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Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20130517

Dossier : A‑76‑12

Référence : 2013 CAF 133

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

                        LE JUGE WEBB

 

ENTRE :

DOLORES ROMANUK

appelante

et

Sa Majesté la Reine

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 9 avril 2013

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 17 mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                   LA JUGE SHARLOW

                                                                                                                         LA JUGE DAWSON

 


Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20130517

Dossier : A‑76‑12

Référence : 2013 CAF 133

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

                        LE JUGE WEBB

 

ENTRE :

DOLORES ROMANUK

appelante

et

Sa Majesté la Reine

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE WEBB

[1]               Le présent appel vise l'ordonnance par laquelle la juge V. A. Miller de la Cour canadienne de l'impôt (2012 TCC 58) a rejeté la requête présentée par l'appelante en vue d'obtenir l'autorisation de déposer un second avis d'appel modifié. Je suis d'avis de rejeter l'appel, mais pour d'autres motifs que ceux que la juge a invoqués pour refuser la requête.

 

[2]               Les pertes attribuées à l'appelante par Softcom Solutions Partnership (la société de personnes) ont été refusées dans les avis de nouvelle cotisation établis à son égard pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997. Des pénalités ont également été imposées en vertu des paragraphes 162(1) et 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi).

 

[3]               L'appelante souhaite modifier son avis d'appel pour y ajouter d'autres allégations factuelles touchant :

a)         les communications entre le vérificateur de l'Agence du revenu du Canada (l'ARC) et la société de personnes;

b)         les diverses rencontres entre le vérificateur de l'ARC et certains associés;

c)         les communications et les rapports entre le vérificateur de l'ARC et la Section des enquêtes spéciales de l'ARC.

 

L'appelante soutient que l'ARC a utilisé les pouvoirs de vérification que lui confère l'article 231.1 de la Loi pour exiger de la société de personnes qu'elle lui fournisse des renseignements dans la foulée d'une enquête visant à déterminer si des accusations fondées sur l'article 239 de la Loi devaient être portées à l'encontre d'au moins une personne. Suivant les faits allégués par l'appelante, seul le premier paragraphe de l'article 231.1 est pertinent; je m'y référerai donc dans les présents motifs. L'appelante soutient que le recours par l'ARC à ces pouvoirs de vérification violait en l'espèce ses droits garantis par les articles 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Canada Act, 1982 (R.‑U.), 1982, ch. 11 (la Charte).

 

[4]               L'appelante demande donc à la Cour d'exclure certains éléments de preuve ou de faire droit à son appel. Elle fait valoir en substance que l'ARC ne pouvait plus exercer ses pouvoirs de vérification pour recueillir des renseignements ou des documents susceptibles d'être utilisés pour établir un avis de nouvelle cotisation, ou susceptibles d'être utilisés lors de son appel devant la Cour canadienne de l'impôt, parce que l'ARC envisageait ou aurait pu envisager de porter des accusations fondées sur l'article 239 de la Loi contre l'appelante ou quelqu'un d'autre.

 

[5]               Au moment de décider s'il y a lieu d'autoriser la modification d'actes de procédure en vue d'y ajouter des faits et des allégations, le juge doit présumer la véracité des faits additionnels exposés dans la modification proposée, et déterminer ensuite s'il est « évident et manifeste » que l'allégation formulée ne révèle « aucune cause d'action raisonnable » (Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, aux pages 979 et 980). Comme les faits allégués doivent être tenus pour avérés, il n'est pas nécessaire que le juge examine le moindre élément qui peut avoir été présenté à leur appui pour se prononcer sur l'opportunité de la modification. Si de tels éléments de preuve ont été produits à cette fin, le juge ne doit pas en tenir compte pour décider s'il faut autoriser la modification.

 

[6]               Si je tiens pour avérés les faits additionnels proposés, j'estime qu'ils ne fournissent aucune cause d'action à l'appelante. Dans l'arrêt R. c. Jarvis, [2002] 3 R.C.S. 757, la question était de savoir si les droits d'examen et de vérification prévus au paragraphe 231.1(1) de la Loi et si les demandes péremptoires de documents et de renseignements au titre du paragraphe 231.2(1) de la Loi pouvaient être invoqués pour recueillir des renseignements ou des documents dans le but de poursuivre un contribuable relativement à une infraction fondée sur l'article 239 de la Loi. La Cour suprême a établi une distinction entre une vérification liée à l'administration de la Loi (qui peut comprendre l'imposition de pénalités au titre des paragraphes 162(1) et 163(2) de la Loi) et une enquête pouvant mener à des accusations fondées sur l'article 239 de la Loi. Du moment que l'examen a pour « objet prédominant » une enquête et une poursuite au titre de l'article 239 de la Loi, l'ARC ne peut plus utiliser les mécanismes d'inspection et de demande péremptoire que lui confèrent les paragraphes 231.1(1) et 231.2(1) de la Loi pour recueillir des renseignements ou des documents susceptibles d'être utilisés lors de l'enquête et de la poursuite (paragraphes 46 et 88 de l'arrêt Jarvis).

 

[7]               Au paragraphe 103 de l'arrêt Jarvis, la Cour suprême a également confirmé qu'« il est évident que l'on peut continuer d'avoir recours aux pouvoirs de vérification, même après le commencement d'une enquête, quoique les résultats de cette vérification ne puissent pas servir pour les besoins de l'enquête ou de la poursuite ». Comme les pouvoirs de vérification peuvent encore être exercés, les résultats obtenus, quoiqu'ils ne puissent servir aux fins d'une enquête ou d'une poursuite, peuvent encore servir à des fins administratives, comme une nouvelle cotisation.

 

[8]               L'usage de tels renseignements ou documents pour les besoins de l'administration de la Loi et l'établissement des nouvelles cotisations de l'appelante ne porte pas atteinte à ses droits garantis par les articles 7 et 8 de la Charte, puisque l'ARC a le droit de continuer à utiliser ses pouvoirs de vérification, pour autant que les renseignements ou documents ainsi recueillis ne soient utilisés qu'aux fins d'administration de la Loi. S'ils doivent servir à une enquête ou à une poursuite au titre de l'article 239 de la Loi, le tribunal saisi de la poursuite devra alors déterminer si l'exercice de ces pouvoirs avait pour objet prédominant de recueillir des renseignements ou des documents aux fins d'une telle enquête ou poursuite.

 

[9]               L'appelante a cité la décision du juge Bowman (tel était alors son titre) dans O'Neill Motors Limited c. La Reine, [1995] A.C.I. no 1435 (QL), confirmée en appel par notre Cour ([1998] 4 C.F. 180). Cependant, il est facile de distinguer l'espèce et O'Neill Motors. Dans O'Neill Motors, les documents avaient été saisis lors d'une perquisition illégale, puisque le mandat avait été délivré en vertu d'une disposition de la Loi reconnue depuis comme inconstitutionnelle. Il n'a pas été allégué en l'espèce que des documents ont été saisis en vertu d'un mandat de perquisition invalide. Les renseignements et documents recueillis ont été ou bien remis volontairement ou bien obtenus par l'ARC grâce à ses pouvoirs de vérification.

 

[10]           Il est donc évident et manifeste que l'appelante ne peut avoir gain de cause à l'égard de ses allégations additionnelles, si l'on présume que les nouveaux faits prétendus sont avérés. Même si l'ARC envisageait d'enquêter sur l'appelante avant de lui adresser une demande de renseignements, cela n'a pas suspendu le droit de l'ARC de demander des renseignements aux fins d'administration de la Loi en vertu des pouvoirs d'examen et de vérification prévus aux paragraphes 231.1(1) et 231.2(1) de la Loi. Tout renseignement ou document obtenu en vertu de tels pouvoirs peut être utilisé pour établir une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante (y compris les pénalités à imposer aux termes des paragraphes 162(1) et 163(2) de la Loi). Il ne revient pas à la Cour canadienne de l'impôt de déterminer si ces renseignements ou documents peuvent être employés aux fins d'une enquête ou d'une poursuite en vertu de l'article 239. La seule question soumise à l'examen de la Cour canadienne de l'impôt concerne la validité de la nouvelle cotisation, c'est‑à‑dire la question de savoir si la réclamation de l'appelante touchant les pertes de la société de personnes qui lui ont été attribuées et si les pénalités imposées aux termes des paragraphes 162(1) et 163(2) sont fondées.

 

[11]           Je rejetterais l'appel avec dépens.

 

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

 

 

« Je suis d'accord.

            K. Sharlow, j.c.a. »

 

 

« Je suis d'accord.

            Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur

 


Cour d'appel fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A‑76‑12

 

INTITULÉ :                                                  DOLORES ROMANUK c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                         Le 9 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LE JUGE WEBB

 

Y ONT SOUSCRIT :                                   LES JUGES SHARLOW ET DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 17 mai 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

David W. Chodikoff

Patrick Deziel

 

Pour l'appelantE

 

Bobby Sood

Craig Maw

 

POUR L'INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Miller Thomson LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour l'appelantE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L'INTIMÉE

 

 

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