part, s’engage à accepter les fonds accordés par la province, suivant les modalités énoncées dans l’accord.

 

[39]           L’article 2 de l’accord BSI prévoit les conditions que la Ville s’engage à respecter pour obtenir les fonds accordés par la province. Les conditions prévues par l’accord SIT sont identiques, mis à part certains détails qui ne sont pas importants dans la présente analyse. Ces conditions portent de façon générale sur l’utilisation des fonds, la gestion comptable requise, l’utilisation des intérêts produits par les fonds, l’affectation des fonds non dépensés et d’autres questions de nature administrative. La seule condition qui porte sur la construction figure à l’alinéa h), lequel dispose :

[traduction]

h) dans le cadre de tout projet accepté, les travaux doivent être exécutés conformément aux règles, règlements et lois régissant ces travaux et aux pratiques exemplaires générales, et à la satisfaction de la province.

 

[40]           En réponse à l’argument de la Couronne selon lequel les contrats n’imposent pas à la Ville l’obligation de construire quoi que ce soit, la Ville affirme que l’alinéa h) exige qu’elle entreprenne la construction d’un « projet accepté ». À mon avis, la Ville interprète mal la nature de la condition. Elle ne renferme aucune obligation de construire quelque chose, mais elle exige qu’une construction financée par le programme de subvention soit conforme aux normes législatives en vigueur et aux pratiques exemplaires. Il s’agit essentiellement d’une garantie de bonne qualité.

 

[41]           L’article 4 de l’accord BSI prévoit ce qui suit :

            [traduction]

4- Les parties reconnaissent que tous les projets financés par la province en vertu de l’accord de subvention d’investissement de base doivent entièrement conformes à la City Transportation Act, R.S.A. 1980, ch. C-10, au règlement pris en vertu de cette loi et à toute modification pouvant être apportée à ces textes au besoin, ainsi qu’aux dispositions des procédures administratives telles que modifiées par la province.

 

[42]           L’article 5 de l’accord SIT va dans le même sens.

 

[43]           Certes, cette disposition pourrait être interprétée comme ayant pour effet d’importer dans les accords l’obligation de la Ville de construire un réseau de transport municipal, mais il est plus exact de dire qu’elle fait simplement en sorte que les travaux financés en vertu de l’accord seront exécutés conformément aux dispositions de la CTA et de son règlement. La CTA se divise en quatre parties. La Partie 1 se rapporte à l’établissement des réseaux de transport. La Partie 2 porte sur la protection et l’acquisition des biens‑fonds tandis que la Partie 3 traite du contrôle d’accès, du stationnement et du développement adjacent. La Partie 4 prévoit la mise en application de la CTA par des accords et des règlements. Elles énoncent des exigences détaillées pour la mise en œuvre du plan de transport. Or, ladite disposition prévoit simplement que, dans la mesure où les projets sont financés par la province, leur réalisation sera conforme aux normes établies par la CTA.

 

[44]           La disposition s’applique seulement aux projets financés dans le cadre de l’accord. La CTA, par ailleurs, impose à la Ville l’obligation d’établir le réseau de transport municipal et l’obligation d’acquitter les coûts du réseau. Si la Ville, pour une raison quelconque, décidait de ne pas demander de financement, elle aurait néanmoins l’obligation d’établir le réseau de transport municipal et d’en acquitter les coûts. Par conséquent, je conclus que, si elle est interprétée correctement, cette disposition n’exige pas que la Ville construise un réseau de transport municipal, mais elle lui impose de construire les parties du réseau pour lesquelles elle a obtenu du financement de la province, conformément à la CTA et au règlement pris en vertu de la CTA.

 

[45]           Les autres dispositions de l’accord BSI imposent à la Ville de rendre compte de ses activités et traitent de la gestion comptable des fonds non utilisés. L’accord SIT contient des exigences semblables.

 

[46]           À mon avis, l’interprétation qui doit être donnée aux accords BSI et SIT n’étaye pas l’argument suivant lequel la Ville était tenue, en vertu de ces accords, de fournir à la province un réseau de transport. Les deux accords sont des accords-cadres de financement qui régissent la manière suivant laquelle les fonds accordés pour les projets approuvés seront déboursés et administrés. Aucune disposition de ces accords n’exige que la Ville soumette un projet pour approbation ou ne l’empêche de construire des installations de transport sans demander du financement par subvention.

 

[47]           L’accord FTM diffère des deux autres parce qu’il est fondé sur une entente de financement décrite dans son préambule :

[traduction]

Attendu que le ministre [de l’Infrastructure] s’engage à fournir à la Ville, pour l’infrastructure de transport, du financement pour les projets qui satisfont aux critères d’admissibilité contenus aux présentes;

Attendu que le montant du financement fourni équivaudra à cinq cents le litre d’essence et de carburant diesel taxable livré aux stations‑services et aux détaillants en vrac de la ville de Calgary, tel que confirmé par le Trésor de l’Alberta conformément à l’annexe 1;

Attendu que ce financement doit être utilisé par la Ville pour établir le « Fonds de transport municipal » qui constituera la contribution du ministre aux dépenses admissibles engagées ou devant être engagées à l’égard des projets d’investissement en matière de transport.

Attendu que la Ville s’engage à accepter ces fonds suivant les modalités énoncées aux présentes;

En foi de quoi, en contrepartie des modalités mutuellement convenues ci‑après énoncées, les parties conviennent de ce qui suit :

 

1.      Le préambule fait partie intégrante du présent accord.

 

[48]           Le changement apporté par l’accord FTM est l’établissement d’un fonds dédié devant être financé par le versement à la Ville d’un montant de cinq cents pour chaque litre d’essence ou de carburant diesel taxable vendu dans la ville de Calgary. Le reste de l’accord traite de l’administration de ce fonds et des projets auxquels il peut servir.


 

[49]           L’article 7 de l’accord énonce certaines obligations imposées à la Ville :

[traduction]

7- En tant que condition de l’accord, la Ville s’engage à soumettre au ministre :

i) Avant le 31 mars 2000, pour examen et acceptation, la demande d’admission au programme décrite à l’annexe 2, en énumérant tous les projets devant être exécutés avec le financement fourni en vertu de l’article 5. [L’article 5 prévoit un paiement anticipé de 170 000 000 $.]

A) La demande peut être mise à jour dans le délai que précise le ministre après consultation avec la Ville. La mise à jour peut prendre la forme soit d’une demande supplémentaire ou d’une demande mise à jour annuellement. La mise à jour annuelle énumère tous les projets déjà acceptés qui sont en cours et les nouveaux projets auxquels la Ville souhaite attribuer du financement à partir du Fonds de transport municipal.

ii) À partir de 1998, son rapport sommaire annuel sur le système de gestion routière précisant l’état moyen courant des chaussées pour chacune des catégories de voie de circulation suivantes : i) toutes les voies numérotées de raccordement aux routes, ii) les autoroutes, iii) les rues principales, iv) les autres rues selon ce que le ministre détermine, le cas échéant, après consultation avec la Ville.

iii) À partir de 1998, son rapport sommaire annuel d’indicateurs de transport en commun précisant i) le pourcentage du parc total de véhicules de transport en commun en service dont l’âge dépasse la durée de vie théorique optimale du véhicule, ii) le nombre de passages par année par 1 000 habitants, iii) le pourcentage de véhicules du parc total qui sont accessibles aux personnes ayant une déficience, conformément aux lignes directrices d’aménagement pour accès facile, iv) les autres indicateurs que le ministre détermine après consultation avec la Ville.

iv) À partir de 2001, un état du financement et des dépenses pour l’année civile précédente se terminant le 31 décembre, décrit aux annexes 3A et 3B se rattachant au Fonds de transport, y compris l’attestation par la Ville de l’état du financement et des dépenses et l’attestation de conformité aux modalités du présent accord, avant le 31 mars de chaque année.

 

[50]           Ces exigences démontrent que le Fonds de transport municipal est censé être utilisé pour tous les besoins en transport de la Ville, y compris la construction et l’entretien des voies de circulation. Cette intention se constate davantage dans la liste des [traduction] « principaux types de projets de transport [qui] peuvent être financés à partir du fonds de transport municipal », dont il est question à l’article 13 de l’accord FTM, une liste qui comprend des projets afférents aux voies de circulation, des projets afférents au transport en commun et des projets généraux pour les voies de circulation et le transport en commun.

 

[51]           L’accord FTM exige ensuite que la Ville satisfasse aux mêmes exigences de nature administrative et de gestion comptable que les accords BSI et SIT (articles 8 à 12). Des dispositions prévoient la liquidation des programmes de subvention antérieurs (articles 14 et 15) et l’achèvement de certains projets de construction de route en suspens (article 16).

 

[52]           Tout comme dans les autres accords, il n’y a rien dans l’accord FTM qui impose à la Ville l’obligation de construire quoi que ce soit. Il s’agit d’un accord de financement qui prévoit la création d’un fonds à partir duquel la Ville peut financer certains projets de transport approuvés. Il n’y a rien dans l’accord qui, correctement interprété, donnerait un effet contractuel aux obligations d’origine législative de la Ville en ce qui a trait à la fourniture d’un réseau de transport municipal.

 

[53]           Compte tenu de la nature capitalistique des programmes d’infrastructure, il n’est pas étonnant que la province ait rendu l’aide financière accessible aux municipalités, tout comme il n’est pas étonnant que les municipalités aient tiré avantage des programmes de subvention offerts. Mais, à mon avis, interpréter ces accords de manière que la Ville soit considérée comme l’entrepreneur général de la province pour la construction d’un réseau de transport municipal est une erreur.

 

[54]           L’interprétation des contrats est une question de droit : voir MacNeil c. Canada (Commission de l’assurance‑emploi), 2009 CAF 306, [2009] A.C.F. no 1358, au paragraphe 26, ainsi que les décisions qui y sont citées. Par conséquent, l’interprétation que le juge de la Cour de l’impôt a donnée aux accords en vigueur entre la Ville et la province est une question susceptible de contrôle suivant la norme de la décision correcte. À mon avis, le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur de droit dans l’interprétation de ces accords lorsqu’il a affirmé ce qui suit :

[14]      En s’acquittant des obligations qui lui incombaient aux termes des accords antérieurs de financement et du nouvel accord, l’appelante a engagé des dépenses et payé la TPS à l’égard de ces dépenses. Ces dernières se rattachent à des installations de transport précises, notamment à des extensions du TLR, à la remise à neuf du matériel, à la remise en état des véhicules de TLR et à l’acquisition de systèmes de communication, de systèmes de signalisation, d’autobus, de navettes et de véhicules de TLR.

[Non souligné dans l’original.]

 

[55]           Il est vrai que la Ville a engagé les dépenses énumérées par le juge de la Cour de l’impôt. Il n’est pas vrai que la Ville a engagé ces dépenses en s’acquittant des obligations qui lui incombaient aux termes des accords conclus avec la province.

 

[56]           De même manière, le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur lorsqu’il a conclu ce qui suit :

[32]      Il s’ensuit que les activités que l’appelante exerce en exécutant les obligations qui lui incombent aux termes de l’accord BSI, de l’accord SIT et du nouvel accord relevaient de ses activités commerciales, sauf dans la mesure où ces activités comportaient la réalisation de fournitures exonérées. Comme il a été signalé plus haut, ces activités, selon ces accords, consistaient à acquérir et à construire des installations de transport en commun et à les mettre à la disposition des résidents de la ville de Calgary.

 

[57]           À mon avis, le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en concluant que les accords exigeaient que la Ville fournisse à la province un réseau de transport municipal devant être utilisé par les citoyens de Calgary. Les accords ont été conclus dans le contexte de la CTA dont les dispositions ont été examinées précédemment. Les dispositions législatives imposaient à la Ville l’obligation d’élaborer un plan de transport, de le faire approuver par la province et de mettre en œuvre le plan approuvé. La province est habilitée en vertu de la CTA à fournir une aide financière. Les accords constituent simplement le mécanisme qui permet d’administrer cette aide financière et qui permet de rendre compte de l’utilisation des fonds publics.

 

[58]           Certes, il se peut, comme le juge de la Cour de l’impôt l’a conclu, que les activités exercées par la Ville aux termes des accords constituent une entreprise, mais cette entreprise, telle que définie dans les accords, ne consistait pas à fournir à la province des installations de transport destinés aux résidents de Calgary.

 

L’application de la Loi

[59]           La formule à partir de laquelle les crédits de taxe sur les intrants sont calculés est énoncée au paragraphe 169(1) de la Loi :

169. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d’une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu’elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable :

 

A × B

où :

 

A   représente la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert, selon le cas, qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable;

 

B :

[…]

 

c) dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service, ou l’a transféré dans la province, selon le cas, pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

 

 

[Non souligné dans l’original.]

 

169. (1) Subject to this Part, where a person acquires or imports property or a service or brings it into a participating province and, during a reporting period of the person during which the person is a registrant, tax in respect of the supply, importation or bringing in becomes payable by the person or is paid by the person without having become payable, the amount determined by the following formula is an input tax credit of the person in respect of the property or service for the period:

 

A × B

 

where

 

A   is the tax in respect of the supply, importation or bringing in, as the case may be, that becomes payable by the person during the reporting period or that is paid by the person during the period without having become payable; and

 

B   is

     …

 

    (c) in any other case, the extent (expressed as a percentage) to which the person acquired or imported the property or service or brought it into the participating province, as the case may be, for consumption, use or supply in the course of commercial activities of the person

 

[Emphasis added.]

 


 

[60]           La partie pertinente de la définition de l’expression « activité commerciale » qui est donnée au paragraphe 123(1) est reproduite ci‑dessous.

123(1) « activité commerciale »

 

Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

 

a) l’exploitation d’une entreprise (à l’exception d’une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

 

[…]

 

123(1) “commercial activity” of a person means

 

 

 

 

(a) a business carried on by the person (other than a business carried on without a reasonable expectation of profit by an individual, a personal trust or a partnership, all of the members of which are individuals), except to the extent to which the business involves the making of exempt supplies by the person,

 

 

 

[61]           Les fournitures exonérées sont celles que définit l’annexe V de la Loi. L’article 24 de la partie VI de l’annexe V se lit comme suit :

24. La fourniture, effectuée au profit d’un membre du public, de services municipaux de transport ou de services publics de transport de passagers désignés par le ministre comme services municipaux de transport.

1. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie….

« service municipal de transport » Service public de transport de passagers (sauf un service d’affrètement ou un service qui fait partie d’un voyage organisé) fourni par une commission de transport et dont la totalité, ou presque, des fournitures consistent en services publics de transport de passagers offerts dans une municipalité et ses environs.

 

24. A supply made to a member of the public of a municipal transit service or of a public passenger transportation service designated by the Minister to be a municipal transit service.

 

1. In this Part…

“municipal transit service” means a public passenger transportation service (other than a charter service or a service that is part of a tour) that is supplied by a transit authority all or substantially all of whose supplies are of public passenger transportation services provided within a particular municipality and its environs;

 

[62]           Selon une lecture conjointe de ces dispositions, l’inscrit a le droit de demander un crédit de taxe sur les intrants dans la mesure où la taxe a été payée à l’égard de biens ou services utilisés, consommés ou fournis dans le cadre de ses activités commerciales qui, par définition, excluent la réalisation de fournitures exonérées. En l’espèce, les biens et les services à l’égard desquels la TPS a été payée ont été consommés, utilisés ou fournis dans le cadre de la construction et de l’exploitation d’un réseau de transport municipal, à savoir une fourniture exonérée. Par conséquent, la Ville n’a pas le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants à l’égard de la TPS payée.

 

[63]           L’argument de la Ville suivant lequel la province était l’acquéreur de la fourniture parce qu’elle avait versé la contrepartie de la fourniture d’un réseau de transport municipal se fonde sur une interprétation erronée des obligations de la Ville prévues dans les accords. Les accords sont destinés à fournir un encadrement pour l’administration de l’aide financière autorisée par la CTA. Il se peut que la Province se soit engagée à faire des paiements en vertu des accords, comme le juge de la Cour de l’impôt l’a conclu, mais ces paiements ne déterminent pas la nature de la fourniture réalisée aux termes des accords. Il faut tenir compte des dispositions des accords. Lorsque ces dispositions sont correctement interprétées, il ressort clairement que la Ville n’a pas l’obligation de fournir à la province un réseau de transport municipal.

CONCLUSION

[64]           Par conséquent, je conclus que le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur de droit en concluant que la Ville, par la mise en place d’un réseau de transport municipal, a effectué une fourniture taxable au profit de la province en vertu des accords. Je suis donc d’avis d’accueillir l’appel avec dépens devant notre Cour et devant la Cour canadienne de l’impôt, d’annuler le jugement de la Cour canadienne de l’impôt et de confirmer la cotisation du ministre.

 

 

 

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

 

 

 

« Je suis d’accord.

            Pierre Blais, juge en chef »

 

 

« Je suis d’accord.

            K. Sharlow, j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-250-09

 

(APPEL D’UN JUGEMENT RENDU LE 21 MAI 2009 PAR LE JUGE EN CHEF ADJOINT E.P. ROSSITER DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT.)

 

INTITULÉ :                                                                           SA MAJESTÉ LA REINE c. VILLE DE CALGARY

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 14 JANVIER 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE PELLETIER

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                LA JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 21 MAI 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

MARTA E. BURNS

MARK HESELTINE

 

POUR L’APPELANTE

 

KEN S. SKINGLE c.r.

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MYLES J. KIRVAN

SOUS‑PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

POUR L’APPELANTE

 

FELESKY FLYNN LLP

CALGARY (ALBERTA)

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

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