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Date : 20110125

Dossier : A‑271‑10

Référence : 2011 CAF 26

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

KUM CHAI YEO

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 25 janvier 2011

Jugement prononcé à l’audience à Toronto (Ontario), le 25 janvier 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                           LE JUGE EVANS

 


Date : 20110125

Dossier : A‑271‑10

Référence : 2011 CAF 26

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

ET

KUM CHAI YEO

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 25 janvier 2011)

 

LE JUGE EVANS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par le procureur général du Canada en vue de faire annuler une décision par laquelle un juge‑arbitre (CUB 74709) a rejeté l’appel interjeté de la décision, en date du 30 juin 2009, d’un conseil arbitral. Celui‑ci avait accueilli l’appel interjeté par Kum Chai Yeo du rejet, par la Commission de l’assurance‑emploi, de sa demande de prestations d’assurance‑chômage.

 

[2]               Le conseil arbitral a estimé que M. Yeo était fondé à quitter volontairement son emploi parce que le temps qu’il devait passer sur la route pour se rendre au travail et pour en revenir ne lui permettait pas de laisser ses enfants à l’école le matin et d’aller les chercher le soir, après l’école, pour les conduire à leurs activités.

 

[3]               M. Yeo, un comptable, a expliqué qu’aux termes de l’entente de divorce qui avait été homologuée, il partageait avec son ex‑épouse la garde de ses deux enfants, qui passent une journée de semaine par semaine avec lui ainsi que la plupart des fins de semaine. Il a déclaré qu’il avait tenté de réorganiser son horaire de travail, mais qu’il n’avait pas réussi à respecter les engagements qu’il avait pris au sujet de la garde de ses enfants. Son employeur n’avait pas de succursale plus près de la résidence de M. Yeo, qui a par ailleurs expliqué qu’il n’avait pas de proches parents à qui il aurait pu demander de l’aide pour s’occuper des enfants.

 

[4]               Pour ce qui est de chercher un emploi mieux situé tout en continuant à travailler, M. Yeo a expliqué qu’il était limité dans ses recherches d’emploi parce qu’il lui était difficile de se présenter à des entrevues pour un emploi durant ses heures de travail. Enfin, M. Yeo a expliqué qu’il avait quitté son emploi parce qu’il s’attendait, en se fiant à son expérience antérieure, à pouvoir se trouver rapidement un emploi plus près de chez lui. Toutefois, en raison de la crise économique, ses recherches d’emploi ont duré plus longtemps que prévu.

 

[5]               Quiconque quitte volontairement son emploi n’a droit à des prestations d’assurance‑chômage que s’il est « fondé » à quitter son emploi (Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23 : paragraphe 30(1)). Dans ses motifs, le conseil cite la disposition de la Loi qui s’applique directement à la présente instance, soit le sous‑alinéa 29c)(v) :

c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci‑après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :

[…]

(v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,

29(c) just cause for voluntarily leaving an employment or taking leave from an employment exists if the claimant had no reasonable alternative to leaving or taking leave, having regard to all the circumstances, including any of the following:

 

[...]

(v) obligation to care for a child or a member of the immediate family,

 

[6]               Après avoir accepté le témoignage de M. Yeo, le conseil a conclu qu’il « n’a décidé de quitter son emploi qu’après avoir fait de son mieux pour tenter de trouver une autre solution ».

 

[7]               En appel, le juge‑arbitre a estimé que, sans avoir conclu que « son départ ou son congé constitu[ait] la seule solution raisonnable » dans le cas de M. Yeo, la déclaration du conseil selon laquelle M. Yeo avait fait de son mieux équivalait à cette conclusion. Le conseil n’avait donc commis aucune erreur de droit. Le juge‑arbitre a conclu que le conseil avait tenu compte de l’ensemble de la preuve et que l’on ne pouvait qualifier sa décision de déraisonnable.

 

[8]               Nous ne sommes pas convaincus qu’après avoir correctement énoncé le critère juridique permettant de déterminer dans quel cas un employé est « fondé » à quitter son emploi, le conseil aurait rapidement ce critère, à savoir trois paragraphes plus loin, et aurait appliqué de façon erronée un autre critère. À l’instar du juge‑arbitre, nous sommes disposés à accorder le bénéfice du doute au conseil sur cette question. Lecture faite de l’ensemble des motifs du conseil, nous ne sommes pas convaincus que l’affirmation du conseil, à la fin de ses motifs, suivant laquelle M. Yeo avait fait de son mieux pour trouver une autre solution démontrait qu’après avoir énoncé le bon critère légal, il en avait en fait appliqué un autre, celui‑là erroné.

 

[9]               Toutefois, contrairement au juge‑arbitre, nous sommes d’avis que l’application que le conseil a faite du critère juridique permettant de déterminer dans quel cas un employé est « fondé » à quitter son emploi était déraisonnable et nous estimons que sa décision doit être annulée.

 

[10]           Il incombe aux prestataires d’assurance‑chômage de faire la preuve de leur admissibilité. M. Yeo devait donc présenter des éléments de preuve pour établir, selon la prépondérance des probabilités, que, compte tenu de toutes les circonstances, son départ pour s’acquitter de ses obligations parentales constituait la seule solution raisonnable dans son cas. À notre avis, et en toute déférence pour le conseil, on ne saurait raisonnablement prétendre que c’est ce qu’a fait M. Yeo.

 

[11]           Il n’a pas démontré qu’il n’était pas en mesure d’engager quelqu’un pour accueillir les enfants et les reconduire à leurs activités après l’école. Il n’a pas non plus exploré avec son employeur la possibilité de prendre un congé temporaire pour se chercher un autre emploi ni cherché à obtenir un arrangement quelconque de son employeur afin de pouvoir se présenter à des entrevues d’emploi tout en conservant son emploi (comparer avec l’affaire Canada (Procureur général) c. Patel, 2010 CAF 95).

 

[12]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision du juge‑arbitre sera annulée et l’affaire sera renvoyée au juge‑arbitre en chef ou au juge‑arbitre qu’il désignera, qui devra tenir pour acquis que M. Yeo n’était pas fondé à quitter son emploi.

 

 

« John M. Evans »

j.c.a.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑271‑10

 

(DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION RENDUE PAR LE JUGE GERALD T. G. SENIUK, EN SA QUALITÉ DE JUGE‑ARBITRE (LOI SUR L’A.‑E.), LE 18 JUIN 2010 DANS LE DOSSIER CUB 74709)

 

INTITULÉ :                                                   PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c.
KUM CHAI YEO

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 25 janvier 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                              LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                        LE JUGE EVANS

                                                                        LE JUGE STRATAS

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :                LE JUGE EVANS

 

 

COMPARUTIONS :

 

RINA M. LI

 

POUR LE DEMANDEUR

 

KUM CHAI YEO

 

LE DÉFENDEUR,

POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MYLES J. KIRVAN

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

LE DÉFENDEUR,

POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

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