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Date : 20210311


Dossier : A-390-18

A-391-18

Référence : 2021 CAF 54

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

 

Dossier : A-390-18

ENTRE :

APOTEX INC.

appelante

et

SHIRE LLC et SHIRE PHARMA CANADA ULC

intimées

Dossier : A-391-18

ET ENTRE :

APOTEX INC.

appelante

et

SHIRE PHARMA CANADA ULC, SHIRE LLC et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

Audience tenue à Ottawa (Ontario), les 15 et 16 décembre 2020.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 11 mars 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20210311


Dossier : A-390-18

A-391-18

Référence : 2021 CAF 54

CORAM :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

 

Dossier : A-390-18

ENTRE :

APOTEX INC.

appelante

et

SHIRE LLC et SHIRE PHARMA CANADA ULC

intimées

Dossier : A-391-18

ET ENTRE :

APOTEX INC.

appelante

et

SHIRE PHARMA CANADA ULC, SHIRE LLC et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RENNIE

[1] Apotex Inc. interjette appel d’un jugement de la Cour fédérale (2018 CF 1106, le juge Fothergill) (la décision) accordant à Shire ULC 1 000 000 $ à titre de dépens et 600 000 $ à titre de débours après avoir obtenu gain de cause dans une action en contrefaçon de brevet et dans le cadre d’une demande d’interdiction en application du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) accessoire (Apotex Inc. c. Shire LLC, 2018 CF 637).

[2] Pour les motifs suivants, j’accueillerais en partie l’appel.

[3] La demande d’avis de conformité (AC) et l’action en invalidation de brevet concernaient le médicament L-lysine-D-amphétamine (LDX), breveté en application du brevet canadien 2,527,646 (CA 646). Le LDX est un promédicament à libération prolongée qui permet une libération d’amphétamine résistante aux abus dans l’organisme.

[4] Selon le juge, les revendications invoquées du brevet CA 646 étaient valides. La demande d’interdiction a été accueillie, interdisant au ministre de la Santé de délivrer à Apotex un avis de conformité pour son LDX proposé contenant le médicament générique Apo-Lisdexamfetamine jusqu’à l’expiration du brevet CA 646. L’appel de ces décisions a été rejeté dans le jugement et les motifs répertoriés sous la référence 2021 CAF 52.

[5] Lors de l’audience subséquente devant le juge de la Cour fédérale pour évaluer les dépens, Shire a demandé que les dépens soient évalués à une somme globale, fixée à 50 % des frais judiciaires effectivement dépensés en plus des débours. Shire a présenté un mémoire de frais de 3 468 984,18 $ pour les frais judiciaires et de 828 570,97 $ pour les débours. Appliquant la réduction de 50 %, Shire a réclamé des dépens de 1 734 492,09 $. Apotex, à son tour, a soutenu que l’adjudication de 134 182,56 $, débours compris, était appropriée. Il s’agit d’une réduction de 25 % par rapport aux valeurs calculées selon l’échelon médian de la colonne IV du tarif.

[6] La réclamation de Shire au titre des débours comprenait des paiements versés à quatre de ses témoins experts, dont seulement deux ont témoigné au procès. Elle comprenait également des paiements versés à deux témoins des faits, dont l’un avait un taux horaire particulièrement élevé en raison de son poste de chef de la direction d’une société pharmaceutique ouverte. Les débours réclamés comprenaient également les dépens liés à la tenue des interrogatoires préalables des huit inventeurs du brevet CA 646 par Apotex. Au moment d’être interrogés à la demande d’Apotex, les inventeurs n’étaient pas des employés de Shire.

[7] Le juge a décidé qu’une somme globale était appropriée. Il a fait remarquer que l’adjudication d’une somme globale était précisément prévue par le paragraphe 400(4) des Règles des Cours fédérales et pouvait convenir tout particulièrement dans les affaires complexes où un calcul précis des dépens serait inutilement laborieux et onéreux (Nova Chemicals Corporation c. Dow Chemical Company, 2017 CAF 25, par. 12 (arrêt Nova Chemicals)). Une fois de plus, citant l’arrêt Nova Chemicals au paragraphe 21, le juge a noté que le calcul effectué à cette fin n’était pas une science exacte, mais que le résultat correspond à ce que le tribunal estime être une contribution raisonnable aux frais judiciaires effectivement dépensés par la partie victorieuse (décision, par. 28).

[8] Le juge a noté que Shire a obtenu gain de cause dans une large mesure dans le cadre de l’instance, mais que sa demande reconventionnelle a été rejetée et qu’Apotex avait adopté une double stratégie de litige qui avait entraîné une certaine augmentation des coûts et complexifié l’instance. Le juge n’était pas disposé à limiter la taxation des frais judiciaires à un seul avocat principal et avocat adjoint au procès et aux interrogatoires préalables, compte tenu de la complexité de l’instance et de la parité relative entre le nombre d’avocats employés par les deux parties.

[9] Le juge a conclu que ces facteurs étaient équilibrés et que le taux d’indemnisation partielle habituel utilisé dans les contentieux concernant des brevets pharmaceutiques était approprié, soit le tiers des frais effectivement dépensés (Philip Morris Products S.A. c. Marlboro Canada Limitée, 2015 CAF 9, par. 6 (arrêt Philip Morris Products S.A.)). Arrondie à la baisse, cette somme équivalait à 1 000 000 $.

[10] Bien que le juge ait émis des réserves quant au fait que certains des débours demandés par Shire semblaient excessivement élevés et que d’autres n’étaient pas étayés par des factures, il a choisi, « [p]ar souci de simplicité », de fixer les débours à 600 000 $ (décision, par. 32). Le juge a permis que les honoraires des quatre témoins experts soient inclus à titre de débours, car leurs services n’étaient pas « manifestement superflus », même s’ils n’ont pas témoigné au procès (Hoffman-La Roche Limitée c. Apotex Inc., 2013 CF 1265, par. 37 et 44; Biovail Corporation c. Canada (Santé), 2007 CF 767, par. 28 et 29)

[11] Apotex soutient que le juge a commis une erreur en adjugeant des dépens près de cinq fois la somme qui serait accordée selon la fourchette moyenne ou supérieure de la colonne IV du tarif, la colonne habituellement choisie dans les contentieux en matière de propriété intellectuelle (voir, par exemple, Leuthold c. Société Radio-Canada, 2012 CF 1257, par. 92; Eurocopter c. Bell Helicopter Textron Canada Limitée, 2012 CF 842, par. 22). Apotex soutient que, puisque le juge a choisi d’adjuger une somme globale au lieu du montant du tarif, sa valeur doit être justifiée au regard des circonstances de l’espèce et ne peut pas simplement être une somme ou un pourcentage fixé de façon arbitraire. Elle affirme que Shire ne s’était pas acquittée du fardeau imposé à la partie qui demande l’adjudication de dépens majorés de démontrer en quoi les circonstances le justifient (arrêt Nova Chemicals, par. 11 à 13, 15 et 19).

[12] Apotex souligne que l’éventail des dépens majorés varie grandement, tout comme la méthode servant à calculer la somme. Certains juges ont choisi d’adjuger au titre des dépens une somme globale fixée à un certain pourcentage supérieur aux valeurs du tarif, tandis que d’autres ont choisi une valeur déterminée en fonction d’un pourcentage des frais effectivement dépensés (arrêt Nova Chemicals, par. 2 et 3; Teva Canada Limitée c. Janssen Inc., 2018 CF 1175, par. 35 et 36 (décision Teva Canada Limitée)). Dans le cas qui nous occupe, Apotex soutient que le juge a choisi une valeur bien supérieure aux valeurs du tarif sans examiner adéquatement si les circonstances de l’espèce le justifiaient. Apotex souligne qu’une somme globale totalisant 25 % des frais judiciaires effectivement dépensés, ou moins, a été accordée dans certains procès plus complexes (voir, par exemple, la décision Teva Canada Limitée, par. 36).

[13] De plus, Apotex soutient que, lorsqu’un juge de première instance décide d’adjuger au titre des dépens une somme globale calculée en fonction des frais effectivement dépensés, il incombe au juge de s’assurer que les frais effectivement dépensés inclus dans ce calcul sont raisonnables. À cette fin, les « frais effectivement dépensés » ne peuvent être utilisés que si des avocats principal et adjoint identifiés ont effectivement travaillé aux différents stades de l’instance (voir, par exemple, Pfizer Canada Inc. c. Teva Canada Limitée, 2017 CF 777, à l’annexe A). Le juge a commis une erreur en acceptant tous les frais judiciaires dépensés par l’intimée sans s’assurer que les honoraires d’avocats étaient appropriés.

[14] Enfin, selon Apotex, le juge a commis une erreur en accordant 600 000 $ pour les débours en raison des lacunes en matière de preuve dans la réclamation au titre des débours ainsi que des écarts entre les débours déclarés par rapport à ceux prévus à l’article 3 du tarif A des Règles des Cours fédérales. Le juge n’a présenté aucun motif à l’appui de l’adjudication de débours, si ce n’est pour dire qu’il privilégiait une adjudication réduite par souci de simplicité.

[15] En réponse, Shire fait remarquer que l’adjudication d’une somme globale à titre de dépens est expressément prévue dans les Règles des Cours fédérales et joue un rôle important, particulièrement compte tenu de l’insatisfaction des avocats à l’égard des sommes disponibles en application du tarif. À juste titre, le choix d’appliquer une somme de 30 % des honoraires juridiques effectivement dépensés constitue un pourcentage d’indemnisation partielle approprié habituellement choisi dans les contentieux concernant des brevets pharmaceutiques (voir, par exemple, les arrêts Nova Chemicals et Philip Morris Products S.A., par. 6). En l’espèce, le juge a reconnu ces principes à bon droit et n’a donc commis aucune erreur de droit.

Analyse

[16] Bien que le présent appel porte sur une seule décision discrétionnaire, à savoir l’adjudication des dépens, il comporte essentiellement une série de décisions discrétionnaires. Il s’agit notamment de : l’adjudication d’une somme globale par opposition à l’adjudication des dépens à partir d’un calcul tarifaire; le choix des frais effectivement dépensés comme point de départ pour l’adjudication d’une somme globale au lieu d’une valeur brute majorée fondée sur les valeurs du tarif; la taxation de ce qui devrait raisonnablement être inclus dans les frais effectivement dépensés; le choix d’appliquer une somme de 30 % comme pourcentage d’indemnisation partielle approprié; la décision d’inclure les quatre honoraires d’expert-témoin dans le calcul des débours; et la décision de choisir une valeur de débours « raisonnables » de 600 000 $ compte tenu du mémoire de frais excessivement élevés. Chacune de ces décisions discrétionnaires est susceptible de révision selon les normes énoncées dans l’arrêt Housen (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, par. 8, 10, 36; arrêt Nova Chemicals, par. 6; Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, [2017] 1 R.C.F. 331, par. 69).

[17] Dans l’analyse d’une décision discrétionnaire, le rôle de notre Cour n’est donc pas de soupeser à nouveau les faits pour voir si nous arrivons à la même décision que le juge de première instance. C’est particulièrement le cas de la taxation des dépens, où le juge a eu l’avantage d’observer à la fois la conduite des parties ainsi que la variation des éléments de preuve, pour en évaluer l’utilité et pour statuer sur les requêtes et les objections. Il incombe donc à Apotex de démontrer qu’il y a eu une erreur susceptible de révision dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui exige la preuve soit d’une erreur de principe, examinée selon la norme de la décision correcte, soit, dans le cas de questions de fait ou de questions mixtes de fait et de droit, que cette erreur était manifeste et dominante.

[18] Le choix d’adjuger une somme globale n’est pas problématique en principe. C’est autorisé aux termes du paragraphe 400(4) de Règles. Comme il est indiqué aux paragraphes 11 à 12 de l’arrêt Nova Chemicals, une somme globale peut simplifier la détermination des dépens et contribuer à la réalisation de l’objectif énoncé à la règle 3 des Règles des Cours fédérales de façon à permettre d’apporter « une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible ». Un juge connaît très bien le déroulement du procès et dispose donc d’une latitude considérable pour évaluer ce qu’est une somme globale appropriée. Elle peut être évaluée à des valeurs augmentées, moindres ou approximatives par rapport à celles calculées par les parties ou sur la base du tarif. Les avantages d’une somme globale vont de soi, mais « ce n’est pas parce [que] les frais effectivement engagés par la partie qui obtient gain de cause sont de beaucoup supérieurs au barème prévu au tarif » que ce choix est justifié (arrêt Nova Chemicals, par. 13). La justification doit être adaptée aux circonstances particulières de l’espèce.

[19] C’est ce qui s’est produit en l’espèce. Le juge a conclu qu’une somme globale calculée en fonction des frais effectivement dépensés était appropriée compte tenu de la nature complexe du contentieux sous-jacent; un contentieux concernant un brevet pharmaceutique opposant des parties averties. Étant donné ce qui précède, le juge a noté que les valeurs du tarif peuvent être insuffisantes pour atteindre l’objectif de l’attribution des dépens (arrêt Nova Chemicals, par. 13). Le juge a également tenu compte des autres facteurs pertinents à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire : le gain de cause dans une large mesure qu’a obtenu Shire, le nombre d’avocats et la conduite des parties (décision, par. 25 et 29).

[20] Bien qu’Apotex allègue que ce contentieux concernant un brevet pharmaceutique était moins complexe que d’autres, le juge l’a néanmoins qualifié de contentieux pharmaceutique complexe confié à de nombreux avocats de part et d’autre, y compris « certains des avocats les plus respectés et les plus éminents dans le domaine des brevets » (décision, par. 25). Si Apotex peut avoir raison de soutenir que la présente instance a peut-être été moins complexe que d’autres affaires traitées par la Cour fédérale, cela ne change pas le fait qu’il était loisible au juge de conclure qu’il s’agissait néanmoins d’une affaire complexe, plaidée par des avocats d’expérience.

[21] En effet, c’est pour cette raison que le juge a décidé d’inclure les honoraires de tous les avocats ayant participé au calcul des frais effectivement dépensés. Il a jugé cela nécessaire pour arriver au calcul d’une contribution raisonnable aux dépens du contentieux. Bien qu’Apotex ait souligné des situations où d’autres juges ont adopté une approche différente (voir, par exemple, Airbus Helicopters, S.A.S. c. Bell Helicopter Textron Canada Limitée, 2017 CF 170, par. 461), je ne suis pas convaincu que ce choix, vu les circonstances de l’espèce et les motifs énoncés à juste titre, constitue une erreur susceptible de contrôle.

[22] La décision discrétionnaire suivante concernait le pourcentage des honoraires effectivement dépensés à adjuger. Le juge a accordé 1 M$, soit environ 29 %, des honoraires effectivement dépensés par Shire. Je ne vois aucune erreur dans cette conclusion. Bien que la jurisprudence indique que les sommes globales varient entre 10 % à 50 % des honoraires effectivement dépensés, l’adjudication d’une somme correspondant à une fourchette entre un quart et un tiers des honoraires constitue la norme (arrêt Nova Chemicals, par. 15 et 22; arrêt Philip Morris Products S.A., par. 6). Si, dans certains cas, on a accordé plus, ces cas demeurent exceptionnels.

[23] Bien qu’Apotex ait invoqué des contentieux concernant des brevets pharmaceutiques où des dépens ont été adjugés aux valeurs du tarif ou à un multiple modéré de celui-ci, la plupart d’entre eux découlaient de demandes présentées sous l’ancien régime du RMBAC (Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), par opposition à des instances avec témoignages rendus de vive voix. Ces cas ne sont pas comparables. Il est important de distinguer l’adjudication des dépens dans une demande et dans un procès; les pourcentages accordés dans un cas ne peuvent pas servir d’indicateur pour les pourcentages accordés dans l’autre.

[24] Ce qui est important, c’est qu’il y ait une certaine mesure de prévisibilité dans l’éventail des sommes globales adjugées. Comme le fait observer notre Cour dans l’arrêt Nova Chemicals, la prévisibilité et l’uniformité de l’adjudication des dépens permettent aux avocats de conseiller adéquatement leurs clients afin qu’ils puissent, à leur tour, prendre des décisions éclairées au sujet des risques relatifs à l’instance. Pour ces raisons, bien que le pouvoir discrétionnaire d’adjuger une somme globale soit large, il n’est pas sans limites; l’exercice du pouvoir discrétionnaire est encadré, en partie, par des considérations de politique judiciaire; l’objet des dépens étant une contribution raisonnable aux frais juridiques, à l’équité et à la prévisibilité.

[25] Je me penche maintenant sur la question de l’adjudication des débours.

[26] La première question a trait aux débours demandés pour un témoin des faits, le Dr Mickle. L’inclusion des honoraires versés au Dr Mickle pour son temps de préparation et de participation à l’interrogatoire préalable et au procès pose problème, car ils dépassaient les sommes figurant à l’article 3 du tarif A pour un témoin des faits. En général, les paiements excessifs aux témoins des faits doivent être justifiés et il n’est pas clair si le juge du procès avait l’intention d’inclure ce trop-payé dans la réduction de 25 % qu’il a appliquée aux débours.

[27] La deuxième question litigieuse concernant les débours est liée au choix d’appliquer une réduction d’environ 25 %, malgré les sommes excessivement élevées réclamées pour certains frais et la faiblesse des éléments preuve à l’appui pour d’autres, comme l’a mentionné le juge. Il n’est pas clair si cette réduction visait à répondre aux préoccupations et aux faiblesses relevées, y compris, par exemple, les réclamations pour des frais qui ne pourraient pas être réclamés autrement, comme les frais généraux. Soit dit en passant, le fait qu’Apotex n’ait pas contre-interrogé le signataire de l’affidavit de Shire déposé à l’appui de la réclamation au titre des débours ne signifie pas que le juge était tenu d’accepter les faits allégués.

[28] La taxation permettant de déterminer si une réclamation au titre des débours était admissible, effectivement dépensée et raisonnable ne peut être sacrifiée au nom de la simplicité. Autrement dit, réduire un débours de 25 % ne justifie pas d’obliger une partie à payer 75 % des frais qui n’ont jamais été dépensés, qui n’ont pas été adéquatement dépensés ou qui n’ont pas été adéquatement justifiés. Dans le cours normal des choses, une réclamation au titre des débours devrait également être étayée par des éléments de preuve sous la forme d’un affidavit (arrêt Nova Chemicals, par. 20).

[29] Le juge de première instance a le pouvoir discrétionnaire d’entreprendre cette analyse ou de confier l’affaire à l’officier taxateur. Si l’affaire est confiée à l’officier taxateur, ce dernier peut exercer son pouvoir discrétionnaire après avoir fait un examen complet des éléments de preuve et de la jurisprudence. Le rôle de l’officier taxateur est de procéder à un examen détaillé et approfondi des débours dans le but de s’assurer qu’une partie qui a obtenu gain de cause ne se voit pas refuser un recouvrement approprié tout en vérifiant que les débours sont raisonnablement dépensés et conformes à la jurisprudence (Apotex Inc. c. Merck & Co. Inc., 2008 CAF 371, par. 14; Lundbeck Canada Inc. c. Canada (Santé), 2014 CF 1049, par. 34) De plus, les officiers taxateurs pourraient être mieux adaptés, en raison de leur expérience, pour évaluer le caractère raisonnable de certains frais.


[30] J’accueillerais donc l’appel en partie. J’annulerais la partie du jugement de la Cour fédérale concernant les débours et je renverrais l’affaire au juge de première instance pour réexamen, y compris la question de savoir si l’affaire doit être confiée à un officier taxateur sur la foi du dossier déjà déposé. Compte tenu du succès mitigé en appel, je ne rends aucune ordonnance quant aux dépens afférents au présent appel.

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Yves de Montigny j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason j.c.a. »

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-390-18

INTITULÉ :

APOTEX INC. c SHIRE LLC et SHIRE PHARMA CANADA ULC

DOSSIER :

A-391-18

INTITULÉ :

APOTEX INC. c. SHIRE PHARMA CANADA ULC, SHIRE LLC et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ORGANISÉE PAR LE GREFFE

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 15 et 16 décembre 2020

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

DATE DES MOTIFS :

Le 11 mars 2021

COMPARUTIONS :

H.B. Radomski

Richard Naiberg

Jenene Roberts

Pour l’appelante

Jay Zakaïb

Adam Heckman

Alex Gloor

 

Pour les intimées


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

Pour l’appelante

Gowlings WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

Pour les intimées

SHIRE LLC et SHIRE PHARMA CANADA ULC

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimé

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

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