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Date : 20110614

Dossier : A-457-10

Référence : 2011 CAF 204

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

JAMES JAMIESON

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 8 juin 2011.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 juin 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                    LE JUGE EN CHEF BLAIS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                       LA JUGE SHARLOW

LA JUGE TRUDEL


Date : 20110614

Dossier : A-457-10

Référence : 2011 CAF 204

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

JAMES JAMIESON

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE EN CHEF BLAIS

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 29 septembre 2010, par laquelle le juge‑arbitre a confirmé la décision du conseil arbitral (le conseil) selon laquelle il avait quitté volontairement son emploi sans justification et était donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi sur le fondement des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi).

 

CONTEXTE

[2]               Le demandeur a été embauché comme ingénieur en chef au Plaza 500 Hotel à Vancouver en juillet 2008. Il a signé un contrat de travail le 3 juillet 2008, dans lequel figuraient les modalités du poste. Ces modalités comportaient notamment des dispositions sur les vacances, lesquelles prévoyaient que le demandeur aurait droit à trois semaines de vacances payées après avoir terminé un an de service.

 

[3]               La question en l’espèce se rapporte à une demande de congé formulée par M. Jamieson en mars 2009. Il a demandé deux journées de congé les 12 et 13 mars 2009. L’employeur a refusé sa demande au motif qu’il n’avait pas encore droit à des congés suivant son contrat, que l’avis qu’il avait donné n’était pas suffisant et que des questions d’organisation l’obligeaient à être présent au travail ces deux journées‑là.

 

[4]               Bien que les faits suivants soient la source d’un certain désaccord, il ne fait aucun doute que le demandeur n’a pas accepté la décision de son employeur. Selon lui, il avait le droit de prendre ces deux journées de congé, soit à titre de vacances pour des heures supplémentaires travaillées, soit parce que la gestion de l’hôtel pouvait se faire sans lui pendant ces deux journées-là. Le dossier indique également que le demandeur a informé son employeur qu’il ne serait pas au travail pendant les deux journées en question, peu importe que sa demande de congé ait été refusée.

 

[5]               Le 11 mars 2009, après avoir reçu la confirmation que le demandeur ne serait pas au travail durant les deux prochains jours (les 12 et 13 mars), l’employeur lui a demandé de lui remettre ses clés, sa vignette de stationnement et son insigne d’identité. Plus tard, en après‑midi, le demandeur a remis une lettre de démission indiquant qu’il démissionnait parce que son employeur avait refusé de lui accorder son congé : dossier du défendeur, onglet A, pages 76 et 77. La lettre est datée du 10 mars 2009. Le demandeur affirme qu’il s’agit d’une erreur typographique et que la lettre a été préparée le 11 mars 2009. À mon avis, il n’est pas pertinent de savoir si la lettre a été préparée le 10 ou le 11 mars. Le 13 mars 2009, l’employeur a envoyé une lettre au demandeur dans laquelle il acceptait sa démission et réitérait son opinion selon laquelle le demandeur avait quitté son emploi.

 

[6]               Le demandeur a produit une demande de prestations d’assurance‑emploi indiquant qu’il avait perdu son emploi en raison d’un congédiement. Après avoir interrogé le demandeur et le représentant de l’employeur, la Commission de l’assurance-emploi (la Commission) a conclu qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification et a refusé sa demande de prestations.

 

LA DÉCISION DU CONSEIL ARBITRAL

[7]               Siégeant en appel de la décision de la Commission, le conseil a conclu que le demandeur avait quitté volontairement son emploi en choisissant de prendre ses congés non autorisés.

 

[8]               Le conseil a par la suite examiné la question de la justification fondée sur l’article 29 de la Loi. Il a finalement conclu que la démission du demandeur ne constituait pas la seule solution raisonnable. En effet, il aurait pu continuer à travailler jusqu’à la date de son premier anniversaire de travail et demander des congés autorisés. Il aurait également pu demander un congé de maladie ou répondre à la demande de l’employeur de lui remettre les effets de l’hôtel en lui assurant qu’il ne prendrait pas réellement les deux journées de congé. Ces solutions lui auraient permis de garder son emploi. De plus, le conseil a estimé que les éléments de preuve ne lui permettaient pas de conclure que les conditions de travail du demandeur lui fournissaient une justification pour quitter volontairement son emploi.

 

LA DÉCISION DU JUGE‑ARBITRE

[9]               Se référant aux motifs d’examen énoncés au paragraphe 115(2) de la Loi, le juge‑arbitre était convaincu que la décision du conseil ne renfermait aucune erreur de droit ou des conclusions de fait tirées sans égard aux éléments portés à sa connaissance. Il a donc confirmé la décision du conseil.

 

LA THÈSE DU DEMANDEUR

[10]           Le demandeur conteste la décision du juge‑arbitre pour les motifs suivants : (1) il a commis une erreur en ne concluant pas que le dossier démontre qu’il a été congédié et n’a pas quitté volontairement son emploi; (2) il n’a pas tenu compte de la preuve d’un antagonisme sur les lieux de travail; et (3) il a commis une erreur en ne concluant pas que la décision du conseil était biaisée parce qu’elle était indûment influencée par les observations écrites viciées de la Commission.

 

LA THÈSE DU DÉFENDEUR

[11]           Renvoyant à une décision de notre Cour, Canada (Procureur général) c. Peace, 2004 CAF 56, par. 20, dans laquelle le juge cite l’arrêt Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, [2003] 1 R.C.S. 247, le défendeur laisse supposer ce qui suit :

[traduction]

Tant que cette conclusion est raisonnable et adéquatement étayée par la preuve – et pas tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance – le juge‑arbitre n’a pas compétence pour intervenir même lorsque la preuve est contradictoire. Pour cette raison, le juge‑arbitre n’est pas autorisé à substituer sa propre évaluation des faits et de la crédibilité des témoins à celle du conseil. Ses fonctions se limitent à décider si le conseil pouvait raisonnablement apprécier les faits au vu du dossier.

 

[12]           Le défendeur indique également que le juge‑arbitre n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle justifiant l’intervention de notre Cour. Par conséquent, la présente demande devrait être rejetée.

 

ANALYSE

[13]           La question en l’espèce est celle de savoir si le demandeur a quitté volontairement son emploi et, dans l’affirmative, s’il a démontré une justification conformément à l’article 29 de la Loi. Le demandeur prétend que la question du congédiement aurait dû être examinée par le conseil ou le juge‑arbitre et qu’on l’a privé de son droit à l’équité procédurale en l’empêchant de présenter des éléments de preuve se rapportant à cette question.

 

[14]           La difficulté pour le demandeur réside dans le fait que la Commission a tenu pour avéré qu’il avait communiqué à l’employeur son intention de prendre deux journées de congé, avec ou sans son consentement. Dans le contexte de l’espèce, il importe peu de savoir si la perte d’emploi qui s’en est suivie était, en droit du travail, une démission ou un congédiement. La Commission a clairement conclu que l’événement ayant déclenché la perte d’emploi était l’action volontaire du demandeur lorsqu’il a insisté pour prendre deux journées de congé sans le consentement de son employeur.

 

[15]           Compte tenu des éléments de preuve qui lui ont été présentés, la Commission pouvait raisonnablement tirer cette conclusion de fait. Les éléments de preuve comportaient trois documents qui, selon le demandeur, ont été rejetés ou ignorés par le conseil. Ces documents étaient des lettres adressées [traduction] « à qui de droit » rédigées par d’autres employés soutenant la thèse du demandeur et énonçant leurs versions respectives des événements. Ces lettres étaient d’une utilité négligeable, et le conseil avait le droit de leur accorder peu de poids, voire aucun.

 

[16]           Quant à savoir si le juge‑arbitre aurait dû examiner la question de l’« antagonisme » entre le demandeur et le juge‑arbitre, cette question n’a pas été soulevée devant le conseil ou le juge‑arbitre et elle n’est manifestement pas étayée par le dossier. Par conséquent, cette question ne peut constituer un motif permettant à notre Cour d’annuler la décision du juge‑arbitre.

 

 

[17]           L’argument du demandeur sur la question de la partialité est fondé sur une mauvaise compréhension du rôle de la Commission. Le demandeur critique certains aspects des observations écrites que la Commission a formulées au conseil pour défendre sa décision de lui refuser des prestations d’assurance-emploi. Dans ses observations, la Commission a exprimé sa position. À titre de décideur indépendant de la Commission, la fonction du conseil est d’examiner les observations de la Commission et les observations contraires du demandeur à la lumière de la preuve documentaire et de la preuve orale présentées et de décider si la décision de la Commission devrait être confirmée. Rien dans le dossier n’indique que le conseil était biaisé ou que le contenu des observations de la Commission pouvait susciter une crainte raisonnable de partialité.

 

[18]           Enfin, je conclus que les motifs du conseil justifiant de rejeter l’appel du demandeur étaient rationnels et entièrement raisonnables et que le juge‑arbitre n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle en refusant d’intervenir.

 

[19]           La présente demande devrait être rejetée.

 

 

« Pierre Blais »

Juge en chef

 

« Je suis d’accord.

            La juge Sharlow »

 

« Je suis d’accord.

            La juge Trudel »

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


Cour d’appel fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                                                A-457-10

 

DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION DU JUGE‑ARBITRE DENIS DUROCHER, 29 SEPTEMBRE 2010 (CUB 75287)

 

INTITULÉ :                                                               JAMES JAMIESON c. PGC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       Le 9 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LE JUGE EN CHEF BLAIS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                 LA JUGE SHARLOW

                                                                                    LA JUGE TRUDEL

 

DATE DES MOTIFS :                                              Le 14 juin 2011

 

 

Comparutions :

 

James Jamieson

POUR LE DEMANDEUR, POUR SON PROPRE COMPTE

 

Sally Rudolf

Ministère de la Justice

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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