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Date : 20110606

Dossier : A‑249‑10

Référence : 2011 CAF 189

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

ENTRE :

THOMAS WALKER

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Halifax (Nouvelle‑Écosse), le 31 mai 2011

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 6 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT:                                                         LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE NADON

                                                                                                                               LE JUGE EVANS

 

 

 


Date : 20110606

Dossier : A‑249‑10

Référence : 2011 CAF 189

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

ENTRE :

THOMAS WALKER

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

[1]               M. Walker sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission d’appel des pensions (la CAP) a jugé qu’un diagnostic récent d’apnée du sommeil qui lui était présenté en vertu du paragraphe 84(2) du Régime de pension du Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑8 (le RPC) ne satisfaisait pas au critère des « faits nouveaux » qui étaient requis pour qu’elle reconsidère sa décision antérieure selon laquelle M. Walker ne souffrait pas d’une invalidité grave et prolongée lorsqu’a pris fin sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 1998.

 

[2]               M. Walker a présenté une première demande de prestations d’invalidité il y a presque onze ans. Pour les fins qui nous occupent, il suffira de renvoyer à la décision par laquelle la CAP a rejeté sa demande le 5 juin 2006 (la décision de 2006). La demande de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée par notre Cour. M. Walker a plus tard présenté une autre demande sans succès.

 

[3]               Le 4 juin 2009, M. Walker a sollicité le réexamen de la décision de 2006 sur le fondement de « faits nouveaux », plus précisément le diagnostic du Dr Rick Balys, contenu dans un rapport médical daté du 27 mai 2009, selon lequel il souffrait d’apnée sévère du sommeil. Le Dr Balys a indiqué qu’il estimait que M. Walker souffrait de ce trouble depuis dix ans et que, si des études de sommeil appropriées avaient été effectuées, ce diagnostic aurait été posé avant l’audience de 2006.

 

[4]               M. Walker a aussi fourni une lettre de son médecin de famille de longue date, la Dre Teresa Dykeman. Celle‑ci a expliqué qu’à l’époque de l’accident de voiture de M. Walker, en 1997, on [traduction] « ne diagnostiquait pas vraiment l’apnée du sommeil » et ce trouble [traduction] « n’était pas en vogue » mais que, rétrospectivement, M. Walker [traduction] « en présentait les symptômes depuis 1997 ».

 

[5]               Le paragraphe 84(2) du RPC permet à la CAP d’annuler ou de modifier une décision sur le fondement de « faits nouveaux ». Des éléments de preuve ne constituent des « faits nouveaux » que s’il est satisfait à des exigences précises. M. Walker doit satisfaire au critère à deux volets énoncé dans Gaudet c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 59 (Gaudet). Premièrement, il est nécessaire d’établir un fait (habituellement un état pathologique visé par le Régime) qui existait au moment de la première audience, mais ne pouvait être découvert avant la première audience moyennant une diligence raisonnable (volet de la possibilité de découverte). Deuxièmement, il doit être raisonnablement probable que le fait aurait influé sur la décision rendue à l’issue de la première audience (volet du caractère substantiel). Il doit être satisfait aux deux volets du critère pour qu’il s’agisse de « faits nouveaux » au sens du RPC.

 

[6]               La CAP a rejeté la demande fondée sur l’existence de « faits nouveaux » en s’appuyant sur le critère énoncé dans Gaudet. Elle a noté plusieurs références aux difficultés de sommeil de M. Walker dans le dossier de 2006 et s’est appuyée sur le témoignage du témoin du défendeur, le Dr Gonsalves, qui a déclaré que l’apnée du sommeil était en fait documentée dans la littérature médicale depuis 1965 et qu’il existait une thérapie efficace depuis 1995. Sur ce fondement, la CAP a conclu qu’il « n’a pas été prouvé que l’apnée du sommeil n’aurait pas été découverte en faisant preuve de diligence raisonnable ». En ce qui a trait à la question de savoir si le diagnostic d’apnée du sommeil de M. Walker aurait influé de manière substantielle sur la décision rendue en 2006, la CAP a conclu que « [a]u contraire, un diagnostic précoce aurait probablement servi à faire avancer son traitement et à diminuer son invalidité ».

 

[7]               M. Walker attaque la décision de la CAP pour deux motifs. Premièrement, il affirme que le critère à deux volets a été appliqué de façon erronée. Il soutient que la CAP a commis une erreur en préférant le témoignage du Dr Gonsalves à celui de son propre médecin et qu’elle a en outre commis une erreur en le pénalisant pour le défaut de son médecin de poser un diagnostic d’apnée du sommeil en 1997. Il soutient que la possibilité de découverte n’aurait dû être considérée que de son point de vue de requérant. M. Walker prétend que la CAP, en évaluant le caractère substantiel, a commis une erreur en faisant reposer sa conclusion sur l’idée générale que tout élément de preuve antérieur sur la privation de sommeil aurait rendu le diagnostic d’apnée du sommeil non pertinent pour la décision de 2006. En faisant cela, elle a contrevenu à l’« approche libérale et généreuse » des faits nouveaux préconisée dans Kent c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 420, et Canada (Procureur général) c. MacRae, 2008 CAF 82.

 

[8]               Deuxièmement, dans ses observations écrites, il soutient que les motifs sont insuffisants parce que la CAP n’a pas fourni une explication écrite complète de sa décision. Selon M. Walker, les explications données ne permettent pas de savoir si la CAP a appliqué correctement le critère. Cet argument n’a pas été plaidé l’audience.

 

[9]               La norme de contrôle applicable à une décision de la CAP concernant des « faits nouveaux » rendue en vertu du paragraphe 84(2) du RPC est celle de la décision raisonnable : Gaudet; Higgins c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 322. Le caractère raisonnable de la décision de la CAP tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » ainsi qu’à l’appartenance de cette décision « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190.

 

[10]           À l’audience, l’avocat du défendeur a fait savoir qu’il ne contestait pas le volet de la possibilité de découverte du critère, mais qu’il s’appuyait plutôt sur la conclusion de la CAP quant au caractère substantiel. Par conséquent, je supposerai, pour les besoins du présent appel, que M. Walker a raison quant à la possibilité de découverte. Cependant, je conclus que la conclusion de la CAP en ce qui a trait au volet du caractère substantiel du critère est raisonnable. De plus, les motifs de la CAP révèlent qu’elle a examiné la question de savoir si le diagnostic d’apnée du sommeil aurait pu avoir une incidence sur la décision de 2006 quant à la sévérité de l’invalidité avant l’expiration de la PMA. Par conséquent, la conclusion selon laquelle le diagnostic récent d’apnée du sommeil posé à l’égard de M. Walker ne constitue pas des « faits nouveaux » aux fins du paragraphe 84(2) du RPC était raisonnable.

 

[11]           M. Walker ne conteste pas la conclusion que le dossier de 2006 contenait de nombreuses références à des structures de sommeil perturbé et à la privation de sommeil. Quoique la première demande de prestations ait porté surtout sur les problèmes dorsaux et musculaires de M. Walker, on ne peut pas dire que l’impossibilité de considérer un diagnostic d’apnée du sommeil l’ait empêché de présenter un tableau complet de son invalidité au moment de la demande. Comme la CAP l’a noté, « [c]e n’est pas le diagnostic d’apnée du sommeil qui importe, mais plutôt l’incidence de l’absence de sommeil réparateur sur la capacité de travailler du requérant ».

 

[12]           En outre, comme la CAP l’a dit, le diagnostic actuel n’est pas contesté. Concernant le caractère substantiel, le point en litige a trait à la possibilité que le diagnostic d’apnée du sommeil ait influé sur la décision de 2006 selon laquelle l’existence d’une invalidité grave et prolongée n’avait pas été démontrée à l’expiration de la PMA, le 31 décembre 1998. À cet égard, les avis médicaux ne vont guère dans le sens d’un trouble qui aurait pu influer de manière substantielle sur l’évaluation de la capacité de travailler de M. Walker à cette date. Le Dr Balys a émis un doute et la Dre Dykeman a fait un commentaire plutôt indirect selon lequel [traduction] « rétrospectivement, il en présentait les symptômes depuis 1997 ».

 

[13]           Élément plus important encore, l’avis médical du Dr Balys indique que M. Walker [traduction] « répond très bien » au traitement d’apnée du sommeil et que, depuis son diagnostic, [traduction] « son humeur et son énergie s’améliorent et vont continuer à s’améliorer ». M. Walker reconnaît que, depuis qu’il a commencé le traitement, il [traduction] « réussit enfin à dormir un peu après de nombreuses années, voire des décennies, d’insomnies ». Cet élément de preuve vise directement la question que la CAP devait trancher en 2006 (soit celle de savoir si une invalidité grave et prolongée existait à l’expiration de la PMA, le 31 décembre 1998), mais il n’aurait eu aucune incidence sur la demande de prestations de M. Walker, et encore moins une incidence positive. Comme la CAP l’a indiqué avec raison, « un diagnostic précoce aurait probablement servi à faire avancer son traitement et à diminuer son invalidité ».

 

[14]           Je comprends le sentiment de frustration de M. Walker. Il lui est difficile d’accepter le caractère définitif de la décision de 2006, qu’il considère comme erronée. Cependant, sauf s’il peut démontrer l’existence de « faits nouveaux », la décision de 2006 doit être confirmée. La Cour doit faire preuve de retenue à l’égard de la décision de la CAP sur les « faits nouveaux » sauf lorsque cette décision est déraisonnable.

 

[15]           La CAP n’a pas commis d’erreur en concluant que M. Walker ne satisfaisait pas au volet du caractère substantiel du critère nécessaire pour établir l’existence de « faits nouveaux » au sens du paragraphe 84(2) du RPC. Par ailleurs, je n’estime pas que les motifs de la CAP ne font pas ressortir la justification de la décision ainsi que la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel.

 

[16]           Pour les motifs exposés ci‑dessus, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire sans frais.

 

 

« Carolyn Layden‑Stevenson »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

M. Nadon, j.c.a.»

 

 

« Je suis d’accord.

John M. Evans, j.c.a.»

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑249‑10

 

 

INTITULÉ :                                                   WALKER c. LE PGC

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 31 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LES JUGES NADON ET EVANS

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 6 juin 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Thomas Walker

 

AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE

 

Michael Stevenson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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