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Date : 20210914


Dossier : A-398-19

Référence : 2021 CAF 180

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

EUGENE SEYMOUR

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA (OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA)

intimée

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 9 septembre 2021.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LA JUGE MACTAVISH

 


Date : 20210914


Dossier : A-398-19

Référence : 2021 CAF 180

CORAM :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

EUGENE SEYMOUR

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA (OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA)

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1] M. Seymour interjette appel d’une ordonnance du juge LeBlanc (alors juge à la Cour fédérale) (le juge des requêtes) rejetant sa requête en prorogation du délai pour le dépôt d’un avis d’appel à l’égard d’une décision du commissaire aux brevets. Dans cette décision datée du 10 décembre 2018, le commissaire avait rejeté la demande de brevet de l’appelant.

[2] Aux termes de l’article 41 de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, l’appelant disposait d’un délai de six mois pour interjeter appel de la décision du commissaire devant la Cour fédérale. Peu de temps avant l’expiration de ce délai, l’appelant a demandé une ordonnance prorogeant le délai de dépôt de l’avis d’appel, au motif que les élections fédérales imminentes de 2019 pouvaient entraîner un changement quelconque de fonctionnaires s’étant occupés de sa demande, ce qui l’obligerait à déposer de nouveau sa demande pour changer les noms. Le juge des requêtes a conclu qu’il n’y avait pas lieu d’accorder une prorogation de délai dans les circonstances parce qu’aucune explication raisonnable n’avait été fournie quant au retard et que l’appel était sans fondement.

[3] La décision discrétionnaire d’un juge relativement à une requête en prorogation de délai est une question mixte de fait et de droit (Thompson c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 212, 2018 CarswellNat 12364 (WL Can), par. 8). Conformément aux indications que notre Cour a données dans l’arrêt Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, [2017] 1 R.C.F. 331, par. 69 à 72 et 79 [Hospira], la norme de contrôle qui s’applique est celle de l’erreur manifeste et dominante (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, par. 8 et 37). Par conséquent, notre Cour ne peut modifier l’ordonnance que si le juge des requêtes a exercé son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur des principes erronés ou a mal apprécié la preuve (Hospira, par. 54).

[4] Avant l’audience, l’appelant a présenté une requête en jugement par défaut et a demandé qu’un brevet lui soit accordé. Notre Cour a reporté la décision sur le fond de l’affaire et a plutôt demandé à entendre les observations orales au début de l’audience du 9 septembre 2021. Après avoir entendu les parties, je suis d’avis que la requête est mal fondée. Contrairement à ce que soutient l’appelant, l’intimée n’est pas en défaut au sens des paragraphes 382.3(2) et (4) des Règles, et toutes les étapes chronologiques prévues aux Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), ont été suivies.

[5] L’appelant soutient qu’il était déraisonnable qu’on rejette sa demande de prorogation de délai. Il explique que la Cour accorde couramment des prorogations et que les élections fédérales de 2019 auraient entraîné des changements chez les fonctionnaires chargés d’examiner sa demande.

[6] En outre, l’appelant soutient que l’ordonnance est invalide parce que le juge des requêtes ne l’a pas signée et qu’il a statué sur le fond de la demande de brevet. L’appelant soutient également qu’il n’a pas eu droit à une procédure équitable, ce qui est contraire à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11, par. 91(24) (la Charte), parce que le juge des requêtes a confirmé l’affirmation [TRADUCTION] « fausse et frauduleuse » du commissaire selon laquelle l’appelant avait apporté des modifications non autorisées à sa demande de brevet.

[7] Je suis d’avis que le juge des requêtes n’a pas commis d’erreur dans sa décision rejetant la requête de l’appelant.

[8] Le juge LeBlanc a d’abord appliqué les critères énoncés dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Hennelly, 1999 CanLII 8190, 1999 CarswellNat 5100 (WL Can), par. 3 [Hennelly], pour déterminer si la prorogation du délai était justifiée. Il a fait porter son analyse sur la question de savoir s’il existait une explication raisonnable justifiant le retard.

[9] Le juge des requêtes a conclu que l’explication fournie par l’appelant pour justifier le retard – à savoir que des prorogations sont couramment accordées et que les élections de 2019 entraîneraient un changement de fonctionnaires – n’était pas raisonnable. Sa conclusion repose sur deux motifs : (1) il est important de respecter les délais fixés par le législateur (Strungmann c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1229, 2011 CarswellNat 4840 (WL Can), par. 8; (2) cela irait à l’encontre du principe de la neutralité politique qui régit la fonction publique fédérale (Schmidt c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 55, 2018 CarswellNat 12322 (WL Can), par. 89).

[10] Le juge des requêtes a de plus noté que l’appel était sans fondement pour deux motifs. D’abord, l’appelant n’a pas expliqué en quoi la conduite du commissaire violait ses droits garantis par le paragraphe 15(1) de la Charte. Ensuite, l’appelant n’a pas mentionné les autres motifs pour lesquels sa demande avait été rejetée, notamment le fait que les revendications au dossier auraient manifestement été contraires à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. Pour ces motifs, le juge des requêtes a conclu que l’appel était voué à l’échec.

[11] Après un examen attentif des observations orales et écrites des parties, je suis d’avis que le juge des requêtes n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle. Il a correctement appliqué les critères énoncés dans l’arrêt Hennelly, en s’attardant sur les plus pertinents. Il n’a pas dénaturé ni exagéré la thèse de l’appelant quant aux raisons de son retard. Sa conclusion selon laquelle une telle prorogation compromettrait l’intégrité des délais de prescription légaux était raisonnable. Le raisonnement du juge des requêtes voulant que la thèse de l’appelant entrât en conflit avec le principe de la neutralité politique était bien fondé, et il a cité à l’appui des précédents pertinents.

[12] À l’audience, M. Seymour a accordé une grande importance au fait qu’il avait obtenu de l’office américain des brevets et marques de commerce un brevet pour la même invention. Le commissaire a examiné cette question, et il a noté que l’octroi d’un brevet américain équivalent ne tranche pas automatiquement la question de la brevetabilité dans la demande de brevet canadien correspondante et que le brevet américain avait de toute façon été publié après la date à laquelle l’appelant avait déposé sa demande au Canada. À lui seul, le fait que des demandes de brevet présentées au Canada et aux États-Unis aient des issues différentes ne suffit pas à établir qu’il y a eu traitement inéquitable et discriminatoire de la part du commissaire. En fait, M. Seymour n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de sa thèse voulant que son identité autochtone ait joué un rôle dans le rejet de sa demande de brevet, et il a même reconnu à l’audience devant notre Cour que ce n’est peut-être pas en raison de son statut de personne autochtone qu’on ne lui a pas accordé le brevet, mais parce qu’il a présenté lui-même sa demande. Par conséquent, le juge des requêtes n’a pas commis d’erreur en concluant que la thèse de l’appelant fondée sur l’article 15 de la Charte était vouée à l’échec.

[13] Quant à la thèse selon laquelle l’ordonnance du juge des requêtes n’est pas valide parce que le juge ne l’a pas signée à la main, elle est également dénuée de fondement. L’article 392 des Règles exige seulement que l’ordonnance soit signée par l’officier de justice qu’il l’a rendue. Les Règles ne définissent pas ce qui constitue une « signature », et la Cour fédérale a pour pratique de remettre aux parties une copie de l’ordonnance portant une signature électronique. Cela dit, la version originale signée de l’ordonnance peut toujours être consultée en personne au greffe, sur demande. De plus, comme l’a fait observer l’intimée, n’autoriser que les signatures manuscrites ne serait pas conforme au principe énoncé à l’article 3 des Règles selon lequel les Règles doivent être interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

[14] Enfin, il ressort très clairement du libellé de l’ordonnance en cause que le juge des requêtes n’a pas statué sur le fond de la demande de l’appelant, mais a simplement rejeté sa requête en prorogation de délai. Bien que, de toute évidence, l’ordonnance ait eu incidemment pour effet d’empêcher que la demande de brevet de l’appelant soit examinée par la Cour fédérale en appel, le juge des requêtes n’a pas lui-même statué sur le fond de la demande de brevet dans son ordonnance.

[15] Par conséquent, je rejetterais l’appel, avec dépens de 500 $ en faveur de l’intimée, tout compris.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Anne L. Mactavish, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-398-19

 

 

INTITULÉ :

EUGENE SEYMOUR c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA (OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA)

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 septembre 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

Le 14 septembre 2021

 

COMPARUTIONS :

Eugene Seymour

 

Pour l’appelant

(pour son propre compte)

(en personne)

 

Sarah Jiwan

 

Pour l’intimée

(PAR VIDÉOCONFÉRENCE)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

 

Pour l’intimée

 

 

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