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Date : 20100623

Dossier : A‑364‑09

Référence : 2010 CAF 172

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE DAWSON

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

 

BARBARA FLEWIN

 

 

défenderesse

 

 

 

Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 21 juin 2010

Jugement rendu à Winnipeg (Manitoba), le 23 juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                              LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                              LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                                           LE JUGE STRATAS

 


Date : 20100623

Dossier : A‑364‑09

Référence : 2010 CAF 172

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE DAWSON

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

 

BARBARA FLEWIN

 

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

 

[1]        Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision unanime rendue par la Commission d’appel des pensions (la Commission) en application du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, L.R. 1985, ch. C‑8 (le Régime). La question déterminante dans le présent appel est celle de savoir si Mme Flewin a fait la preuve de l’existence de « faits nouveaux » qui permettraient à la Commission d’annuler ou de modifier la décision définitive antérieure par laquelle le tribunal de révision a conclu que Mme Flewin n’était pas invalide au sens du Régime.

 

Les faits et l’historique des procédures

[2]        Les dispositions applicables du Régime ont été décrites par la Cour dans Higgins c. Canada (Procureur général) (2009), 395 N.R. 344 (C.A.F.). Pour être admissible au bénéfice des prestations d’invalidité en vertu du Régime, une personne doit :

 

i.                     satisfaire aux exigences en matière de cotisation;

ii.                   être jugée invalide au sens du Régime lorsque les exigences en matière de cotisation sont satisfaites;

iii.                  continuer d’être invalide.

 

Voir le paragraphe 42(2), l’alinéa 44(1)b) et le paragraphe 44(2) du Régime.

 

[3]        En l’espèce, Mme Flewin était tenue d’établir qu’elle était invalide en date du 31 décembre 2002.

 

[4]        La définition d’« invalidité » est donnée à l’alinéa 42(2)a) du Régime, qui prévoit qu’une personne « n’est considérée comme invalide que si elle est déclarée, de la manière prescrite, atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée ». La disposition prévoit en outre qu’« une invalidité n’est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ».

 

[5]        Mme Flewin a demandé des prestations d’invalidité en septembre 2001. Elle a décrit ses principaux problèmes de santé entraînant invalidité comme suit : dépression, colon irritable, bursite dans le genou gauche, problèmes de dos, nerf sciatique, syndrome du canal carpien dans les deux mains, migraine, difficultés de la coiffe des rotateurs dans son épaule droite, tendinite dans son bras droit et sa cheville droite et crises d’angoisse. Sa demande a été rejetée au stade initial de même qu’à celui du réexamen. Elle a interjeté un appel devant un tribunal de révision. L’appel a été entendu le 19 février 2003 et rejeté le 7 avril 2003, le tribunal de révision étant d’avis que Mme Flewin était capable d’effectuer un travail sédentaire.  La demande de permission d’interjeter appel devant la Commission a été rejetée le 1er décembre 2003.

 

[6]        Le 9 mai 2005, Mme Flewin a demandé au Bureau du Commissaire des tribunaux de révision de rouvrir la décision du tribunal de révision. Un deuxième tribunal de révision a entendu la demande de Mme Flewin. Le deuxième tribunal de révision a accueilli la demande de réouverture de la décision définitive antérieure et a conclu que Mme Flewin était invalide depuis le 31 décembre 2002. C’est cette décision qui a fait l’objet de l’appel interjeté par le ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences devant la Commission.

 

La décision de la Commission

[7]        La question dont la Commission était saisie était celle de savoir s’il fallait rouvrir le dossier de Mme Flewin sur le fondement de l’existence de faits nouveaux, comme le prévoit le paragraphe 84(2) du Régime, rédigé comme suit :

84(2) Indépendamment du paragraphe (1), le ministre, un tribunal de révision ou la Commission d’appel des pensions peut, en se fondant sur des faits nouveaux, annuler ou modifier une décision qu’il a lui‑même rendue ou qu’elle a elle‑même rendue conformément à la présente loi.

84(2) The Minister, a Review Tribunal or the Pension Appeals Board may, notwithstanding subsection (1), on new facts, rescind or amend a decision under this Act given by him, the Tribunal or the Board, as the case may be.

 

[8]        La Commission a correctement formulé le critère à deux volets applicable à la question de savoir si des faits nouveaux ont été établis. Premièrement, la preuve doit établir qu’un fait existait au moment de l’audience initiale, mais qu’il ne pouvait pas être découvert avant cette audience en faisant preuve de diligence raisonnable. Deuxièmement, le fait nouveau doit être tel qu’il est raisonnable de croire qu’il modifiera l’issue de la procédure antérieure. Voir Higgins, au paragraphe 8.

 

[9]        La Commission a appliqué le critère à deux volets de la façon suivante :

9.         Dans le cas présent, la preuve médicale confirme que l’intimée était atteinte d’un trouble, soit une MPOC, au moment de l’audience en 2003. Malheureusement, un diagnostic sûr n’a été posé par le Dr Homik qu’en avril 2003 seulement, c’est‑à‑dire après l’audience. De toute évidence, la situation devant laquelle nous nous trouvons est la suivante : le médecin soupçonne que sa patiente souffre d’une MPOC, souhaite mener d’autres examens et ne confirme le diagnostic qu’après l’audience. Il ne s’agit donc pas, en l’occurrence, de nouveaux rapports médicaux venant réitérer ce qui est déjà connu, mais plutôt d’un diagnostic de MPOC confirmé à la suite de nouveaux examens.

 

10.        Nous sommes d’avis que la preuve médicale qui nous est présentée satisfait au critère établi par les tribunaux dans l’interprétation du paragraphe 84(2) du Régime. L’ensemble de la preuve confirme que Mme F. souffrait d’une MPOC au moment de l’audience en 2003. Malheureusement, les derniers examens ont été réalisés après l’audience, et par conséquent, le diagnostic de MPOC n’a été confirmé que dans un rapport daté du 1er avril 2003. La situation est exactement la même que celle dont il est question dans la décision McCrea (voir ci‑devant). Finalement, il ne fait pas de doute qu’il s’agit d’une preuve matérielle.

 

Les erreurs invoquées

[10]      Le procureur général affirme que la Commission a commis deux erreurs en tirant cette conclusion. Premièrement, il soutient que la Commission a commis une erreur en concluant que la preuve démontrait l’existence de faits nouveaux. Deuxièmement, il fait valoir que la Commission n’a pas motivé suffisamment sa conclusion que la nouvelle preuve était importante. Pour les besoins de la présente demande de contrôle judiciaire, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres questions soulevées à l’audience par le procureur général.

 

La norme de contrôle

[11]      La question de savoir s’il convient de rouvrir un dossier en raison de l’existence de faits nouveaux est une question mixte de fait et de droit susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable. Voir Higgins, au paragraphe 35.

 

Application de la norme de contrôle

[12]      Après avoir décrit brièvement la preuve orale qui lui avait été présentée, la Commission a fait référence à quatre rapports médicaux produits en preuve :

 

i.                     Le rapport du médecin de famille de Mme Flewin, le Dr Dhanjal, daté du 30 janvier 2002.

ii.                   Le rapport du pneumologue de Mme Flewin, le Dr Homik, daté du 25 novembre 2002.

iii.                  Le rapport du Dr Dhanjal, daté du 31 janvier 2003.

iv.                 Le rapport du Dr Homik, daté du 1er avril 2003.

 

[13]      Les trois premiers rapports avaient été présentés en preuve devant le premier tribunal de révision. Ils établissaient que :

i.                     Mme Flewin souffrait des pathologies décrites dans sa demande de prestations d’invalidité.

ii.                   Le Dr Dhanjal croyait que l’état de santé de Mme Flewin se détériorait et il l’avait dirigé vers le Dr Homik.

iii.                  Le Dr Homik a examiné Mme Flewin relativement à la maladie pulmonaire obstructive. Selon son rapport, Mme Flewin avait remarqué une progression de son essoufflement dû à l’effort et cela était devenu [traduction] « vraiment dérangeant » dans les deux ou trois derniers mois. Après avoir procédé à des examens physiques et des tests mécaniques, le médecin a déclaré [traduction] : « suite à mon examen, je crois qu’il y a une combinaison d’asthme et de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) ».

iv.                 Le 31 janvier 2003, le Dr Dhanjal a précisé que le problème de santé le plus important de Mme Flewin était l’« asthme/MPOC ».

 

[14]      La conclusion de la Commission selon laquelle des faits nouveaux avaient été établis repose sur le quatrième rapport. La Commission a estimé que ce rapport était important parce qu’il contenait le diagnostic officiel de MPOC du Dr Homik.

 

[15]      Avant d’examiner la preuve médicale de manière plus précise, il importe de rappeler que c’est l’effet de l’invalidité qui est pertinent aux termes du Régime. La question à laquelle il faut répondre est celle de savoir si l’invalidité rend une personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Cela a été expliqué par la Cour de la manière suivante dans Klabouch c. Canada (Ministre du Développement social) (2008), 372 N.R. 385 au paragraphe 14 :

Premièrement, le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si le demandeur souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité « l’empêche de gagner sa vie » (voir : Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [2000] 1 R.C.S. 703, paragraphes 28 et 29). En d’autres termes, c’est la capacité du demandeur à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité en vertu du RPC. [Non souligné dans l’original.]

 

[16]      Revenant à la preuve, la Commission n’a pas mentionné le rapport du Dr Homik du 22 janvier 2003. Ce rapport avait été présenté au premier tribunal de révision. Le Dr Homik y rapportait les résultats de l’examen effectué le 15 janvier 2003 [traduction] « en ce qui concerne l’obstruction de la respiration supposément due à l’asthme et à la MPOC ». Après avoir rapporté les résultats de son examen, le médecin écrivait que [traduction] « sa spirométrie sera répétée dans deux mois pour vérifier s’il y a eu une amélioration de la fonction pulmonaire ou si elle a obtenu le meilleur contrôle possible ».

 

[17]      En ce qui concerne le rapport du 1er avril 2003 du Dr Homik, celui‑ci y rapportait un nouvel examen effectué le 31 mars 2003 [traduction] « relativement à l’obstruction chronique de la respiration ». Il y écrivait également que le nouvel inhalateur qu’il avait prescrit [traduction] « ne contribuait pas à l’amélioration de symptômes ou de la fonction pulmonaire ».

 

[18]      À mon humble avis, la Commission a mal apprécié l’importance du rapport du 1er avril 2003. Ce rapport n’établissait pas que de nouveaux examens avaient permis d’établir un diagnostic que l’on n’aurait pas pu obtenir pour la première audience devant le tribunal de révision en faisant preuve de diligence raisonnable. Il n’établissait pas non plus de changement en ce qui concerne la capacité de Mme Flewin de travailler. Interprété de concert avec le rapport du 22 janvier 2003, il établissait plutôt que l’on savait que Mme Flewin souffrait d’obstruction de la respiration au moment de l’audience  initiale du tribunal de révision. Ce qu’on ne savait pas c’était s’il y aurait une nouvelle amélioration de la fonction pulmonaire [traduction] « ou si [Mme Flewin] avait obtenu le meilleur contrôle possible ». Malheureusement, le rapport suivant du 1er avril 2003 montrait qu’il n’y avait pas eu de nouvelle amélioration. Il n’y avait pas eu de changement quant à sa capacité de travailler.

 

[19]      Lorsqu’une décision fait l’objet d’un contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision examine la justification, la transparence et l’intelligibilité de la décision sous‑jacente et la question de savoir si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[20]      Malgré l’habile plaidoirie de l’avocate de la défenderesse et la sympathie que nous éprouvons pour Mme Flewin, la mauvaise compréhension de l’effet du rapport du 1er avril 2003 par la Commission rend sa décision injustifiée et déraisonnable et l’a conduite à tirer une conclusion n’appartenant pas aux issues possibles acceptables. Pour cette raison, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire.

 

[21]      Il n’est pas nécessaire d’examiner la deuxième erreur invoquée ayant trait à la suffisance des motifs de la Commission.

 

[22]      Le demandeur ne sollicite pas les dépens et je n’adjugerai pas de dépens.

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

            Pierre Blais, j.c. »

 

 

« Je suis d’accord.

            David Stratas, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑364‑09

 

INTITULÉ :                                                   PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. BARBARA FLEWIN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 21 juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                        LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                   Le 23 juin 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Bahaa I. Sunallah

 

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Shirley Van Schie

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Shirley Van Schie

Avocate

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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