Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20110119

Dossier : A‑214‑10

Référence : 2011 CAF 20

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA

FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2011

Jugement prononcé à l’audience à Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                           LE JUGE EVANS

 

 


Date : 20110119

Dossier : A‑214‑10

Référence : 2011 CAF 20

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA

FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2011)

 

LE JUGE EVANS

[1]               Une entente sur les services essentiels (ESE) conclue en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la Loi) entre l’employeur et l’agent négociateur d’une unité de négociation définit les limites du droit de grève des employés pour faire en sorte que le gouvernement continue à fournir les services essentiels lors d’une grève.

 

[2]               Le paragraphe 123(3) de la Loi prévoit que, lorsque les parties n’arrivent pas à s’entendre, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) peut, sur demande présentée en vertu du paragraphe 123(1), statuer sur toute question en litige qui peut figurer dans l’ESE et prévoir que sa décision est réputée faire partie de l’ESE.

 

[3]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée par le procureur général du Canada en vue de faire annuler la décision (2010 CRTFP 60), en date du 7 mai 2010, par laquelle la Commission a estimé qu’elle avait compétence pour ordonner l’inclusion dans une ESE d’une définition des services essentiels fournis par un groupe d’employés. La question était soulevée dans le contexte d’un différend portant sur les modalités de l’ESE visant les employés du groupe Systèmes d’ordinateurs du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile.

 

[4]               Pour arriver à sa conclusion, la Commission a suivi ses décisions antérieures, en particulier la décision de principe Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 97. Elle a rejeté l’argument du Conseil du Trésor (l’employeur) suivant lequel les seuls éléments qui peuvent figurer dans une ESE sont ceux qui sont énumérés dans la définition d’une ESE que l’on trouve au paragraphe 4(1) de la Loi, à savoir les types et le nombre de postes et les postes précis qui sont nécessaires pour fournir les services essentiels.

 

[5]               La Commission a jugé que, sous le régime de l’ancienne Loi, le concept clé utilisé pour définir les limites du droit de grève était celui de « poste désigné ». Aux termes de la Loi actuelle, ce concept a cependant été remplacé par celui d’entente sur les services essentiels et la Commission a affirmé que, sans une définition des services essentiels dans l’ESE, le système serait incohérent.

 

[6]               À l’appui de sa demande de contrôle judiciaire, le procureur général soutient que la norme de contrôle qui s’applique à la décision de la Commission est celle de la décision correcte, parce que la question de savoir si la Commission peut ordonner que la définition des services essentiels en cause fasse partie de l’ESE est une « question touchant véritablement à la compétence ou à la constitutionnalité » (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 59) (Dunsmuir).

 

[7]               Nous ne sommes pas de cet avis. La question en litige porte sur l’interprétation de la loi constitutive de la Commission : il s’agit en effet de savoir si la définition de l’ESE que l’on trouve au paragraphe 4(1) de la loi est exhaustive, comme le soutient l’employeur. Elle concerne aussi, de façon plus générale, le rôle que joue l’ESE dans l’économie de la Loi, par opposition au concept des « postes désignés » de l’ancienne Loi ou au concept analogue de « postes essentiels » sur lequel l’employeur se fonde, et ce, même si on ne le trouve pas dans la Loi. Ces questions ne mettent pas en jeu des concepts juridiques généraux, pas plus qu’elles ne soulèvent des questions de droit qui revêtent une importance cruciale pour le système juridique et qui déborderaient le cadre de la compétence spécialisée de la Commission.

 

[8]               Qui plus est, l’article 51 de la Loi renferme une clause privative forte qui met les décisions de la Commission à l’abri du contrôle judiciaire. Bien qu’elle ne soit pas investie d’un pouvoir explicite de définir le sens de sa loi constitutive pour pouvoir trancher les questions dont elle est saisie, la Commission a, en tant qu’organisme exerçant des fonctions juridictionnelles, le pouvoir implicite de le faire.

 

[9]               Ces éléments tendent fortement à indiquer que la Cour ne peut modifier la décision visée par la demande de contrôle que si elle est convaincue qu’elle est déraisonnable (Dunsmuir, aux paragraphes 52 et 54). Dans ces conditions, on ne nous a pas convaincus que le fait d’affirmer a priori que les dispositions de la Loi dont l’interprétation est en litige sont « relatives à la compétence » justifie que la norme de contrôle en l’espèce soit celle de la décision correcte (Association des pilotes fédéraux du Canada c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 223, 392 N.R. 128). Le fait que la Commission a qualifié la question qui lui était soumise de question « de compétence » n’est pas déterminant quant au choix de la norme de contrôle que notre Cour doit appliquer pour trancher la demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission.

 

[10]           On ne nous a pas non plus convaincus que la Commission avait outrepassé sa compétence du fait qu’elle aurait rendu une décision déraisonnable. À notre avis, dans ses motifs détaillés, la Commission a attentivement examiné les arguments de l’employeur au sujet de l’interprétation de la Loi. La Commission a motivé de façon intelligible sa décision de ne pas considérer les dispositions du paragraphe 4(1) relatives aux postes des employés comme une liste exhaustive de ce qui peut être inclus dans une ESE susceptible de faire l’objet d’une ordonnance de la Commission.

 

[11]           De plus, lorsqu’on situe le texte des dispositions applicables de la Loi dans le contexte de la Loi et que l’on tient compte des objectifs de cette dernière, notamment eu égard au contraste entre la nouvelle Loi et l’ancienne Loi, la façon dont la Commission a tranché les questions d’interprétation dont elle était saisie appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier.

 

[12]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée avec dépens.

 

« John M. Evans »

j.c.a.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑214‑10

 

 

INTITULÉ :                                                   PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 19 janvier 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR                                                LES JUGES NOËL, EVANS et STRATAS

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :       LE JUGE EVANS

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sean F. Kelly

POUR LE DEMANDEUR

 

Christopher Rootham

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Nelligan O’Brien Payne s.r.l.

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.