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Date : 20130606

Dossier : A-359-12

Référence : 2013 CAF 151

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

Mohammed ELYOUMNI

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 29 mai 2013.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 6 juin 2013.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                        LA JUGE TRUDEL

LE JUGE MAINVILLE

 



Date : 20130606

Dossier : A-359-12

Référence : 2013 CAF 151

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

Mohammed ELYOUMNI

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE NOËL

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision du juge-arbitre
L.-P. Landry (le juge-arbitre) rejetant l’appel de la Commission de l’assurance-emploi (la Commission) de la décision du conseil arbitral selon laquelle Mohammed Elyoumni (le prestataire) a droit à des prestations en vertu de l’alinéa 55(1)b) du Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-332 (le Règlement) alors qu’il était à l’étranger pour les funérailles de son père. Cette affaire porte uniquement sur l’interprétation des paragraphes 18(1) de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi) et 55(1) du Règlement et plus précisément, comment le premier doit être interprété en cas d’application du second.

 

MISE EN CONTEXTE

 

[2]               La Commission a initialement décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations du 23 mai 2011 au 3 juin 2011 au motif qu’il était à l’extérieur du pays et qu’il n’avait pas pris « de disposition pour être rejoint pour un emploi » (décision de la Commission, dossier du demandeur, p. 38). Le prestataire en a appelé de cette décision devant le conseil arbitral. Celui-ci a infirmé la décision de la Commission. Comme l’avait fait la Commission, le conseil arbitral a constaté que le prestataire n’avait pas pris les mesures nécessaires pour être rejoint alors qu’il était à l’étranger (décision du conseil arbitral, dossier du demandeur, pp. 52 et 53). Il a cependant conclu que le prestataire était admissible aux prestations pour la première semaine, puisqu’il tombait sous le coup de l’alinéa 55(1)b) du Règlement.

 

[3]               L’appel de la Commission à l’encontre de cette décision fut, par la suite, rejeté par le juge-arbitre.

 

[4]               Le paragraphe 18(1) de la Loi et l’alinéa 55(1)b) du Règlement se lisent comme suit :

 

18. (1) Le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là :

 

            a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable;

 

            b) soit incapable de travailler par suite d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine prévue par règlement et aurait été sans cela disponible pour travailler;

 

            c) soit en train d’exercer les fonctions de juré.

 

18. (1) A claimant is not entitled to be paid benefits for a working day in a benefit period for which the claimant fails to prove that on that day the claimant was

 

            (a) capable of and available for work and unable to obtain suitable employment;

 

            (b) unable to work because of a prescribed illness, injury or quarantine, and that the claimant would otherwise be available for work; or

 

            (c) engaged in jury service.

 

55. (1) Sous réserve de l’article 18 de la Loi, le prestataire qui n’est pas un travailleur indépendant n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations du fait qu’il est à l’étranger pour l’un des motifs suivants :

 

            […]

            b) assister, pendant une période ne dépassant pas 7 jours consécutifs, aux funérailles d’un proche parent ou des personnes suivantes :

 

            […]

55. (1) Subject to section 18 of the Act, a claimant who is not a self-employed person is not disentitled from receiving benefits for the reason that the claimant is outside Canada

 

            …

 

            (b) for a period of not more than seven consecutive days to attend the funeral of a member of the claimant’s immediate family or of one of the following persons, namely,

 

            …

 

[Je souligne]

 

[5]               Il est aussi utile de reproduire l’article 37 de la Loi qui permet de mieux comprendre l’effet de l’alinéa 55(1)b) du Règlement :

 

37. Sauf dans les cas prévus par règlement, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle il est :

 

            a) soit détenu dans une prison ou un établissement semblable;

 

            b) soit à l’étranger.

 

37. Except as may otherwise be prescribed, a claimant is not entitled to receive benefits for any period during which the claimant

 

 

            (a) is an inmate of a prison or similar institution; or

 

            (b) is not in Canada.

 

DÉCISION DU JUGE-ARBITRE

 

[6]               Selon le juge-arbitre, il va de soi qu’un prestataire, absent du Canada pour assister à des funérailles pour une période donnée, ne peut être en même temps disponible pour travailler au Canada (décision du juge-arbitre, dossier du demandeur, p. 8). Ainsi confronté à une application de l’alinéa 55(1)b) et du paragraphe 18(1), il résout ce conflit apparent de la façon suivante (décision du juge-arbitre, dossier du demandeur, pp. 9 et 10) :

 

J’interprète l’article 18 comme suit en regard de l’[alinéa] 55(1)b) du Règlement. Pour bénéficier de prestations pendant la période prévue au Règlement, le prestataire doit être éligible à des prestations avant son départ. Avant son départ il doit être sans emploi, à la recherche d’un emploi et capable ainsi que disponible pour travailler. S’il rencontre ces conditions avant son départ, le Règlement fait en sorte qu’il sera éligible à 7 jours de prestations même si pendant cette période il n’est évidemment pas disponible pour travailler non plus que pour répondre à une offre d’emploi au Canada. De même, on ne peut exiger qu’il poursuivre une recherche d’emploi pendant sa période d’absence du Canada.

 

 

[7]               Il rejette donc l’appel de la Commission.

 

 

 

 

POSITION DES PARTIES

 

[8]               La Commission prétend que la norme de contrôle est celle de la décision correcte (mémoire du demandeur, para. 12) et que le juge-arbitre a commis une erreur de droit dans l’interprétation des dispositions 18(1) de la Loi et 55(1)b) du Règlement. Elle souligne que les mots « sous réserve de l’article 18 de la Loi » qui figurent au début du paragraphe 55(1) indiquent qu’un prestataire, pour bénéficier de cette disposition, doit également satisfaire aux exigences de l’article 18 (mémoire du demandeur, para. 16).

 

[9]               La Commission allègue par ailleurs que le juge-arbitre a erré en concluant que la disponibilité du prestataire avant son départ suffisait pour qu’il bénéficie du paragraphe 55(1), alors que l’article 18 de la Loi requiert qu’un prestataire fasse la preuve de sa disponibilité pour tout jour ouvrable pendant un période de prestations (mémoire du demandeur, para. 19).

 

[10]           Le prestataire était présent à l’audition mais n’a pas déposé de mémoire.

 

ANALYSE ET DÉCISION

 

[11]           Force est de constater que l’interprétation du juge-arbitre ne tient pas compte des mots « Sous réserve de l’article 18 de la Loi » qui apparaissent au début du paragraphe 55(1) du Règlement. Comme l’exigent ces mots, il s’agissait en l’espèce de donner effet au paragraphe 55(1) tout en respectant les exigences de l’article 18.

 

[12]           Selon le juge-arbitre, ces dispositions sont irréconciliables puisqu’un prestataire ne peut en même temps être à l’étranger comme le prévoit le paragraphe 55(1) du Règlement et être disponible pour travailler au Canada comme l’exige le paragraphe 18(1) de la Loi (décision du juge-arbitre, dossier du demandeur, p. 10). À mon avis, le juge-arbitre a erré puisque la phrase introductive du paragraphe 55(1) du Règlement indique que ces dispositions doivent être lues en harmonie.

 

[13]           La notion de disponibilité que l’on retrouve à l’alinéa 18(1)a) de la Loi n’est pas définie et doit s’interpréter selon le contexte. L’alinéa 55(1)a) du Règlement maintient l’admissibilité au bénéfice des prestations malgré le fait qu’un prestataire soit à l’étranger – voir l’article 37 de la
Loi – si le but du voyage est d’assister aux funérailles d’un proche parent. Cette disposition a ses effets pendant sept jours.

 

[14]           Compte tenu du principe selon lequel la loi n’est jamais sensée ne rien dire, le législateur

 – plus précisément le gouverneur en conseil – a nécessairement envisagé qu’un prestataire qui se prévaut de cette disposition puisse demeurer disponible aux fins du paragraphe 18(1) de la Loi malgré le fait qu’il soit à l’extérieur du pays.

 

[15]           La disponibilité du prestataire bénéficiant de l’exception prévue au paragraphe 55(1) du Règlement s’évalue selon les circonstances de chaque cas. Dans le contexte de ce dossier, le prestataire devait, à tout le moins, démontrer qu’il avait pris les moyens pour être rejoint durant son absence du Canada si un emploi lui était offert.

 

[16]           En l’occurrence, le prestataire n’a pas pris de disposition pour être rejoint. C’est pour cette raison que la Commission a conclu que le prestataire n’avait pas prouvé sa disponibilité à travailler (décision de la Commission, dossier du demandeur, p. 38) et que le conseil arbitral a conclu qu’il n’était pas disponible en vertu du paragraphe 18(1) de la Loi (décision du conseil arbitral, dossier du demandeur, p. 53). À mon avis, c’est à bon droit que la Commission a jugé que le prestataire n’avait pas prouvé sa disponibilité, et le juge-arbitre a erré en refusant d’intervenir.

 

[17]           J’accueillerais donc la demande de contrôle judiciaire, j’annulerais la décision du juge-arbitre et je renverrais l’affaire au juge-arbitre en chef ou à son désigné pour qu’elle soit décidée à nouveau en tenant pour acquis que le prestataire n’était pas disponible pour travailler pendant la période du 23 mai 2011 au 5 juin 2011.

 

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

          Johanne Trudel j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

          Robert M. Mainville j.c.a. »

 

 

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-359-12

 

APPEL D’UNE DÉCISION DU JUGE-ARBITRE L.-P. LANDRY DATÉE DU 13 JUIN 2012, NO CUB 79343.

 

INTITULÉ :                                                                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et Mohammed ELYOUMNI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                  Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                 Le 29 mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                               Le juge Noël

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                           La juge Trudel

                                                                                                Le juge Mainville

 

DATE DES MOTIFS :                                                         Le 6 juin 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Chantal Labonté

POUR LE DEMANDEUR

 

M. Mohammed Alyoumni

POUR LUI-MÊME

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous-Procureur général du Canada

POUR LE DEMANDEUR

 

 

 

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