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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

 

Date : 20101214

Dossier : A-126-10

Référence : 2010 CAF 345

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

CORPORATION DE SOINS DE LA SANTÉ HOSPIRA

appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2010.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2010.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                     LA JUGE SHARLOW                                                                                                                                                                                   

 


Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

 

Date : 20101214

Dossier : A-126-10

Référence : 2010 CAF 345

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        le juge Evans

                        LA JUGE Sharlow

 

ENTRE :

CORPORATION DE SOINS DE LA SANTÉ HOSPIRA

appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2010)

 

la juge Sharlow

[1]               Il s’agit d’un appel du jugement de la Cour fédérale (2010 CF 213) rejetant la demande présentée par la Corporation de soins de la santé Hospira visant le contrôle judiciaire de la décision par laquelle le ministre de la Santé a rejeté, au stade de l’examen préliminaire, la présentation de drogue nouvelle d’Hospira pour une drogue en particulier. La décision est énoncée dans une lettre datée du 19 décembre 2006.

 

[2]               Il est bien établi que lorsque l’on examine une présentation de drogue nouvelle, les renseignements fournis à l’appui ne sont pas examinés minutieusement. En l’espèce, le ministre n’a donc pas examiné en détail les volumes de documents qu’Hospira a présentés à l’appui de sa présentation de drogue nouvelle. L’avocat d’Hospira affirme que ces volumes comportent des éléments de preuve dont bénéficiait sa cliente concernant l’innocuité et l’efficacité de la drogue en question. Rien ne nous permet de déterminer si cette description des documents est exacte.

 

[3]               Les parties conviennent que les documents ne comportaient aucune donnée préclinique ou clinique provenant des essais cliniques effectués par Hospira ou pour son compte. Le dossier comporte des éléments de preuve irréfutés selon lesquels aucun essai clinique ne pouvait être fait d’un point de vue éthique parce que la drogue en question est, et était lorsque la présentation de drogue nouvelle a été faite, reconnue au Canada et dans beaucoup d’autres pays comme le « traitement standard » pour certaines formes de cancer.

 

[4]               Selon le Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870,  le ministre a pour mandat de déterminer si une nouvelle drogue proposée satisfait à certaines normes d’innocuité et d’efficacité et, dans l’affirmative, de délivrer un avis de conformité signifiant que ces normes ont été satisfaites. Les dispositions précises en cause en l’espèce sont les alinéas C.08.002(2)g) et h), lesquelles sont rédigées comme suit :

C.08.002 (2) La présentation de drogue nouvelle doit contenir suffisamment de renseignements et de matériel pour permettre au ministre d’évaluer l’innocuité et l’efficacité de la drogue nouvelle, notamment :

C.08.002. (2) A new drug submission shall contain sufficient information and material to enable the Minister to assess the safety and effectiveness of the new drug, including the following:

[…]

g) les rapports détaillés des épreuves effectuées en vue d’établir l’innocuité de la drogue nouvelle, aux fins et selon le mode d’emploi recommandés;

(g) detailed reports of the tests made to establish the safety of the new drug for the purpose and under the conditions of use recommended;

h) des preuves substantielles de l’efficacité clinique de la drogue nouvelle aux fins et selon le mode d’emploi recommandés…

(h) substantial evidence of the clinical effectiveness of the new drug for the purpose and under the conditions of use recommended …

 

 

 

[5]               Au vu du dossier, on ne sait pas si le ministre, lorsqu’il a rendu la décision en cause en décembre 2006, a estimé que ces dispositions empêchent la délivrance d’un avis de conformité en réponse à une présentation de drogue nouvelle qui n’est pas étayée par des données précliniques et cliniques provenant d’essais cliniques exécutés par ou pour le compte de la partie demandant ledit avis. Les deux parties conviennent maintenant que cette interprétation n’est pas juste (voir également Wellesley Therapeutics Inc. c. Canada, 2010 CF 573). Nous sommes d’accord avec elles.

 

[6]               À notre avis, le ministre a le pouvoir discrétionnaire de décider la nature et la forme des renseignements qui seront considérés comme conformes aux exigences des alinéas C.08.002(2)g) et h). Dans la plupart des cas, il se pourrait très bien que les exigences de ces dispositions soient remplies par des données précliniques et cliniques provenant d’essais cliniques exécutés par la partie demandant l’avis de conformité. Toutefois, le ministre a le pouvoir discrétionnaire de permettre que les exigences de ces dispositions soient remplies par certains autres moyens, notamment par des rapports d’essais cliniques exécutés par d’autres personnes. Néanmoins, nous convenons avec l’avocat du ministre que l’innocuité et l’efficacité d’une drogue ne peuvent être établies simplement parce que son utilisation a été autorisée en vertu du Programme d’accès spécial, même si cette autorisation a été donnée des milliers de fois comme dans le cas de la drogue en question.

 

[7]               Ainsi, les alinéas C.08.002(2)g) et h) du Règlement sur les aliments et drogues n’obligeaient pas le ministre à rejeter la présentation de drogue nouvelle d’Hospira au stade de l’examen préliminaire au motif qu’il n’avait pas le pouvoir d’accepter une telle présentation qui n’est pas étayée par des données précliniques et cliniques provenant d’essais cliniques exécutés par Hospira.

 

[8]               La lettre de décision n’indique pas clairement pourquoi la présentation de drogue nouvelle d’Hospira a été rejetée. La décision aurait pu être fondée sur la mauvaise interprétation de la disposition dont il a été question précédemment, ce qui signifierait qu’elle est irrémédiablement viciée par une erreur de droit.

 

[9]               En revanche, la lettre de décision pourrait également être interprétée comme un exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre d’exiger des essais cliniques dans ce cas particulier. À notre sens, le ministre aurait raisonnablement pu prendre cette décision, si l’on présume qu’il connaissait l’existence de son pouvoir discrétionnaire de ne pas exiger des essais cliniques et qu’il a tenu compte des documents présentés.

 

[10]           Compte tenu de l’ambiguïté des motifs du ministre, nous concluons qu’Hospira a le droit d’obtenir gain de cause. Pour ces motifs, l’appel sera accueilli avec dépens devant notre Cour et devant les juridictions inférieures et le jugement de la Cour fédérale sera annulé. En prononçant le jugement que la Cour fédérale aurait dû prononcer, nous ordonnons que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie, que la décision du ministre soit annulée et que la présentation de drogue nouvelle d’Hospira soit renvoyée au ministre pour nouvel examen conformément aux présents motifs.

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


Cour d’appel fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                                                A-126-10

 

 

INTITULÉ :                                                               CORPORATION DE SOINS DE LA SANTÉ HOSPIRA c.

                                                                                    PROCUREUR GÉNÉRAL DU Canada et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Ottawa (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       Le 14 décembre 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :           LE JUGE SEXTON

                                                                                    LE JUGE EVANS

                                                                                    LA JUGE SHARLOW

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :                   LA JUGE SHARLOW

                                                                                               

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Susan D. Beaubien

 

Pour l’appelante

 

F.B. Woyiwada

POUR LES INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Macera & Jarzyna, s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

Pour l’appelante

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LES INTIMÉS

 

 

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