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Date : 20101215

Dossier : A-1-10

Référence : 2010 CAF 344

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

CAPITAL GÉNÉRALE ÉLECTRIQUE DU CANADA INC.

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 16 novembre 2010.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 15 décembre 2010.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                      LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                       LE JUGE PELLETIER

LE JUGE MAINVILLE

 


Date : 20101215

Dossier : A-1-10

Référence : 2010 CAF 344

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

CAPITAL GÉNÉRALE ÉLECTRIQUE DU CANADA INC.

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]          Il s’agit d’un appel d’une décision par laquelle le juge Hogan de la Cour canadienne de l’impôt (le juge de la Cour de l’impôt) a annulé des cotisations établies par le ministre du Revenu national (le ministre) à l’encontre de Capital Générale Électrique du Canada Inc. (l’intimée) en vertu des parties I et XIII de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) relativement aux années d’imposition 1996 à 2000 de l’intimée.

 

[2]          Les cotisations établies sous le régime de la partie I portaient refus d’accorder le plein montant des déductions réclamées par l’intimée dans le calcul de son revenu à l’égard de frais versés à General Electric Capital US (GECUS), sa société mère, pour garantir ses emprunts de fonds auprès des marchés de capitaux, au motif que de tels frais n’auraient pas été payés par une partie sans lien de dépendance pour l’obtention de la garantie. Les cotisations établies en vertu de la partie XIII reflètent les redressements découlant de ces frais qui, dans les circonstances, étaient réputés être des dividendes en la possession de GECUS pour l’application de la partie XIII.

 

[3]          La présente instance porte sur l’application de l’ancien paragraphe 69(2), maintenant abrogé, et des alinéas 247(2)a) et c) qui l’ont remplacé. Ces dispositions permettent au ministre de procéder à des redressements de prix de transfert lorsque, notamment, un contribuable a versé à une personne non résidente avec laquelle il a un lien de dépendance, pour des biens ou des services, une somme plus élevée que celle qu’aurait payée un acheteur sans lien de dépendance.

 

[4]          Le juge de la Cour de l’impôt a conclu que dans les faits, les frais de garantie versés à GECUS par l’intimée n’étaient pas plus élevés que ceux qu’aurait payés une personne sans lien de dépendance en pareilles circonstances. Il a donc annulé les cotisations.

 

[5]          La Couronne prétend qu’en tirant cette conclusion, le juge de la Cour de l’impôt a commis un certain nombre d’erreurs de droit et de fait. Elle demande à la Cour de faire droit à l’appel au motif qu’une partie sans lien de dépendance n’aurait pas payé les frais de garantie, puisque ceux-ci ne procuraient aucun avantage. Subsidiairement, elle soutient que le comportement du juge de la Cour de l’impôt durant l’instruction était de nature à faire naître une crainte raisonnable de partialité à l’endroit de la Couronne. Elle demande que l’affaire soit renvoyée pour une nouvelle instruction devant un juge différent.

 

[6]          Pour les motifs exposés ci-après, je suis d’avis que l’appel devrait être rejeté.

 

LES FAITS

[7]          Durant les années en cause, l’intimée était la propriété exclusive de GECUS, une société des États-Unis, laquelle à son tour appartenait en propriété exclusive à General Electric Company (GE), également une société américaine. Tout au long de cette période, les activités de l’intimée consistaient à offrir des services financiers; elle finançait une partie substantielle de ses activités au moyen de titres de créance sous forme d’effets de commerce et d’obligations non garanties (émissions de titres de créance).

 

[8]          Entre 1988 et 1995, GECUS a fourni à l’intimée, à titre gracieux, une garantie explicite relativement aux émissions de titres de créance de cette dernière. À compter de l’année d’imposition 1996, GECUS a commencé à facturer, pour cette garantie, des frais égaux à 1 % du montant nominal des titres de créance de l’intimée.

 

[9]          En application de ce pourcentage, l’intimée a versé des frais totalisant 135,4 millions de dollars, qu’elle a déduits dans le calcul de son revenu en vertu de la partie I de la Loi pour les années d’imposition 1996 à 2000 (motifs, au paragraphe 2). Elle a aussi retenu et remis l’impôt des non-résidents au taux de 10 % des frais au titre de la partie XIII de la Loi, soit le taux réduit applicable, en vertu de l’article XI de la Convention fiscale entre le Canada et les États‑Unis (la Convention), à l’intérêt réputé avoir été payé à GECUS en raison du paiement des frais de garantie (voir le paragraphe 214(15) de la Loi).

 

[10]      Le ministre a refusé la déduction réclamée par l’intimée dans le calcul de son revenu en vertu de la partie I. Les cotisations établies en vertu de la partie I relativement aux années d’imposition 1996 et 1997 sont fondées sur le paragraphe 69(2) de la Loi :

69. (2)  Lorsqu’un contribuable exploitant une entreprise au Canada a versé ou convenu de verser à une personne non résidante, avec laquelle il avait un lien de dépendance, à titre de prix, loyer, redevance ou autre paiement pour un bien ou pour l’usage ou la reproduction d’un bien, ou en contrepartie du transport de marchandises ou de voyageurs ou d’autres services, une somme plus élevée que la somme (ci-après appelée “la somme raisonnable”) qui aurait été raisonnable eu égard aux circonstances si la personne non résidante et le contribuable n’avaient eu aucun lien de dépendance, la somme raisonnable est réputée, aux fins du calcul du revenu du contribuable provenant de l’entreprise, avoir été la somme payée ou payable dans ce cas.

 

69. (2)  Where a taxpayer has paid or agreed to pay to a non-resident person with whom the taxpayer was not dealing at arm’s length as price, rental, royalty or other payment for or for the use or reproduction of any property, or as consideration for the carriage of goods or passengers or for other services, an amount greater than the amount (in this subsection referred to as “the reasonable amount”) that would have been reasonable in the circumstances if the non-resident person and the taxpayer had been dealing at arm’s length, the reasonable amount shall, for the purpose of computing the taxpayer’s income under this Part, be deemed to have been the amount that was paid or is payable therefore.

[Non souligné dans l’original]

 

[11]      Le paragraphe 247(2) a remplacé le paragraphe 69(2) à l’égard des années d’imposition débutant après 1997. Les alinéas 247(2)a) et c) sont pertinents :

247. (2) Lorsqu’un contribuable ou une société de personnes et une personne non-résidente avec laquelle le contribuable ou la société de personnes, ou un associé de cette dernière, a un lien de dépendance, ou une société de personnes dont la personne non-résidente est un associé, prennent part à une opération ou à une série d’opérations et que, selon le cas :

 

a) les modalités conclues ou imposées, relativement à l’opération ou à la série, entre des participants à l’opération ou à la série diffèrent de celles qui auraient été conclues entre personnes sans lien de dépendance,

 

b) les faits suivants se vérifient relativement à l’opération ou à la série :

 

(i) elle n’aurait pas été conclue entre personnes sans lien de dépendance,

 

(ii) il est raisonnable de considérer qu’elle n’a pas été principalement conclue pour des objets véritables, si ce n’est l’obtention d’un avantage fiscal,

 

les montants qui, si ce n’était le présent article et l’article 245, seraient déterminés pour l’application de la présente loi quant au contribuable ou la société de personnes pour une année d’imposition ou un exercice font l’objet d’un redressement de façon qu’ils correspondent à la valeur ou à la nature des montants qui auraient été déterminés si :

 

c) dans le cas où seul l’alinéa a) s’applique, les modalités conclues ou imposées, relativement à l’opération ou à la série, entre les participants avaient été celles qui auraient été conclues entre personnes sans lien de dépendance;

 

 

d) dans le cas où l’alinéa b) s’applique, l’opération ou la série conclue entre les participants avait été celle qui aurait été conclue entre personnes sans lien de dépendance, selon des modalités qui auraient été conclues entre de telles personnes.

 

247. (2) Where a taxpayer or a partnership and a non-resident person with whom the taxpayer or the partnership, or a member of the partnership, does not deal at arm’s length (or a partnership of which the non-resident person is a member) are participants in a transaction or a series of transactions and

 

 

(a) the terms or conditions made or imposed, in respect of the transaction or series, between any of the participants in the transaction or series differ from those that would have been made between persons dealing at arm’s length, or

 

(b) the transaction or series

 

 

(i) would not have been entered into between persons dealing at arm’s length, and

 

 

(ii) can reasonably be considered not to have been entered into primarily for bona fide purposes other than to obtain a tax benefit,

 

 

any amounts that, but for this section and section 245, would be determined for the purposes of this Act in respect of the taxpayer or the partnership for a taxation year or fiscal period shall be adjusted (in this section referred to as an “adjustment”) to the quantum or nature of the amounts that would have been determined if,

 

 

(c) where only paragraph 247(2)(a) applies, the terms and conditions made or imposed, in respect of the transaction or series, between the participants in the transaction or series had been those that would have been made between persons dealing at arm’s length, or

 

(d) where paragraph 247(2)(b) applies, the transaction or series entered into between the participants had been the transaction or series that would have been entered into between persons dealing at arm’s length, under terms and conditions that would have been made between persons dealing at arm’s length.

 

[Non souligné dans l’original]

 

[12]      Les parties ont convenu, et le juge de la Cour de l’impôt a accepté, que pour les besoins de l’espèce, il n’y a pas de différence significative entre les alinéas 247(2)a) et c) et le paragraphe 69(2) de la Loi (motifs, au paragraphe 179).

 

[13]      L’hypothèse sur laquelle s’est fondé le ministre pour refuser la déduction des frais de garantie est qu’advenant un défaut de l’intimée, GECUS aurait soutenu cette dernière indépendamment de la garantie (réponse modifiée à l’avis d’appel, aux alinéas 18hh), ii), jj) et 20a) et b), dossier d’appel, vol. I, à la page 131). Partant, la garantie était superflue.

[14]      Étant donné le postulat du ministre selon lequel les montants ont été versés par l’intimée à GECUS sans aucune contrepartie, de nouvelles cotisations ont été établies sous le régime de la partie XIII au motif qu’un avantage égal à ces frais avait été payé à GECUS. Un paiement de cette nature donne lieu à un dividende réputé assujetti à la retenue d’impôt au taux réduit de 5 % conformément à l’article X de la Convention (du fait que GECUS détenait plus de 10 % des actions avec droit de vote de l’intimée).

 

[15]      L’intimée a fait opposition aux deux séries de cotisations, alléguant notamment que les frais de garantie étaient au moins proportionnels au prix d’une opération sans lien de dépendance et qu’elle avait correctement calculé et remis l’impôt exigible en vertu de la partie XIII.

 

[16]      Les cotisations ont ensuite été confirmées, et un appel a été interjeté à la Cour canadienne de l’impôt.

 

DECISION DE LA COUR DE L’IMPÔT

[17]      Le juge de la Cour de l’impôt a exposé la position respective des parties, expliquant en premier lieu la thèse de la Couronne (motifs, au paragraphe 168) :

 

L[a Couronne] soutient que la note de crédit de [l’intimée] serait égalisée avec celle de GECUS en raison de son affiliation en l’absence d’entente de garantie. Selon cette thèse, [la Couronne] prétend que [l’intimée] aurait pu emprunter la même somme au même taux d’intérêt sans garantie explicite qu’avec une telle garantie. Par conséquent, [l’intimée] n’a pas reçu d’avantage économique de la garantie. Dans ce cas, le prix sans lien de dépendance de la garantie est nul. L’entente de garantie constituait simplement une indication plus claire du soutien implicite qui existait déjà en faveur de [l’intimée].

[18]      Il a ensuite fait référence à la méthode proposée par la Couronne pour démontrer que la garantie explicite n’aurait été d’aucune valeur pour l’intimée dans le contexte d’une transaction entre personnes sans lien de dépendance (motifs, au paragraphe 169) :

 

On m’invite à examiner la méthode de notation du crédit élaborée et appliquée par [Standard & Poor’s (S&P)] dans les années d’imposition visées pour établir si la note de crédit de [l’intimée] serait égalisée avec celle de sa société mère en l’absence de garantie explicite. Selon le système de notation de crédit de S&P, de l’avis de [la Couronne], [l’intimée] serait considérée comme une « filiale essentielle ». D’après [la Couronne], le point fondamental à retenir est que la note de crédit de [l’intimée] serait majorée à la note de AAA de sa société mère, GECUS, au motif que S&P et les porteurs de titres de créance de [l’intimée] reconnaîtraient que GECUS a un fort incitatif économique pour fournir un soutien financier à [l’intimée] en période de tension financière, même en l’absence d’obligations contractuelles en ce sens.

 

 

[19]      De l’avis de la Couronne, ce type de « soutien implicite » serait reconnu par S&P à l’égard de l’intimée, de sorte que la cote de crédit de cette dernière serait la même que celle de GECUS (soit AAA), que GECUS ait ou non consenti une garantie explicite. Si la cote de crédit de l’intimée n’était pas touchée, le coût d’émission de ses titres ne serait pas touché non plus. En fait, l’argument consiste à dire qu’une partie sans lien de dépendance se trouvant dans la situation de l’intimée ne paierait rien pour une entente ne lui procurant aucun avantage.

 

[20]      Le juge de la Cour de l’impôt a ensuite exposé la position de l’intimée. Il a relevé, en particulier, l’observation suivante de l’intimée (motifs, au paragraphe 180) :

 

[…] La notion de « soutien implicite » qu’a invoquée la Couronne pour me convaincre que la note de crédit de [l’intimée] serait égalisée avec celle de GECUS exige que l’on conserve la relation avec un important lien de dépendance que le paragraphe 69(2) et l’alinéa 247(2)a) m’invitent à écarter. Autrement dit, les pressions sur la réputation qui peuvent amener GECUS à soutenir [l’intimée] en période de tension financière existent parce que [l’intimée] serait une filiale essentielle. Ce type de pression n’existe pas dans le cadre d’une relation sans lien de dépendance. Il faut écarter tous les facteurs d’influence découlant de la relation avec lien de dépendance pour garantir un résultat qui reflète l’absence de lien de dépendance […]

 

 

[21]      Au terme d’une analyse détaillée, le juge a rejeté la prétention de l’intimée sur ce point. Il a conclu, comme le soutenait la Couronne, que le soutien implicite de GECUS, qui tient à ce que l’intimée est un membre de la famille de GE, est un facteur pertinent (motifs, aux paragraphes 199 à 201). Il a ensuite considéré comme un autre facteur pertinent l’incidence qu’aurait eue le retrait de la garantie, si GECUS avait décidé de la retirer; cette constatation est au cœur même de l’appel interjeté par la Couronne (motifs, au paragraphe 247).

 

[22]      Le juge de la Cour de l’impôt a ensuite procédé à établir le prix de l’opération de garantie en l’absence de tout lien de dépendance. Il a indiqué que la première étape consiste à définir correctement l’opération en cause. En l’espèce, cette étape supposait d’« identifier les parties à l’opération contrôlée, les fonctions de chaque partie et le risque assumé dans le cadre de l’opération » (motifs, au paragraphe 232).

 

[23]      Le juge de la Cour de l’impôt s’est alors penché sur la méthode à suivre pour déterminer le prix de l’opération sans lien de dépendance. Il a écarté le modèle fondé sur l’assurance, le jugeant peu fiable. Il a expliqué que cette méthode ferait en sorte que le prix de la garantie aurait tendance à être trop élevé, eu égard à la façon dont les assureurs établissent le prix du risque (motifs, au paragraphe 254). En outre, cette méthode fait appel à l’utilisation d’un produit de notation de crédit appelé « RiskCalc », qui ne tient pas compte du soutien implicite (motifs, au paragraphe 256).

 

[24]      Le juge de la Cour de l’impôt a également écarté la méthode du « swap » de crédit proposée par l’intimée. À son avis, l’opinion du témoin expert qui préconisait cette méthode était fondée sur « une note de crédit hypothétique que lui a fournie l’avocat de l’intimée » et « [l]’exactitude de sa conclusion dépend entièrement de l’exactitude de la note de crédit hypothétique présumée » (motifs, au paragraphe 258).

 

[25]       En dernière analyse, il a retenu la position de la Couronne, qui a fait valoir que l’élément à mesurer devrait être la valeur de l’avantage procuré par la garantie explicite, et qu’il convient à cet égard d’adopter l’approche axée sur le taux de rendement (motifs, au paragraphe 259) :

 

[…] Cela doit être fait au moyen de l’approche axée sur le taux de rendement. L’avantage correspond à l’économie du coût d’intérêt pour [l’intimée] que l’on détermine en comparant le coût d’intérêt des titres de créance non garantis à celui des titres de créance garantis. Pour établir les économies d’intérêt de [l’intimée], il faut en arriver à une conclusion de fait sur la note de crédit de [l’intimée] sans le soutien explicite de sa société mère […]  

 

 

[26]      Plus tôt dans ses motifs, le juge de la Cour de l’impôt avait présenté les divers témoins qui ont comparu devant lui, dont treize témoins experts, cinq appelés par la Couronne et huit par l’intimée (motifs, aux paragraphes 4 à 166). Les principaux experts dans le domaine de l’approche axée sur le taux de rendement étaient William John Chambers, titulaire d’un doctorat en science économique de la Columbia University, qui a comparu pour le compte de l’intimée, et Edward Emmer, qui a comparu pour le compte de la Couronne. L’un et l’autre ont travaillé au service de S&P durant presque toute leur carrière, et M. Emmer a passé la plus grande partie de sa carrière chez S&P au sein de la division de la notation. Ils ont été invités à évaluer la cote de crédit qui aurait été accordée à l’intimée avec ou sans la garantie fournie par GECUS, en utilisant les critères de notation de crédit employés par S&P.

 

[27]      M. Emmer s’est dit d’avis que l’intimée conserverait sa cote AAA sans la garantie explicite de GECUS, en raison du soutien implicite découlant de sa relation avec GECUS et GE. M. Chambers estimait pour sa part, en recourant aux mêmes critères, que la cote de crédit de l’intimée aurait été considérablement moins élevée sans la garantie explicite de GECUS. Selon lui, la cote la plus basse se serait située entre B+ et BB-, et la cote la plus haute entre BB+ et BBB- (motifs, au paragraphe 72).

 

[28]      Le juge de la Cour de l’impôt a préféré le témoignage de M. Chambers et conclu que la cote de crédit attribuée à l’intimée sans la garantie explicite de GECUS se serait située entre BB+ et BBB-. Il a plus tard réitéré, se fondant sur le témoignage de M. Werner, un ancien membre de la haute direction de GECUS, que la garantie explicite était nécessaire (motifs, aux paragraphes 284 à 301).

 

[29]      Le juge de la Cour de l’impôt a conclu (motifs, au paragraphe 305) :

 

[… ] selon l’approche axée sur le taux de rendement, les économies de coût d’intérêt basées sur l’écart de notes entre [BBB-/BB+] et AAA, cette dernière étant la note attribuée si la garantie de GECUS est en vigueur, correspondent à environ 183 points de base ou 1,83 %. Je suis d’avis [que des frais] de garantie de 1 % [sont égaux] ou [inférieurs] à un prix sans lien de dépendance dans les circonstances, puisque [l’intimée] a bénéficié d’un avantage économique net considérable grâce à l’opération. Le bénéfice économique net est supérieur au taux de 1,83 % calculé selon l’approche axée sur le taux de rendement […] [Les parties ont confirmé à l’audience que dans la citation qui précède, tirée des motifs originaux, l’échelon inférieur de la cote est erronément décrit comme étant BBB‑/BBB+, en raison d’une faute de transcription.]

 

 

[30]      Compte tenu de cette conclusion, le juge de la Cour de l’impôt a rejeté la prétention de la Couronne suivant laquelle, pour l’application de l’impôt des non-résidents prévu à la partie XIII, les frais de garantie devaient être traités comme des dividendes réputés plutôt que comme des intérêts réputés (motifs aux paragraphes 306 et 307).

 

POSITION DE LA COURONNE

[31]      Au soutien de son appel, la Couronne invoque ce qu’elle décrit être quatre erreurs de droit. Elle prétend aussi que le juge de la Cour de l’impôt a commis certaines erreurs manifestes et dominantes et que, quoi qu’il en soit, son jugement ne peut être maintenu parce que son comportement au cours de l’instruction a donné naissance à une crainte raisonnable de partialité de sa part contre la Couronne.

 

Erreurs de droit

[32]      La Couronne avance en premier lieu que le juge de la Cour de l’impôt n’a pas défini l’opération applicable, parce qu’il a tenu compte d’un fait inexistant, à savoir le retrait de la garantie explicite (mémoire de la Couronne, au paragraphe 39). Par conséquent, le juge de la Cour de l’impôt a analysé et évalué une opération différente de celle qui a eu lieu (ibidem). De l’avis de la Couronne, il convient de ne tenir compte de l’absence d’une garantie explicite que dans le cadre de l’exercice d’évaluation, analyse qui se fait après la détermination de l’opération applicable (mémoire de la Couronne, aux paragraphes 40 à 44).

 

[33]      La Couronne soutient en outre que le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en privilégiant le témoignage de M. Chambers, témoin expert de l’intimée, dans la mesure où M. Chambers a omis de traiter de quatre caractéristiques importantes qui étaient pertinentes pour évaluer la valeur de la garantie explicite. Ces caractéristiques sont : i) le contrôle ou la gestion exercés par GECUS et par l’intimée; ii) le risque de défaut de la part de l’intimée et les incidences d’un tel défaut sur GECUS; iii) le fait que le capital et les clients de GECUS et de l’intimée proviennent de sources communes; iv) la position publique de GE, ses antécédents irréprochables et l’importance déclarée de conserver sa cote AAA. Le juge de la Cour de l’impôt a reconnu l’importance de ces quatre caractéristiques pour la détermination du prix de transfert approprié. Pourtant, en se fondant sur l’analyse de M. Chambers, le juge de la Cour de l’impôt, en réalité, n’a accordé aucune attention à ces facteurs (mémoire de la Couronne, aux paragraphes 53 et 54).

 

[34]      La Couronne prétend également que le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur de droit en omettant de vérifier le « caractère raisonnable ». Elle reconnaît par ailleurs qu’il n’est pas indispensable de procéder à une vérification du « caractère raisonnable » dans tous les cas. Toutefois, elle avance que le juge de la Cour de l’impôt, après avoir reconnu l’importance de procéder à cette vérification, a rejeté ou laissé de côté [traduction] « toutes les méthodes proposées par les parties à l’exception d’une, qu’il avait déjà jugée peu fiable » (mémoire de la Couronne, au paragraphe 55).

 

[35]      Enfin, la Couronne allègue que le juge de la Cour de l’impôt a commis une autre erreur de droit en se fiant à l’appréciation commerciale de M. Werner pour parvenir à sa conclusion sur la question du prix. Plus particulièrement, le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en s’appuyant sur le témoignage subjectif de M. Werner en dépit du fait que la norme de la transaction entre personne sans lien de dépendance exige que la preuve soit de nature objective. De surcroît, soutient la Couronne, le juge de la Cour de l’impôt a omis de reconnaître que l’enjeu était la décision de M. Werner de mettre en vigueur la garantie explicite en 1988 et de commencer à facturer cette garantie en 1995.

 

Erreurs manifestes et dominantes

[36]      La Couronne soutient que la conclusion du juge de la Cour de l’impôt selon laquelle la cote de crédit de l’intimée aurait été bien moindre que AAA si l’intimée n’avait pas bénéficié de la garantie explicite, est fondée sur trois conclusions de fait erronées : le rejet de la déposition de M. Emmer et de celle de deux autres experts qui ont déposé pour la Couronne; l’adoption du témoignage de M. Chambers; et la conclusion portant que l’intimée serait incapable d’obtenir des lignes de crédit d’urgence sans la garantie explicite de GECUS (mémoire de la Couronne, aux paragraphes 66 à 88). En avançant ces arguments, la Couronne ne conteste pas la prérogative du juge de la Cour de l’impôt de préférer la déposition d’un témoin à celle d’un autre. Elle plaide que les motifs du juge de la Cour de l’impôt pour justifier sa préférence pour la preuve de l’intimée sont [traduction] « déraisonnables, inappropriés ou non fondés sur la preuve » (mémoire de la Couronne, au paragraphe 67).

 

Principes de justice naturelle et équité procédurale

[37]      Les prétentions de la Couronne à cet égard comportent deux volets. En premier lieu, la Couronne soutient que durant l’instruction, [traduction] « la nature et l’étendue des interventions [du juge de la Cour de l’impôt] débordaient le cadre des interventions acceptables et ont miné l’image d’impartialité judiciaire », de sorte que l’instruction [traduction] « a été inéquitable sur le plan procédural, donnant lieu à une crainte raisonnable de partialité » (mémoire de la Couronne, au paragraphe 112). En second lieu, elle plaide que les motifs du jugement sont insuffisants, car [traduction] « ils omettent de statuer sur des objections à la preuve non réglées, s’appuient sur des affaires qui n’ont pas été invoquées pendant l’instruction, analysent des éléments de preuve de façon incohérente, ne tiennent pas compte de parties importantes de la déposition de plusieurs témoins et n’offrent pas une analyse satisfaisante de certaines questions essentielles, empêchant ainsi un examen valable en appel » (mémoire de la Couronne, au paragraphe 113).  

 

[38]      À l’audience, la Couronne a exposé son point de vue de façon beaucoup plus précise. S’appuyant sur la décision récente de notre Cour dans Heron Bay Investments Ltd. c. Canada, 2010 CAF 203 [Heron Bay], publiée après le dépôt des mémoires respectifs des parties en l’espèce, la Couronne avance que le juge de la Cour de l’impôt a commis le même manquement à l’équité procédurale que celui décrit dans cette affaire, à savoir qu’il a introduit sa propre thèse de l’affaire, sur laquelle il s’est ensuite fondé pour tirer sa conclusion. 

 

POSITION DE L’INTIMÉE

[39]      En réponse à cette dernière allégation, l’intimée a soutenu à l’audience que l’arrêt Heron Bay ne s’applique pas aux faits de l’espèce. Quant à l’allégation de partialité telle qu’elle a été formulée initialement dans le mémoire de la Couronne, il s’agit au mieux, selon l’intimée, d’une tentative pour annuler ce qui s’est avéré un résultat décevant du point de vue de la Couronne. Sur ce point, l’intimée fait remarquer que la Couronne n’a soulevé aucune objection de quelque sorte que ce soit au cours de l’instruction qui a duré 20 jours.

 

[40]      Au regard de la première erreur de droit alléguée, l’intimée affirme que la Couronne ne devrait pas être autorisée à prétendre que le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en tenant compte des incidences du retrait de la garantie, puisque c’est là précisément ce que la méthode de l’évaluation qu’elle a proposée imposait au juge de faire (mémoire de l’intimée, aux paragraphes 40 et 41).

 

[41]      En ce qui touche l’allégation portant que le juge de la Cour de l’impôt a omis de tenir compte de facteurs économiques pertinents, l’intimée fait remarquer que les facteurs en question ne sont pas obligatoires. Quant à l’application prétendument incorrecte de la règle de l’appréciation commerciale, l’intimée soutient que, contrairement à ce que prétend la Couronne, le juge de la Cour de l’impôt ne s’est pas fondé sur cette règle pour déterminer le prix applicable en l’absence de lien de dépendance (mémoire de l’intimée, aux paragraphes 42 et 43 à 46, respectivement).

 

[42]      Finalement, l’intimée fait valoir qu’aucune erreur de fait manifeste et dominante n’a été démontrée. Plus précisément, la preuve permettait au juge de conclure que sans la garantie, ses émissions de titres de créance n’auraient pas reçu une cote s’approchant de la cote AAA, que la garantie était donc une partie indispensable de son plan d’affaires et qu’elle n’aurait obtenu aucune ligne de crédit d’urgence sans cette garantie (mémoire de l’intimée, aux paragraphes 47 et 48).

 

[43]      Dans le cas où l’une de ces erreurs alléguées ait été commise, estime l’intimée, l’appel ne saurait être accueilli. À son avis, le juge de la Cour de l’impôt a commis deux erreurs fondamentales dans l’application de la norme de la transaction entre personnes sans lien de dépendance, et la correction de ces erreurs ne peut que conduire au rejet de l’appel.

 

[44]      Premièrement, la norme de la transaction entre personnes sans lien de dépendance exigeait que le juge de la Cour de l’impôt considère les parties à l’opération (GECUS et l’intimée) comme des personnes non affiliées entre elles. Dans un tel contexte, il n’y aurait pas de soutien implicite, parce que [traduction] « la notion de soutien implicite procède de la relation de parenté entre des sociétés affiliées » (mémoire de l’intimée, au paragraphe 55). Le juge de la Cour de l’impôt a donc mal appliqué la règle relative au prix de transfert en [traduction] « réduisant le prix applicable à la garantie dans une opération sans lien de dépendance en raison du soutien implicite » (mémoire de l’intimée, au paragraphe 55).

 

[45]      Deuxièmement, selon l’intimée, le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en adoptant « l’approche axée sur le taux de rendement » ou approche axée sur « l’avantage pour l’emprunteur ». Si le juge de la Cour de l’impôt avait correctement appliqué la norme de la transaction entre personnes sans lien de dépendance, il [traduction] « aurait axé son attention sur le prix du marché pour la garantie – le prix que [l’intimée] aurait dû payer pour acheter une garantie sur le marché – plutôt que de mesurer l’avantage qu’elle procurait à [l’intimée] » (mémoire de l’intimée, au paragraphe 56). L’intimée prétend que si le juge de la Cour de l’impôt avait appliqué la norme voulue, celle-ci l’aurait certainement emporté, puisque selon la preuve non contestée, [traduction] « une banque ou société d’assurance non apparentée aurait facturé jusqu’à 300 points de base à [l’intimée] pour garantir des titres de créance de 7 milliards de dollars » (mémoire de l’intimée, au paragraphe 56). 

 

[46]      L’intimée demande à la Cour de traiter de ces questions, qu’il soit ou non nécessaire d’y répondre pour trancher l’appel. Elle estime qu’il [traduction] « serait regrettable que le silence de la cour d’appel soit interprété par le ministre, les contribuables et les administrations fiscales étrangères comme une sanction implicite de l’approche retenue par le juge de première instance » (mémoire de l’intimée, au paragraphe 61). 

 

ANALYSE ET DÉCISION

Portée et application des dispositions pertinentes

[47]      Il existe un différend fondamental entre les parties quant à la portée et à l’application du paragraphe 69(2) et des alinéas 247(2)a) et c) de la Loi relativement aux faits de l’espèce. Les avocats de l’intimée ont plaidé devant la Cour de l’impôt que les avantages dont jouit l’intimée du fait de son affiliation et de son lien de dépendance avec GECUS ne peuvent entrer en ligne de compte dans l’évaluation du prix raisonnable entre personnes traitant à distance aux termes de ces dispositions. Il s’ensuit que la notion de « soutien implicite », sur laquelle la Couronne fonde la proposition que la garantie explicite était sans valeur pour l’intimée, ne peut entrer en ligne de compte parce qu’elle découle de la relation comportant un lien de dépendance.

 

[48]      Pour sa part, la Couronne a maintenu, et le juge de la Cour de l’impôt lui a donné raison, que le principe de la transaction entre personnes sans lien de dépendance commande une comparaison entre l’opération en cause effectuée entre des parties liées et la même opération effectuée entre des parties sans lien de dépendance. Une seule donnée est changée, à savoir que l’opération est réputée avoir lieu entre des parties sans lien de dépendance. De ce fait, les avantages que procure l’affiliation – comme la garantie implicite en l’espèce – sont pertinents et doivent être pris en considération pour déterminer le prix de l’opération en l’absence d’un lien de dépendance. Par conséquent, la question est de savoir quel prix une partie sans lien de dépendance bénéficiant de la garantie implicite serait disposée à payer pour la garantie explicite.

 

[49]      Il n’est pas strictement nécessaire de répondre à cette question car, pour les motifs exposés ci-après, l’appel ne peut pas être accueilli même si la Cour jugeait que la thèse retenue par le juge de la Cour de l’impôt est erronée. Toutefois, la question est au cœur de la décision et il convient de l’examiner.

 

[50]      Le juge de la Cour de l’impôt a décrit comme suit la position des parties (motifs, au paragraphe 187) :

 

[…] Les facteurs pertinents sur le plan économique doivent-ils être tous pris en considération dans la détermination d’un prix établi sans lien de dépendance pour l’opération afin qu’on en arrive à une comparaison significative, comme le soutient la Couronne? Selon le régime des alinéas 247(2)a) et c), faut-il écarter tous les facteurs propres au lien de dépendance doivent être écartés [sic], comme l’affirme l’avocat de [l’intimée]? […]  

 

 

[51]      Ainsi formulée, la question relève purement de l’interprétation législative et doit donc être appréciée suivant la norme de la décision correcte.

 

[52]      Il est important de préciser que l’intimée ne prétend pas que la méthode adoptée par le juge de la Cour de l’impôt a pour effet de redéfinir l’opération d’une manière qui ne saurait être autorisée. La méthode décrit l’opération telle qu’elle a eu lieu entre l’intimée et GECUS et cherche à vérifier l’avantage qu’elle procure à l’intimée en comparant, à la lumière de critères de notation reconnus, la cote de crédit correspondant au soutien implicite et celle correspondant au soutien explicite. La seule question est de savoir s’il est possible de tenir compte du soutien implicite pour l’application du paragraphe 69(2) et des alinéas 247(2)a) et c), étant donné que ce soutien existe en raison de la relation avec lien de dépendance.

 

[53]      Le juge de la Cour de l’impôt a répondu à cette question par l’affirmative. Je ne vois là aucune erreur.

 

[54]      Le principe sous-jacent au paragraphe 69(2) et aux alinéas 247(2)a) et c) est simple. Il s’agit dans tous les cas de déterminer le prix qui aurait été payé dans les mêmes circonstances si les parties à l’opération n’avaient pas eu de lien de dépendance. Cet exercice nécessite la prise en considération de toutes les circonstances qui influent sur le prix, qu’elles découlent de la relation ou d’autres facteurs.  

 

[55]      Cette interprétation découle du sens courant des mots et de l’objectif législatif, qui est de prévenir l’évitement fiscal résultant de distorsions de prix susceptibles de survenir dans le cadre de relations comportant un lien de dépendance, en raison des intérêts communs que partagent les parties liées. L’élimination de ces distorsions à l’aide de points de référence objectifs suffit à satisfaire à l’objectif législatif. Pour le reste, tous les facteurs qu’estimerait pertinents une personne sans lien de dépendance se trouvant dans la même situation que l’intimée devraient être pris en considération.  

 

[56]      En l’espèce, il est admis que suivant la méthode axée sur le taux de rendement, le soutien implicite est un facteur qu’une personne sans lien de dépendance estimerait pertinent pour l’établissement du prix de la garantie. Ce facteur devait donc entrer en ligne de compte. La proposition selon laquelle il convient de faire abstraction du soutien implicite exigerait que la Cour ferme les yeux sur un fait pertinent et prive ainsi de l’effet escompté les dispositions relatives au prix de transfert.  

 

[57]      Ce point de vue est étayé par le paragraphe 1.6 des Principes applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Cette disposition prévoit que la notion de parties indépendantes sert à l’ajustement des bénéfices « aux conditions qui prévaudraient entre entreprises indépendantes pour des transactions et dans des circonstances comparables » (motifs, au paragraphe 204). Le juge de la Cour de l’impôt souligne à juste titre que la notion d’entreprises indépendantes est semblable à la notion de la transaction entre personnes sans lien de dépendance, puisque les deux notions supposent qu’aucune partie ne contrôle l’autre ni n’est assujettie à un contrôle commun (ibidem).

 

[58]      Cette position est en harmonie avec l’arrêt récemment rendu par notre Cour dans GlaxoSmithKline Inc. c. Canada, 2010 CAF 201 [Glaxo] (une demande d’autorisation de pourvoi à la Cour suprême est en instance). Dans cette affaire, les cotisations avaient été établies suivant le principe que Glaxo (une société canadienne résidente) avait payé un prix plus élevé que le prix dans le cadre d’une transaction à distance pour des ingrédients actifs achetés en vrac du fournisseur avec lequel elle avait un lien de dépendance. Le juge de la Cour de l’impôt a statué que les seules opérations pertinentes pour l’application du paragraphe 69(2) étaient les opérations d’achat en vrac.

 

[59]      En appel devant notre Cour, Glaxo a plaidé avec succès qu’il fallait tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’existence d’une licence conventionnelle parallèle entre Glaxo et une autre entité membre du groupe Glaxo. Le juge Nadon s’est dit d’avis que les circonstances pertinentes sont celles « qu’un acheteur sans lien de dépendance se trouvant dans la situation de [Glaxo] jugerait pertinentes pour décider s’il serait prêt à payer le prix que [Glaxo] a payé […] pour [l’ingrédient actif] » (non souligné dans l’original) (Glaxo, au paragraphe 73). Lorsqu’on applique ce critère, il est indubitable que l’existence d’une garantie implicite est un facteur d’examen pertinent qui doit être pris en compte pour la détermination du prix en l’absence d’un lien de dépendance.

 

[60]      L’argument de l’intimée selon lequel la méthode utilisée par le juge de la Cour de l’impôt est erronée en ce qu’elle détermine l’avantage que procure la garantie explicite plutôt que le prix que l’intimée devrait payer pour obtenir cette garantie en l’absence de lien de dépendance, est également dénué de fondement. Certes, la méthode vise à circonscrire l’avantage que procure la garantie explicite. Toutefois, il s’ensuit nécessairement que si la garantie explicite ne procure aucun avantage, une personne sans lien de dépendance se trouvant dans la situation de l’intimée n’aurait rien payé pour l’obtenir. L’évaluation de l’avantage n’est qu’un moyen de vérifier si une partie sans lien de dépendance aurait versé des frais de garantie.

 

[61]      L’intimée a de plus soutenu qu’en ce qui concerne les années d’imposition 1998 et suivantes, seuls les alinéas 247(2)b) et d) auraient pu permettre au ministre de refuser d’accorder le plein montant de la déduction réclamée. Selon l’intimée, refuser le plein montant de la déduction revient à dire que l’opération n’aurait pas été conclue entre des personnes sans lien de dépendance. L’intimée affirme que seuls les alinéas 247(2)b) et d) peuvent être utilisés dans ces circonstances (mémoire de l’intimée, aux paragraphes 57 à 60).

 

[62]      Il n’est pas nécessaire que la Cour se prononce sur cette question. Le juge de la Cour de l’impôt ne fait aucune allusion aux alinéas 247(2)b) et d) dans ses motifs. Il n’y a donc aucune raison pour que l’intimée s’inquiète de ce que par son silence, la Cour d’appel donne à penser qu’elle cautionne l’une ou l’autre des thèses que l’intimée estime maintenant être en litige (mémoire de l’intimée, au paragraphe 61).

 

L’appel de la Couronne

[63]      J’examinerai maintenant, dans l’ordre de leur présentation, les arguments soulevés par la Couronne au soutien de son appel. La Couronne allègue que le juge de la Cour de l’impôt a commis quatre erreurs de droit. La première serait que celui-ci a eu tort de faire abstraction de la garantie explicite pour définir l’opération applicable. Selon la Couronne, le juge ne pouvait écarter la garantie explicite que dans le cadre de l’exercice d’évaluation.

 

[64]      Comme il a été mentionné, l’approche axée sur le taux de rendement était fondée sur une comparaison entre la cote de crédit qu’une partie sans lien de dépendance aurait obtenue dans les mêmes circonstances que l’intimée, et la cote de crédit qui aurait été attribuée sans la garantie explicite (motifs, au paragraphe 259). Nul ne conteste que pour procéder à cet exercice, il fallait virtuellement écarter la garantie explicite. C’est ce qu’a fait le juge de la Cour de l’impôt.

 

[65]      Cependant, le juge de la Cour de l’impôt a poursuivi en examinant l’incidence qu’aurait eue le retrait de la garantie (motifs, au paragraphe 247) :

 

Je souligne également qu’il faut aussi dûment tenir compte du fait que les titres de créance de [l’intimée] étaient garantis par GECUS depuis 1998. Les investisseurs de [l’intimée] s’étaient habitués au fait que ses titres de créance étaient garantis par sa société mère américaine beaucoup plus grande bien avant que GECUS ne décide de réclamer à [l’intimée] [des frais] pour cette garantie. Dans des négociations sans lien de dépendance, ce fait ne passerait pas inaperçu. Un garant éventuel, à l’aube des négociations, prévoirait qu’il serait difficile pour le débiteur de convaincre ses investisseurs d’accepter des titres de créance non garantis selon les mêmes conditions que les titres de créance garantis par sa société mère. Les investisseurs attribueraient une moins grande valeur au soutien implicite de la société mère dans ce cas de figure; ils se demanderaient très probablement pourquoi des titres de créance non garantis sont maintenant émis. Le coût d’emprunt serait probablement plus élevé que si les titres de créance de [l’intimée] n’avaient jamais été garantis par GECUS. Le garant sans lien de dépendance pourrait utiliser cette connaissance comme levier de négociation avec le débiteur. GECUS et [l’intimée] sont censées négocier en tant que parties sans lien de dépendance. Cet historique de garantie met [l’intimée] dans une position plus vulnérable, comme le démontre la preuve analysée plus loin dans les présents motifs.

 

[Non souligné dans l’original]

 

 

Il reproche ensuite à M. Emmer de n’avoir pas tenu compte de l’incidence qu’une décision de retirer la garantie aurait eue sur la cote de crédit de l’intimée (motifs, aux paragraphes 282 et 283).

[66]      Ce disant, le juge de la Cour de l’impôt a perdu de vue que le but de l’approche axée sur le taux de rendement qu’il a adoptée était de mesurer l’avantage que la garantie explicite procurait à l’intimée en comparaison avec le soutien implicite. Il ne pouvait pas redéfinir l’opération au motif que la garantie explicite avait effectivement été retirée, puis évaluer l’incidence du retrait.

 

[67]      Cela dit, je ne crois pas que cette erreur aurait modifié la conclusion à laquelle le juge de la Cour de l’impôt est parvenu. Cette conclusion repose essentiellement sur l’adoption du rapport de M. Chambers. Comme l’a fait elle-même remarquer l’avocate de la Couronne au cours de l’audience – en songeant de toute évidence à son argument de partialité – l’incidence du retrait de la garantie ne constituait pas un facteur important dans le raisonnement de M. Chambers. Celui-ci a mentionné ce facteur comme l’un de douze facteurs jugés pertinents selon les critères de notation de S&P, et ledit facteur a joué un rôle mineur dans la conclusion à laquelle il est parvenu (dossier d’appel, vol. 13, aux pages 3725 et 3727 respectivement). Fait à souligner, M. Chambers, dans son rapport en contre-preuve, ne critique pas l’omission de M. Emmer de mentionner ce facteur (rapport en contre-preuve, dossier d’appel, vol. 13, aux pages 3740 à 3772), et aucun des six autres experts qui ont témoigné pour le compte de l’intimée ne s’est appuyé sur ce facteur.

 

[68]      La présente instance n’est pas un cas limite où l’on peut considérer qu’un seul facteur fait pencher la balance. Le rapport de M. Chambers part du principe selon lequel l’intimée, avec une garantie explicite en vigueur, aurait bénéficié d’une cote de crédit AAA. L’auteur explique qu’une garantie explicite assure un soutien inconditionnel et exécutoire dont la seule limite est la capacité de payer du garant. C’est la raison pour laquelle une garantie de cette nature fait généralement en sorte que l’on attribue à la filiale une cote de crédit égale à celle de sa société mère (dossier d’appel, vol. 13, à la page 3718). Le soutien implicite, au contraire, repose sur l’attente d’un comportement qui est tributaire de conditions économiques futures, une distinction que le juge de la Cour de l’impôt, après avoir insisté sur la difficulté de prédire les tendances économiques, a jugée importante (motifs, au paragraphe 281).

 

[69]      M. Chambers a expliqué dans son rapport que l’on peut concevoir qu’une filiale puisse obtenir la même cote de crédit que sa société mère sans garantie explicite, mais que cette éventualité commanderait des circonstances particulières – essentiellement, un cas où l’importance économique relative de la filiale ou son rôle au sein du groupe rendent son abandon par la société mère pratiquement impossible – qui n’existent tout simplement pas en l’espèce (dossier d’appel, vol. 13, aux pages 3721 et 3722). Le juge de la Cour de l’impôt a souscrit à ce point de vue. Il a conclu, après avoir soupesé les points saillants de l’opinion de M. Emmer (motifs, aux paragraphes 263 à 283), que « conclure que la note de crédit de [l’intimée] serait égalisée avec celle de sa société mère en l’absence de garantie constitue un acte de foi injustifié […] » (motifs, au paragraphe 290).

 

[70]      L’opinion de M. Chambers quant à l’existence d’un écart et à son étendue est corroborée par une preuve indépendante, qui consiste en deux estimations obtenues par l’intimée de la Banque Royale du Canada (la Banque Royale) et de la Banque de Nouvelle-Écosse. Ces estimations ont été fournies en réponse à une demande stratégique faite par l’intimée et GECUS pour vérifier le caractère raisonnable des frais projetés, en 1995. La demande avait pour but de connaître la cote de crédit que ces banques attribueraient à l’intimée « sur une base indépendante », c'est-à-dire sans la garantie explicite, pour établir le prix d’un crédit comparable (2 milliards de dollars ou plus) sur une période continue (de 2, 3, 5 ans ou plus). Chacune des deux estimations confirme qu’un soutien implicite se traduirait par une cote de crédit de niveau inférieur (motifs, aux paragraphes 88 à 99); la Banque Royale va jusqu’à proposer une notation de niveau B avec un coût de la facilité entièrement utilisée établi à 250 points de base (motifs, au paragraphe 92).

 

[71]      Certes, ces estimations étaient de nature exploratoire et n’obligeaient en rien les parties, mais elles représentent néanmoins une évaluation spontanée du risque de crédit que des prêteurs professionnels auraient été disposés à attribuer à l’intimée sur une base indépendante, en 1995.

 

[72]      La Couronne a insisté sur le fait que le juge de la Cour de l’impôt a rejeté deux de ses experts parce qu’ils n’avaient pas tenu compte de l’incidence du retrait de la garantie. C’est effectivement le cas. Le juge de la Cour de l’impôt y a fait référence un certain nombre de fois en analysant le témoignage de M. Emmer (motifs, aux paragraphes 139 et 279). Il a même fait observer, de façon étrange, que M. Emmer n’était pas très à l’aise pour répondre aux questions posées à ce sujet (motifs, au paragraphe 283). Il a aussi mentionné ce facteur en rejetant le témoignage de M. Saunders, un autre expert appelé par la Couronne (motifs, au paragraphe 298).

 

[73]      Il reste toutefois qu’il ne s’agit que d’un facteur parmi d’autres facteurs mentionnés par le juge de la Cour de l’impôt pour justifier le rejet du témoignage de MM. Emmer et Saunders (en ce qui concerne M. Emmer, voir les motifs, aux paragraphes 265 à 268 et 274 à 278; quant à M. Saunders, voir les motifs aux paragraphes 298 à 300). L’examen de ces autres facteurs montre clairement que leur témoignage respectif aurait subi le même sort, peu importe que le juge de la Cour de l’impôt se soit ou non fondé sur l’incidence du retrait de la garantie. 

 

[74]      Je conclus en conséquence que l’erreur du juge de la Cour de l’impôt n’a pas eu d’effet sur sa conclusion portant qu’il existait un écart entre la cote de crédit que l’intimée aurait obtenue avec la garantie explicite et celle qui lui aurait été attribuée sans cette garantie, et que les frais de garantie de 1 % s’inscrivaient dans cet écart.

 

[75]      J’examinerai maintenant les autres erreurs de droit alléguées. La Couronne soutient que le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de quatre caractéristiques pertinentes pour l’appréciation de la valeur de la garantie explicite. Il aurait commis une erreur semblable en omettant de procéder à une vérification du « caractère raisonnable ».

 

[76]      En ce qui touche la première erreur alléguée, la seule objection est que le juge de la Cour de l’impôt a donné préférence à la déposition du témoin expert de l’intimée (M. Chambers), qui ne s’est pas fondé sur ces quatre caractéristiques (mémoire de la Couronne, aux paragraphes 46 à 54). Avec égards, cela ne prouve pas que le juge de la Cour de l’impôt n’avait pas ces quatre caractéristiques à l’esprit, compte tenu particulièrement du fait qu’il a souligné l’importance d’au moins trois de ces quatre facteurs au fil de ses motifs (motifs, aux paragraphes 231 à 305). Le véritable grief de la Couronne semble tenir à ce que le juge de la Cour de l’impôt aurait dû préférer la déposition de M. Emmer à celle de M. Chambers parce que le rapport de ce dernier ne rendait pas compte de ces caractéristiques. Cet argument a trait à l’appréciation de la preuve; or, comme il a été démontré plus tôt, la preuve justifie amplement la décision du juge de la Cour de l’impôt d’accorder sa préférence à la déposition de M. Chambers.

 

[77]      Quant à la vérification du « caractère raisonnable », la Couronne reconnaît elle-même qu’aucun principe de droit n’exige qu’un tel examen soit fait dans tous les cas. La Couronne affirme néanmoins que le juge de la Cour de l’impôt, qui avait conclu qu’une vérification s’imposait en l’espèce, a commis une erreur en procédant à cette vérification au moyen d’une méthode qu’il avait rejetée, la méthode fondée sur l’assurance.

 

[78]      En toute déférence, le juge de la Cour de l’impôt n’a pas conclu qu’une vérification du caractère raisonnable s’imposait en l’espèce, et il n’a pas prétendu procéder à une telle vérification. Il a simplement déclaré, en rejetant la méthode fondée sur l’assurance, que cette méthode était peu fiable, pour les motifs qu’il a exposés, «  […] sauf peut-être […] à titre d’une méthode parmi d’autres à examiner à l’étape de la “ vérification de la logique ” […] » (motifs, au paragraphe 257).

 

[79]      Quoi qu’il en soit, le test du caractère raisonnable proposé par la Couronne vise à démontrer que des frais de garantie de 2 % seraient déraisonnables parce qu’ils représentent une portion excessive (soit 60 %) des profits de l’intimée lorsqu’on les calcule sans tenir compte du coût de la garantie (mémoire de la Couronne, aux paragraphes 57 à 59). Je ne vois pas comment cet élément peut aider la Couronne, étant donné que les frais facturés et réclamés à titre de déduction étaient de 1 %.

 

[80]      Finalement, la Couronne soutient que le juge de la Cour de l’impôt s’est appuyé à tort sur l’appréciation commerciale de M. Werner pour conclure que la garantie explicite était nécessaire (motifs, aux paragraphes 290 à 294). La Couronne insiste sur le fait que le redressement du prix de transfert est fondé sur le postulat que la garantie explicite était superflue du point de vue de l’intimée, parce qu’elle ne lui apportait rien de plus. En conséquence, la question de la nécessité de la garantie explicite est au cœur du redressement du prix de transfert et devait être évaluée en fonction de la preuve objective plutôt qu’en fonction d’éléments de preuve subjectifs.

 

[81]      Or, les motifs montrent que le juge de la Cour de l’impôt était conscient de cette distinction. Au début de son analyse concernant la nécessité de la garantie, il a fait remarquer qu’il n’était pas nécessaire de statuer sur cette question parce qu’il avait déjà conclu – après avoir appliqué la méthode proposée par la Couronne – que les titres de créance non garantis de l’intimée n’obtiendraient pas une cote s’approchant de la cote AAA (motifs, au paragraphe 284). Par conséquent, la garantie était nécessaire. Le juge a néanmoins choisi d’aborder la question en raison de son caractère inédit et des montants en jeu (ibidem).

[82]      On peut donc constater que le juge de la Cour de l’impôt a examiné l’appréciation commerciale de M. Werner seulement après avoir jugé, en se fondant sur la preuve objective, que la garantie explicite était nécessaire. Je ne décèle aucune erreur à cet égard.

 

Erreurs manifestes et dominantes

[83]      J’ai déjà exprimé l’avis que la preuve justifiait de conclure que le témoignage de M. Chambers devait avoir priorité sur celui de M. Emmer et des autres témoins experts de la Couronne partageant un point de vue semblable.

 

[84]      Enfin, la dernière allégation porte que le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur manifeste et dominante en concluant que l’intimée serait incapable d’obtenir des lignes de crédit d’urgence en l’absence d’une garantie explicite (mémoire de la Couronne, aux paragraphes 85 à 88).

 

[85]      Deux experts ont témoigné sur ce point, M. Coombs pour l’intimée et M. Meyerman pour la Couronne. Finalement, le juge de la Cour de l’impôt a retenu l’opinion exposée par M. Coombs (motifs, aux paragraphes 39 et 40). Le juge a aussi expliqué pourquoi les facilités de crédit de GECUS ne pouvaient servir de lignes de crédit de protection sans le soutien explicite de GECUS (motifs, au paragraphe 297). La preuve permettait au juge de la Cour de l’impôt de tirer la conclusion à laquelle il est parvenu. 

 

[86]      À l’audience, l’avocate de la Couronne a beaucoup insisté sur les deux estimations obtenues de la Banque Royale et de la Banque de la Nouvelle-Écosse (voir le paragraphe 70, ci-dessus). À son avis, il n’était pas loisible au juge de la Cour de l’impôt de conclure ainsi qu’il l’a fait, compte tenu de ces éléments de preuve.

 

[87]      Je ferai remarquer que les estimations en cause étaient de nature exploratoire. Elles sont loin de suffire à établir que l’intimée disposait des facilités de crédit d’urgence nécessaires à une émission de titres de créance non garantis pour les montants requis, en son seul nom et sans le soutien explicite de sa société mère. De toute façon, même si ces estimations établissaient effectivement la capacité d’obtenir les lignes de crédit requises, les taux prévus dans les estimations dépassaient clairement 1 %, de sorte qu’une erreur du juge de la Cour de l’impôt sur ce point n’aurait pas changé l’issue de la cause.

 

Équité procédurale

[88]      À l’audience du présent appel, la Couronne a reformulé son argument concernant la partialité en se référant à la récente décision de notre Cour dans Heron Bay, un appel d’une décision du même juge. Dans cette affaire, notre Cour a statué que le juge avait introduit sa propre thèse de l’affaire, avait obtenu la preuve nécessaire sur ce point en interrogeant lui-même les témoins, puis s’était fondé sur cette preuve pour tirer une conclusion cruciale à sa décision, qui, dans cette affaire, était favorable à la Couronne.  

 

[89]      De la même façon, la Couronne allègue qu’en l’espèce, le juge de la Cour de l’impôt a conçu sa propre thèse de l’affaire, à savoir que le retrait de la garantie était pertinent et se traduisait par une incidence défavorable sur la cote de crédit de l’intimée, puis a obtenu la preuve pertinente sur ce point en interrogeant les témoins et s’est fondé sur cette preuve pour tirer une conclusion cruciale en faveur de l’intimée.

 

[90]      Avec égards, deux de ces trois facteurs sont tout simplement absents en l’espèce. D’abord, le juge de la Cour de l’impôt n’a pas introduit l’idée selon laquelle l’incidence du retrait de la garantie était un facteur d’examen pertinent pour l’évaluation de la cote de crédit de l’intimée. Cette notion a été énoncée dans le rapport de M. Chambers. En second lieu, pour les motifs déjà exposés, la conclusion du juge de la Cour de l’impôt selon laquelle le retrait de la garantie constituait un facteur pertinent, n’a pas joué un rôle crucial dans l’issue de l’affaire.

 

[91]      Le dossier révèle effectivement que le juge de la Cour de l’impôt, par ses questions, a scruté cette question de façon exagérée, ce qui a parfois mis mal à l’aise les avocats des deux parties (voir par exemple le dossier d’appel, vol. 23, aux pages 6408, 6409, 6454 et 6455; vol. 32, aux pages 8333, 8334, 8388 et 8389; vol. 33, à la page 8409; vol. 34, aux pages 8644 à 8651; vol. 36, aux pages 9022 à 9031 et 9064 à 9070; vol. 37, aux pages 9240 à 9242). Toutefois, les questions posées sur ce point ne donnent pas naissance à une crainte raisonnable de partialité à l’endroit de la Couronne. Elles dénotent que le juge de la Cour de l’impôt s’est exagérément intéressé à une question qui était sans rapport essentiel avec l’issue de la cause.

 

[92]      Quant à l’argument relatif à l’insuffisance des motifs, il n’a pas été établi que les motifs étoffés du juge de la Cour de l’impôt en l’espèce ne permettent pas la tenue d’un examen valable (R. c. Sheppard, 2002 CSC 26, [2002] 1 R.C.S. 869, au paragraphe 28).

 

[93]      Je rejetterais l’appel avec dépens.

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

        J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

        Robert M. Mainville, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                    A-1-10

 

(APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR MONSIEUR LE JUGE ROBERT J. HOGAN DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT LE 4 DÉCEMBRE 2009, NO 2006‑1385(IT)G, 2006‑1386(IT)G)

 

INTITULÉ :                                                   SA MAJESTÉ LA REINE et CAPITAL GÉNÉRALE ÉLECTRIQUE DU CANADA INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 16 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE NOËL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE PELLETIER

                                                                        LE JUGE MAINVILLE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 15 décembre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Naomi Goldstein

William Softley

Justine Malone

 

POUR L’APPELANTE

Al Meghji

Joseph M. Steiner

Neil Paris

Martha MacDonald

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANTE

 

Osler, Hoskin & Harcourt s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

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