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Date : 20130410

Dossier : A-422-12

Référence : 2013 CAF 97

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

                        LE JUGE WEBB

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

 

GREGORY TERRION

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 10 avril 2013

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 10 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                   LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                            LA JUGE SHARLOW

                                                                                                                        LE JUGE WEBB

 



Date : 20130410

Dossier : A-422-12

Référence : 2013 CAF 97

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

                        LE JUGE WEBB

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

 

GREGORY TERRION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]               Sous le régime de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi), l’admissibilité aux prestations s’établit en fonction du nombre d’heures d’emploi assurable accumulées par le travailleur au cours de la période de référence applicable. La période de référence est établie de la façon prévue à l’article 8 de la Loi. Seul le paragraphe 8(1) de la Loi est pertinent pour la présente demande de contrôle judiciaire, et la demande de prestations en cause ne soulève qu’une seule question, celle du début de la période de référence.

 

[2]               Le paragraphe 8(1) est ainsi rédigé :

8. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), la période de référence d’un assuré est la plus courte des périodes suivantes :

 

a) la période de cinquante‑deux semaines qui précède le début d’une période de prestations prévue au paragraphe 10(1);

 

b) la période qui débute en même temps que la période de prestations précédente et se termine à la fin de la semaine précédant le début d’une période de prestations prévue au paragraphe 10(1).

8. (1) Subject to subsections (2) to (7), the qualifying period of an insured person is the shorter of

 

 

(a) the 52-week period immediately before the beginning of a benefit period under subsection 10(1), and

 

 

(b) the period that begins on the first day of an immediately preceding benefit period and ends with the end of the week before the beginning of a benefit period under subsection 10(1).

 

[3]               Le défendeur en l’espèce, M. Terrion, a présenté une demande de prestations d’assurance‑emploi le 7 mars 2012. Si sa demande est régie par l’alinéa 8(1)a), la période de référence a commencé le 1er mars 2011. La Commission a toutefois estimé que la période de référence avait commencé le 27 mars 2011 parce que, selon elle, c’est l’alinéa 8(1)b) de la Loi qui s’appliquait, car M. Terrion avait déjà présenté une demande de prestations.

 

[4]               Malheureusement, la Commission n’a jamais informé M. Terrion qu’elle fondait sa décision sur l’alinéa 8(1)b). Elle s’est contentée de lui dire :

[traduction] Vous avez accumulé 542 heures d’emploi assurable entre le 27 mars 2011 et le 3 mars 2012, alors que, compte tenu du taux de chômage dans votre région à la date où vous avez produit votre demande, il vous fallait 630 heures pour être admissible à des prestations.

 

[5]               M. Terrion a porté ce refus en appel devant le conseil arbitral, indiquant dans son avis d’appel qu’il avait accumulé 730 heures d’emploi assurable entre le 1er mars 2011 et le 3 mars 2012.

[6]               Dans l’argumentation soumise au conseil arbitral en réponse à l’avis d’appel, la Commission ne s’est pas reportée à l’alinéa 8(1)b) de la Loi et n’a pas fait mention d’une demande ou d’une période antérieure de prestations. Elle n’a fourni aucun élément de preuve relatif à une demande antérieure de prestations. Elle a simplement fait la déclaration factuelle suivante, sous la rubrique [traduction] « Résumé des faits pertinents » :

[traduction] Le prestataire a déposé une demande de prestations d’assurance‑emploi le 7 mars 2012 (pièce 2).

 

La période de référence applicable à cette demande est donc la période comprise entre le 27 mars 2011 et le 3 mars 2012.

 

 

[7]               Le conseil arbitral a accueilli, à l’unanimité, l’appel formé par M. Terrion contre la décision de la Commission, et il a considéré que la période de référence avait commencé le 1er mars 2011. Il a motivé ainsi sa décision :

[traduction] La date de début de la période de référence indiquée par la Commission est le 27 mars 2011. Le conseil convient avec le prestataire que les heures en cause sont incluses dans la période de 52 semaines précédant le 2 mars 2012.

 

Le président du conseil arbitral a discuté de la question avec Mme Ingrid Nistico. conseillère en expertise opérationnelle. Elle a indiqué qu’il y avait eu une demande antérieure pouvant influer sur la date d’admissibilité; sans cette preuve, toutefois, le conseil a décidé d’accepter la position du prestataire.

 

[8]               La Commission a interjeté appel de cette décision devant un juge‑arbitre, lequel a maintenu la décision du conseil arbitral (CUB 79553). Le juge‑arbitre a commencé son analyse en citant le paragraphe 8(1), puis il a fait le raisonnement suivant :

Le prestataire a présenté une demande de prestations le 7 mars 2012. Sa période de référence comprendrait donc les cinquante-deux semaines qui précèdent cette date, à moins qu’il n’ait été déterminé que le prestataire avait déjà fait établir une période de prestations qui prenait fin au cours des cinquante-deux semaines précédant le 7 mars 2012. Le dossier d’appel ne contenait aucun élément de preuve confirmant qu’une telle période de prestations avait déjà été établie. La seule mention à cet égard était une allégation faite par un conseiller en expertise opérationnelle au cours de l’audience devant le conseil.

 

Le conseil a examiné le dossier d’appel et a constaté qu’il ne contenait aucun élément de preuve lui permettant de conclure qu’une période de prestations avait déjà été établie au cours des cinquante-deux semaines précédant la date à laquelle le prestataire avait présenté sa demande de prestations, soit le 7 mars 2012. Le conseil a conclu que toutes les heures d’emploi assurable que le prestataire avait accumulées durant cette période pouvaient donc être prises en considération pour déterminer son admissibilité à des prestations. Le conseil a constaté que, durant cette période, le prestataire avait accumulé le nombre d’heures d’emploi assurable requis pour pouvoir faire établir une période de prestations à son profit. Il a donc accueilli l’appel du prestataire.

 

Lors de l’instruction de l’appel à l’encontre de la décision du conseil arbitral, la Commission a affirmé que le conseil avait commis une erreur en refusant d’admettre qu’une période de prestations avait déjà été établie au profit du prestataire et que celle-ci avait pris fin le 27 mars 2011.

 

Je suis entièrement d’accord avec le conseil arbitral au sujet du fait que la Commission n’avait présenté aucun élément de preuve confirmant qu’une période de prestations avait déjà été établie et qu’elle aurait pris fin le 27 mars 2011. Si tel était effectivement le cas, il incombait à la Commission de fournir des éléments le confirmant.

 

[9]               Relativement à la présente demande de contrôle judiciaire de la décision du juge‑arbitre, le procureur général reconnaît que M. Terrion a accumulé les heures d’emploi assurable suivantes :

 

Période                                                                                    Heures

 

1er mars 2011 - 25 mars 2011                                      188

18 juillet 2011 - 11 août 2011                                     188

14 novembre 2011 - 13 décembre 2011                      131

13 décembre 2011 - 22 décembre 2011                        82

7 février 2012 - 3 mars 2012                                       141

 

[10]           Il s’ensuit que, si la période de référence de M. Terrion a commencé le 1er mars 2011, il aurait accumulé 730 heures d’emploi assurable au total et serait légalement admissible à des prestations. Toutefois, si la date de début de la période de référence est le 27 mars 2011, il ne serait pas admissible à des prestations parce qu’il n’aurait accumulé que 542 heures d’emploi assurable alors que 630 heures sont requises.

 

[11]           Le procureur général soutient que le juge‑arbitre a commis deux erreurs de droit.

 

[12]           Il aurait, premièrement, permis à tort au conseil arbitral d’établir la période de référence applicable à M. Terrion et, par suite, le nombre d’heures d’emploi assurable accumulées au cours de ladite période, ce qui constituerait une erreur de droit parce qu’aux termes de l’article 90 de la Loi, seul le ministre du Revenu national est habilité à déterminer combien d’heures d’emploi assurable un assuré a accumulées.

 

[13]           Deuxièmement, le juge‑arbitre aurait conclu à tort qu’il incombait à la Commission de prouver qu’une période de prestations avait déjà été établie au profit de M. Terrion, commettant ainsi une erreur de droit parce qu’aux termes du paragraphe 49(1) de la Loi, c’est M. Terrion qui avait l’obligation de prouver qu’il était admissible à des prestations.

 

[14]           Pour les motifs exposés ci‑dessous, j’estime que le juge‑arbitre n’a pas commis les erreurs qu’on lui attribue.

 

[15]           Premièrement, le juge‑arbitre n’a pas permis au conseil arbitral d’établir le nombre d’heures d’emploi assurable de M. Terrion. Le nombre d’heures accumulées au cours de chacune des périodes n’était pas contesté. Le seul différend portait sur un fait : la question de savoir si M. Terrion avait déjà fait une demande, rendant ainsi l’alinéa 8(1)b) de la Loi applicable à l’établissement de la date du début de la période de référence. L’avocat du procureur général a reconnu dans sa plaidoirie que l’existence d’une demande antérieure était une question de fait relevant de la compétence du conseil arbitral.

 

[16]           Deuxièmement, le juge‑arbitre n’a pas inversé le fardeau de la preuve. M. Terrion a déclaré 730 heures d’emploi assurable et présenté, à l’appui, cinq relevés d’emploi. Il s’est ainsi acquitté du fardeau de la preuve. On ne pouvait raisonnablement attendre de lui qu’il prouve l’inexistence d’un fait, à savoir qu’il n’avait pas fait de demande antérieure de prestations. Si une telle demande existait, la Commission disposait de la preuve. La preuve de l’accumulation de 730 heures d’emploi assurable présentée par M. Terrion faisait peser sur la Commission une charge de persuasion exigeant qu’elle soumette des éléments de preuve contredisant la preuve de M. Terrion. Pour pouvoir écourter la période de référence, la Commission ne pouvait se contenter d’affirmer que M. Terrion avait présenté une demande antérieure de prestations; elle devait soumettre des éléments de preuve. Elle ne l’a pas fait.

 

[17]           Pour ces motifs, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

            K. Sharlow j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            Wyman W. Webb j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-422-12

 

(CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION DU JUGE‑ARBITRE GUY GOULARD, RENDUE LE 17 AOÛT 2012 DANS LE DOSSIER CUB 79553)

 

INTITULÉ :                                                                          PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. GREGORY TERRION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                  Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                 Le 10 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                               LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                           LA JUGE SHARLOW

                                                                                                LE JUGE WEBB

 

DATE DES MOTIFS :                                                         Le 10 avril 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Derek Edwards

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Aucune comparution

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Le défendeur se représentait lui-même

 

 

 

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