Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Federal Court of Appeal

Cour d'appel fédérale

 

 

Date : 20101213

Dossier : A-108-10

Référence : 2010 CAF 341

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

                        LE JUGE STRATAS

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

DIANNE M. INNES

défenderesse

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 13 décembre 2010.

Jugement prononcé à l’audience à Toronto (Ontario), le 13 décembre 2010.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                            LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON


Federal Court of Appeal

Cour d'appel fédérale

 

 

Date : 20101213

Dossier : A-108-10

Référence : 2010 CAF 341

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

                        LE JUGE STRATAS

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

 

DIANNE M. INNES

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 13 décembre 2010)

 

[1]               Nous sommes d’avis que la présente demande de contrôle judiciaire de la décision du juge‑arbitre doit être accueillie.

 

[2]               Le 6 février 2009, la prestataire a demandé à la Commission d’antidater sa demande de prestations d’assurance‑emploi au 28 mai 2008. Le paragraphe 10(4) de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi) permet d’antidater des demandes dans les cas où le prestataire peut fournir un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations. La jurisprudence de notre Cour prévoit que pour établir un motif valable, le prestataire doit réussir « à démontrer qu’il a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s’assurer des droits et obligations que lui impose la Loi » : Canada (P.G.) c. Albrecht, [1985] 1 C.F. 710 (C.A.) (Albrecht).

 

[3]               La prestataire en l’espèce a expliqué qu’elle croyait ne pas être admissible aux prestations parce qu’elle travaillait à temps partiel. Ce n’est qu’en décembre 2008, après avoir lu par hasard un article de journal sur l’admissibilité aux prestations, qu’elle a réalisé qu’elle y avait droit. La Commission a rejeté sa requête en vue d’antidater sa demande de prestations, concluant qu’elle n’avait aucun motif valable durant toute la période du retard.

 

[4]               Le conseil arbitral (le conseil) a accueilli l’appel de la prestataire. Il a reconnu le critère juridique formulé dans Albrecht. Il a indiqué que la prestataire ne s’était pas rendu compte qu’elle était admissible et que son [traduction] « déménagement à Brantford s’est avéré plus exigeant que ce à quoi elle s’attendait ». Il a indiqué que, dès qu’elle a su grâce à l’article de journal qu’elle pouvait obtenir des prestations, elle a pris toutes les mesures nécessaires pour accélérer le processus. Ainsi, le conseil a conclu [traduction] « qu’elle a agi de manière raisonnable pour s’enquérir de ses droits et obligations en vertu de la Loi ».

 

[5]               Le juge-arbitre a rejeté l’appel de Sa Majesté. Le juge-arbitre Durocher a cité le critère juridique établi dans Albrecht et a conclu que, bien que l’ignorance de la loi ne constitue pas en soi un motif valable, « quand d’autres circonstances et raisons sont également démontrées, il appartient au conseil arbitral de décider, tous les aspects étant pris en considération, qu’un prestataire a agi en personne prudente et raisonnable ». Il a conclu que le conseil « a bien tenu compte des circonstances, [a] évalué les faits et les a correctement appliqués au critère et à la Loi ».

 

[6]               L’application du droit aux faits est une question mixte de fait et de droit qui doit être examinée selon la norme de la raisonnabilité : Martens c. Canada (P.G.), 2008 CAF 240, par. 31; Canada (P.G.) c. Greey, 2009 CAF 296; 313 D.L.R. (4th) 93, par. 19. Le juge-arbitre n’a pas précisé les « autres circonstances » qui selon lui démontraient que la prestataire avait agi en personne raisonnable et prudente. Les motifs du conseil ne sont d’aucune utilité à cet égard puisqu’ils n’indiquent pas sur quoi il s’est fondé pour affirmer que le déménagement à Brantford s’est avéré [traduction] « plutôt traumatisant ».

 

[7]               L’affidavit de la prestataire à l’appui de la présente demande indique simplement que [traduction] « la réduction du personnel et le déménagement à Brantford se sont avérés très émouvants et stressants » (affidavit de la prestataire, par. 2). La prestataire n’explique pas davantage pourquoi elle n’a demandé des prestations que sept mois après avoir cessé de travailler. Elle insiste plutôt sur le fait qu’elle n’a pas présenté sa demande plus tôt parce qu’elle croyait à tort qu’un emploi à temps partiel ne lui permettait pas de réclamer des prestations d’assurance‑emploi.

 

[8]               Il s’agit là d’un problème, car la jurisprudence de notre Cour prévoit qu’un prestataire est tenu de vérifier « assez rapidement » s’il a droit à des prestations d’assurance‑emploi et de s’assurer des droits et obligations que lui impose la Loi : Canada (P.G). c. Carry, 2005 CAF 367, 344 N.R. 142, par. 5 (Carry); Canada (P.G.) c. Larouche (1994), 176 N.R. 69, par. 6 (C.A.F.); Canada (P.G.) c. Brace, 2008 CAF 118; 377 N.R. 228, par. 12. Cette obligation implique un devoir de prudence sévère et strict : Albrecht, par. 13. L’ignorance de la loi et la bonne foi ne constituent pas des motifs valables : Carry, par. 5; Procureur général du Canada c. Trinh, 2010 CAF 335, par. 7 et 8.

 

[9]               Rien dans le dossier n’indique que la prestataire a pris des mesures pour vérifier si elle avait droit à des prestations ou pour s’assurer des obligations que lui impose la Loi. C’est par hasard qu’elle a lu l’article de journal sur l’admissibilité aux prestations. Elle a présumé (à tort) qu’elle n’avait pas accumulé assez d’heures pour pouvoir présenter une demande, mais n’a pris aucune mesure pour valider cette présomption. Bien que la prestataire aborde brièvement dans son affidavit les problèmes qu’elle a précédemment eus avec le système d’assurance emploi en 2000, elle n’a fourni aucune explication à cet égard et le dossier n’indique rien à ce sujet.

 

[10]           Selon nous, malgré la retenue dont nous devons faire preuve à l’égard du juge‑arbitre, nous concluons que sa décision est déraisonnable parce que rien dans le dossier ne justifie le retard de la prestataire ni ne démontre qu’elle a pris des mesures raisonnables pour s’acquitter de ses obligations, comme l’exige la jurisprudence de notre Cour.

 

[11]           Par conséquent, pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision du juge-arbitre sera annulée et l’affaire sera renvoyée au juge-arbitre en chef ou à l’un de ses délégués pour qu’il rende une nouvelle décision en tenant compte du fait que la prestataire n’a fourni aucun motif valable pour justifier son retard à présenter sa demande de prestations. Comme les parties n’ont pas réclamé de dépens, aucuns dépens ne seront adjugés.

 

 

« Carolyn Layden-Stevenson »

j.c.a.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                          A-109-10

 

DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION DU JUGE‑ARBITRE DUROCHER, DATÉE DU 25 FÉVRIER 2010, DANS LE DOSSIER NO CUB 74059

 

INTITULÉ :                                                         LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

                                                                              et

                                                                              DIANNE M. INNES

défenderesse

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 Le 13 décembre 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :     LES JUGES DAWSON, LAYDEN‑STEVENSON ET STRATAS

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :             LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

COMPARUTIONS :

 

Derek Edwards

POUR LE DEMANDEUR

 

Dianne M. Innes

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Dianne M. Innes

POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.