ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
et
défendeur
Audience tenue à Halifax (Nouvelle‑Écosse), le 8 novembre 2010.
Jugement rendu à Halifax (Nouvelle‑Écosse), le 9 novembre 2010.
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON
Dossier : A‑96‑10
Référence : 2010 CAF 301
CORAM : LA JUGE DAWSON
LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON
LE JUGE STRATAS
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
DARRICK MACLEOD
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT
LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON
[1] Le procureur général du Canada (la Couronne) demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 28 janvier 2010 par le juge‑arbitre Riche (le juge‑arbitre) en application de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi). Le juge‑arbitre a confirmé la décision du conseil arbitral (le conseil) d’accueillir l’appel du défendeur (le prestataire) parce que celui‑ci était « fondé » à quitter son emploi. Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la demande de la Couronne doit être accueillie.
[2] Le critère visant à déterminer si une personne est « fondée [à quitter son emploi] » aux termes de l’article 29 de la Loi consiste à se demander si, eu égard à toutes les circonstances, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire n’avait pas d’autre choix raisonnable que de quitter son emploi : Astronomo c. Canada (Procureur général) (1998), 229 N.R. 247, 37 C.C.E.L. (2d) 141, au paragraphe 6 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Imran, 2008 CAF 17, 378 N. R. 243, aux paragraphes 2 et 3.
[3] Le prestataire a été à l’emploi de Met Inc. du 27 octobre 2008 au 1er décembre 2008, date à laquelle il a quitté son emploi pour suivre un cours sur les essais non destructifs en vue d’obtenir une certification de niveau II de l’Office des normes générales du Canada. La Commission a rejeté sa demande de prestations parce qu’il avait quitté volontairement son emploi. En appel, le conseil a conclu que le prestataire [traduction] « a fait ce que toute personne raisonnable aurait fait ».
[4] En appel de la Couronne, le juge‑arbitre a fait référence au critère applicable en matière de « justification » et a conclu, du moins implicitement, que le conseil avait appliqué le mauvais critère. Cependant, le juge‑arbitre a conclu qu’[traduction] « il n’était pas [...] raisonnable de s’attendre à ce que le prestataire demeure à un poste de niveau I dans ces circonstances ». Il semble qu’il soit parvenu à cette conclusion en se fondant sur le fait que le prestataire avait quitté son emploi temporairement, sans la permission de son employeur, afin de poursuivre ses études. Cette conclusion est incompatible avec la conclusion de fait du conseil selon laquelle il avait été mis fin à l’emploi le 1er décembre 2008. Quoique l’article 117 de la Loi confère au juge‑arbitre des pouvoirs généraux lui permettant de trancher toute question de fait ou de droit pour statuer sur un appel, le juge‑arbitre ne peut pas substituer ses conclusions de faits à celles du conseil sauf s’il estime que le conseil ne pouvait tirer ces conclusions : Marlowe c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 102, C.L.L.C. 240‑006.
[5] Plus important encore, la conclusion du juge‑arbitre est incompatible avec le dossier de preuve. Le dossier indique que le prestataire a quitté son emploi pour entreprendre des études sans même tenter de prendre un congé temporaire non autorisé. Plus précisément, l’avis d’appel que le prestataire a fait parvenir au conseil et la correspondance qu’il y a joint indiquent que le prestataire estimait avoir accepté un contrat devant durer jusqu’au 8 décembre 2008 et qu’il avait effectivement respecté son contrat de travail jusqu’au 1er décembre 2008, date à laquelle il a quitté son emploi pour entreprendre ses études (dossier de la demande aux pages 68 à 72). Pourtant, le prestataire a reçu un courriel de son employeur, le 21 novembre 2008, dans lequel on lui demandait de confirmer qu’il allait continuer à travailler, plutôt que d’entreprendre ses études à ce moment‑là, car le projet en cours devait se poursuivre jusqu’au printemps 2009. Le prestataire a refusé la demande de l’employeur, choisissant plutôt de suivre le cours sur les essais non destructifs, et il a proposé de se faire remplacer par son neveu (dossier de la demande, à la page 83). De plus, à l’audience, le prestataire a reconnu qu’il savait, au moment de quitter son emploi, que l’employeur avait du travail pour lui et voulait qu’il reste.
[6] Il est de jurisprudence constante que le départ volontaire d’un emploi pour entreprendre des études ne constitue pas une « justification » : Canada (Procureur général) c. Mancheron, 2001 CAF 174, 109 A.C.W.S. (3d) 538, au paragraphe 2. Par conséquent, ni le juge‑arbitre, ni le conseil ne pouvaient raisonnablement conclure, au vu du dossier, que le prestataire était fondé à quitter son emploi.
[7] J’accueillerais la demande de contrôle judiciaire, j’annulerais la décision du juge‑arbitre et je renverrais l’affaire au juge‑arbitre ou à l’un de ses délégués pour qu’il rende une nouvelle décision en tenant pour acquis que le prestataire a quitté son emploi sans justification. Je serais d’avis de n’adjuger aucuns dépens puisque la Couronne n’en a pas demandé.
« Je suis d’accord.
Eleanor R. Dawson, j.c.a. »
« Je suis d’accord.
David Stratas, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
Édith Malo, LL.B.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A‑96‑10
INTITULÉ : PGC c.
MACLEOD
LIEU DE L’AUDIENCE : Halifax (Nouvelle‑Écosse)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 8 novembre 2010
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON
Y ONT SOUSCRIT : LA JUGE DAWSON
DATE DES MOTIFS : Le 9 novembre 2010
COMPARUTIONS :
POUR LE DEMANDEUR
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POUR SON PROPRE COMPTE
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous‑procureur général du Canada |
POUR LE DEMANDEUR
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