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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

 

Date : 20110622

Dossier : A‑397‑10

Référence : 2011 CAF 209

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE STRATAS

                                   

ENTRE :

EPICEPT CORPORATION

appelante

et

LES COMPAGNIES DE RECHERCHE

PHARMACEUTIQUE DU CANADA

intervenante

et

MINISTRE DE LA SANTÉ

intimée

et

 

ASSOCIATION CANADIENNE DU MÉDICAMENT GÉNÉRIQUE

 

intervenante

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 22 juin 2011.

Ordonnance prononcée à Toronto (Ontario), le 22 juin 2011.

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE                                                                      LE JUGE STRATAS

 

 

 

 


Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

 

Date : 20110622

Dossier : A‑397‑10

Référence : 2011 CAF 209

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE STRATAS

                                   

ENTRE :

EPICEPT CORPORATION

appelante

et

LES COMPAGNIES DE RECHERCHE

PHARMACEUTIQUE DU CANADA

            intervenante

et

MINISTRE DE LA SANTÉ

intimée

et

 

 

ASSOCIATION CANADIENNE DU MÉDICAMENT GÉNÉRIQUE

 

intervenante

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE STRATAS

[1]               Dans le cadre du présent appel, l’intervenante, l’Association canadienne du médicament générique (ACMG), cherche notamment à obtenir par requête une ordonnance rejetant l’appel en raison de son caractère théorique. Si l’ACMG réussit à nous convaincre que l’appel ne devrait pas être entendu en raison de son caractère théorique, l’appelante nous demande de suspendre l’instance plutôt que de la rejeter.

 

[2]               Voici les faits ayant donné lieu à la contestation fondée sur le caractère théorique.

 

[3]               L’appelante a déposé une présentation de drogue nouvelle auprès de la ministre intimée relativement à une drogue connue sous le nom de Ceplene. Dans sa présentation de drogue nouvelle, l’appelante a demandé à la ministre de considérer Ceplene comme une « drogue innovante », de façon à ce qu’il soit interdit à la ministre d’approuver un médicament générique équivalent pour au moins huit ans suivant la date de délivrance d’un avis de conformité pour Ceplene en vertu de l’article C.08.004.1 du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870, tel que modifié par DORS/2006‑241.

 

[4]               Se fondant sur son interprétation de l’article C.08.004.1 du Règlement, la ministre a conclu que Ceplene n’était pas une « drogue innovante » parce que son ingrédient médicinal, le dichlorhydrate d’histamine, avait déjà été approuvé par la ministre en ce qui concerne d’autres drogues.

 

[5]               L’appelante a contesté la décision de la ministre dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire. La Cour fédérale a rejeté la demande, et accepté l’interprétation de l’article C.08.004.1 du Règlement proposée par la ministre : 2010 CF 956. L’appelante interjette appel de cette décision devant notre Cour.

 

[6]               En novembre 2010, alors que le présent appel était devant la Cour, l’appelante a retiré sa demande de présentation de drogue nouvelle pour Ceplene.

 

[7]               Au départ, le présent appel avait sa raison d’être, car l’appelante croyait avoir droit à la protection des données contenues dans sa présentation de drogue nouvelle soumise à la ministre et en avoir besoin. Maintenant qu’elle a retiré sa présentation de drogue nouvelle, cette protection n’est plus nécessaire. Il n’y a plus de présentation de drogue nouvelle pendante devant la ministre et, peu importe la décision de la Cour, cette dernière n’a plus de décision à prendre. Étant donné que le présent appel est maintenant sans conséquence pratique, ce qui nous est réellement demandé est de fournir un avis juridique sur la question d’interprétation en cause en l’espèce, et rien d’autre.

 

[8]               Selon nous, en raison de ce qui précède, le présent appel constitue un appel à caractère théorique. Toutefois, il ne nous est pas interdit d’entendre un appel à caractère théorique : Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342.

 

[9]               Dans son argumentation écrite, l’appelante dit avoir l’intention de déposer de nouveau sa présentation de drogue nouvelle pour Ceplene et, à ce stade, de demander la protection de ses données. Par conséquent, prétend l’appelante, la question en litige dans le présent appel sera soulevée dans le futur, et la Cour ferait aussi bien d’entendre l’appel maintenant.

 

[10]           Toutefois, la preuve montre qu’il n’est pas certain que l’appelante déposera à nouveau sa présentation de drogue nouvelle. L’appelante a en effet indiqué qu’elle ne le ferait pas si la Cour entend l’appel et le rejette. De plus, lors de son contre‑interrogatoire relatif à la présente requête, le chef de la direction de l’appelante a admis qu’il est possible que cette dernière ne dépose pas à nouveau sa présentation de drogue nouvelle soit en raison de problèmes de financement, soit par suite des résultats d’une nouvelle étude en cours, ou pour l’une et l’autre de ces raisons. Cela tend à confirmer que ce qui nous est réellement demandé en l’espèce est de donner un avis juridique qui ne sera d’aucune utilité en pratique.

 

[11]           De plus, si nouveau dépôt il y a, ce ne sera pas avant plusieurs années, en raison notamment de la nouvelle étude dont il a été fait mention ci‑dessus. L’appelante réalise cette étude pour appuyer une présentation de drogue nouvelle déposée devant la Food and Drug Administration aux États‑Unis. Comme il faudra plusieurs années pour mener à bien cette étude, la réglementation existante pourrait subir des modifications. De plus, la présentation de drogue nouvelle contiendra alors des études et des données différentes et la ministre pourrait avoir des raisons supplémentaires de refuser la protection des données en vertu du Règlement. Toute décision future de la ministre, si elle est contestée dans le cadre d’un contrôle judiciaire, devra être examinée par la Cour fédérale au regard des motifs alors invoqués par la ministre, et ensuite, si nécessaire, être portée en appel devant notre Cour.

 

[12]           Entre temps, d’autres parties pourraient se présenter devant la Cour fédérale et devant notre Cour en vue d’obtenir la protection des données figurant dans leurs présentations de drogue nouvelle, et elles pourraient très bien soulever devant nous la question d’interprétation en cause en l’espèce. Si nous devions entendre et juger cette question aujourd’hui, dans le contexte hypothétique du présent appel, cela pourrait avoir une incidence sur des parties qui ne sont pas devant nous et qui souhaiteraient faire valoir leurs arguments dans un contexte concret, voire les lier.

 

[13]           Dans ces circonstances, pour les motifs qui précèdent, nous exerçons notre pouvoir discrétionnaire de ne pas entendre et juger le présent appel à caractère théorique.

 

[14]           L’appelante nous demande de « suspendre » l’instance jusqu’à ce qu’elle dépose à nouveau sa présentation de drogue nouvelle auprès de la ministre. À cet égard, les parties se sont appuyées sur le critère classique à trois volets qui permet de statuer sur les demandes visant la suspension d’une instance en attendant l’issue d’un appel ou d’une autre démarche, ou sur les demandes d’injonction : RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199. La demande devant nous n’est pas une demande de cette nature. En effet, c’est plutôt un ajournement à long terme du présent appel que l’appelante cherche à obtenir en l’espèce. La question de savoir si un tel ajournement peut être accordé relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour, et doit tenir compte de l’ensemble des circonstances.

 

[15]           Plusieurs des faits examinés en détail précédemment relativement à la question de savoir si nous devrions entendre l’appel théorique sont pertinents en ce qui concerne l’exercice de notre pouvoir discrétionnaire d’ajourner ou non le présent appel.

 

[16]           L’appelante craint, si le présent appel est rejeté plutôt que « suspendu », que la Cour soit réputée avoir confirmé le jugement rendu par la Cour fédérale. Il n’en est rien. La décision de la Cour de rejeter l’appel en raison de son caractère théorique n’est pas une décision sur la question de savoir si l’appelante est admissible à la protection des données.

 

[17]           Compte tenu des faits de l’espèce, nous n’accorderons pas à l’appelante l’ajournement qu’elle demande. La durée potentielle de cet ajournement – possiblement plusieurs années –, et l’incertitude qui persiste quant à savoir si l’appelante déposera à nouveau sa présentation de drogue nouvelle ont joué un rôle important dans l’exercice de notre pouvoir discrétionnaire.

 

[18]           Par conséquent, nous accueillerons la requête de l’ACMG visant le rejet de l’appel en raison de son caractère théorique, avec dépens de la requête payables par l’appelante à l’ACMG. Nous rejetterons également la requête incidente de l’appelante en suspension d’instance, avec dépens. L’intimée, la ministre de la Santé, a droit à ses dépens, qui sont payables par l’appelante.

 

 

« David Stratas »

j.c.a.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑397‑10

 

APPEL D’UNE ORDONNANCE DU JUGE NEAR DATÉE DU 24 SEPTEMBRE 2010, DOSSIER NUMÉRO T‑2009‑09

 

INTITULÉ :                                                   EPICEPT CORPORATION c.
LES COMPAGNIES DE RECHERCHE PHARMACEUTIQUES DU CANADA ET MINISTRE DE LA SANTÉ ET L’ASSOCIATION CANADIENNE DU MÉDICAMENT GÉNÉRIQUE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 22 juin 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LA JUGE SHARLOW, LA JUGE TRUDEL
ET LE JUGE STRATAS

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :       LE JUGE STRATAS

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jason C. Markwell

Kristin E. Wall

 

POUR L’APPELANTE

 

Christopher C. Van Barr

 

POUR L’INTERVENANTE,

LES COMPAGNIES DE RECHERCHE PHARMACEUTIQUE DU CANADA

 

F.B. (Rick) Woyiwada

 

POUR L’INTIMÉE

 

Edward Hore

Geoffrey Langen

 

POUR L’INTERVENANTE, L’ASSOCIATION CANADIENNE DU MÉDICAMENT GÉNÉRIQUE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ogilvy Renault LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’INTERVENANTE,

LES COMPAGNIES DE RECHERCHE PHARMACEUTIQUE DU CANADA

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉE

 

Hazard and Hore

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR L’INTERVENANTE, L’ASSOCIATION CANADIENNE DU MÉDICAMENT GÉNÉRIQUE

 

 

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