Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20101028

Dossier : A-494-09

Référence : 2010 CAF 287

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

F. MAX E. MARÉCHAUX

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 28 octobre 2010

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 28 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                    LE JUGE EVANS

 


Date : 20101028

Dossier : A-494-09

Référence : 2010 CAF 287

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

F. MAX E. MARÉCHAUX

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 28 octobre 2010)

 

LE JUGE EVANS

[1]               F. Max E. Maréchaux a pris part à un stratagème de « dons financés par emprunt ». Le stratagème consistait essentiellement à ce qu’on lui donne un reçu aux fins de l’impôt au titre d’un don de bienfaisance de 100 000 $ en contrepartie d’une dépense de 30 000 $, de manière à lui permettre de demander un crédit d’impôt de 44 218 $ et de réaliser un rendement potentiel sur sa dépense de près de 50 % en quelques mois.  Les organismes de bienfaisance n’ont conservé que très peu de cet argent pour promouvoir leurs fins.

 

[2]               M. Maréchaux interjette appel à notre Cour de la décision de la Cour canadienne de l’impôt (2009 CCI 587) dans laquelle la juge Woods a rejeté son appel relatif à une nouvelle cotisation de l’impôt établie à l’égard de l’année d’imposition 2001. La juge a conclu que le ministre du Revenu national avait à bon droit refusé le crédit d’impôt de 44 218 $ de M. Maréchaux qu’il avait demandé en vertu de l’article 118.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 relativement à un don de 100 000 $ fait à un organisme de bienfaisance. Les motifs de la juge contiennent l’exposé conjoint des faits décrivant les opérations prédéterminées et interdépendantes de la stratégie, qu’il n’est pas nécessaire de répéter ici. 

 

[3]               Le fondement de la décision de la juge était que M. Maréchaux n’avait pas fait un « don », terme qui n’est pas défini à l’article 118.1, mais qui a un sens général en droit. La juge a adopté la définition donnée par le juge Linden de la Cour d’appel dans La Reine c. Friedberg, 92 DTC 6031 (C.A.F.) à la page 6032 : 

[…] un don est le transfert volontaire du bien d’un donateur à un donataire, en échange duquel le donateur ne reçoit pas d’avantage ni de contrepartie.

 

Elle a statué que M. Maréchaux n’avait pas fait un « don » au sens de l’article 118.1 parce qu’il avait fait le paiement à l’organisme en s’attendant à recevoir, et qu’il avait effectivement reçu, un avantage important, soit un prêt sans intérêt de 80 000 $ d’un prêteur (et non de l’organisme) remboursable en vingt ans. 

 

[4]               De plus, M. Maréchaux a payé 10 000 $ de sa dépense de 30 000 $ au prêteur pour un dépôt de garantie, une police d’assurance et les honoraires du prêteur (l’« option de vente »). Il a exercé son droit, aux termes du stratagème, de céder au prêteur le dépôt de garantie et la police d’assurance afin de s’acquitter entièrement de la dette.

 

[5]               M. Maréchaux soutient que la conclusion de la juge selon laquelle il n’avait pas fait un don et n’avait par conséquent pas droit à un crédit d’impôt relativement à son paiement de 100 000 $ comportait quatre erreurs.

 

[6]               Premièrement, dit-il, un avantage accordé en contrepartie d’un paiement n’empêche ce paiement d’être un don que si l’avantage est donné par le donataire. Dans le cas présent, l’avantage reçu par M. Maréchaux – le prêt sans intérêt et « l’option de vente » – a été accordé par le prêteur, et non par le donataire (c’est-à-dire l’organisme), et la juge n’a pas conclu que le prêteur et le donataire avaient un lien de dépendance.

 

[7]               Il s’agit d’une question de droit pour laquelle la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. Cependant, nous ne sommes pas convaincus que la juge a mal appliqué la loi. L’avocat n’a cité aucune source pour appuyer sa prétention selon laquelle un avantage accordé par un donataire à un présumé donateur peut empêcher un paiement à un organisme de bienfaisance de constituer un don aux fins de l’article 118.1. Nous ne voyons pas non plus de raison de principe dans le présent contexte pour ne pas tenir compte d’un avantage simplement parce qu’il a été accordé par une partie tierce, particulièrement lorsque, comme la juge l’a conclu en l’espèce, le « don » était assujetti à la condition qu’un avantage soit accordé. 

             

[8]                Deuxièmement, M. Maréchaux fait valoir que le prêt sans intérêt ne constituait pas un avantage important qui empêchait que le paiement à l’organisme de bienfaisance soit un don. Comme il s’agit d’une question de fait ou d’une question mixte de fait et de droit, la Cour n’interviendra dans la conclusion de la juge que si elle est convaincue que cette conclusion comporte une erreur manifeste et dominante. 

 

[9]               À notre avis, de nombreux éléments de preuve dans le dossier appuient la conclusion de la juge selon laquelle le prêt sans intérêt de 80 000 $ constituait un avantage important pour M. Maréchaux et que ce prêt lui a été accordé en contrepartie du « don » à l’organisme. Il nous semble évident qu’une personne qui dispose d’argent emprunté, remboursable en vingt ans, sans avoir à payer d’intérêt, a reçu un avantage important. Le prêt sans intérêt en l’espèce a permis à M. Maréchaux de transférer 100 000 $ à l’organisme sans avoir à utiliser plus de 30 000 $ de ses propres biens ni à payer l’intérêt sur un prêt commercial pour le reste. 

 

[10]           Troisièmement, selon M. Maréchaux, la juge a commis une erreur en considérant « l’option de vente » comme un avantage qui faisait obstacle à ce que le paiement soit un don parce que rien ne garantissait qu’on lui consentirait une police d’assurance pour l’assurer du risque que le montant du dépôt de garantie investi n’atteigne pas, en vingt ans, le montant du prêt. Par conséquent, tout avantage était spéculatif.

 

[11]           Nous ne sommes pas de cet avis. Même si les promoteurs ne se sont pas engagés à ce qu’une police soit établie, les participants au stratagème, y compris M. Maréchaux, avaient de bonnes raisons de croire que serait le cas. Par ailleurs, une police d’assurance a en fait été consentie à M. Maréchaux, lequel l’a cédée de même que le dépôt de garantie au prêteur pour s’acquitter entièrement du prêt de 80 000 $. Sur le fondement des faits, on ne peut dire que la juge ait commis une erreur manifeste et dominante en concluant que « l’option de vente » constituait un avantage important accordé au donateur par le prêteur en contrepartie du paiement.

 

[12]           Quatrièmement, M. Maréchaux soutient que, si la Cour conclut qu’il a obtenu un avantage en contrepartie du paiement à l’organisme, il devrait néanmoins recevoir un crédit d’impôt relativement à son « don » d’argent de 20 000 $. La juge a également rejeté cet argument (au paragraphe 49).

Dans ce cas‑ci, il n’y a qu’un seul arrangement interdépendant, et aucune partie de cet arrangement ne peut être considérée comme un don que l’appelant a effectué sans s’attendre à quoi que ce soit en échange. 

 

Nous ne voyons aucune erreur susceptible d’une révision dans cette conclusion.

 

[13]           Pour ces motifs, l’appel sera rejeté avec dépens.

 

 

« John M. Evans »

j.c.a.

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A-494-09

 

(APPEL DU JUGEMENT DE LA JUGE J.M. WOODS DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT, DATÉ DU 12 NOVEMBRE 2009, DANS LE DOSSIER NO 2006‑410 (IT)(G)). 

 

INTITULÉ :                                                   F. MAX E. MARÉCHAUX c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 28 OCTOBRE 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR                                                (LES JUGES BLAIS, EVANS ET SHARLOW)

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :       LE JUGE EVANS

                                                                                               

COMPARUTIONS :

 

DAVID W. CHODIKOFF

TARSEM BASRAON

 

POUR L’APPELANT

 


PETER A. VITA, c.r.

ALEKSANDRS ZEMDEGS

POUR L’INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Miller Thomson LLP

Toronto,  Ontario

 

POUR L’APPELANT

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.