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Date : 20111116

Dossier : A-429-10

Référence : 2011 CAF 311

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

ALEX GRAHAM

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 15 novembre 2011.

Jugement rendu à Winnipeg (Manitoba), le 16 novembre 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                    LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE EVANS

                                                                                                            LE JUGE PELLETIER

 


Date : 20111116

Dossier : A-429-10

Référence : 2011 CAF 311

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

 

ALEX GRAHAM

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

[1]               Pour les motifs qui suivent, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire de la Couronne concernant la décision du juge-arbitre Stevenson (le juge-arbitre) par laquelle celui-ci a confirmé une décision du conseil arbitral (le conseil).

 

[2]               La Commission de l’assurance-emploi (la Commission) a décidé que le défendeur, Alex Graham, n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi (les prestations) en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi). La Commission a accueilli l’appel interjeté par M. Graham contre la décision de la Commission. Le juge-arbitre a rejeté l’appel de la Couronne. Selon lui, la Commission a appliqué le bon critère juridique et a tenu compte de toutes les circonstances pertinentes. Sa décision était donc conforme à la norme de la raisonnabilité établie dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir), et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12 (Khosa).

 

[3]               Pendant qu’il suivait des cours au Red River College, M. Graham travaillait à temps partiel dans un magasin Canadian Tire à Winnipeg. À la fin du trimestre en avril 2009, il est retourné chez ses parents à Minnedosa pour trouver un emploi d’été à temps plein et économiser sur les frais de subsistance. Il n’avait pas trouvé de travail à Minnedosa avant de quitter Winnipeg et il n’avait pas demandé un congé au Canadian Tire. Dans le mois qui a suivi, il a trouvé un emploi à temps plein à Minnedosa. Quand il est retourné à Winnipeg comme prévu en août 2009, il a réclamé des prestations. La Commission a conclu que, comme il avait volontairement quitté son emploi au Canadian Tire sans justification, il n’avait pas accumulé suffisamment d’heures assurables dans le cadre de son emploi à Minnedosa pour recevoir des prestations. En décembre 2009, M. Graham a, à nouveau, réclamé des prestations. La Commission a conclu qu’aucune prestation ne pouvait être versée puisqu’il avait antérieurement été exclu du bénéfice des prestations. De plus, une nouvelle demande serait rejetée pour la même raison que la première — il n’a pas accumulé suffisamment d’heures assurables après avoir quitté son emploi au Canadian Tire sans justification.

 

[4]               Comme je l’ai déjà dit, la Commission a accueilli l’appel interjeté par M. Graham contre la décision de la Commission. Le juge-arbitre n’a trouvé aucune faille dans la décision de la Couronne selon laquelle il était raisonnable pour M. Graham de quitter son emploi au Canadian Tire.

 

[5]               Pour savoir si un prestataire est « fondé » à quitter son emploi, il faut se demander « si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ […] constitue [selon la prépondérance des probabilités] la seule solution raisonnable dans son cas » : MacNeil c. Canada (Commission de l’assurance-emploi du Canada), 2009 CAF 306; Canada (Procureur général) c. Imran, 2008 CAF 17. C’est au prestataire qu’il incombe d’établir qu’il était fondé à quitter son emploi : Canada (Procureur général) c. Patel, 2010 CAF 95.

 

[6]               Selon la jurisprudence de notre Cour, il est généralement raisonnable de continuer de travailler jusqu’à ce que l’on trouve un nouvel emploi au lieu de prendre la décision unilatérale de quitter son emploi : Canada (Procureur général) c. Murugaiah, 2008 CAF 10; Canada (Procureur général) c. Campeau, 2006 CAF 376. De plus, le désir qu’a le prestataire d’améliorer sa situation financière peut constituer un motif valable, mais il ne constitue pas une justification : Canada (Procureur général) c. Richard, 2009 CAF 122; Canada (Procureur général) c. Lapointe, 2009 CAF 147.

 

[7]               La Commission a reconnu le critère juridique relatif à la « justification ». Cependant, elle n’a pas examiné la situation de M. Graham en fonction des principes de droit susmentionnés. Au lieu d’appliquer le critère selon lequel il n’y a aucune autre solution raisonnable, la Commission s’est demandé si la conduite de M. Graham était raisonnable dans les circonstances et a conclu que son choix était un comportement raisonnable. De ce fait, elle a décidé qu’il était fondé de quitter son emploi parce qu’il se trouvait alors dans une situation économique plus favorable : il gagnait plus d’argent et diminuait ses dépenses.

 

[8]               Le juge-arbitre a examiné le contexte factuel, a fait référence à un passage tiré de la décision de la Commission et a conclu que cette décision était raisonnable. Outre Dunsmuir et Khosa, le juge-arbitre n’a renvoyé à aucun précédent.

 

[9]               À notre avis, le juge-arbitre a commis une erreur parce qu’il n’a pas examiné le droit applicable concernant une justification de quitter un emploi. Dans Canada (Procureur général) c. Brace, 2008 CAF 118, notre Cour a conclu que le juge-arbitre a commis une erreur en n’énonçant pas le critère juridique applicable puisque les faits doivent être explicitement analysés en fonction de la bonne définition. En l’espèce, la Commission a commis une erreur en n’évaluant pas les faits conformément à la Loi. Le juge-arbitre a commis une erreur en n’intervenant pas.

 

[10]           Monsieur Graham a reconnu qu’il voulait retourner à la maison pendant l’été parce qu’il en coûtait moins cher d’habiter là. Il a aussi reconnu qu’il aurait pu continuer de travailler jusqu’à ce qu’il trouve un autre emploi, mais il a jugé que cela n’était pas possible. Monsieur Graham avait peut-être une bonne raison de quitter son emploi, mais il n’était pas fondé à le faire, au sens de la Loi.

 

[11]           Pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir la demande de contrôle judiciaire, d’annuler la décision du juge-arbitre et de renvoyer l’affaire au juge-arbitre en chef, ou à la personne qu’il désignera, pour qu’il rende une nouvelle décision en tenant pour acquis que le défendeur a quitté son emploi sans justification. La Couronne n’a pas réclamé de dépens et je n’en accorderais aucun.

 

 

« Carolyn Layden-Stevenson »

j.c.a.

 

 « Je suis d’accord.

            John M. Evans, j.c.a. »

 « Je suis d’accord.

            J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-429-10

 

APPEL D’UNE DÉCISION DU JUGE-ARBITRE RONALD C. STEVENSON, DATÉE DU 24 SEPTEMBRE 2010, DANS LE DOSSIER Nº CUB 75290

 

INTITULÉ :                                                                           Le procureur général du Canada c. Alex Graham

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 15 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE EVANS

                                                                                                LE JUGE PELLETIER

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 16 novembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Darcie Charlton

POUR LE DEMANDEUR

 

Alex Graham

POUR LUI-MÊME

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DEMANDEUR

 

 

 

 

 

 

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