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Date : 20110922

Dossier : A‑124‑11

Référence : 2011 CAF 266

 

CORAM :      la juge SHARLOW

                        la juge LAYDEN‑STEVENSON

                        le juge STRATAS

 

ENTRE :

le procureur général du Canada

demandeur

 

 

et

 

 

JASWANT KALER

défenderesse

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 22 septembre 2011

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 22 septembre 2011

 

Motifs du jugement :                                                  la juge LAYDEN‑STEVENSON

y ont souscrit :                                                                                   la juge SHARLOW

                                                                                                                         le juge STRATAS

 


Date : 20110922

Dossier : A‑124‑11

Référence : 2011 CAF 266

 

CORAM :      la juge SHARLOW

                        la juge LAYDEN‑STEVENSON

                        le juge STRATAS

 

ENTRE :

le procureur général du Canada

demandeur

 

 

et

 

 

JASWANT KALER

défenderesse

 

 

Motifs du jugement

la juge LAYDEN‑STEVENSON

[1]               J’accueillerais la demande de contrôle judiciaire de la Couronne concernant la décision du juge‑arbitre Landry (le juge‑arbitre) par laquelle celui‑ci a confirmé une décision du conseil arbitral (le conseil). Le conseil a accueilli la demande de la défenderesse visant à obtenir l’antidatation de sa demande de prestations d’assurance‑emploi (les prestations)sous le régime de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi). La défenderesse n’a pas déposé d’observations écrites et, bien qu’elle se soit présentée à l’audience, elle n’a formulé aucune observation orale.

 

[2]               La défenderesse a été mise à pied le 7 novembre 2008 et a présenté une demande de prestations le 19 août 2009. La Commission a refusé sa demande parce qu’elle n’avait pas accumulé un nombre suffisant d’heures assurables au cours des 52 semaines précédant sa demande. La défenderesse a interjeté appel de cette décision au conseil arbitral et a demandé que sa demande soit antidatée à novembre 2008.

 

[3]               Devant le conseil, la défenderesse a déclaré qu’elle était analphabète et qu’elle n’avait pas demandé de prestations plus tôt parce que son employeur lui avait dit qu’il la rappellerait lorsqu’il y aurait plus de travail. En janvier 2009, elle a quitté le Canada pour se rendre en Inde. En février, elle a eu un accident en Inde et son retour au Canada a été retardé jusqu’en juillet. Après son retour, des membres de sa famille et des amis lui ont conseillé de présenter une demande de prestations. Bien qu’elle ait demandé son relevé d’emploi à son employeur, elle ne l’a obtenu que le 6 août 2009.

 

[4]               Il est possible d’antidater une demande en vertu du paragraphe 10(4) dans les cas où le retard à présenter la demande est justifié par un motif valable. La jurisprudence de la Cour exige que, pour établir un motif valable, la prestataire doit réussir à « démontrer qu’[elle] a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s’assurer des droits et obligations que lui impose la Loi » (Canada (P.G.) c. Albrecht, [1985] 1 C.F. 710 (C.A.) (Albrecht)). Il est également bien établi en droit que la prestataire est tenue de « vérifie[r] assez rapidement » si elle a droit à des prestations et de s’assurer des droits et obligations que lui reconnaît la Loi (Canada (P.G.) c. Carry, 2005 CAF 367, 344 N.R. 142 (Carry)). Cette obligation implique un devoir de prudence sévère et strict. Le motif valable doit exister pendant toute la période à l’égard de laquelle l’antidatation est demandée (Canada (P.G.) c. Chalk, 2010 CAF 243). L’ignorance de la loi, même combinée à la bonne foi, ne constitue pas un motif valable (Canada (P.G.) c. Somwaru, 2010 CAF 336; Carry, par. 5).

 

[5]               Le conseil a reconnu le critère juridique formulé dans l’arrêt Albrecht. Il n’a cependant pas examiné les faits exposés au dossier de la défenderesse en fonction des principes de droit susmentionnés. Il a plutôt accepté le fait que la défenderesse était analphabète et a conclu que l’analphabétisme de la défenderesse « explique qu’elle ait pris énormément de temps à présenter une demande de prestations ». Il a accueilli l’appel de la défenderesse à l’égard du « refus relatif à l’antidatation » de sa demande.

 

[6]               Le juge‑arbitre a examiné le contexte factuel, s’est reporté à des extraits de la décision du conseil et a conclu qu’il existait des éléments de preuve pour étayer la conclusion selon laquelle l’analphabétisme de la défenderesse constituait un motif valable. Le juge‑arbitre n’a cité aucune jurisprudence.

 

[7]               À mon avis, le juge‑arbitre a commis une erreur en ne se penchant pas sur le droit applicable en matière de « motif valable justifiant le retard ». Dans l’arrêt Canada (P.G.) c. Brace, 2008 CAF 118, 377 N.R. 228, la Cour a conclu que le juge‑arbitre avait commis une erreur en omettant d’énoncer le critère juridique applicable puisque les faits doivent être analysés explicitement en fonction de la définition appropriée. En l’espèce, le conseil a commis une erreur lorsqu’il a appliqué le droit aux faits et le juge‑arbitre a commis une erreur en omettant d’intervenir.

 

[8]               Pour ces motifs, j’accueillerais donc la demande de contrôle judiciaire. À l’audience, l’avocat de la Couronne a indiqué à la Cour qu’il conviendrait de renvoyer l’affaire pour une nouvelle audition. Selon lui, la question de savoir si la défenderesse pourrait avoir gain de cause, avec l’avantage d’un dossier complété, demeure entière. Par conséquent, j’annulerais la décision du juge‑arbitre et renverrais l’affaire au juge‑arbitre en chef ou à la personne qu’il désigne pour qu’il procède à un nouvel examen en tenant pour acquis que la décision du conseil arbitral doit être annulée et que l’affaire doit être renvoyée à un conseil arbitral différemment constitué pour une nouvelle audition. Je ne n’accorderais pas de dépens puisque aucuns dépens n’ont été demandés.

 

« Carolyn Layden‑Stevenson »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord

           K. Sharlow, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

           David Stratas, j.c.a, »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 


cour d’appel fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A‑124‑11

 

Appel d’une ordonnance de monsieur le juge LANDRY, JUGE‑ARBITRE, DATÉE DU 27 JANVIER 2011, DANS LE DOSSIER NO CUB 76327

 

Intitulé :                                                   le procureur général du CANADA c.
JASWANT KALER

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 22 septembre 2011

 

Motifs du jugement :                        la juge LAYDEN‑STEVENSON

 

Y ont souscrit :                                     LA JUGE SHARLOW

                                                                        le juge STRATAS

           

DATE des motifs :                                  Le 22 septembre 2011

 

 

Comparutions :

 

Derek Edwards

 

Pour Le DEMANDEUR

 

 

Aucune comparution

 

Pour la défenderesse

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

Pour Le DEMANDEUR

 

 

S/O

 

Pour la défenderesse

 

 

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