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Date : 20190521


Dossier : A-226-17

Référence : 2019 CAF 154

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

ANDRAY RENAUD

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Montréal (Québec), le 11 décembre 2018.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 mai 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20190521


Dossier : A-226-17

Référence : 2019 CAF 154

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

ANDRAY RENAUD

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NADON

I.  Introduction

[1]  L’appelante interjette appel d’une décision du juge Jorré (le Juge) de la Cour canadienne de l’impôt (la CCI) en date du 28 avril 2017 (2017 CCI 88) rejetant son appel à l’encontre des avis de cotisation émis par le Ministre du Revenu National (le Ministre) à l’égard de ses années d’imposition 2011, 2012, 2013 et 2014 (les années en litige).

[2]  Plus particulièrement, le Ministre a refusé, à l’égard des années en litige, les montants réclamés par l’appelante au titre de perte d’entreprise. Selon le Ministre, l’appelante n’était pas en droit de réclamer ces montants puisque sa pratique du droit ne constituait pas une source de revenu aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 ch. 1 (5e suppl.) (la Loi).

[3]  La question à laquelle nous devons répondre est celle à savoir si le Juge a erré en concluant que les services juridiques rendus par l’appelante ne constituaient pas une source de revenu. Il s’agit, par conséquent, de déterminer si le Juge a bien interprété les principes énoncés par la Cour suprême dans Stewart c. Canada, 2002 CSC 46, [2002] 2 R.C.S. 645 [Stewart] et s’il a bien appliqué ces principes aux faits de l’instance.

[4]  À mon avis, le Juge n’a commis aucune erreur en concluant comme il l’a fait et je rejetterais donc l’appel.

II.  Les faits

[5]  Un bref résumé des faits sera utile pour une bonne compréhension de la question soulevée par l’appel.

[6]  L’appelante est avocate et membre du Barreau du Québec depuis 1996. Depuis 2005, elle est à l’emploi de l’Office des transports du Canada (OTC) où elle occupe un poste d’avocate à temps plein au sein du service juridique. L’appelante est aussi chargée de cours à l’Université d’Ottawa au sein de la Faculté de droit – section de droit civil. Par ailleurs, en dehors de ses heures de travail pour OTC, l’appelante rend des services juridiques auprès de clients nécessitant les services d’un avocat. Ce sont ces services juridiques qui soulèvent le débat devant nous.

[7]  L’appelante, selon ses dires, exerce principalement dans les secteurs de droit familial, pénal, civil et administratif. Au paragraphe 13 de son mémoire des faits et du droit, elle décrit ses services comme suit :

Les actes professionnels posés à cet égard consistent principalement en consultation, avis juridique, facilitation de litige, négociation pour règlement hors cour, litiges à la Régie du logement, demande de réhabilitation, de suspension de casier judiciaire, demandes administratives, rédaction de contrat sous seing privé, etc;

[8]  Selon l’appelante, le temps consacré à ses dossiers, soit en moyenne de 5 à 15 heures par semaine, varie selon la complexité du dossier, son urgence et ses particularités.

[9]  Quant aux honoraires professionnels pour ses services juridiques, l’appelante a témoigné qu’elle exigeait le paiement de ses déboursés et qu’elle facturait ses clients à un tarif horaire ajusté à leur situation financière. En outre, l’appelante indiquait qu’elle n’acceptait aucun dossier d’un client admissible à l’Aide Juridique, qu’elle ne faisait pas de pro bono et qu’elle n’acceptait aucun mandat de clients ayant omis de payer une facture précédente.

[10]  Pour les années en litige, les revenus professionnels bruts déclarés par l’appelante sont les suivants, à savoir :

2 500$   (2011)

850$   (2012)

850$   (2013)

3 850$  (2014)

Par ailleurs, pour ces années, elle a réclamé les dépenses d’entreprise suivantes, soit :

15 113$  (2011)

16 530$  (2012)

4 864  (2013)

10 512$  (2014)

[11]  Donc, pour les fins des années en litige, les données pertinentes sont les suivantes :

Année d’imposition

2011

2012

2013

2014

Revenu professionnel brut

2 500$

850$

850$

3 850$

Dépenses d’entreprise

15 113$

16 530$

4 864$

10 512$

Perte d’entreprise nette

(12 613$)

(15 680$)

(4 014$)

(6 662$)

III.  La décision de la Cour canadienne de l’impôt

[12]  Après un résumé des faits pertinents, le Juge a considéré les principes énoncés par la Cour suprême dans Stewart pour déterminer si l’appelante avait une source de revenu. Plus particulièrement, il a considéré les principes énoncés aux paragraphes 48 à 60 de cette décision. À la lumière de ces principes, il a conclu que la pratique du droit de l’appelante ne constituait pas une source de revenu.

[13]  En premier lieu, il a conclu que puisque la pratique du droit de l’appelante comportait des aspects de nature personnelle, le Juge se disait d’avis qu’il était en droit d’appliquer aux faits de l’instance les facteurs énoncés au paragraphe 55 de Stewart, à savoir : (1) l’état des profits et pertes pour les années antérieures, (2) la formation du contribuable, (3) la voie sur laquelle il entend s’engager, et (4) la capacité de l’entreprise de réaliser un profit. Cet examen l’a amené à conclure « que la pratique privée de l’appelante n’est tout simplement pas exercée en vue de réaliser un profit. » (Transcription des motifs du Juge rendus à l’audience le 28 avril 2017, p. 15 (les Motifs)).

[14]  Pourquoi le Juge a-t-il ainsi conclu? Il a constaté, à la lumière des revenus bruts déclarés par l’appelante et de ses heures de travail, qu’elle travaillait pour un salaire inférieur au salaire minimum. Selon le Juge « [a]vec un tel niveau de revenu, ça ne peut pas être exercé en vue d’un profit. » (Motifs, p. 16).

[15]  Le Juge a aussi constaté l’inexistence de dossiers traités par l’appelante qui pouvaient mener à des revenus plus élevés, ni l’existence de dossiers traités sur une base contingente.

[16]  D’autre part, le Juge a indiqué que l’enseignement du droit par l’appelante à l’Université d’Ottawa constituait une source distincte de revenu et ne pouvait donc appuyer les prétentions de l’appelante.

[17]  En outre, le Juge a constaté le fait que l’appelante ne tentait aucunement de faire de la publicité pour attirer des clients.

[18]  En réponse à l’argument de l’appelante à l’effet qu’elle ne faisait pas de bénévolat ou de travail pro bono et qu’elle n’acceptait aucun mandat de clients ayant omis de payer ses factures, le Juge se disait d’avis que « [c]e n’est peut-être pas du bénévolat au sens strict, mais c’est très près du bénévolat. » (Motifs, p.17).

[19]  Aux pages 17 et 18 de ses Motifs, le Juge concluait comme suit :

Donc, sur les faits devant moi je ne vois pas comment je peux éviter de conclure que ce que l'appelante cherche dans sa pratique privée c'est d’essayer d’aider des gens de moyens modestes, tout en faisant un travail professionnel et en essayant de réduire un peu ce que ça lui coûte faire cette activité. C'est très louable, c'est très, très louable, mais je ne vois pas comment cela peut être clairement commercial. Et en conséquence, je ne vois pas comment il peut y avoir de source. Et en l’absence de source, les pertes ne sont pas déductibles, donc je dois rejeter l'appel.

[20]  Par la suite, le Juge s’est adressé aux dépenses réclamées par l’appelante, ce qui l’a amené aux constatations suivantes. À son avis, la question des dépenses n’avait pas été « valablement soulevée » (Motifs, p. 18) par le Ministre dans la réponse à l’Avis d’Appel. Il a aussi conclu, à la lumière de la preuve, qu’il lui était impossible de déterminer si les dépenses étaient admissibles. En raison de ces constatations, le Juge ne s’est point prononcé sur l’admissibilité des dépenses réclamées par l’appelante.

[21]  Par conséquent, le Juge a conclu que l’appel de l’appelante à l’encontre des avis de cotisation du Ministre devait être rejeté. Il a rejeté l’appel sans dépens parce que le dossier était régi par la procédure informelle de la CCI.

IV.  La décision Stewart

[22]  L’une des questions devant la Cour suprême dans Stewart était celle à savoir si le critère de « l’expectative raisonnable de profit » (le critère de l’ERP), tel qu’énoncé dans Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480 [Moldowan] était le critère approprié pour déterminer si un contribuable avait une source de revenu provenant soit d’une entreprise ou d’un bien, au sens de l’article 9 de la Loi.

[23]  Dans Stewart, la Cour suprême a répondu à la question par la négative dans les termes suivants extraits du paragraphe 47:

En résumé, au cours des dernières années, le critère de l’ERP établi dans l’arrêt Moldowan est devenu un outil d’application générale dont se servent le ministre et les tribunaux dans toutes sortes de situations où l’on considère que le contribuable n’a pas un espoir raisonnable de tirer profit de l’activité en cause. L’on en déduit que le contribuable n’a aucune source de revenu et, partant, aucune assiette dont il peut déduire des pertes et des dépenses relatives à l’activité. Le critère de l’ERP a été appliqué indépendamment des dispositions de la Loi pour évaluer après coup des décisions commerciales prises de bonne foi par le contribuable, ce qui constitue une dérogation au principe selon lequel les tribunaux devraient éviter d’établir des règles en matière de droit fiscal: voir Ludco, précité; Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411; Canderel, précité; Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622. Le critère de l’ERP pose également un problème en raison de son imprécision et de l’incertitude qui règne au sujet de son application; il en résulte un traitement inéquitable et arbitraire des contribuables. En conséquence, l’« expectative raisonnable de profit » ne devrait pas être acceptée comme le critère applicable pour déterminer si les activités d’un contribuable constituent une source de revenu.

[Mon soulignement.]

[24]  En raison de cette réponse, la Cour suprême a élaboré une approche différente (appelée « la méthode à deux volets » au paragraphe 50 de Stewart) devant servir à déterminer l’existence ou non d’une source de revenu. Cette approche est la suivante.

[25]  En premier lieu, il y a lieu de se demander si les activités du contribuable sont exercées en vue de réaliser un profit ou s’il s’agit d’une démarche personnelle. Ce premier volet, selon la Cour suprême, a pour but tout simplement de faire une distinction entre des activités commerciales et des activités personnelles (Stewart, para. 50).

[26]  En deuxième lieu, si l’activité du contribuable ne constitue pas une démarche personnelle, la source du revenu est nécessairement celle d’une entreprise ou d’un bien (Stewart, para. 51).

[27]  Dans le cadre du premier volet, lorsque les activités du contribuable sont clairement de nature commerciale, il n’y a pas lieu, selon la Cour suprême, « d’analyser les décisions commerciales du contribuable. » (Stewart, para. 53). En d’autres mots, si les activités du contribuable sont clairement commerciales, sa démarche en est une qui vise nécessairement la recherche d’un profit et, par conséquent, l’existence d’une source de revenu est établie.

[28]  Par ailleurs, selon la Cour suprême, même si un examen des activités du contribuable révèle l’existence d’aspects personnels dans sa démarche, ces activités pourront néanmoins constituer une source de revenu si « l’entreprise est exploitée de manière suffisamment commerciale » (Stewart, para. 52). Dans ce contexte, il sera loisible à la Cour, afin de déterminer si les activités du contribuable sont exploitées de manière suffisamment commerciale, d’appliquer le critère de l’existence d’une source « en vue de réaliser un profit » (le critère de l’existence d’une source) (en anglais, le terme utilisé est : « in pursuit of profit » source test) (Stewart, para. 51) et, par conséquent, d’utiliser les facteurs énoncés dans Moldowan, en gardant à l’esprit que l’exercice ne devait pas se limiter à ces facteurs et que ceux-ci ne sont pas déterminants. Selon la Cour suprême, le but de l’exercice est de « déterminer globalement si le contribuable exerce l’activité d’une manière commerciale. » (Stewart, para. 55).

[29]  Au paragraphe 55 de Stewart, la Cour suprême réitérait les facteurs de l’ERP énoncés dans Moldowan, facteurs jugés pertinents dans le cadre de l’application du critère de l’existence d’une source. Avant de ce faire, par ailleurs, la Cour suprême reformulait le premier volet de la nouvelle approche comme suit au paragraphe 54:

Ainsi, sous une forme plus élaborée, le premier volet du critère susmentionné peut être reformulé ainsi : « Le contribuable a-t-il l’intention d’exercer une activité en vue de réaliser un profit et existe-t-il des éléments de preuve étayant cette intention? » Cela oblige le contribuable à établir que son intention prédominante était de tirer profit de l’activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux.

[30]  La Cour suprême impose donc au contribuable, lorsque ses activités comportent un aspect personnel, le fardeau de démontrer que « son intention prédominante » dans l’exercice de ses activités est celle de « tirer profit de l’activité », activités qui doivent être examinées à la lumière de « normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux.» (Idem.).

[31]  Par la suite, la Cour suprême prend soin de réitérer que le critère de l’existence d’une source ne doit recevoir application qu’uniquement dans les cas où les activités du contribuable comportent un aspect personnel. La Cour suprême prend aussi soin d’énoncer que la détermination d’une source de revenu est un exercice indépendant de la question de savoir si les déductions réclamées par le contribuable sont admissibles. Sur ce dernier point, la Cour écrit au paragraphe 56 de Stewart :

La tentative du contribuable de déduire ce qui est essentiellement une dépense personnelle n’influe pas sur la qualification de la source à laquelle cette déduction se rapporte.

[32]  Autrement dit, la question de l’admissibilité des dépenses réclamées par le contribuable prend pour acquis l’existence d’une source de revenu. Par conséquent, la déraisonnabilité d’une dépense, par exemple, ne peut et ne doit avoir aucune incidence sur la détermination de l’existence d’une source de revenu.

V.  Arguments de l’appelante

[33]  L’appelante débute son argumentation en soutenant que selon la méthodologie prescrite par la Cour suprême dans Stewart, la première étape de l’analyse du Juge consistait à déterminer si ses activités comportaient un aspect personnel ou récréatif. Donc, selon l’appelante, il n’y avait pas lieu, à moins que la preuve n’ait révélé que ses activités comportaient un aspect personnel ou récréatif, de se demander si elle avait l’intention d’exercer ses activités en vue de réaliser un profit (Stewart, para. 53).

[34]  Compte tenu de ces directives sans équivoque de la part de la Cour suprême, l’appelante soumet que le Juge a erré lorsqu’il s’est demandé, à la page 12 de ses motifs, si ses activités étaient clairement de nature commerciale au lieu de se demander si ses activités comportaient un aspect personnel ou récréatif. Par conséquent, le Juge a erronément appliqué les facteurs de Moldowan à sa pratique du droit. En effet, puisque ses activités ne comportaient aucun aspect personnel ou récréatif, il n’y avait pas lieu d’appliquer ces facteurs. Autrement dit, l’inexistence d’un aspect personnel ou récréatif faisait en sorte que la commercialité de ses activités était établie et que, par conséquent, l’analyse en vertu de l’article 9 de la Loi était terminée.

[35]  Donc, en conclusion sur ce point, l’appelante soumet que le Juge a mal interprété les principes énoncés dans Stewart et dès lors, a commis une erreur justifiant notre intervention.

[36]  Dans l’alternative, l’appelante soumet que même si notre Cour était d’avis que le Juge avait implicitement conclu que ses activités comportaient un aspect personnel ou récréatif, la preuve au dossier n’appuie aucunement une telle conclusion. Selon l’appelante, une telle conclusion de la part du Juge, eu égard à la preuve, constitue une erreur manifeste et dominante.

[37]  Au soutien de cet argument, l’appelante réfère à la preuve et en particulier à son témoignage devant la CCI lors de l’audition, qu’elle résume ainsi :

  • Elle enseigne à l’Université d’Ottawa, ses revenus d’enseignement sont inclus dans ses revenus bruts et ses dépenses d’enseignement font partie intégrante des dépenses réclamées pour sa pratique du droit;

  • Il ne peut faire de doute que son enseignement constitue une activité commerciale;

  • Elle est membre en règle du Barreau du Québec, inscrite comme « avocate en exercice » et rencontre toutes les obligations de son ordre professionnel et du code de déontologie;

  • Elle consacre en moyenne de 5 à 15 heures par semaine à sa profession et accepte des mandats en fonction de sa disponibilité et ses champs de compétence;

  • Sa pratique ne comporte aucun aspect de passe-temps, personnel ou de hobby;

  • Son témoignage selon lequel elle ne fait aucun bénévolat ni de pro bono n’est pas contredit;

  • La publicité de sa pratique du droit se fait de bouche à oreilles et, compte tenu de sa disponibilité, elle a un nombre suffisant de mandats;

  • Elle facture ses clients de la façon suivante : remboursement des déboursés encourus et un tarif horaire calculé en fonction de la situation financière du client. En outre, elle ne prend aucun dossier à perte. Cet aspect de son témoignage, selon l’appelante, est non contredit par la preuve;

  • En raison de son appartenance au Barreau du Québec, elle devait, inter alia, assumer des frais fixes non liés à ses dossiers notamment, la prime d’assurance-responsabilité, la formation obligatoire, les frais liés aux lignes cellulaires, le coût des fournitures et l’aménagement de son espace de travail;

  • Elle exerçait le droit à temps partiel depuis au moins l’année 2000 lorsqu’elle est déménagée à Ottawa.

[38]  Considérant son témoignage non-contredit, l’appelante soutient qu’il ne peut faire de doute que sa pratique du droit ne comporte aucun aspect personnel ou récréatif. Par conséquent, une conclusion contraire de la part du Juge ne peut que constituer une erreur manifeste et dominante. Selon l’appelante, le Juge a conclu à la non-commercialité de ses activités en établissant une relation avec la réalisation d’un profit, ce qui, selon elle, ne constitue pas un critère pertinent. Plus particulièrement, l’appelante soutient que le Juge a erré en concluant que sa pratique du droit ne pouvait être considérée comme étant exercée en vue de réaliser un profit, compte tenu du peu d’heures consacrées à sa pratique du droit, le revenu brut résultant de cette pratique et la conduite de sa pratique en général. Ainsi, le Juge a erré parce qu’il n’a pas bien compris les principes énoncés dans Stewart. En d’autres mots, le Juge, selon l’appelante, a substitué son jugement au sien relativement à la conduite de ses affaires.

[39]  L’appelante s’en prend aussi à la conclusion du Juge selon laquelle le passage suivant du paragraphe 53 de Stewart constituait un obiter et, par conséquent, ne le liait pas :

Nous soulignons que ce critère de l’existence d’une source « en vue de réaliser un profit » ne doit faire l’objet d’une analyse que dans les situations où l’activité en cause comporte un aspect personnel ou récréatif. En toute déférence, nous estimons que les tribunaux ont commis une erreur, dans le passé, en appliquant le critère de l’ERP [l’expectative raisonnable de profit] à des activités comme l’exercice du droit et la restauration qui ne comportent aucun aspect personnel de cette nature : voir, par exemple, Landry, précité; Sirois, précité; Engler c. Canada, [1994] A.C.F. no 483 (QL) (1re inst.). Lorsqu’une activité est clairement de nature commerciale, il n’est pas nécessaire d’analyser les décisions commerciales du contribuable. De telles démarches comportent nécessairement la recherche d’un profit. Il existe donc par définition une source de revenu et il n’est pas nécessaire de pousser l’examen plus loin.

[Mon soulignement.]

[40]  Selon l’appelante, la seule interprétation possible du passage ci-haut souligné est que la pratique du droit ne comporte généralement pas d’élément personnel ou récréatif. Par conséquent, le Juge a erré en traitant ce passage de Stewart comme un obiter ne le liant pas.

[41]  La dernière partie de l’argumentation de l’appelante concerne la conclusion du Juge à l’égard des dépenses qu’elle réclame. Selon le Juge, puisque la pratique du droit de l’appelante ne constituait pas, lors des années en litige, une source de revenu, les dépenses réclamées n’étaient pas admissibles. En outre, le Juge a conclu, de façon subsidiaire, que la preuve ne lui permettait pas de déterminer si les dépenses réclamées par l’appelante étaient admissibles.

[42]  Puisque je suis d’avis que le Juge n’a point erré en droit et n’a commis aucune erreur manifeste et dominante en concluant que la pratique du droit de l’appelante ne constituait pas une source de revenu, il n’y a pas lieu pour nous de déterminer la question de l’admissibilité des dépenses réclamées par l’appelante.

VI.  Analyse

A.  Norme de contrôle

[43]  Les parties sont en accord que les normes de contrôle énoncées par la Cour suprême dans Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 s’appliquent en l’instance. Dans Oke v. Canada, 2010 CAF 350, [2010] F.C.J. No. 1627 au paragraphe 24, notre Cour, sous la plume du juge Pelletier, énonçait ces normes comme suit :

… : la norme de la décision correcte pour les erreurs de droit, la norme de l’erreur manifeste et dominante pour les questions de fait et pour les questions mixtes de fait et de droit. S’il est possible de dégager une erreur de droit d’une question mixte de fait et de droit, la norme de la décision correcte s’applique à cette question de droit.

B.  Réponse aux arguments de l’appelante

[44]  En premier lieu, l’appelante s’en prend à la compréhension du Juge des principes énoncés dans Stewart et plus particulièrement à l’égard du premier volet de la méthode applicable lorsqu’il écrit, à la page 12 de ses Motifs:

Donc le grand principe derrière tout ça se trouvant au paragraphe 51 [de Stewart] est celui-ci : s’agit-il d’une entreprise exercée en vue de réaliser un profit? Et en premier lieu on doit se demander si l’activité est clairement de nature commerciale, car dans ce cas-là il n’est pas nécessaire d’analyser les considérations dont la Cour parle aux paragraphes 54 et 55 [de Stewart].

[Mon soulignement.]

[45]  Selon l’appelante, tel que je l’ai expliqué plus tôt, la question que devait se poser le Juge était celle à savoir si ses activités comportaient un aspect personnel ou récréatif et non de se demander si ses activités étaient clairement de nature commerciale.

[46]  À mon avis, l’énoncé du Juge, que l’on retrouve à la page 12 de ses Motifs, ne comporte aucune erreur. En d’autres mots, en se demandant si les activités de l’appelante étaient clairement de nature commerciale, le Juge devait nécessairement tenter de déterminer si les activités de l’appelante comportaient un aspect personnel ou récréatif. Le Juge reprenait, à mon avis, dans ses propres mots, le passage de Stewart au paragraphe 53 où la Cour suprême énonce que : « [l]orsqu’une activité est clairement de nature commerciale, il n’est pas nécessaire d’analyser les décisions commerciales du contribuable. »

[47]  Par conséquent, je suis d’avis que le Juge ne s’est aucunement mépris concernant le premier volet de la méthode énoncée dans Stewart.

[48]  En deuxième lieu, l’appelante prétend, dans l’alternative, que le Juge a erré en concluant que ses activités comportaient un élément personnel ou récréatif. À son avis, une telle conclusion est contraire à la preuve au dossier. Au soutien de cette affirmation, l’appelante réfère à son témoignage qu’elle qualifie de « non-contredit ».

[49]  À mon avis, le Juge n’a aucunement erré en concluant que les activités de l’appelante comportaient un aspect personnel. J’irais plus loin en affirmant qu’il ne peut faire de doute que cette conclusion est bien fondée eu égard à la preuve au dossier.

[50]  Au soutien de ce point de vue, il est important de noter que l’appelante occupait un poste à temps plein auprès de l’OTC et que, par conséquent, elle consacrait peu d’heures à sa pratique du droit, notamment de 5 à 15 heures par semaine. Il est aussi pertinent d’indiquer qu’elle facturait à ses clients les dépenses reliées au dossier ainsi que des honoraires ajustés en fonction de la capacité de payer du client et que son but premier était d’exercer sa profession de façon consciencieuse et professionnelle sans nécessairement faire de l’argent. Les extraits suivants du témoignage de l’appelante illustrent clairement, à mon avis, qu’il y avait un aspect personnel à sa pratique du droit :

Me RENAUD-LAFRANCE [procureur de l’intimée]: OK. Puis quand vous déterminez les frais, vous prenez en considération justement cette capacité de payer de la personne ?

Me RENAUD [l’appelante]: Quand… quand je vais prendre un dossier… ben, je prends en cons... je prends en considération un peu le revenu de cette personne-là.

Me RENAUD-LAFRANCE [procureur de l’intimée]: Mm.

Me RENAUD [l’appelante]: Donc, si la personne a un revenu au salaire minimum, pas accessible à l’aide juridique, bien, je vais adapter mes frais en conséquence aussi.

(Transcription de l’audience du 31 janvier 2017, Dossier d’Appel, Vol. I, p. 119, lignes 10 à 20.)

Me RENAUD-LAFRANCE [procureur de l’intimée]: Donc, l’important pour vous là, c’est que la personne elle reçoive de l’aide. C’est ça [que] je comprends.

Me RENAUD [l’appelante]: Ben, c’est pas ce que j’ai dit.

Me RENAUD-LAFRANCE [procureur de l’intimée]: Ben, c’est une question.

Me RENAUD [l’appelante]: Ah, OK. C’est parce que…

Me RENAUD-LAFRANCE [procureur de l’intimée]: <Rires>

Me RENAUD [l’appelante]: OK. Ben, écoutez, ce qui est… je suis avocate et fière de l’être. J’aime ce métier-là, j’aime le pratiquer aussi, puis j’aime pouvoir le faire de la façon dont je le fais. Ça fait que c’est certain que je veux aider, mais je [ne] veux pas automatiquement faire du bénévolat.

Me RENAUD-LAFRANCE [procureur de l’intimée]: Mm-mm.

Me RENAUD [l’appelante]: Y’a comme une fine ligne entre faire son métier d’une façon professionnelle en rencontrant certaines dépenses, mais… et de d’là à donner un acte de… de le faire sur une base pro bono.

Me RENAUD-LAFRANCE [procureur de l’intimée]: Mm-mm.

Me RENAUD [l’appelante]: Ça fait que je [ne] fais pas du pro bono.

Me RENAUD-LAFRANCE [procureur de l’intimée]: Mm-mm.

Me RENAUD [l’appelante]: Mais c’est certain que j’adapte mes services en fonction de la situation puis en fonction de ce que le client a besoin également, puis si c’est… c’est des choses qui… encore là, si c’est des choses qui demandent énormément de temps puis je devrais prendre deux, trois semaines de congé, ben, je le ferais probablement pas parce que au salaire que je suis payée…

[Ibid. p. 121, lignes 19 à 29; p. 122, lignes 1 à 19.]

[51]  Par conséquent, je ne peux conclure que le Juge a erré en déterminant qu’il y avait un aspect personnel à la pratique du droit de l’appelante. En concluant ainsi, je désire rappeler les propos de la Cour suprême dans Stewart, au paragraphe 60, où la Cour indique que : « [l]orsque l’activité peut être qualifiée de personnelle, il faut alors déterminer si cette activité est ou non exercée d’une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu. » (mon soulignement). À mon avis, il ne peut faire de doute que la pratique du droit de l’appelante, lorsque les circonstances pertinentes sont considérées dans leur ensemble, pouvait certainement être qualifiée comme comportant un aspect personnel.

[52]  En dernier lieu, l’appelante soumet que le Juge a erré dans son analyse de la commercialité de ses activités en substituant sa propre méthode quant à la conduite de sa pratique du droit. À mon avis, le Juge n’a aucunement erré en ce sens.

[53]  Ayant conclu à l’existence d’un aspect personnel dans les activités de l’appelante, le Juge a procédé à l’analyse des services offerts par l’appelante afin d’évaluer s’ils étaient exercés en vue de réaliser un profit. Au paragraphe 54 de Stewart, que j’ai préalablement reproduit au paragraphe 29 de mes motifs, la Cour suprême, aux fins d’une détermination de l’existence d’une source de revenu, reformulait le premier volet de la nouvelle approche et imposait au contribuable le fardeau de démontrer qu’en exerçant ses activités, son intention prédominante était celle de réaliser un profit.

[54]  Pour déterminer si la pratique du droit de l’appelante, lors des années en litige, était exercée en vue de réaliser un profit, le Juge a considéré les facteurs énoncés dans Stewart au paragraphe 55. En premier lieu, le Juge a constaté que de 2001 à 2014, les activités de l’appelante n’ont généré que des pertes nettes, lesquelles ont varié de 1 956$ à 15 680$. En outre, il a constaté qu’au cours des années d’imposition 2005, 2009 et 2010, les activités de l’appelante n’ont généré aucun revenu. Il a de plus constaté qu’en raison des heures que l’appelante a déclaré consacrer à sa pratique, celle-ci aurait facturé ses clients à un taux horaire de 5$ en 2011, 1,70$ en 2012 et 2013 ainsi que 7,70$ en 2014. À la page 16 de ses Motifs, le Juge concluait comme suit :

Cela [la pratique du droit de l’appelante] n’est pas du tout comme une pratique de droit comme on l’entend normalement, même en prenant ça d’une façon très large. Avec un tel niveau de revenu, ça ne peut pas être exercé en vue d’un profit.

[55]  Comme le souligne l’intimée, au paragraphe 44 de son mémoire des faits et du droit, l’appelante était consciente que sa pratique du droit ne lui permettait pas de réaliser un profit et nous réfère à la transcription du témoignage de l’appelante où l’on retrouve le passage suivant:

Me RENAUD-LAFRANCE [procureur de l’intimée] : Ma question [ne] porte pas… elle [ne] porte pas là-dessus. Excusez-moi de vous interrompre. En fait, tout ce que je demande, c’est quand je regarde là vos revenus puis vos pertes nettes pour ces années-là, après vous être rendu compte que vous réalisez des pertes là année après année, est-ce que vous vous êtes dit «ah, faudrait que je change ma façon de faire» ou «faudrait [que] je modifie mon approche pour mes activités privées pour essayer de renverser la vapeur»?

Me RENAUD [l’appelante]: Non, parce que faut pas oublier que ce je fais aussi pour… d’une façon indirecte, pour subventionner, c’est que je travaille au gouvernement, ou je travaille à temps plein, appelez-le

[Transcription de l’audience du 31 janvier 2017, Dossier d’Appel, Vol. I, p. 129, lignes 24 à 28, p. 130, lignes 1 à 8]

[Mon soulignement.]

[56]  En concluant comme il l’a fait, le Juge constatait aussi que les dossiers de l’appelante ne lui permettaient pas de générer des revenus plus importants à long terme ou qu’elle cherchait à modifier sa façon de facturer sa clientèle afin d’augmenter son revenu, ce qui amenait le Juge à conclure à la page 17 de ses Motifs :

Mais sans chercher d’une façon ou d’une autre à avoir des revenus un peu plus importants, je ne vois pas comment on peut dire que cela est fait en vue d’un bénéfice.

[57]  À mon avis, eu égard à la preuve, la conclusion du Juge selon laquelle les activités de l’appelante, au cours des années en litige, n’étaient pas exercées en vue de réaliser un profit est inattaquable et par conséquent, ne comporte aucune erreur. Il appartenait à l’appelante de démontrer, à la satisfaction de la Cour, qu’en exerçant la pratique du droit de la façon dont elle l’exerçait, lors des années en litige, son intention prédominante était d’en tirer profit et, par conséquent, qu’elle exerçait ses activités juridiques « conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaire sérieux. » (Stewart au para. 54). Je suis d’avis que ce fardeau n’a point été rencontré par l’appelante.

[58]  J’en profite pour souligner que l’on ne retrouve au dossier aucune des factures que l’appelante aurait fait parvenir à ses clients durant le cours des années en litige. Donc, il nous est impossible de savoir combien de dossiers ont été traités par l’appelante, quels services furent rendus, quels étaient ses clients et à quel taux ses clients furent facturés. Ces données auraient été, à mon avis, d’une grande pertinence relativement à l’exercice auquel devait se prêter le Juge, à savoir, si l’appelante exerçait ses activités juridiques afin d’en tirer profit. À tous le moins, les factures auraient grandement servi à mieux comprendre la pratique qu’exerçait l’appelante.

[59]  Il ne me reste qu’à disposer d’un dernier point, soit l’argument de l’appelante concernant le paragraphe 53 de Stewart où la Cour suprême énonce que des activités, telles l’exercice du droit et la restauration, ne comportent aucun aspect personnel et qu’elles sont, par conséquent, de nature commerciale. Selon l’appelante, le Juge a erré en concluant que l’énoncé de la Cour suprême ne constituait qu’un obiter ne le liant pas.

[60]  Selon l’intimée, le passage de Stewart au paragraphe 53 constitue bel et bien un obiter qui ne liait aucunement le Juge. Selon l’intimée, l’énoncé de la Cour suprême doit être lu dans sa totalité. Plus particulièrement, l’intimée soumet que les exemples donnés par la Cour, soit la pratique du droit et la restauration, sont qualifiés par les mots qui suivent, soit des activités « qui ne comportent aucun aspect personnel de cette nature :… ». En d’autres mots, selon l’intimée, dans la mesure où des activités, telles la pratique du droit et la restauration, ne comportent aucun aspect personnel, elles devront nécessairement être considérées comme étant clairement de nature commerciale.

[61]  Par conséquent, l’intimée soumet qu’en présence d’un aspect personnel, comme c’est le cas en l’instance, le Juge n’était aucunement lié par l’énoncé de la Cour suprême retrouvé au paragraphe 53 de Stewart.

[62]  Je suis d’accord avec la position de l’intimée. À mon avis, les propos de la Cour suprême au paragraphe 53 de Stewart ne peuvent être lus de façon absolue comme le suggère l’appelante. Autrement dit, dans la mesure où la pratique du droit dont il s’agit ne comporte aucun aspect personnel, il s’ensuit que la Cour devrait conclure que la pratique en est une qui est clairement commerciale. Par ailleurs, si la pratique du droit sous étude comporte un aspect personnel ou récréatif, il sera loisible à la Cour d’appliquer les critères de Moldowan, comme énoncés au paragraphe 55 de Stewart, afin de déterminer si le contribuable a su démontrer que son intention prédominante, en exerçant ses activités, était d’en tirer profit. À mon avis, l’appelante n’a pas rencontré ce fardeau de preuve.

[63]  Dans cette perspective, je ne peux accepter que le Juge devait nécessairement conclure à la commercialité des activités de l’appelante tout simplement parce qu’elle pratiquait le droit. À mon avis, il est impossible d’accepter que le passage du paragraphe 53 de Stewart avait pour but de déclarer que toute pratique du droit devait être qualifiée comme étant de nature clairement commerciale, indépendamment des circonstances pertinentes à l’exercice de cette activité.

[64]  Par conséquent, je ne peux conclure que le Juge a erré en n’interprétant pas le passage du paragraphe 53 de Stewart comme étant un énoncé absolu quant à la nature commerciale de toute pratique du droit.

VII.  Conclusion

[65]  Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens.

« M. Nadon »

j.c.a.

«Je suis d’accord.

Yves de Montigny j.c.a.»

«Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason j.c.a.»


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-226-17

INTITULÉ :

ANDRAY RENAUD c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 décembre 2018

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NADON

 

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

 

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 MAI 2019

 

 

COMPARUTIONS :

Serge Fournier

 

Pour l'appelante

ANDRAY RENAUD

 

Cédric Renaud-Lafrance

Marie-Ève Aubry

 

Pour l'intimée

SA MAJESTÉ LA REINE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BCF s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

 

Pour l'appelante

ANDRAY RENAUD

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour l'intimée

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

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