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Date : 20201016


Dossier : A-68-19

Référence : 2020 CAF 173

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de

GARNET MORGAN, officier taxateur

 

ENTRE :

 

 

PAUL WILLIAMS, faisant affaire sous la raison sociale IT ESSENTIALS

 

 

appelant

 

 

et

 

 

CISCO SYSTEMS, INC., personne morale

 

 

intimée

 

Taxation des dépens sans comparution des parties.

Certificat de taxation délivré à Toronto (Ontario), le 16 octobre 2020.

MOTIFS DE TAXATION :

GARNET MORGAN, officier taxateur

 


Date : 20201016


Dossier : A-68-19

Référence : 2020 CAF 173

En présence de

GARNET MORGAN, officier taxateur

 

ENTRE :

 

 

PAUL WILLIAMS, faisant affaire sous la raison sociale IT ESSENTIALS

 

 

appelant

 

 

et

 

 

CISCO SYSTEMS, INC., personne morale

 

 

intimée

 

MOTIFS DE TAXATION

GARNET MORGAN, officier taxateur

I. Introduction

[1] Les présents motifs portent sur la taxation des dépens, ordonnée par le jugement prononcé le 25 novembre 2019 par la Cour d’appel fédérale qui a « rejeté avec dépens, y compris les frais de préparation du cahier d’appel », l’appel interjeté par l’appelant à l’encontre de l’ordonnance rendue par la Cour fédérale le 28 janvier 2019 (dossier T-1304-17).

[2] La présente décision sur la taxation des dépens fait également suite à une ordonnance de la Cour d’appel fédérale datée du 2 mai 2019. L’intimée s’y est vu adjuger des dépens suivant la colonne III, par suite d’une requête de l’appelant sollicitant une ordonnance établissant la teneur du cahier d’appel et l’autorisation du dépôt de ce cahier par voie électronique.

[3] Ainsi, les dépens seront taxés conformément à l’article 407 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), ainsi libellé :

407 Sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens partie-partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B.

[4] Le 19 décembre 2019, l’intimée a déposé un mémoire de frais, l’affidavit de Nancy Gallinger souscrit le 18 décembre 2019, ainsi que des observations écrites.

[5] Le 24 janvier 2020, les directives suivantes ont été données aux parties relativement à la taxation des dépens :

[traduction]

  1. La décision sur la taxation des dépens est rendue par écrit;

2. L’appelant peut signifier et déposer ses documents en réponse au plus tard le vendredi 6 mars 2020.

3. L’intimée peut signifier et déposer ses documents en contre-preuve au plus tard le vendredi 27 mars 2020.

[6] À la suite de la lettre datée du 6 mars 2020, dans laquelle l’appelant demandait une prorogation du délai prévu pour le dépôt de ses documents en réponse, les directives révisées suivantes ont été communiquées aux parties, le 6 mars 2020 :

[traduction]

1. L’appelant peut signifier et déposer ses documents en réponse au plus tard le vendredi 27 mars 2020.

2. L’intimée peut signifier et déposer ses documents en contre-preuve au plus tard le lundi 27 avril 2020.

[7] Conformément aux directives données le 6 mars 2020, l’appelant a déposé, le 27 mars 2020, des observations écrites et l’affidavit de David A. Copp souscrit le 27 mars 2020. L’intimée a déposé ses observations en réplique le 24 avril 2020. Le dossier révèle que le greffe n’a reçu aucun autre document et qu’aucune partie n’a formulé de demande supplémentaire en vue de présenter d’autres documents après le dépôt des observations en réplique de l’intimée, le 24 avril 2020.

II. Services taxables

[8] L’intimée réclame des services taxables à hauteur de 6 102 $, y compris la taxe de vente harmonisée (TVH).

[9] Les documents sur les dépens présentés par l’appelant ne traitent pas de manière distincte de chacune des demandes faites par l’intimée relativement aux services taxables, sauf en ce qui concerne l’article 26 (taxation des frais). Les observations écrites de l’appelant semblent plutôt porter sur deux thèmes généraux. D’une part il cherche à savoir si les demandes de l’intimée sont raisonnables et d’autre part il sollicite une réduction substantielle des dépens accordés à l’intimée, en application de l’alinéa 400(3)h) des Règles, car [traduction] « le règlement d’une question de droit présente un intérêt public important ».

[10] Aux paragraphes 7, 8 et 9 de ses observations écrites, l’appelant fait valoir ce qui suit :

[traduction]

7. Le mémoire de frais présente la somme la plus élevée qui, selon Cisco, pourrait être accordée à titre de dépens dans le cadre du présent appel.

8. Compte tenu de la question en litige et des observations du juge présidant l’audience à l’égard de la demande reconventionnelle – qui n’a pas encore été tranchée – nous faisons respectueusement valoir que Cisco devrait avoir droit à des dépens considérablement moins élevés que ce que demande l’intimée (Cisco).

9. Suivant la thèse défendue au nom de M. Williams, la conduite de Cisco tout au long de l’instance a eu tendance à gonfler les débours pouvant être réclamés en l’espèce, ce qui va à l’encontre de l’interprétation et de l’application des Règles, comme le prévoit l’article 3 des Règles [...]

[11] Voici ce que prévoit l’article 3 des Règles :

1. Principe général – Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

[12] Au paragraphe 11 de ses observations écrites, l’appelant fait valoir ce qui suit :

[traduction]

11. Nous faisons respectueusement valoir que l’alinéa 400(3)h) autorise la Cour à réduire sensiblement le montant des dépens qui pourraient par ailleurs être accordés par un officier taxateur, s’il est largement dans l’« intérêt public » de statuer sur une question de droit. En l’espèce, la question que devait soulever l’appelant était de savoir si l’achat, par l’intimée, des droits relatifs à des mots-clés auprès d’un important fournisseur de services de moteurs de recherche, pour des services offerts par l’intimée au Canada, pouvait constituer une violation du droit à l’emploi exclusif de la marque au Canada dont bénéficiait l’appelant au titre de la Loi sur les marques de commerce du fait de l’enregistrement d’une marque identique. Bien que cette question ait été résolue au détriment de l’appelant, son règlement était manifestement d’intérêt public.

[13] L’intimée a opposé les points suivants aux paragraphes 2, 3, 4 et 5 de ses observations :

[traduction]

2. Les observations de M. Williams n’abordent pas vraiment la question du montant des dépens que la Cour d’appel fédérale a accordés à Cisco. Or, le montant des dépens est la seule question actuellement en litige.

3. M. Williams demande plutôt que soit modifiée l’ordonnance de la Cour. De tels arguments ne sont ni pertinents ni recevables à l’étape de la taxation.

4. Dans son jugement rendu le 25 novembre 2019, le juge Near a rejeté l’appel et a accordé des dépens à Cisco1. Les Règles des Cours fédérales et la jurisprudence applicable sont claires sur ce point : lorsque la cour accorde des dépens sans autres précisions, les dépens sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B2; cette décision ne peut être modifiée à l’étape de la taxation3.

5. Cisco a préalablement soumis son mémoire de frais établi selon la colonne III du tarif B4. M. Williams ne conteste pas les articles qui y sont mentionnés, ni le nombre d’unités réclamées. Il demande plutôt une réduction globale des dépens, ce qui irait à l’encontre de l’ordonnance rendue par la Cour.

[14] L’intimée soulève également les points suivants aux alinéas 8a) et b) de ses observations en réponse :

a) La question de la demande reconventionnelle de Cisco dans l’action en première instance est hors de propos. La demande reconventionnelle de Cisco est une question totalement distincte7 qui n’est pas en litige dans le présent appel;

(b) La prétention de M. Williams quant à « l’intérêt public » est frivole et non fondée. Cette allégation de M. Williams a été considérée plusieurs fois comme une recherche à l’aveuglette et elle constitue donc un abus de procédure8. Quoi qu’il en soit, ainsi qu’il est résumé dans les observations présentées par Cisco le 18 décembre 2019, toute prétention quant à l’existence d’une question faisant intervenir « l’intérêt public » dans le présent appel aurait au contraire favorisé une augmentation des dépens visant à freiner les poursuites vexatoires du type de celles intentées par M. Williams dans le présent appel.

[15] En ce qui concerne la question de l’intérêt public, ni l’ordonnance de la Cour datée du 22 octobre 2018, ni l’ordonnance et les motifs prononcés le 29 août 2019 dans le dossier T-1304-17 – qui constituent les décisions qui sous-tendent le présent dossier et les motifs du jugement prononcés le 25 novembre 2019 dans le présent dossier (A-68-19) – ne mentionnent de question liée à« l’intérêt public » qui aurait été soulevée par l’appelant dans ses actes de procédure ou que ce facteur a été pris en compte par la Cour dans l’adjudication des dépens. Dans l’affaire Gardner c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 67, au paragraphe 8, l’officier taxateur déclare ce qui suit :

[8] Dans Bow Valley Naturalists Society c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien), [2002] A.C.F. no 1795 (O.T.), j’ai examiné la question de la pertinence de tenir compte de l’intérêt public pour la taxation des dépens et conclu que l’application de l’article 409 et des facteurs prévus au paragraphe 400(3) des Règles dans un sens opposé à l’intérêt des parties qui ont eu gain de cause exigerait l’exercice mûrement réfléchi du pouvoir discrétionnaire. Le fait que le jugement relatif aux dépens n’accorde pas de traitement spécial en matière de dépens à la partie déboutée sur le fondement de l’intérêt public ne m’empêche pas d’appliquer l’article 409 et l’alinéa 400(3)h) des Règles pour réduire au minimum les dépens taxés. Je ne le ferai pas en l’espèce. La décision de la Cour (par. 3) indique que la formule relative à la location n’était pas fondée sur le logement réel assigné et ce fait‑là était au cœur même de l’affirmation de discrimination de l’appelante. À l’audience tenue devant moi, l’appelante a renvoyé au paragraphe 12 de la décision de la Cour pour faire valoir que sa procédure a profité à des milliers de fonctionnaires. Avec égards, je ne pense pas que le dossier appuie cette conclusion. Le paragraphe 12 fait état de la lettre, en date du 11 mars 2002, mentionnant la plainte de l’appelante et accompagnant l’envoi à la Commission d’un document qui décrit une nouvelle formule pour le calcul des frais de logement. Cette lettre indique expressément que [traduction] « la politique selon laquelle le montant des loyers se fonde sur le revenu et la taille de la famille, plutôt que sur le logement occupé, n’a pas changé ». Le document lui-même renvoie à une révision en cours des directives sur le service extérieur. Je rejette la position de l’appelante, y compris sa demande de dépens fondée sur le paragraphe 408(3).

[16] L’alinéa 400(3)h) des Règles des Cours fédérales est ainsi libellé :

Facteurs à prendre en compte

(3) Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l’un ou l’autre des facteurs suivants :

[...]

h) le fait que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance justifie une adjudication particulière des dépens;

[17] L’alinéa 400(3)h) mentionne une « adjudication [. . .] des dépens », ce qui établit une importante distinction entre les pouvoirs de la Cour et ceux d’un officier taxateur, puisque ce dernier ne peut pas adjuger de dépens à une partie. Dans la décision Marshall c. Canada, 2006 CF 1017, au paragraphe 3(ii), l’officier taxateur mentionne ceci :

(ii) Un juge de la Cour fédérale a exercé son pouvoir discrétionnaire, prévu au paragraphe 400(1) des Règles, pour accorder les dépens à la défenderesse. L’officier taxateur qui effectue la taxation des dépens conformément aux Règles et au Tarif n’a pas le pouvoir d’annuler ou de changer une telle décision. En fait, le rôle de l’officier taxateur est, essentiellement, d’établir une valeur pécuniaire pour la taxation des dépens en fonction des paramètres des Règles et du Tarif.

[18] La décision dans l’affaire Gardner, qui a été rendue après la décision Marshall, précise que l’officier taxateur peut, après l’adjudication de dépens, tenir compte de la question de l’intérêt public pour examiner le montant des dépens accordés à la partie ayant obtenu gain de cause, afin de limiter les dépens payables par la partie déboutée. Dans la décision Gordon c. Canada, 2019 CF 1348, au paragraphe 3, la Cour fédérale rappelle les conditions requises pour l’adjudication de dépens dans une instance d’intérêt public :

[3] Plus important encore, les causes des demandeurs ne satisfont pas aux conditions requises pour que ces derniers soient exemptés des dépens pour avoir instruit une instance d’intérêt public. Dans l’arrêt Mcewing c Canada (Procureur général), 2013 CF 953, [2013] ACF no 976 [Mcewing], mon collègue, le juge Richard Mosley, a relevé les conditions requises pour l’adjudication de dépens spéciaux à l’encontre d’une personne qui engage un litige d’intérêt public. Ces conditions sont énumérées au par. 13 de l’arrêt Mcewing :

a) l’instance se rapporte à des questions dont l’importance s’étend au-delà des intérêts immédiats des parties en cause;

b) la personne en cause n’a aucun intérêt personnel, propriétal ou pécuniaire dans le résultat de l’instance ou, si elle en a un, cela ne justifie clairement pas l’introduction de l’instance sur le plan financier;

c) aucun tribunal n’a déjà statué sur les questions en litige dans une instance contre le même défendeur;

d) le défendeur est clairement davantage en mesure de supporter les dépens de l’instance;

e) le demandeur n’a pas agi d’une façon vexatoire, futile ou abusive.

[19] Comme je le mentionne plus haut, il n’était pas indiqué, dans l’ordonnance rendue par la Cour le 25 novembre 2019, que la question de l’intérêt public avait été soulevée dans l’acte de procédure de l’appelant ou qu’elle avait été prise en compte par la Cour dans l’adjudication de dépens à l’intimée. Or, tel qu’il est expliqué dans la décision Gardner, « l’application de l’article 409 et des facteurs prévus au paragraphe 400(3) des Règles dans un sens opposé à l’intérêt des parties qui ont eu gain de cause » exige un exercice mûrement réfléchi du pouvoir discrétionnaire. Après avoir fait un examen exhaustif des décisions de la Cour, de la documentation présentée par les parties relativement aux dépens, de la partie 11 des Règles ainsi que de la jurisprudence afférente, je juge que l’appelant ne satisfait pas suffisamment aux conditions énoncées dans la décision Gordon pour que soit justifiée une modification des dépens sur le fondement de l’intérêt public. Comme cette question a été tranchée à titre préliminaire, il n’y a pas lieu de l’examiner davantage dans la présente décision sur la taxation des dépens.

[20] En ce qui a trait à la question de savoir si les demandes de l’intimée relativement aux services taxables sont raisonnables, l’appelant fait globalement valoir que le mémoire de frais de l’intimée a été calculé à partir des valeurs supérieures susceptibles d’être accordées et que l’intimée traduction] « devrait avoir droit à des dépens considérablement moins élevés » que ce qu’elle demande. Ces observations de l’appelant ont été formulées en réponse aux observations écrites de l’intimée, où il est indiqué ce qui suit, au paragraphe 24 :

[traduction]

24. La défenderesse soutient que l’officier taxateur chargé de la taxation des dépens en l’espèce devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et calculer le montant des dépens selon les valeurs supérieures prévues à la colonne III, fixé à 8 067,85 $ en conformité avec son mémoire de frais, qui est présenté à l’annexe B de la lettre du 18 décembre et corroboré par l’affidavit de Nancy Gallinger22.

[21] Outre sa requête sollicitant des dépens « selon les valeurs supérieures prévues à la colonne III », l’intimée demande également, au paragraphe 23 de ses observations écrites, que divers facteurs prévus à l’article 400 des Règles soient pris en compte, notamment « le résultat de l’instance; toute offre écrite de règlement; la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance et la question de savoir si une mesure prise au cours de l’instance était inappropriée, vexatoire ou inutile ».

[22] En réponse aux observations de l’appelant concernant la question du caractère raisonnable, l’intimée a fait valoir que la demande de l’appelant en modification du montant des dépens accordés par la Cour ne devrait pas être examinée dans le cadre de la taxation des dépens. L’intimée a également fait valoir que l’ordonnance sur les dépens ne peut être modifiée à l’étape de la taxation et que la Cour en l’espèce a rendu une ordonnance « sans autres précisions » quant à l’échelle des dépens pouvant être réclamés par l’intimée en application de la colonne III du tarif B.

[23] Par ailleurs, outre les observations des parties sur la question du caractère raisonnable, l’absence d’observations ou d’éléments de preuve précis à l’encontre de chacune des demandes de l’intimée relativement aux services taxables fait en sorte que ces demandes ne sont essentiellement pas contestées par l’appelant. Dans la décision Dahl c. Canada, 2007 CF 192, l’officier taxateur mentionne ce qui suit :

[2] Effectivement, l’absence d’observations utiles présentées au nom du demandeur, observations qui auraient pu m’aider à définir les points litigieux et à rendre une décision, fait que le mémoire de dépens ne se heurte à aucune opposition. Mon opinion, souvent exprimée dans des cas semblables, c’est que les Règles des Cours fédérales ne prévoient pas qu’un plaideur puisse compter sur le fait qu’un officier taxateur abandonne sa position de neutralité pour devenir le défenseur du plaideur dans la contestation de certains postes d’un mémoire de dépens. Cependant, l’officier taxateur ne peut certifier d’éléments illicites, c’est-à-dire des postes qui dépassent ce qu’autorisent le jugement et le tarif. J’ai examiné chaque élément réclamé dans le mémoire de dépens, ainsi que les pièces justificatives, en fonction de ces paramètres. Certains éléments requièrent mon intervention, compte tenu des paramètres évoqués ci-dessus et vu qu’il semble y avoir une opposition générale à ce mémoire de dépens.

[24] À la suite de la décision Dahl, l’officier taxateur mentionne ce qui suit dans la décision Carlile c. Canada, [1997] A.C.F. no 885, au paragraphe 26 :

[. . .] Les officiers taxateurs sont souvent saisis d’une preuve loin d’être complète et doivent, tout en évitant d’imposer aux parties perdantes des frais déraisonnables ou non nécessaires, s’abstenir de pénaliser les parties qui ont gain de cause en refusant de leur accorder une indemnité lorsqu’il est évident que des frais ont effectivement été engagés.

[25] Les décisions Dahl et Carlile montrent que, même si l’appelant n’a pas présenté d’observations ou d’éléments de preuve précis pour contester les divers services taxables réclamés par l’intimée en l’espèce, je suis tenu, à titre d’officier taxateur, de veiller à ce que les demandes accueillies ne soient pas « déraisonnables ou non nécessaires ». Je me baserai pour cet examen sur les décisions de la Cour, le dossier, les Règles des Cours fédérales et toute jurisprudence applicable.

[26] En ce qui concerne les observations de l’intimée voulant que les facteurs énoncés aux alinéas i) et k) du paragraphe 400(3) des Règles soient pris en compte afin que les services taxables demandés soient évalués « selon les valeurs supérieures prévues à la colonne III », mon examen des décisions de la Cour d’appel fédérale et du dossier de l’instance ne m’a pas permis de conclure que l’appelant avait prolongé inutilement la durée de l’instance devant la Cour d’appel fédérale ou que ses actions avaient été jugées inappropriées, vexatoires ou inutiles par la Cour.

[27] Pour ce qui est du facteur énoncé à l’alinéa 400(3)e) des Règles, j’ai examiné la pièce 4, les offres de règlement des parties, jointes à l’affidavit de David A. Copp souscrit le 27 mars 2020. Selon les lettres jointes à la pièce 4, les parties ont tenté de régler l’instance, et l’offre initiale de règlement a été présentée par l’appelant. Les parties ne sont toutefois pas parvenues à s’entendre sur les conditions de règlement, et le litige s’est poursuivi jusqu’à l’audition de l’appel. Aucune partie n’était tenue d’accepter l’offre de règlement présentée par l’autre partie, mais le dossier montre que l’intimée a présenté une contre-offre à l’appelant et rien n’indique qu’elle l’a retirée. Je juge donc qu’il est satisfait aux facteurs énoncés aux alinéas 400(3)a) et e) des Règles. Le dossier de la cour montre qu’une offre de règlement a été présentée par l’intimée et que cette dernière a eu gain de cause à l’audience relative à l’appel. Par conséquent, il existe des motifs suffisants pour justifier des dépens relativement aux services taxables de l’intimée, calculés selon les valeurs supérieures prévues à la colonne III du tarif B des Règles.

A. Article 18 (Préparation du dossier d’appel); article 20 (Demande d’audience); article 21(a) (Honoraires d’avocat : a) requête, y compris la préparation, la signification et les prétentions écrites ou le mémoire des faits et du droit) et article 22 a) (Honoraires d’avocat lors de l’audition de l’appel : a) pour le premier avocat, pour chaque heure)

[28] Ensuite, après avoir examiné la documentation de l’intimée sur les dépens, j’ai jugé que les demandes de l’intimée au titre des articles 18, 20, 21a) et 22a) étaient raisonnables et qu’elles étaient étayées par les décisions de la Cour, le dossier de l’instance, ainsi que les Règles et la jurisprudence applicable. Les demandes présentées par l’intimée au titre des articles 18, 20, 21a) et 22a) sont donc accueillies telles qu’elles ont été présentées. Plus précisément, une unité est attribuée pour l’article 18; une unité est attribuée pour l’article 20; trois unités sont attribuées pour l’article 21a) et six unités sont attribuées pour l’article 22a).

[29] Les autres demandes relatives aux articles 17, 19, 22b), 25 et 26 soulèvent certaines questions qui doivent être étudiées; chacune sera donc examinée séparément ci-après.

B. Article 17 (Préparation, dépôt et signification de l’avis d’appel)

[30] L’intimée a réclamé une unité au titre de l’article 17 pour la préparation, le dépôt et la signification de l’avis de comparution. Or, l’article 17 du tarif B des Règles prévoit la « préparation, dépôt et signification de l’avis d’appel » [Non souligné dans l’original.] Dans l’arrêt Mitchell c. Canada, 2003 CAF 386, notre Cour déclare ce qui suit :

[12] Je conviens avec les appelants que, d’une manière générale, le libellé de l’article 27 ne restreint pas le pouvoir discrétionnaire conféré à l’officier taxateur. En revanche, comme c’est le cas pour d’autres articles des mémoires des dépens, ce pouvoir est entravé par l’existence de motifs relevant de la nécessité raisonnable et des limites afférentes à l’adjudication des dépens. Conformément à l’article 3 des Règles et à l’opinion que j’ai exprimée dans la décision Feherguard Products Ltd. c. Rocky’s of B.C. Leisure Ltd., [1995] 2 C.F, 20, [1994] A.C.F. n2012 (O.T.), au paragraphe 10, selon laquelle « la meilleure manière de déterminer le montant des dépens consiste à adopter dans l’application des dispositions un point de vue positif et non étroit et négatif », l’exercice du pouvoir discrétionnaire devrait faire partie d’un processus raisonné qui permet de régler la question de la taxation de façon équitable pour les deux parties. L’article 27 intéresse les services professionnels qui sont rendus par des avocats et qui ne sont pas déjà prévus aux articles 1 à 26. Les termes « autres services » qui se trouvent dans cette disposition sont manifestement employés au pluriel. J’en déduis qu’ils permettent de taxer, au titre d’une seule réclamation fondée sur l’article 27, des services distincts qui ne sont pas déjà prévus par les articles 1 à 26, et non qu’ils restreignent le regroupement de plusieurs services. En d’autres termes, l’article 27 peut être invoqué plus d’une fois.

[31] En me fondant sur l’arrêt Mitchell, je juge que la taxation des dépens pour la préparation d’un avis de comparution au titre de l’article 27 — au lieu de l’article 17 — constitue une solution acceptable, et j’autoriserai une application positive des dispositions relatives aux dépens, plutôt qu’une application étroite. Après avoir examiné le dossier de la cour, j’ai confirmé que l’intimée avait bien rendu le service réclamé et que celui-ci était nécessaire. Par conséquent, j’allouerai une unité au titre de l’article 27 pour la demande de l’intimée concernant l’avis de comparution, plutôt qu’au titre de l’article 17 comme l’intimée l’avait initialement demandé.

C. Article 19 (Mémoire des faits et du droit)

[32] L’intimée a réclamé 14 unités au titre de l’article 19, qui porte sur le mémoire des faits et du droit. Dans son mémoire de frais, l’intimée réclame sept unités pour son mémoire des faits et du droit et sept autres unités pour l’examen du mémoire des faits et du droit de l’appelant. L’article 19 du tarif B des Règles précise seulement « Mémoire des faits et du droit » et, contrairement à l’article 2, il n’inclut pas la mention « préparation et dépôt de » qui sert à désigner les documents présentés en réponse à une demande de contrôle judiciaire devant la Cour d’appel fédérale. L’article 2 du tarif B des Règles est ainsi libellé :

Article 2. Préparation et dépôt de toutes les défenses, réponses, demandes reconventionnelles ou dossiers et documents des intimés.

[33] En me basant sur l’article 2 pour orienter la taxation de la demande de l’intimée au titre de l’article 19, je note que, bien que l’article 19 ne comporte pas les mots « préparation et dépôt », son application pourrait être comparable à celle de l’article 2, puisque le nombre d’unités prévu à la colonne III est identique pour ces deux articles. Dans la décision Kern c. Canada, 2007 CAF 54, l’officier taxateur a apporté les éclaircissements suivants au sujet des articles 2 et 19 :

[5] Avant de continuer, je dois faire remarquer aux parties qu’en l’espèce, la Cour d’appel fédérale a rendu une décision au sujet d’un contrôle judiciaire, et non d’un appel. Pour cette raison, les quatre unités réclamées pour l’article 19 – mémoire des faits et du droit, devraient en fait être réclamées pour l’article 2 – préparation et dépôt de toutes les défenses, réponses, demandes reconventionnelles ou dossiers et documents des intimés [non souligné dans l’original]. J’accorde les quatre unités demandées.

[34] De plus, dans l’affaire O-Pipon-Na-Piwin Cree Nation v. Manitoba, 2010 FCA 187, l’officier taxateur déclare ceci :

[traduction]

5. D’abord et avant tout, il convient de mentionner que, dans la préparation de son mémoire de frais, l’intimé a invoqué les mauvais articles à l’égard de certains services taxables. Bien que le présent contrôle judiciaire ait été instruit par la Cour d’appel fédérale, les articles relatifs aux appels à la Cour d’appel fédérale ne devraient pas être invoqués, car il s’agit en l’espèce d’une demande de contrôle judiciaire. Par conséquent, il faudrait invoquer l’article 2 (préparation et dépôt de toutes les défenses, réponses, demandes reconventionnelles ou dossiers et documents des intimés), et non l’article 19 (mémoire des faits et du droit). De plus, les dépens au titre des articles 21a) et 21b) concernant les requêtes auraient dû être réclamés au titre des articles 13a) et 14a), respectivement.

[35] Les décisions rendues dans les affaires Kern et O-Pipon-Na-Piwin Cree Nation montrent que les articles 2 et 19 sont parfois confondus, selon les connaissances des parties quant aux questions relatives aux dépens alloués au titre du tarif B des Règles, et que ces erreurs ont été corrigées par l’officier taxateur. On peut en déduire que l’article 19 subsume la préparation et le dépôt d’un mémoire des faits et du droit, même si le libellé n’en fait pas expressément mention, comme l’article 2. Un autre facteur qui justifie une application parallèle des articles 2 et 19 est qu’ils prévoient le même nombre d’unités (entre quatre et sept unités) à la colonne III du tarif B. Par conséquent, après avoir examiné le tarif B des Règles et la jurisprudence précitée, je ne m’estime pas habilité, en tant qu’officier taxateur, à autoriser de multiples réclamations au titre de l’article 19 pour la préparation et le dépôt d’un seul mémoire des faits et du droit. Après avoir examiné les documents sur les frais présentés par l’intimée et le dossier de l’instance, je juge raisonnable d’attribuer sept unités au titre de l’article 19.

D. Article 22b) (Honoraires d’avocat lors de l’audition de l’appel : b) pour le second avocat, lorsque la Cour l’ordonne : 50 % du montant calculé selon l’alinéa a))

[36] L’intimée a réclamé des honoraires pour le second avocat, au titre de l’article 22b) pour l’audition de l’appel. Cependant, les motifs du jugement rendu par la Cour le 25 novembre 2019 ne font pas mention d’honoraires pour le second avocat. L’article 22 du tarif B des Règles prévoit ce qui suit :

22. Honoraires d’avocat lors de l’audition de l’appel :

a) pour le premier avocat, pour chaque heure;

b) pour le second avocat, lorsque la Cour l’ordonne : 50 % du montant calculé selon l’alinéa a).

[Non souligné dans l’original.]

[37] Selon mon examen des motifs du jugement rendu le 25 novembre 2019 et du dossier de l’instance, il ne semble pas que la Cour ait ordonné la taxation d’honoraires pour le second avocat au titre de l’article 22b). Dans la décision Coca-Cola Ltd c. Pardhan, 2006 CF 45, l’officier taxateur a examiné cette question :

[traduction]

20. Je suis d’avis que l’élément clé, à l’article 22b) du tarif B des Règles des Cours fédérales, est la mention « [...] lorsque la Cour l’ordonne [...] ». J’ai examiné les documents au dossier de l’instance et j’ai conclu que la Cour n’avait formulé aucune ordonnance de la sorte; ce service taxable est donc refusé pour chacune des instances en appel.

[38] La Cour n’ayant donné aucune directive autorisant une réclamation au titre de l’article 22b), les honoraires de 450 $ pour le second avocat sont refusés.

E. Article 25 (Services rendus après le jugement et non mentionnés ailleurs)

[39] L’intimée a réclamé une unité au titre de l’article 25 pour la préparation de son mémoire de frais. L’article 25 du tarif B des Règles prévoit ce qui suit :

25. Services rendus après le jugement et non mentionnés ailleurs.

[40] Dans l’affaire Bujnowski v. The Queen, 2010 CAF 49, l’officier taxateur a déclaré ce qui suit :

[traduction]

24. L’intimée a réclamé une unité au titre de l’article 25 (services rendus après le jugement). En réponse, l’appelant a fait valoir qu’aucune explication ni aucun élément à l’appui n’avaient été fournis pour étayer cette taxation des dépens.

25. En contre-preuve, l’intimée oppose ceci :

L’avocat de l’intimée a eu à rendre des services après le jugement. Ces services comprenaient des demandes visant les dépens de l’appelant et des tentatives de règlement quant au montant des dépens. Il est raisonnable de s’attendre à ce que les démarches qui échouent au cours d’un appel emportent des frais.

26. Bien que je convienne avec l’avocat de l’intimée qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que des frais soient occasionnés après le jugement, les services rendus après le jugement réclamés par l’intimée sont déjà visés par une demande présentée au titre de l’article 26. Même si je suis certain que les services rendus par l’avocat de l’intimée étaient justifiables, aucun n’a été réclamé. Pour les motifs énoncés ci-dessus, l’article 25 est refusé.

[41] En me fondant sur l’affaire Bujnowski, comme l’intimée a réclamé des dépens au titre de l’article 26 (taxation des dépens), je refuse l’article 25, car il ne s’agit pas de services « rendus après le jugement et non mentionnés ailleurs » au tarif B des Règles, puisqu’il existe un article précis correspondant à la taxation des frais.

F. Article 26 (Taxation des frais)

[42] L’intimée a réclamé six unités au titre de la taxation des frais. Ainsi qu’il est mentionné plus haut, l’appelant a formulé des observations précises à l’encontre des demandes présentées par l’intimée au titre de l’article 26. Au paragraphe 6 de ses observations écrites, l’appelant fait valoir ce qui suit :

[traduction]

6. Le mémoire de frais présenté par l’intimée (Cisco) en l’espèce totalise 8 067,85 $. Il me semble important de souligner que les documents présentés par Cisco aux fins de la taxation sont, si je peux me permettre, très abondants, ceux-ci consistant en une reliure d’environ 3/4 po d’épaisseur qui compte quelque 14 onglets et comprend la reproduction intégrale de quatre décisions, bien que toute cette jurisprudence soit facilement accessible en ligne1.

[43] L’intimée n’a présenté aucune observation précise en réponse aux prétentions de l’appelant concernant l’article 26. Cela dit, je suis d’avis que les documents sur les dépens présentés par l’intimée n’ont mis en lumière aucune irrégularité dans la documentation qui a été déposée auprès du greffe aux fins de la taxation des frais. J’estime qu’il était pertinent de fournir une documentation aussi volumineuse et de reproduire la jurisprudence. Le dossier est semblable à la documentation sur les dépens présentée lors d’instances semblables sur la taxation des dépens. Il incombe à la partie à qui la Cour accorde des dépens de voir à ce que la documentation qui est remise à l’officier taxateur, y compris la jurisprudence, étaye de manière satisfaisante les demandes présentées. Après avoir examiné les documents de l’intimée sur les dépens, je juge qu’ils étayent l’octroi de six unités au titre de l’article 26 et que ce nombre est raisonnable.

[44] Au total, 25 unités ont été approuvées pour les services taxables, ce qui représente un total de 4 237,50 $, ce qui comprend la TVH.

III. Débours

[45] L’intimée réclame 1 965,85 $ pour les débours, ce qui comprend la TVH.

A. Question préliminaire

[46] Avant d’évaluer chacun des postes de débours réclamés par l’intimée, j’examinerai, à titre de question préliminaire, une question générale qui a été soulevée dans les documents sur les frais de l’appelant, selon laquelle les débours de l’intimée ne sont pas correctement détaillés. Voici ce qui est indiqué au paragraphe 10 des observations écrites de l’appelant :

[traduction]

10. En l’espèce, l’affidavit de Nancy Gallinger, souscrit le 18 décembre 2019, sur lequel est fondée la demande de taxation des dépens de Cisco, ne confirme pas :

1. que Cisco a réellement engagé les débours demandés;

2. qu’il était nécessaire d’engager les débours réclamés dans le cadre de la défense contre M. Williams ou, quoi qu’il en soit, qu’il s’agissait de « débours raisonnables ».

[47] Voici ce qui est indiqué aux paragraphes 6 et 7 des observations en réponse de l’intimée :

[traduction]

6. Sur la question des débours, la prétention de M. Williams selon laquelle les débours n’ont pas réellement été engagés par Cisco est fausse et non pertinente. L’affidavit de Nancy Gallinger, qui a été présenté par Cisco le 18 décembre 2019, indique clairement que les débours ont été facturés à Cisco5. Il suffit que des débours soient payables par une partie pour qu’ils soient alloués à titre de dépens; il n’est pas nécessaire qu’ils aient réellement été payés préalablement à la quantification des dépens6. Quoi qu’il en soit, les débours ont réellement été payés par Cisco.

7. Les débours engagés sont exposés en détail dans l’affidavit présenté par Cisco. Comme l’indique cette déclaration sous serment, tous les débours ont été raisonnablement engagés, conformément à la pratique habituelle dans les affaires intéressant la propriété intellectuelle dont la Cour d’appel fédérale est saisie.

[48] Après avoir examiné les observations des parties sur les dépens, je me suis penché sur l’affidavit de Nancy Gallinger, souscrit le 18 décembre 2019, et cité au paragraphe 7 de la réponse de l’intimée. Je constate que les débours demandés par l’intimée n’y sont pas détaillés. De fait, des détails sont fournis sur les débours liés aux huissiers des services judiciaires et à l’achat de clés USB, mais aucune précision n’est donnée sur les débours liés aux frais de photocopie et aux services de messagerie. Dans la décision Teledyne Industries v Lido Industries, (1981) 56 C.P.R. (2d) 93, la Cour a déclaré ce qui suit :

[traduction]

23. Dans le contexte de dépens partie-partie, il est en principe erroné d’accepter le mémoire de frais sans vérifier le bien-fondé des débours, et cette erreur est susceptible de révision : voir IBM v. Xerox, précité, à la page 186. Bien sûr, le bien-fondé de tous les débours, même ceux engagés à juste titre, doit être démontré d’une manière jugée satisfaisante par l’officier taxateur. Cela ne signifie pas pour autant que tous les postes de dépenses doivent être rigoureusement corroborés par un reçu de la part du bénéficiaire. Il existe d’autres façons de prouver qu’une facture a été payée. Je suis d’avis qu’il était parfaitement justifié pour le protonotaire d’autoriser ces frais, car ils ont manifestement été engagés – qui plus est, à juste titre – à l’occasion des divers interrogatoires préalables. L’intégralité de la somme indiquée est donc taxable.

[49] Le tarif B des Règles prévoit ce qui suit concernant les débours :

Débours

(3) Le mémoire de frais comprend les débours, notamment :

(a) les sommes versées aux témoins selon le tarif A;

(b) les taxes sur les services, les taxes de vente, les taxes d’utilisation ou de consommation payées ou à payer sur les honoraires d’avocat et sur les débours acceptés selon le présent tarif.

Preuve

(4) À l’exception des droits payés au greffe, aucun débours n’est taxé ou accepté aux termes du présent tarif à moins qu’il ne soit raisonnable et que la preuve qu’il a été engagé par la partie ou est payable par elle n’est fournie par affidavit ou par l’avocat qui comparaît à la taxation.

[50] Outre la partie du tarif B qui présente les débours en détail, les avocats en question ont présenté leurs observations par écrit puisqu’il a été procédé à la taxation des dépens sur pièces en l’espèce. Cela étant dit, et conformément à la décision Teledyne, mon examen des documents sur les frais de l’intimée, y compris de l’affidavit de Nancy Gallinger, n’a révélé aucun détail permettant d’étayer les débours afférents aux frais de photocopie et aux services de messagerie, comme une liste détaillée des services demandés précisant la date de la demande, le nom du document et les droits applicables. Bien que ces renseignements n’aient pas été fournis, je conclus, après avoir examiné le dossier de la cour et comme le prévoit la décision Carlile, [traduction] « qu’il est évident que des coûts ont réellement été engagés ». L’intimée a donc droit à une certaine indemnité pour les frais de photocopie et peut-être aussi pour les services de messagerie. Dans la décision Abbott Laboratories c. Canada (Santé), 2008 CF 693, au paragraphe 71, l’officier taxateur a formulé le commentaire suivant au sujet d’une situation comparable à celle en l’espèce :

[. . .] Je ne veux cependant pas dire que les plaideurs peuvent s’en tirer sans produire aucun élément de preuve, en se fiant à l’appréciation et à l’expérience de l’officier taxateur. La preuve dans la présente espèce n’a rien d’absolu, mais je pense que les dossiers respectifs de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale contiennent suffisamment d’éléments pour me permettre d’évaluer les efforts et les frais qu’il fallait pour plaider raisonnablement et suffisamment la cause d’Apotex. Le manque de renseignements détaillés rend difficile d’établir avec certitude si l’approche la plus efficiente a en fait été suivie ou s’il n’a pas été donné d’instructions erronées exigeant un travail correctif, comme c’était par exemple le cas dans Halford. L’insuffisance de la preuve des faits relatifs à chacun des éléments de dépenses rend difficile pour le défendeur à la taxation et l’officier taxateur de se convaincre de la nécessité raisonnable de chacun de ces éléments. Moins il y a de preuve, plus la partie qui demande la taxation doit s’en remettre au pouvoir discrétionnaire de l’officier taxateur, lequel doit l’exercer de manière prudente, en ne perdant pas de vue le principe d’austérité qui doit présider à la taxation, afin de ne pas porter préjudice à la partie condamnée aux dépens. Cependant, la conduite d’un litige exige de réelles dépenses : la taxation des dépens à zéro dollar serait absurde.

[51] De même, dans l’affaire F-C Research Institute Limited v. Her Majesty The Queen, 95 DTC 5583, l’officier taxateur a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Je suis d’avis qu’une simple énumération des dépenses, présentées sommairement dans un mémoire de frais et corroborées uniquement par une simple déclaration indiquant que ces dépenses étaient raisonnables et nécessaires, ne fournit pas à l’officier taxateur suffisamment de renseignements pour conclure que les frais étaient essentiels au déroulement des procédures, qu’ils ont été engagés de manière prudente ou que leur montant ou le taux appliqué – selon le cas – était raisonnable dans les circonstances. Dans l’analyse menant à cette conclusion, je me suis également fondé sur les principes établis par notre Cour dans les décisions Alladin Industries Inc. v. Canadian Thermos Products Ltd. F.C. 942, 12 C.P.R. (2d) 24 (T.D.); Red Owl Foods (Alta.) Ltd. v. Red Owl Stores Inc. (1971) C.P.R. (2d) 266 (Fed. T.D.); Teledyne Industries v. Lido Industries (1981) 56 C.P.R. (2d) 93; et Diversified Products Corporation v. Tye-Sil Corporation Limited, dossier de la Cour no T-1565-85, inédit, 22 novembre 1990 (décision rendue par le juge Teitelbaum). Ces décisions m’amènent à conclure, premièrement, qu’il serait mal avisé de ne pas remettre en question les débours, même s’il n’existe apparemment aucune opposition de la part des autres parties intéressées. Deuxièmement, les débours doivent être corroborés par des éléments de preuve qui montrent de manière satisfaisante que les dépens réclamés satisfont au double critère du caractère raisonnable et essentiel. Les défendeurs n’ont pas satisfait à cette exigence dans la présente instance; les débours demandés au titre de la colonne III du tarif B doivent donc être refusés.

[52] En m’appuyant sur les décisions Abbott Laboratories et F-C Research, j’examinerai les documents sur les dépens présentés par les parties ainsi que le dossier de la cour, pour tenter de déterminer la somme raisonnable qui indemniserait l’intimée des frais de photocopie et peut-être aussi des services de messagerie, puisque « la taxation des dépens à zéro dollar serait absurde ». Enfin, je juge raisonnable l’explication de l’intimée voulant que l’avocat inscrit au dossier et représentant Cisco Systems, Inc. ait demandé des services au nom de son client et qu’ils lui ont ensuite été facturés; cependant, l’absence de ventilation adéquate des frais de l’intimée au titre des services de photocopie et de messagerie rendra difficile la taxation de ces débours.

B. Services de messagerie

[53] L’intimée a réclamé 145,01 $ pour des services de messagerie. Au paragraphe 35 de ses observations écrites, elle fait valoir ce qui suit :

[traduction]

35. Les débours engagés par Cisco dans la présente instance sont raisonnables. Ces débours raisonnables comprennent des débours liés à des dépenses habituelles, telles que la photocopie, les services de messagerie et les huissiers des services judiciaires35. Tous ces débours engagés tout au long de l’instance devraient être autorisés.

[54] Au paragraphe 12 de ses observations écrites, l’appelant soulève les points suivants :

[traduction]

12. Relativement aux services du cabinet Stewart McKelvey et à l’utilisation de services de messagerie pour la signification au cabinet du soussigné, la mention dans l’affidavit de Mme Gallinger est, au mieux, très favorable à Cisco et, au pire, est totalement contraire aux faits réels2. Bien que la protonotaire Tabib ait pu croire, durant toute la période en cause, que les parties en arriveraient à un accord raisonnable, ce ne fut pas le cas. En toute déférence, nous faisons valoir qu’une offre qui prévoit l’envoi d’une copie électronique d’un document signifié à trois adresses de courriel, ainsi que l’envoi en temps opportun d’une copie papier, n’est pas « raisonnable ». Nous soutenons plutôt que Cisco a choisi le type de signification le plus coûteux, ce qui lui donnait également l’avantage de disposer du maximum de temps pour la préparation des documents; ces demandes devraient donc être rejetées.

[55] Voici ce qui est indiqué aux paragraphes 8c) et d) des observations présentées par l’intimée en réplique :

[traduction]

c) La prétention de M. Williams selon laquelle la conduite de Cisco a eu pour effet de hausser les débours est fausse et non fondée. Comme elle le résume dans ses observations présentées le 18 décembre 2019, Cisco a présenté des offres qui auraient réduit les débours pour les deux parties. De plus, M. Williams n’a présenté aucun élément pour corroborer son allégation;

d) Les plaintes formulées par M. Williams relativement à la signification des documents par Cisco concernent l’action en première instance, et non le présent appel; elles ne sont donc pas pertinentes. Quoi qu’il en soit, la signification a été effectuée en conformité avec les Règles des Cours fédérales et les coûts de signification en litige dans la présente demande sont faibles lorsqu’on les compare à ceux d’autres affaires. De plus, ces débours font déjà partie des ordonnances relatives aux dépens rendues par la Cour; M. Williams demande une modification de ces ordonnances, ce qui ne peut pas être fait à l’étape de la taxation;

[56] Après avoir examiné les observations des parties sur les dépens, je conviens avec l’intimée que celles de l’appelant concernent la taxation des dépens dans le dossier T-1304-17 de la Cour fédérale. La mention [traduction] « documents de la défenderesse, onglet C, paragraphe 15 », au paragraphe 12 des observations écrites de l’appelant, renvoie en fait aux documents sur la taxation des dépens de l’intimée pour le dossier T-1304-17. De plus, la pièce 3 de l’affidavit de David A. Copp, souscrit le 27 mars 2020 pour l’appelant, est une copie d’un échange de courriels entre les parties sur la question de la signification de documents pour le dossier T-1304-17. De fait, le numéro de dossier T-1304-17 figure dans la ligne Objet de l’échange de courriels joint à l’affidavit de David A. Copp. Cela dit, j’ai tenu compte des préoccupations de l’appelant concernant le montant global de ces débours, mais j’ai jugé que des frais de 145,01 $ pour les services de messagerie liés au présent dossier (A-68-19) ne représentaient pas un montant excessif, eu égard aux activités mentionnées dans le dossier de l’instance. Or, comme je l’indique plus haut, les documents de l’intimée ne présentent pas une ventilation adéquate des débours au titre des services de messagerie. Afin de décider si l’intimée a droit à quelque remboursement à ce titre, j’ai examiné le dossier de l’instance. Cet examen a révélé que l’intimée avait eu recours à des services de messagerie pour signifier certains documents de procédure. Il s’agit par ailleurs de services de messagerie distincts de ceux réclamés par l’intimée au titre des huissiers qui, eux, sont adéquatement détaillés. Puisque l’intimée n’a pas fourni de détails quant aux services de messagerie réclamés, je juge raisonnable d’accorder 110 $ à ce titre.

C. Huissiers

[57] L’intimée a réclamé 60 $ pour les huissiers. Ayant examiné les deux factures jointes à titre de pièce B à l’affidavit de Nancy Gallinger, souscrit le 18 décembre 2019, et le dossier de l’instance, j’ai conclu que ce dernier corrobore ces dépenses. Par conséquent, je juge que les débours pour les huissiers sont raisonnables et j’accorde les 60 $ demandés.

D. Clés USB exigées par la Cour

[58] L’intimée réclame 51,98 $ pour des clés USB. Ayant examiné la facture jointe à titre de pièce C à l‘affidavit de Nancy Gallinger, souscrit le 18 décembre 2019, et le dossier de l’instance, j’ai conclu que le dossier corrobore cette dépense. Par conséquent, je conclus que les débours pour les clés USB sont raisonnables et j’accorde les 51,98 $ réclamés.

E. Frais de photocopie

[59] L’intimée réclame 1 482,70 $ au titre des frais de photocopie.

[60] Cependant, comme je l’indique plus haut, les documents de l’intimée ne présentent pas de ventilation des débours demandés au titre des frais de photocopie. Dans l’arrêt Apotex inc. c. Merck & Co. Inc., 2008 CAF 371, notre Cour a déclaré ce qui suit :

[14] Compte tenu de la documentation limitée dont disposent les officiers taxateurs, la question de savoir quelles dépenses sont raisonnables est souvent tranchée sommairement, ce qui laisse forcément aux officiers taxateurs une large marge d’appréciation discrétionnaire.

[61] À la lumière de l’arrêt Merck, j’ai examiné le dossier de l’instance pour tenter de décider d’une valeur qui serait raisonnable. J’ai tenu compte dans mon examen du nombre de documents et de la taille des documents qui ont dû être préparés pour le greffe et les parties. Cela dit, il a été difficile de fixer une somme précise, car les documents de l’intimée ne précisaient pas si les photocopies avaient été faites à l’interne ou par l’intermédiaire d’un tiers, car les frais par page peuvent varier en fonction de ce facteur. Ainsi qu’il est mentionné plus haut, l’intimée a droit à une certaine indemnité pour les frais de photocopie, car « la taxation des dépens à zéro dollar serait absurde ». Sur le fondement de la décision Abbott Laboratories, je juge raisonnable d’accorder 1 100 $ au titre des frais de photocopie de l’intimée.

[62] Le montant total des débours acceptés s’élève à 1 493,84 $, ce qui comprend la TVH.

IV. Conclusion

[63] Pour les motifs susmentionnés, le mémoire de frais de l’intimée est taxé, et des dépens de 5 731,34 $ sont accordés. Un certificat de taxation de 5 731,34 $ sera délivré; la somme inscrite étant payable par l’appelant à l’intimée.

« Garnet Morgan »

Officier taxateur

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-68-19

INTITULÉ :

PAUL WILLIAMS, faisant affaire sous la raison sociale IT ESSENTIALS c. CISCO SYSTEMS, INC., personne morale

AFFAIRE EXAMINÉE À TORONTO (ONTARIO) SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE TAXATION :

GARNET MORGAN, officier taxateur

DATE DES MOTIFS :

Le 16 octobre 2020

OBSERVATIONS ÉCRITES :

David A. Copp

POUR L’APPELANT

Jay Zakaïb

Frédéric Lussier

 

POUR L’INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David A. Copp

Avocat

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

POUR L’APPELANT

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

 

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