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Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20110414

Dossier : A-288-10

Référence : 2011 CAF 132

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

                        LE JUGE STRATAS

 

 

ENTRE :

PURDUE PHARMA

appelante

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 29 mars 2011.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 avril 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                    LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                              LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                LE JUGE STRATAS


Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20110414

Dossier : A-288-10

Référence : 2011 CAF 132

CORAM :      LE JUGE EN CHEF

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

                        LE JUGE STRATAS

 

 

ENTRE :

PURDUE PHARMA

appelante

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]        Le ministre de la Santé (le ministre) a décidé que le brevet canadien no 2 098 738 (le brevet 738) n’était pas admissible à l’adjonction au registre des brevets tenu en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 (le Règlement). L'appelante, Purdue Pharma (Purdue), a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre devant la Cour fédérale. Le juge Crampton (le juge) a rejeté la demande. Purdue interjette appel de ce jugement de la Cour fédérale devant notre Cour. Pour les motifs exposés ci‑dessous, je rejetterais l’appel.

 

Le contexte

[2]        Le cadre légal et l’historique du Règlement sont bien connus et ont été décrits en détail dans les décisions de notre Cour; il n’est donc pas nécessaire de les reprendre en l’espèce. Voir Wyeth Canada c. ratiopharm inc., 2007 CAF 264, [2008] 1 R.C.F. 447, Laboratoires Abbott ltée c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 354, [2009] 3 R.C.F. 547 (Abbott Meridia), et G.D. Searle & Co. c. Canada (Ministre de la Santé), 2009 CAF 35 (G.D. Searle).

 

[3]        Voici le contexte factuel en résumé. En mai 2009, Purdue, une société novatrice, a déposé une présentation de drogue nouvelle (PDN) pour le médicament TARGIN et a reçu un avis de conformité pour ce médicament en décembre 2009. TARGIN est un comprimé de chlorhydrate d’oxycodone (l’oxycodone) et de chlorhydrate de naloxone (la naloxone) à libération contrôlée. L’oxycodone est un analgésique opioïde utilisé pour le soulagement continu de la douleur modérée à intense pendant plusieurs jours ou davantage. La naloxone est employée dans le traitement de la constipation causée par les opioïdes.

 

[4]        Au moment du dépôt de sa PDN pour TARGIN, Purdue a également déposé une liste de brevets (formulaire IV) pour son brevet 738. En vertu du Règlement, le ministre a l’obligation de tenir un registre des brevets. Sous réserve des conditions d’admissibilité du Règlement, l’innovateur (le propriétaire ou le titulaire d’une licence) qui détient un avis de conformité afférant à l’invention décrite dans un brevet peut inscrire le brevet à l’égard de son avis de conformité. Dès lors qu’un brevet est inscrit au registre, l’innovateur peut profiter des avantages que confère le Règlement, en plus des droits conférés par la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4. Le brevet 738 de Purdue est inscrit au registre relativement à son médicament OXYCONTIN, qui contient de l’oxycodone comme ingrédient médicinal unique.

 

Le brevet 738

[5]        L’oxycodone n’est pas un ingrédient nouveau. Le brevet 738 est intitulé « Compositions d’oxycodone à dégagement progressif » et traite de formulations à libération contrôlée et de formes posologiques de l’oxycodone ou d’un de ses sels. L’invention porte sur des méthodes et des formulations censées améliorer l’efficacité et la qualité du soulagement de la douleur et réduire considérablement la variabilité, les doses quotidiennes ainsi que le temps et les ressources nécessaires pour ajuster la dose. Le brevet comporte 28 revendications. Les revendications 1 et 2 sont des revendications d’utilisation; les revendications 3 et 4 sont des revendications de la formulation; les revendications 5 à 24, des revendications de la forme posologique; les revendications 25 à 28, des revendications de procédé pour la préparation d’une forme posologique. Certaines revendications sont indépendantes, d’autres, dépendantes. Nous nous intéressons seulement à la revendication 5, une revendication de la forme posologique, dont voici le texte :

[TRADUCTION]

 

5.         Une forme posologique orale solide à libération contrôlée contenant

 

de 10 à 160 mg environ de ladite oxycodone, ou de l’un de ses sels, présenté dans une matrice qui comprend :

 

une quantité efficace d'une matrice à libération contrôlée sélectionnée parmi le groupe comprenant les polymères hydrophiles, les polymères hydrophobes, les hydrocarbures digestibles substitués ou non substitués ayant de 8 à 50 atomes de carbone environ, des polyalkylènes glycols et des mélanges de l’une ou l’autre des substances susmentionnées;

 

une quantité adéquate d’un diluant pharmaceutique adéquat, de sorte que ladite composition assure une concentration plasmatique maximale moyenne d’oxycodone variant d'environ 6 à environ 240 ng/ml environ 2 à 4,5 heures en moyenne après l’administration et une concentration plasmatique minimale moyenne d'environ 3 à environ 120 ng/ml environ 10 à 14 heures en moyenne après une administration répétée toutes les 12 heures jusqu’à l’état stationnaire.

 

TARGIN

[6]        Comme il a été mentionné précédemment, TARGIN est un médicament à libération contrôlée sous forme de comprimé qui contient deux ingrédients médicinaux : l’oxycodone et la naloxone. Dans la section de la monographie de produit intitulée « Renseignements destinés au consommateur », sous la rubrique « Raisons d’utiliser ce médicament », on peut lire ceci :

Targin est un comprimé oral à libération contrôlée qui libère lentement de l’oxycodone (un analgésique opioïde) et de la naloxone (un antagoniste opioïde) sur une période de douze heures; vous avez besoin de prendre une dose toutes les douze heures pour maîtriser votre douleur et diminuer l’effet de constipation du médicament.

 

Sous la rubrique « Ce qu’il fait », on peut lire ce qui suit :

Les principes actifs de Targin sont l’oxycodone et la naloxone. L’oxycodone est un médicament utilisé pour soulager la douleur modérée à aiguë nécessitant le recours continu à une préparation analgésique opioïde pendant au moins plusieurs jours. [...] La naloxone est un médicament utilisé pour empêcher les médicaments opioïdes de se lier aux récepteurs du tube digestif afin d’aider à réduire la constipation.

 

Les dispositions légales pertinentes

[7]        Les exigences actuelles en matière d’admissibilité d’un brevet à l’adjonction au registre, sous réserve de dispositions transitoires qui ne sont pas en cause en l’espèce, sont en vigueur depuis le 5 octobre 2006. Les motifs des modifications faites en 2006 ont été expliqués en détail dans le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (RÉIR) publié en même temps que le règlement modificatif (DORS/2006‑242). Les conditions d’admissibilité à l’adjonction au registre se trouvent au paragraphe 4(2) du Règlement. Ces dispositions sont reproduites ci‑dessous. Comme la présente affaire porte sur une revendication de la forme posologique, l’alinéa 4(2)c) est la disposition pertinente. La définition du terme « revendication de la forme posologique » figurant à l’article 2 est également pertinente.

 

Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (DORS/93‑133)

 

4(2) Est admissible à l’adjonction au registre tout brevet, inscrit sur une liste de brevets, qui se rattache à la présentation de drogue nouvelle, s’il contient, selon le cas :

 

a) une revendication de l’ingrédient médicinal, l’ingrédient ayant été approuvé par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation;

 

 

b) une revendication de la formulation contenant l’ingrédient médicinal, la formulation ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation;

 

 

c) une revendication de la forme posologique, la forme posologique ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation;

 

d) une revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal, l’utilisation ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation.

 

2. [...] « revendication de la forme posologique » Revendication à l’égard d’un mécanisme de libération permettant d’administrer l’ingrédient médicinal d’une drogue ou la formulation de celle‑ci, dont la portée comprend cet ingrédient médicinal ou cette formulation.

 

« revendication de la formulation » Revendication à l’égard d’une substance qui est un mélange des ingrédients médicinaux et non médicinaux d’une drogue et qui est administrée à un patient sous une forme posologique donnée.

 

« revendication de l’ingrédient médicinal » S’entend, d’une part, d’une revendication, dans le brevet, de l’ingrédient médicinal — chimique ou biologique — préparé ou produit selon les modes ou procédés de fabrication décrits en détail et revendiqués dans le brevet ou selon leurs équivalents chimiques manifestes, et, d’autre part, d’une revendication pour différents polymorphes de celui‑ci, à l’exclusion de ses différentes formes chimiques.

 

 

 

« revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal » Revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal aux fins du diagnostic, du traitement, de l’atténuation ou de la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal, ou de leurs symptômes.

Patented Medicines (Notice of Compliance) Regulations

(SOR/93‑133)

 

4(2) A patent on a patent list in relation to a new drug submission is eligible to be added to the register if the patent contains

 

 

(a) a claim for the medicinal ingredient and the medicinal ingredient has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission;

 

(b) a claim for the formulation that contains the medicinal ingredient and the formulation has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission;

 

(c) a claim for the dosage form and the dosage form has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission; or

 

(d) a claim for the use of the medicinal ingredient, and the use has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission.

 

2. [...] “claim for the dosage form” means a claim for a delivery system for administering a medicinal ingredient in a drug or a formulation of a drug that includes within its scope that medicinal ingredient or formulation;

 

 

“claim for the formulation” means a claim for a substance that is a mixture of medicinal and non-medicinal ingredients in a drug and that is administered to a patient in a particular dosage form;

 

 

“claim for the medicinal ingredient” includes a claim in the patent for the medicinal ingredient, whether chemical or biological in nature, when prepared or produced by the methods or processes of manufacture particularly described and claimed in the patent, or by their obvious chemical equivalents, and also includes a claim for different polymorphs of the medicinal ingredient, but does not include different chemical forms of the medicinal ingredient;

 

“claim for the use of the medicinal ingredient” means a claim for the use of the medicinal ingredient for the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or its symptoms.

 

 

La décision

[8]        Le juge a établi que le ministre avait eu raison de conclure que « la forme posologique visée par la revendication 5 a trait à une formulation dont l’oxycodone est le seul ingrédient médicinal, et que, aux fins du Règlement, le naloxone n’est pas visé par la revendication 5 ». En ce qui concerne l’avis de conformité délivré à Purdue à l’égard de TARGIN, le juge était d’accord avec la conclusion du ministre voulant que la forme posologique approuvée consiste en un mécanisme de libération contrôlée pour l’administration d’une formulation contenant à la fois de l’oxycodone et de la naloxone.

 

[9]        S’appuyant sur la définition du terme « revendication de la forme posologique » figurant à l’article 2 du Règlement, le juge a rejeté l’argument de Purdue voulant que l’alinéa 4(2)c) du Règlement soit dépourvu d'exigences à l’égard de l’ingrédient médicinal et que la seule exigence pertinente est que la forme posologique en question doit avoir été approuvée. Le juge a estimé qu'il est implicite que les deux formes posologiques mentionnées à l'alinéa 4(2)c) sont des formes posologiques de quelque chose. L’article 2 dit clairement que ce quelque chose est le mécanisme de libération permettant d'administrer l'ingrédient médicinal d’une drogue ou la formulation de celle‑ci. S’appuyant sur Bayer Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2009 CF 1171, confirmé par 2010 CAF 161 (Bayer), le juge a conclu, conformément au paragraphe 33(2) de la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I‑21, que les mots « ingrédient médicinal » devaient être interprétés comme incluant le pluriel.

 

[10]      Le juge a conclu que pour que le brevet 728 soit adjoint au registre en liaison avec TARGIN, la forme posologique revendiquée dans la revendication 5 devait comprendre dans sa portée les deux ingrédients médicinaux compris dans la forme posologique approuvée de TARGIN. Compte tenu de sa conclusion antérieure selon laquelle la naloxone n’était pas incluse dans la portée de la forme posologique visée par la revendication 5, et comme l’avis de conformité délivré pour TARGIN approuvait la forme posologique d’une formulation contenant de l’oxycodone et de la naloxone, le juge a conclu que la décision du ministre de ne pas permettre l’inscription du brevet 738 au registre en liaison avec TARGIN était correcte.

 

Le cadre d’analyse

[11]      Dans Abbott Meridia et G.D. Searle, notre Cour a adopté le cadre d’analyse élaboré par le juge Hughes pour décider si un brevet est admissible à l’adjonction au registre sur la base d’une PDN. Les normes de contrôle applicables ont également été déterminées. Les parties conviennent que ce cadre d'analyse s’applique et que les normes de contrôle appropriées sont établies.

 

[12]      Le cadre est constitué de trois questions et peut être adapté ou reformulé suivant la nature particulière de la revendication. Dans le cas de la revendication d’une forme posologique, les questions sont les suivantes :

1.         Quelle est la forme posologique revendiquée par le brevet?

2.         Quelle est la forme posologique approuvée par l'avis de conformité existant?

3.         La forme posologique revendiquée par le brevet est-elle celle qui a été approuvée par l'avis de conformité existant?

 

[13]      La norme de contrôle pour la première question est la norme de la décision correcte; la norme de contrôle pour la deuxième question est celle de la décision raisonnable; la norme de contrôle pour la troisième question est également celle de la décision raisonnable, sauf pour le volet juridique (l’interprétation du Règlement), qui sera contrôlé selon la norme de la décision correcte.

 

[14]      C’est l’exigence de spécificité du produit à l’alinéa 4(2)c) du Règlement qui est sous‑jacente à l’analyse de la question trois. C'est de cela qu’il s'agit principalement en l’espèce.

 

Question un – Quelle est la forme posologique revendiquée par le brevet?

[15]      Purdue plaide que le juge, au moment de considérer la première question, a commis une erreur à trois égards. Ses première et deuxième assertions n’en forment en réalité qu’une seule : le juge a réuni l’interprétation des revendications et l’interprétation du Règlement et ne s’est donc pas conformé aux principes énoncés par la Cour suprême dans Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 R.C.S. 1067 (C.S.C.) (Whirlpool). Ensuite, Purdue fait valoir que le juge, après avoir accepté son expert comme personne versée dans l’art, a commis une erreur en favorisant l’interprétation du ministre au détriment de la sienne, car la preuve de Purdue [TRADUCTION] « est la seule preuve ayant été déposée devant la Cour concernant l’interprétation ». J’examinerai d’abord la question de la preuve d’expert.

 

[16]      Premièrement, il n’existe aucune preuve que le ministre ait consulté une personne versée dans l’art, mais rien ne prouve qu’il ne l’a pas fait. Dans le cas de l’adjonction au registre, la preuve d’expert au sujet de l’interprétation d’une revendication de brevet est admise, mais pas obligatoire : Abbott Meridia, au paragraphe 42. Deuxièmement, il est faux de dire que le juge n'a pas tenu compte de la preuve d’expert de Purdue. Il l’a manifestement considérée (motifs du jugement aux paragraphes 10, 38, 41 et 42). Troisièmement, le juge était fondé à adopter une interprétation qui différait de celle préconisée par les parties, ou par l’une d’entre elles : Whirlpool, au paragraphe 61, Novartis Pharmaceuticals Canada Inc. c. RhoxalPharma Inc., 2005 CAF 11, [2005] 3 R.C.F. 261, au paragraphe 59. Quatrièmement, bien que le juge n’ait pas explicitement rejeté la preuve d’expert de Purdue, il l’a fait implicitement lorsqu’il a conclu qu’une interprétation téléologique de la revendication 5 et du brevet 738 dans son intégralité étaye le point de vue selon lequel la forme posologique visée par la revendication 5 a trait à une formulation (un mélange d’ingrédients médicinaux et non médicinaux) contenant de l’oxycodone comme seul ingrédient médicinal (motifs du jugement, au paragraphe 47). Cinquièmement, pour des motifs qui deviendront clairs, la preuve d’expert de Purdue n’était pas sans appeler certaines réserves. Aucune erreur ne justifie l’intervention de la Cour en ce qui a trait à cette allégation.

 

[17]      Cela dit, je suis d’accord avec Purdue que le juge a indûment tenu compte des exigences légales de l’alinéa 4(2)c) lors de son interprétation du brevet (motifs du jugement, aux paragraphes 43 à 45 et 49 (à l’exception seulement de la première phrase)). Les exigences légales doivent être considérées lors de l'examen de la troisième question. La première question ne porte que sur l’interprétation du brevet et de ses revendications pertinentes, c'est‑à‑dire que le brevet doit être interprété en conformité avec les principes exposés dans Whirlpool.

 

[18]      Les commentaires à la dernière partie du paragraphe 49 des motifs du juge indiquent que les dispositions du Règlement ont eu une grande incidence sur sa conclusion. Comme cette approche n’est pas compatible avec celle adoptée dans Whirlpool, le juge a commis une erreur lorsqu’il a défini et appliqué la notion de spécificité du produit du Règlement à l’étape de l'analyse portant sur l’interprétation des revendications.

 

[19]      Purdue fait valoir que l’interprétation de son expert devrait prévaloir. J’ai indiqué précédemment que la preuve d’expert de Purdue n’était pas sans appeler certaines réserves. J’ai fait cette observation pour plusieurs motifs.

 

[20]      Premièrement, les paragraphes 128 à 145 de l’affidavit de l’expert ne portent pas directement sur l’interprétation des revendications. Ils constituent plutôt ce qui peut être décrit comme une analyse de contrefaçon, bien que portant sur le produit TARGIN. La partie de l’affidavit qui porte sur l’interprétation des revendications commence au paragraphe 44 et se termine au paragraphe 127.

 

[21]      Deuxièmement, avant d’interpréter les revendications du brevet, l’expert de Purdue a reçu un document intitulé « Legal Principles of Patent Claim Construction » (Principes juridiques concernant l’interprétation des revendications des brevets) envoyé par l’avocat de Purdue. La majeure partie du document n’est pas contestée. Cependant, un des paragraphes constitue un argument juridique plutôt qu’un principe juridique (dossier d’appel, vol. 3, onglet 19, p. 474, paragraphe 4). Fait important, le ministre n’est pas d’accord avec l’affirmation citée. Cela constitue un problème, parce que l’avis de l’expert a pu être influencé par ce commentaire, particulièrement vu sa déclaration selon laquelle il avait [TRADUCTION] « appliqué ces principes à mon interprétation du libellé de la revendication » (dossier d’appel, vol. 4, onglet 38, paragraphe 44).

 

[22]      Troisièmement, son interprétation de la revendication pertinente porte sur l'interprétation du mot anglais « comprising » (contenant). L’expert de Purdue interprète ce mot comme n’excluant pas d’autres ingrédients, actifs ou inactifs. Je ne disconviens pas que le mot « comprising » puisse avoir un sens ouvert. C’est on ne peut plus clair. Cependant, l’inclusion d’un élément additionnel exige une forme d’explication. Il doit y avoir une base dans les limites du brevet. Or, on n'a pas démontré que cette base existe en l'espèce.

 

[23]      Le fait de s’appuyer sur d’autres causes (deux décisions ont été citées) où le mot « comprising » a été interprété comme incluant un élément particulier ne transforme pas les conclusions formulées dans ces décisions en principe d’application générale. Les causes sont rarement identiques. En réalité, elles sont souvent complètement différentes. Chaque affaire dépend des faits. L’interprétation donnée à « comprising » dans les deux décisions citées par Purdue était fondée sur les brevets en cause et la preuve qui leur était propre. Ces décisions ne sont pas utiles en l’espèce.

 

[24]      Quatrièmement, l’expert de Purdue déclare que la divulgation n’enseigne pas de ne pas inclure d'autres ingrédients actifs. Cette déclaration ne met pas fin au débat concernant la naloxone. Purdue a produit l’affidavit de son directeur exécutif de la recherche et du développement dans le but de fournir des renseignements concernant son produit TARGIN et l’historique de l’invention du brevet 738. Bien que l'auteur de l'affidavit détienne un doctorat en chimie organique, il était un témoin des faits. Néanmoins, j’estime qu’on peut supposer sans risque d’erreur que la déclaration figurant au paragraphe 6 de son affidavit est juste. Ce paragraphe indique ce qui suit :

[TRADUCTION]

 

TARGIN est un composé contenant deux ingrédients médicinaux : du chlorhydrate d’oxycodone et du chlorhydrate de naloxone. Chaque ingrédient médicinal remplit une fonction spécifique dans le corps humain lors de l’administration du médicament.

 

[25]      En gardant à l’esprit qu'on affirme que la naloxone est un traitement contre la constipation induite par les opioïdes, je remarque que dans la divulgation, en particulier à la section intitulée [TRADUCTION] « Résumé de l'invention » (p. 3, lignes 10 à 14), on peut lire le passage suivant :

[TRADUCTION]

 

La présente invention peut également viser des formulations d’opioïdes à libération contrôlée présentant beaucoup moins de variations entre les individus à l’égard de la dose d’analgésique opioïde nécessaire pour soulager la douleur sans entraîner d’effets secondaires inacceptables.

 

Dans la section [TRADUCTION] « Description détaillée » (p. 9, lignes 11 à 15) figure l’énoncé suivant :

[TRADUCTION]

 

Un autre avantage de la présente composition, qui libère de l’oxycodone à une vitesse essentiellement indépendante du pH, est qu’elle empêche la libération simultanée du médicament lors de l’administration par voie orale. Autrement dit, l’oxycodone est libérée de façon uniforme dans tout le tractus gastro‑intestinal.

 

Dans la section [TRADUCTION] « Études cliniques », à l'exemple 17 (p. 29, lignes 20 à 22 et 32 à 34), on peut lire les déclarations suivantes :

[TRADUCTION]

 

Avant l’administration d’une nouvelle dose, 104 patients (57 %) avaient déclaré 120 événements indésirables, les plus fréquents étant la somnolence, la fièvre, des étourdissements et des céphalées.

 

[...]

 

Les effets secondaires sont attendus et sont faciles à traiter. Les céphalées peuvent être associées à la dose. Des étourdissements et de la somnolence ont été signalés.

 

Ces passages semblent, à première vue, fournir certaines indications que le brevet enseigne de ne pas utiliser la naloxone. Autrement dit, le brevet ne semble pas prendre en considération les effets secondaires que la naloxone est censée atténuer. La preuve de l’expert de Purdue ne fait aucune mention de ces passages. Même si l’avocat de Purdue a fourni une explication sur les [TRADUCTION] « variations entre les individus » lors de l’audience, c’est précisément pour ce genre de renseignement technique qu'on s’attend à une explication de la part d’un expert.

 

[26]      Dans les circonstances, j’accorderais peu de poids à la preuve d’expert de Purdue. Essentiellement, il s’agit d’une assertion fondée uniquement sur le mot « comprising ». Ce n’était pas le cas dans les deux affaires citées par Purdue. Tout comme le juge, j’estime que si on la poussait à la limite, l’opinion de l’expert reconnaîtrait qu’un nombre potentiellement illimité d’autres ingrédients médicinaux non mentionnés pourraient être visés par la revendication.

 

[27]      Cependant, il n’est pas nécessaire que je m’attarde sur cette question, car même si je supposais que l’interprétation de la revendication de Purdue est correcte, l’exigence de spécificité du produit dont il sera question plus loin dans les présents motifs n’est pas respectée. Par conséquent, bien que le juge ait commis une erreur en appliquant les exigences de l’alinéa 4(2)c) du Règlement à son interprétation du brevet, il n’a pas commis d’erreur en rejetant la demande de contrôle judiciaire de Purdue.

 

Question deux – Quelle est la forme posologique approuvée par l'avis de conformité existant?

[28]      Le juge a estimé raisonnable la conclusion du ministre selon laquelle la forme posologique approuvée de TARGIN consiste en « un comprimé à libération contrôlée pour l’administration de concentrations précises d’une formulation contenant à la fois de l’oxycodone et à la fois du naloxone ». La conclusion du juge sur cette question n’est pas contestée.

 

Question trois – La forme posologique revendiquée par le brevet est-elle celle qui a été approuvée par l'avis de conformité existant?

[29]      Avant les modifications apportées en 2006 au Règlement, un brevet pour une forme posologique n’était pas admissible à l’adjonction au registre des brevets. En réponse aux arguments présentés par l'industrie novatrice au sujet des avantages thérapeutiques importants qu'offrent les nouvelles formes posologiques, le gouverneur en conseil a décidé que les inventions à ce titre méritaient de bénéficier de la protection du Règlement (RÉIR, à la p. 1517). Bien que ce soit la première fois que notre Cour examine l’alinéa 4(2)c), un enseignement peut être tiré de la jurisprudence portant sur les alinéas 4(2)b) et 4(3)c) du Règlement.

 

[30]      Dans Canada (P.G.) c. Laboratoires Abbott ltée, 2008 CAF 244, autorisation d’appel refusée, [2008] 3 R.C.S. v (Abbott Prevacid), le juge Pelletier a fait des commentaires sur le niveau de spécificité exigé en application de l’alinéa 4(3)c) du Règlement. Le débat dans cette affaire portait sur l’admissibilité à l’adjonction au registre d’un brevet en liaison avec un avis de conformité délivré à l’égard d’un supplément à une présentation de drogue nouvelle (SPDN) approuvant une nouvelle utilisation. La Cour fédérale avait conclu que le brevet était admissible à l’adjonction au registre parce qu’il pouvait être interprété comme incluant la nouvelle utilisation approuvée même si celle‑ci n’était pas expressément revendiquée dans le brevet. Notre Cour n’était pas d’accord. Aux paragraphes 47 et 49 des motifs du jugement de la Cour, on peut lire ce qui suit :

[...] le Règlement prévoit, comme condition à l'inscription d'un brevet à l'égard d'une modification de l'utilisation de l'ingrédient médicinal, que ce brevet revendique explicitement l'utilisation modifiée et non qu'il contienne simplement des revendications non explicites assez larges pour englober l'utilisation modifiée.

 

[…]

 

Je conclus que l’alinéa 4(3)c) du Règlement pose comme condition de l’adjonction d’un brevet au registre l’obligation pour ce brevet de revendiquer expressément la modification précise de l’utilisation que le ministre a approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard d’un SPDN. [Non souligné dans l’original.]

 

[31]      Dans G.D. Searle, la juge Sharlow, s’exprimant au nom de la Cour, a formulé comme suit le critère à appliquer en vertu de l’alinéa 4(3)c) : « la revendication 15 du brevet 201 porte‑t‑elle expressément sur l’utilisation qui avait été approuvée par la délivrance de l’AC en réponse au SPDN 072375 [...] ».

 

[32]      Dans Bayer, la Cour a interprété l’exigence de spécificité du produit à l’alinéa 4(2)b) du Règlement (une revendication de formulation). La Cour a déterminé que le brevet ne revendiquait pas la formulation approuvée parce qu’il revendiquait une formulation ne contenant qu’un seul des ingrédients médicinaux approuvés. Le médicament approuvé était une formulation contenant deux ingrédients médicinaux. L’argument selon lequel la « spécificité du produit » visée à l’alinéa 4(2)b) peut être réalisée sans l’équivalence stricte exigée par le ministre a été rejeté. Dans le cas de revendications de formulation, il faut tenir compte des éléments particuliers du mélange approuvé qui sont responsables des effets du médicament dans l’organisme.

 

[33]      Pour plus de commodité, je reproduis à nouveau ci‑dessous la définition du terme « revendication de la forme posologique » figurant à l’article 2 et à l’alinéa 4(2)c) du Règlement :

Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (DORS/93‑133)

 

2. [...] « revendication de la forme posologique » Revendication à l’égard d’un mécanisme de libération permettant d’administrer l’ingrédient médicinal d’une drogue ou la formulation de celle‑ci, dont la portée comprend cet ingrédient médicinal ou cette formulation.

 

4(2) Est admissible à l’adjonction au registre tout brevet, inscrit sur une liste de brevets, qui se rattache à la présentation de drogue nouvelle, s’il contient, selon le cas :

 

[...]

 

c) une revendication de la forme posologique, la forme posologique ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation;

Patented Medicines (Notice of Compliance) Regulations

(SOR/93-133)

 

2. [...] “claim for the dosage form” means a claim for a delivery system for administering a medicinal ingredient in a drug or a formulation of a drug that includes within its scope that medicinal ingredient or formulation.

 

 

4(2) A patent on a patent list in relation to a new drug submission is eligible to be added to the register if the patent contains

 

[...]

 

 

(c) a claim for the dosage form and the dosage form has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission;

 

[34]      Le juge a conclu qu’une simple lecture de l’alinéa 4(2)c) appuyait l’opinion selon laquelle il devait y avoir une « équivalence » stricte ou explicite entre la forme posologique revendiquée en vertu de la revendication 5 et la forme posologique approuvée pour TARGIN pour que le ministre accepte la demande d’adjonction au registre de Purdue. Cette conclusion est compatible avec les énoncés figurant dans le RÉIR, qui sert d’outil d’interprétation. On peut lire ce qui suit aux pages 1517 et 1518 :

Bien que l'article 2 modifié définisse le terme « revendication de la forme posologique » en termes très généraux pour tenir compte des progrès qui seront réalisés dans ce domaine, l'objectif consiste à conférer une protection au nouveau système par lequel l'ingrédient médicinal approuvé ou une formulation contenant cet ingrédient est administré au patient. Parmi ces modes, mentionnons les comprimés et les capsules à libération contrôlée, les implants et les timbres transdermiques. Comme dans le cas d'autres contenus, un brevet relatif à une forme posologique doit contenir une revendication pour la forme posologique précise décrite dans la PDN [(généralement telle qu'identifiée dans l'avis émis par le ministre, conformément à l'alinéa C08.004(1)a)]. En outre, le brevet doit également contenir une revendication incluant dans sa portée l'ingrédient médicinal approuvé. Cette dernière exigence vise à faire en sorte qu'un brevet portant uniquement sur du matériel médical, par exemple un pied à perfusion ou une seringue, ne corresponde pas à la définition du terme « revendication de la forme posologique » et demeure inadmissible à l'inscription au registre. [Non souligné dans l’original.]

 

[35]      Purdue conteste l’interprétation que fait le juge de l’alinéa 4(2)c) du Règlement. Elle fait valoir que le juge n’a pas reconnu le principe d’interprétation des lois selon lequel « des libellés différents devraient avoir des effets différents ».

 

[36]      Dans AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CSC 49, [2006] 2 R.C.S. 560, au paragraphe 26, le juge Binnie a exposé dans des termes généraux les principes qui régissent l’exercice d’interprétation en l’espèce. Le point de départ est « qu’il faut lire les termes d'une loi et d'un règlement dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit du texte législatif, l'objet de ce texte et l'intention du législateur ». Il a ajouté : « En outre, la portée d’un règlement, le Règlement AC par exemple, est restreinte par le texte législatif qui l’habilite, soit le par. 55.2(4) de la Loi sur les brevets en l’occurrence » (renvois omis).

 

[37]      Le premier argument de Purdue est qu’« en ce qui concerne les revendications de la forme posologique au sens de l’alinéa 4(2)c), il suffit que la forme posologique ait été approuvée ». Purdue établit une distinction entre le libellé de l’alinéa 4(2)b), qui fait référence à une revendication à l’égard d’une formulation qui contient l’ingrédient médicinal, et l’alinéa 4(2)c), qui ne fait aucunement référence à un ingrédient médicinal. Selon Purdue, comme il n’y a aucune exigence à l’égard d'un ingrédient médicinal à l’alinéa 4(2)c), il lui suffisait de démontrer que le mécanisme de libération approuvé en vertu de l’avis de conformité de TARGIN (le comprimé à libération contrôlée) était le même que celui qui était revendiqué par la revendication 5.

 

[38]      Le juge n’a pas tardé à rejeter cet argument en renvoyant à la définition du terme « revendication de la forme posologique » à l’article 2. Compte tenu de la définition, l’alinéa 4(2)c) exige nécessairement une revendication d'une forme posologique pour l’administration d’un ingrédient médicinal contenu dans un médicament. Je suis entièrement d’accord avec le raisonnement du juge.

 

[39]      Le deuxième argument de Purdue est qu’une autre distinction s’impose entre la définition de « revendication de la forme posologique » et celle de « revendication de la formulation ». Une revendication de la forme posologique [TRADUCTION] « exige que l’ingrédient médicinal soit inclus dans la portée de la revendication, tandis qu’une revendication de la formulation ne concerne que le mélange des ingrédients médicinaux et non médicinaux » (souligné dans l’original). Du point de vue de Purdue, il ressort du libellé de la définition du terme « revendication de la forme posologique » qu’il n’est pas nécessaire que l’ingrédient médicinal fasse partie de la revendication.

 

[40]      Dans la mesure où cette prétention ajoute quoi que ce soit au premier argument, elle se fonde sur l’interprétation de la revendication 5 du brevet 738 proposée par Purdue, notamment que cette revendication est assez vaste pour inclure la naloxone même si cet ingrédient n’y est pas expressément nommé. Pourtant, c’est précisément là que se situe le problème. La revendication est tellement vaste que, comme nous l’avons déjà signalé, elle pourrait englober un nombre illimité d’autres ingrédients médicinaux non mentionnés. Tel n’est pas l’objet des conditions d’admissibilité du brevet.

 

[41]      L’exigence de spécificité de produit à l’alinéa 4(2)c) du Règlement exige une équivalence entre : (1) la revendication de la forme posologique; (2) la forme posologique qui a été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité.

 

[42]      La revendication de la forme posologique est définie par l’interprétation du brevet, c’est‑à-dire l’examen de la première question. Cela équivaut à la définition de « revendication de la forme posologique » figurant à l’article 2. Toutefois, le fait que la naloxone puisse être visée par la revendication 5 ne règle pas la question parce que, même si elle est incluse dans la portée du brevet, il est néanmoins possible qu’elle ne corresponde pas à la forme posologique approuvée par l’avis de conformité.

 

[43]      La revendication 5 concerne l’oxycodone et, tout au plus, n’exclut pas la naloxone de sa portée. Ce n’est pas la même chose que la forme posologique de l’avis de conformité, qui inclut explicitement à la fois l’oxycodone et la naloxone. L’interprétation téléologique des revendications lors de l'examen de la première question prévoit un examen différent de celui en vertu de l’alinéa 4(2)c), qui recherche précisément si la forme posologique revendiquée et la forme posologique approuvée sont en tous points identiques. À défaut d’une équivalence précise et spécifique, le brevet n’est pas admissible à l’adjonction au registre des brevets sous le régime du Règlement. Par conséquent, le médicament OXYCONTIN de Purdue satisfaisait aux conditions d'équivalence, mais pas son médicament TARGIN.

 

[44]      À mon avis, l’exigence qu'il y ait un tel niveau de spécificité est compatible avec le libellé et l’objet du Règlement. Elle est également compatible avec l’interprétation des autres catégories de revendications prévues à l’article 4 du Règlement, comme l’a établie la jurisprudence de notre Cour.

 

[45]      Je suis d’accord avec Purdue que l’objet du Règlement est d’empêcher la contrefaçon d’un brevet par une personne utilisant une invention brevetée en s’appuyant sur l’exception relative à la fabrication anticipée. Cependant, il n’y a aucune obligation d’accorder la protection offerte par le Règlement dans tous les cas. Le fait que le gouverneur en conseil a établi des critères d’admissibilité pour l’adjonction au registre des brevets n’enlève rien à l’objectif légitime.

 

[46]      Je n’ai pas oublié l’argument de Purdue selon lequel le juge a commis une erreur en n’admettant pas en preuve la pièce relative au contre‑interrogatoire de Mme Thompson. Selon ce que je comprends, Purdue a obtenu une copie certifiée d’un affidavit déposé dans une autre instance qui, à son tour, comprenait comme pièces l’avis de demande et la transcription du contre‑interrogatoire d’un autre témoin dans une autre instance. Le juge a refusé d’admettre le document parce qu’il ne faisait pas partie du dossier déposé devant le ministre et parce que sa valeur probante à l’égard des questions soulevées dans la demande dont il était saisi était faible.

 

[47]      Purdue maintient que l’affidavit contesté était celui d’un employé du Bureau des médicaments brevetés et de la liaison (BMBL) à l’époque où a été rendue la décision concernant l’adjonction au registre du brevet 738 et que le témoignage était donc au dossier du BMBL.

 

[48]      Le juge n’a pas commis d’erreur en refusant d’admettre la pièce. Il a considéré son admissibilité et a conclu que le témoignage de l'auteur de l'affidavit ne faisait pas partie du dossier remis au ministre. Il s'agit d'une conclusion de fait. Purdue n’a pas démontré la présence d’une erreur manifeste et dominante à cet égard. De plus, si l’objectif de Purdue était de démontrer que le raisonnement du ministre avait changé au fil du temps, comme cela est noté dans G.D. Searle, le contrôle judiciaire de la décision du ministre « devrait être fondé sur les motifs qu’il a formulés dans la lettre de décision finale » (au paragraphe 29).

 

[49]      Pour les motifs qui précèdent, je conclus que le juge n’a pas commis d’erreur en rejetant la demande de contrôle judiciaire. Je rejetterais l’appel avec dépens.

 

« Carolyn Layden-Stevenson »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

            Pierre Blais, juge en chef »

 

« Je suis d’accord.

            David Stratas, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                                    A-288-10

 

INTITULÉ :                                                   PURDUE PHARMA c. PGC et al

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 29 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                        LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 14 avril 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

James E. Mills

Beverley Moore

 

Pour l’appelantE

 

F. B. Woyiwada

POUR LES INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

Pour l’appelantE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LES INTIMÉS

 

 

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