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Date : 20230110


Dossier : A-276-21

Référence : 2023 CAF 4

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

PUMA SE

appelante

et

CATERPILLAR INC.

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 3 novembre 2022.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 10 janvier 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

 


Date : 20230110


Dossier : A-276-21

Référence : 2023 CAF 4

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

PUMA SE

appelante

et

CATERPILLAR INC.

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE BOIVIN

I. Introduction

[1] Puma Se (Puma) conteste la décision de la juge Fuhrer de la Cour fédérale (la juge) rendue le 22 septembre 2021 (2021 CF 974). La juge a accueilli un appel interjeté par Caterpillar Inc. (Caterpillar) à l’encontre d’une décision de la Commission des oppositions des marques de commerce (la Commission) (Caterpillar Inc. c. Puma SE, 2017 COMC 114). La juge a donc rejeté la demande d’enregistrement de la marque proposée par Puma, « procat », aux termes du paragraphe 38(12) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi).

[2] Pour les motifs qui suivent, je rejetterais l’appel de Puma.

II. Contexte

[3] Le 5 janvier 2012, Puma a déposé une demande d’enregistrement de la marque de commerce « procat » sous le numéro 1 558 723 pour une utilisation en liaison avec des articles chaussants, nommément chaussures et bottes d’entraînement, de sport et tout-aller; couvre-chefs, nommément chapeaux et casquettes.

[4] Caterpillar s’est opposée à la demande d’enregistrement de la marque procat devant la Commission pour plusieurs raisons. Caterpillar soutenait que la marque « procat » prêtait à confusion avec son dessin-marque, CAT, accompagné d’un triangle (numéro d’enregistrement LMC382,234), enregistré le 29 mars 1991, et le mot servant de marque, CAT, pour lequel Caterpillar a déposé une demande d’enregistrement le 30 juillet 2012 (numéro d’enregistrement LMC934,244, daté du 8 avril 2016). La marque CAT accompagnée d’un triangle est reproduite ici, par souci de commodité :

Dans son opposition à la demande de Puma devant la Commission, Caterpillar a également invoqué l’utilisation de ses marques au Canada par des titulaires de licence, en vertu de l’article 50 de la Loi, pour établir l’utilisation des marques et la mesure dans laquelle elles sont connues.

III. La décision de la Commission

[5] La Commission a d’abord déterminé que l’utilisation des marques de Caterpillar au Canada ne s’est pas appliquée au profit de Caterpillar en vertu de l’article 50 de la Loi parce que Caterpillar n’avait pas suffisamment de contrôle sur l’utilisation des marques par ses titulaires de licence.

[6] La Commission a ensuite rejeté tous les motifs d’opposition soulevés par Caterpillar à l’encontre de la demande d’enregistrement de la marque de Puma « procat » et a conclu que Puma avait démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait pas de risque de confusion entre les marques au sens du paragraphe 6(5) de la Loi.

[7] La Commission a donc autorisé l’enregistrement de « procat ».

IV. Décision de la Cour fédérale

[8] Caterpillar a interjeté appel de la décision de la Commission devant la Cour fédérale, conformément au paragraphe 56(1) de la Loi. Les deux parties ont présenté de nouveaux éléments de preuve devant la Cour fédérale, conformément au paragraphe 56(5) de la Loi. Les conclusions de la juge qui sont pertinentes pour le présent appel sont les suivantes.

[9] La juge, saisie de l’appel de Caterpillar, a conclu qu’une partie de la nouvelle preuve présentée par les parties était importante, déclenchant ainsi un examen de novo de la décision de la Commission sur les questions touchées par la preuve admise. Pour tous les autres aspects de la décision de la Commission, la juge a déterminé que les normes de contrôle en appel énoncées dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 (Housen), étaient applicables (décision de la juge, au para. 32).

[10] Les nouveaux éléments de preuve acceptés comme importants par la juge comprenaient trois affidavits soumis par Caterpillar (les affidavits de M. Beaupre, de M. Ors et de M. Wetherald) et un des deux affidavits soumis par Puma (l’affidavit de M. Narriman) (décision de la juge, aux para. 37 à 42). La juge a estimé que les nouveaux éléments de preuve étaient importants pour déterminer si Caterpillar avait un contrôle suffisant de l’utilisation de ses marques conformément à l’article 50 de la Loi et si la marque « procat » créait une confusion avec les marques de Caterpillar au sens du paragraphe 6(5) de la Loi, sauf en ce qui concerne les alinéas 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi et les circonstances entourant la famille de marques de Puma alléguées (décision de la juge, aux para. 39 à 43). Pour faciliter la consultation, le paragraphe 6(5) de la Loi est reproduit ci-dessous :

Éléments d’appréciation

6(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

What to be considered

6(5) In determining whether trademarks or trade names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including:

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

(a) the inherent distinctiveness of the trademarks or trade names and the extent to which they have become known;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

(b) the length of time the trademarks or trade names have been in use;

c) le genre de produits, services ou entreprises;

(c) the nature of the goods, services or business;

d) la nature du commerce;

(d) the nature of the trade; and

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

(e) the degree of resemblance between the trademarks or trade names, including in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

[11] La juge a d’abord conclu que la nouvelle preuve de Caterpillar démontre qu’elle a respecté l’exigence de licence contrôlée de l’article 50 de la Loi, ce qui signifie que l’utilisation des marques de Caterpillar par ses titulaires de licences est réputée être l’utilisation de Caterpillar (décision de la juge, aux para. 43 à 57). La juge a ensuite examiné s’il existait un risque de confusion entre la marque CAT accompagnée d’un triangle de Caterpillar et la marque « procat » de sorte que la demande de Puma ne pourrait être accueillie, en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi (décision de la juge, au para. 58). Il demeure entendu que la juge a indiqué que ce motif d’examen était limité à la marque CAT accompagnée d’un triangle de Caterpillar parce que c’était la seule marque invoquée par Caterpillar dans sa déclaration d’opposition initiale (décision de la juge, au para. 59).

[12] S’appuyant sur les décisions de la Cour suprême du Canada intitulées Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, [2006] 1 R.C.S. 824 et Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, [2011] 2 R.C.S. 387 (Masterpiece) ainsi que sur la décision de la Cour intitulée Reynolds Presto Products Inc. c. P.R.S. Mediterranean Ltd, 2013 CAF 119, 111 C.P.R. (4th) 155, la juge a correctement formulé le critère à appliquer pour évaluer le risque de confusion :

Je conclus qu’une formulation appropriée du critère à appliquer pour évaluer la probabilité de confusion en l’espèce est la suivante. En ce qui concerne la question de la première impression, il faut se demander si le consommateur ordinaire, quelque peu pressé, qui voit un produit arborant la marque de commerce procat de Puma, alors qu’il voit cette marque de commerce sur le marché pour la première fois, n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce CAT & TRIANGLE DESIGN de Caterpillar et ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, serait susceptible de confondre la source des produits : Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 [Veuve] au para 20; Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 [Masterpiece] au para 87; Reynolds Presto Products Inc c PRS Mediterranean Ltd, 2013 CAF 119 [Reynolds] au para 20. En d’autres termes, le consommateur ordinaire croit‑il que les produits liés aux marques de commerce procat et CAT & TRIANGLE DESIGN ont été respectivement autorisés, fabriqués ou vendus par la même personne, à savoir Caterpillar?

(Décision de la juge, au para. 61)

[13] Après une analyse raisonnée et approfondie, appuyée par un examen approfondi du dossier de preuve présenté par les parties, la juge a conclu ou convenu avec la Commission que les facteurs suivants militaient en faveur de Caterpillar : le caractère distinctif inhérent et la mesure dans laquelle ils sont connus (alinéa 6(5)a)); la période pendant laquelle ils ont été en usage (alinéa 6(5)b)); le genre de produits (alinéa 6(5)c)); la nature du commerce (alinéa 6(5)d)); et le degré de ressemblance entre les produits (alinéa 6(5)e)).

[14] La juge a également examiné les éléments de preuve de l’état du registre produits par Puma et les éléments de preuve de Puma concernant son utilisation de mots servant de marque contenant le mot « cat » (chat) dans le cadre des « circonstances de l’espèce » (paragraphe 6(5)). À cet égard, la juge a estimé que ces éléments de preuve ne s’appliquaient pas au profit de Puma (décision de la juge, aux para. 86, 90 et 97). La juge a ensuite conclu que Puma n’avait pas réussi à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait pas de risque de confusion entre les marques des parties, CAT accompagnée d’un triangle et procat. La juge a donc annulé la décision de la Commission. La juge a donc accueilli l’appel de Caterpillar en vertu de l’article 56 de la Loi et a rejeté la demande d’enregistrement de la marque de Puma pour « procat » en vertu du paragraphe 38(12) de la Loi.

[15] Puma interjette appel de la décision de la juge auprès de la Cour.

V. Questions en litige

[16] Dans le présent appel, Puma fait valoir que la juge a commis trois erreurs justifiant l’intervention de la Cour (mémoire public des faits et du droit de Puma, au para. 32). Plus précisément, Puma allègue que la juge a commis une erreur en effectuant son analyse de la confusion en vertu du paragraphe 6(5) de la Loi, plus particulièrement dans son évaluation concernant (i) le caractère distinctif inhérent des marques de Puma et de Caterpillar et la mesure dans laquelle elles sont connues (alinéa 6(5)a)); (ii) le degré de ressemblance (alinéa 6(5)e)); et (iii) les circonstances de l’espèce (paragraphe 6(5)). Les autres facteurs prévus au paragraphe 6(5), à savoir le genre des produits, des services ou des entreprises (alinéa 6(5)c)) et la nature du commerce (alinéa 6(5)d)) ne sont pas en litige dans le présent appel, pas plus que l’article 50 de la Loi.

[17] Les questions en litige à traiter dans le présent appel sont donc formulées comme suit : la juge a-t-elle commis une erreur en concluant qu’il existe un risque de confusion, plus particulièrement en tirant la conclusion que a) le caractère distinctif inhérent et la mesure dans laquelle les marques des parties sont connues favorisent Caterpillar; b) le facteur du degré de ressemblance favorise Caterpillar; et c) les circonstances de l’espèce ne favorisent pas Puma.

VI. Norme de contrôle

[18] Les normes de contrôle applicables à l’appel d’une décision de la Cour fédérale rendue en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi sont celles énoncées dans Housen. Pour les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit, la norme applicable est donc celle de l’erreur manifeste et dominante. Pour les questions de droit, la norme applicable est celle de la décision correcte (voir Clorox Company of Canada, Ltd. c. Chloretec s.e.c., 2020 CAF 76, 172 C.P.R. (4th) 351, aux para. 18 à 23).

[19] Dans le présent appel, chacun des moyens de Puma porte sur une question mixte de fait et de droit. Par conséquent, la seule norme mise en cause était celle de l’erreur manifeste et dominante. À cet égard, il est utile de rappeler que « pour décider s’il existe une probabilité de confusion entre des sources de biens ou services, le juge de première instance doit constater les faits et tirer des inférences. En conséquence, les tribunaux d’appel doivent en règle générale s’en remettre aux constatations de fait et aux inférences du juge de première instance, sauf si les faits constatés par celui-ci ou les inférences qu’il a tirées découlent d’une erreur de droit ou constituent une erreur de fait manifeste et dominante » (Masterpiece, au para. 102). Ainsi, en l’absence d’une erreur manifeste et dominante dans une conclusion de fait ou dans une conclusion mixte de fait et de droit, la Cour doit refuser d’intervenir.

VII. Analyse

A. La juge a-t-elle commis une erreur dans son appréciation du caractère distinctif inhérent et de la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues en faveur de Caterpillar?

[20] D’emblée, il convient de rappeler que la juge a souscrit à deux conclusions de la Commission concernant le facteur que constitue le caractère distinctif inhérent. Premièrement, la juge a convenu avec la Commission que « la marque de commerce CAT & TRIANGLE DESIGN de Caterpillar possède un degré élevé de caractère distinctif inhérent parce que le mot « CAT » n’a aucun lien avec des articles chaussants et des couvre‑chefs » (décision de la juge, au para. 67). Deuxièmement, la juge a également convenu avec la Commission que la marque « procat » est « un mot inventé formé d’éléments qui ne figurent généralement pas ensemble » (décision de la juge, au para. 67).

[21] Dans le cadre de son analyse de novo, la juge a tenu compte des nouvelles définitions du dictionnaire introduites par l’affidavit de M. Beaupré en ce qui concerne la signification du préfixe « pro ». Elle a noté en passant que la Commission avait souligné l’absence d’une telle preuve (décision de la juge, au para. 37). Au bénéfice de cette preuve en appel, la juge a conclu que le préfixe « pro » dans procat signifiait « professionnel » ou « en faveur de » et donnait « une connotation suggestive ou élogieuse à la marque de commerce procat » (décision de la juge, au para. 68). À ce titre, elle a estimé que le préfixe « pro » dans procat « a une signification en ce qui a trait aux produits de Puma, ce qui a pour effet de faire passer l’évaluation du caractère distinctif inhérent à la caractéristique la plus frappante de la marque de commerce, à savoir le suffixe “cat” » (décision de la juge, au para. 69).

[22] La juge s’est ensuite penchée sur la mesure dans laquelle les marques en litige sont devenues connues ou ont acquis un caractère distinctif. Elle a examiné les nouveaux éléments de preuve de Caterpillar et a conclu que les ventes de chaussures et de couvre-chefs de la marque CAT de 1994 à 2017 étaient importantes. En comparant les ventes de Caterpillar avec ce qu’elle a qualifié de ventes de minimis de Puma pour les produits de marque procat, elle a conclu que la preuve favorisait Caterpillar (décision de la juge, au para. 73).

[23] Puma n’est pas d’accord avec les conclusions de la juge décrites ci-dessus sur le caractère distinctif inhérent et soutient que l’intervention de la Cour est justifiée pour plusieurs raisons.

[24] Puma soutient que la juge a commis une erreur en ne constatant pas que le suffixe « pro », même en tant que raccourci suggestif du mot « professionnel », rendait la marque procat distincte, de sorte que les consommateurs associeraient les produits utilisant « pro » à Puma et non à Caterpillar. Plus précisément, Puma fait valoir que la juge a commis une erreur en concluant que la marque procat n’était pas une marque distinctive de Puma, d’une part, et que le mot CAT a acquis un caractère distinctif en tant que référence à un animal félin en relation avec les produits de Caterpillar, d’autre part. Selon Puma, les marques procat et CAT accompagnée d’un triangle sont si distinctives qu’il est en fait impossible qu’un consommateur qui ne serait pas [traduction] « dépourvu d’intelligence » soit confondu quant à la source des produits portant ces marques (mémoire public des faits et du droit de Puma, aux para. 47 et 65).

[25] Puma admet que la juge s’est penchée sur chacune de ces questions, en soulignant plus précisément les paragraphes 68 et 69 de sa décision, dans lesquels elle a examiné le facteur du caractère distinctif inhérent et de l’étendue de la notoriété, aux termes de l’alinéa 6(5)a) de la Loi. Pourtant, Puma fait valoir que la juge a commis une erreur manifeste et dominante en estimant que l’élément le plus frappant de la marque procat était l’élément « cat » (chat), et qu’il n’était donc pas distinctif.

[26] Les affirmations de Puma ne révèlent pas d’erreur manifeste et dominante. En effet, la juge a accepté les définitions du dictionnaire de « pro » qui n’avaient pas été présentées devant le tribunal d’instance inférieure, soit la Commission en l’occurrence, et a conclu qu’il s’agissait d’un préfixe dont la connotation était suggestive ou élogieuse. La juge n’a pas commis d’erreur en concluant que cet élément ne contribuait guère à rendre la marque procat distinctive : les éléments suggestifs ou laudatifs des marques de commerce sont généralement considérés comme ne contribuant pas à la distinction (Kelly Gill, Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, 4e éd., (Toronto : Thomson Reuters, 2022), p. 8:12 (ouvrage Fox on Trade-marks); Registrar of Trade Marks v. Hardie & Co. Ltd, [1949] R.C.S. 483, [1949] 4 D.L.R. 582; Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1re inst.), [1992] 2 C.F. 579, 53 F.T.R. 105, p. 584 (conf. par 49 C.P.R. (3d) 217 (CAF)); Boston Pizza International Inc. c. Boston Chicken Inc. 2003 CAF 120, 224 D.L.R. (4th) 475, au para. 6).

[27] Puma affirme également que la juge a commis une erreur en n’estimant pas que le terme « professionnel » était important en ce qui concerne Puma, en raison des athlètes professionnels connus pour utiliser les produits de Puma. Ce faisant, Puma conteste effectivement les conclusions que la juge a tirées de la preuve et demande à la Cour de substituer aux conclusions du juge celles que Puma aurait préférées. Le fait que Puma dans son ensemble bénéficie déjà d’une partie de l’avantage élogieux d’avoir un lien avec des athlètes professionnels ne remet pas en litige la conclusion de la juge selon laquelle le préfixe « pro » est élogieux et que le terme « cat » est en fait l’élément le plus frappant de procat. La juge est parvenue à cette conclusion en tenant compte des éléments de preuve qui lui ont été présentés et Puma n’a pas réussi à déceler une quelconque erreur manifeste et dominante à cet égard.

[28] Puma fait également valoir que la Commission a depuis lors autorisé l’enregistrement de la marque « procat » en liaison avec différents produits, à nouveau en dépit de l’opposition de Caterpillar et malgré la prise en compte des définitions du dictionnaire de « pro » dans la décision Caterpillar Inc. et PUMA SE, 2021 COMC 157 (la « décision sœur »). La décision sœur porte sur les mêmes marques en cause et, en concluant que les marques ne prêtaient pas à confusion, la Commission a rejeté l’opposition de Caterpillar et s’est prononcée en faveur de Puma. Puma demande instamment à la Cour de conclure que la décision sœur devrait exercer une influence sur l’examen par la Cour des questions soulevées dans le présent appel. Toutefois, comme Puma l’a admis à juste titre, bien que la décision sœur porte sur les mêmes marques en cause, elle concerne des produits différents, à savoir des sacs et des vêtements (mémoire public des faits et du droit de Puma, au para. 60). En outre, la décision sœur fait l’objet d’un appel. Quoi qu’il en soit, chaque affaire repose sur des faits et des éléments de preuve qui lui sont propres et il est bien connu que des questions similaires soulevées dans des affaires différentes ne conduisent pas nécessairement au même résultat. La décision sœur ne peut donc pas entraîner un résultat particulier devant la Cour.

[29] En l’espèce, sans preuve démontrant que la marque « procat » était devenue connue au Canada en liaison avec Puma, la juge se retrouvait avec l’affirmation de Puma selon laquelle les consommateurs associeraient les mots « pro » et « cat » à Puma. Là encore, Puma ne parvient pas à mettre en évidence une erreur dans le rejet de cette affirmation par la juge. Puma affirme brièvement que la décision de la juge confère à Caterpillar un monopole sur le mot « cat » et qu’il n’est [TRADUCTION] « pas approprié de permettre l’enregistrement d’une marque de commerce pour monopoliser un mot qui est utilisé régulièrement et fréquemment » (mémoire public des faits et du droit de Puma, au para. 55). À l’appui de son argument, Puma s’appuie sur les décisions suivantes : Swatch AG (Swatch SA) (Swatch Ltd.) c. Hudson Watch, Inc., 2018 CF 853, 158 C.P.R. (4th) 209 (la décision Swatch) et Assurant, Inc. c. Assurancia, Inc., 2018 CF 121, 154 C.P.R. (4th) 188. Pourtant, comme l’a fait remarquer à juste titre Caterpillar, ces décisions sont des précédents qui peuvent être écartés, car les deux marques invoquées par les opposantes respectives—« iwatch » pour une utilisation en liaison avec des montres-bracelets et « assurant » en liaison avec le domaine de l’assurance—évoquaient les produits et services en litige. En l’espèce, la préoccupation de Puma n’est pas pertinente, car les parties n’ont pas pour activité la vente de chats (mémoire public des faits et du droit de Caterpillar, au para. 38). Il était donc loisible à la juge de conclure que la marque CAT (accompagnée d’un triangle) donnait aux produits de Caterpillar des attributs hautement distinctifs et qu’elle avait mérité la protection prévue par la Loi grâce à son utilisation.

[30] En outre, Puma soutient que, si la marque de Caterpillar est effectivement si connue, la conséquence logique serait que les consommateurs pourraient faire plus facilement la distinction entre la marque CAT accompagnée d’un triangle et la marque procat. En d’autres termes, selon Puma, le succès de Caterpillar crée une arme à double tranchant, car la familiarité de la marque CAT accompagnée d’un triangle doit diminuer sa ressemblance avec la marque procat aux yeux du consommateur moyen. À l’appui de cet argument, Puma s’appuie sur la décision de la Cour fédérale intitulée Adidas AG c. Globe International Nominees Pty Ltd, 2015 CF 443, 478 F.T.R. 66 (décision Adidas) où la Cour fédérale a fait l’observation suivante au paragraphe 64 :

[Q]uand une marque de commerce devient notoirement connue ou célèbre au point que le public ne peut l’ignorer et reconnaît d’emblée cette marque employée sur le marché pour des produits et/ou des services, il se pourrait que, même à partir d’une première impression, les différences entre la marque notoirement connue et la marque d’une autre partie [...] servent à distinguer plus facilement la marque de l’autre partie et à réduire toute probabilité de confusion.

[Mon soulignement.]

[31] Cet argument n’est pas non plus recevable, car il ne tient pas compte du fait que la juge a soigneusement analysé les éléments de preuve et a conclu qu’« il existe une forte ressemblance entre les marques de commerce des parties dans leur ensemble. Ce facteur favorise également Caterpillar » (décision de la juge, aux para. 85 et 86). Comme l’a fait valoir Carterpillar, contrairement à la décision Adidas, [traduction] « il n’a pas été conclu que la marque CAT accompagnée d’un triangle était devenue “si notoirement connue ou célèbre” que “même à partir d’une première impression”, toute différence entre elle et la marque procat peut servir à “réduire toute probabilité de confusion” » (Sans guillemets dans l’original; mémoire public des faits et du droit de Caterpillar, au para. 40).

[32] De même, Puma soutient qu’il s’agissait d’une erreur de la part de la juge de conclure qu’il existait un lien entre un félin et Caterpillar similaire au lien entre un félin et Puma. Plus précisément, Puma avance qu’un consommateur qui verrait le mot « CAT » dans la marque CAT accompagnée d’un triangle y verrait une abréviation de Caterpillar. À cet égard, Puma a souligné que tous les produits Caterpillar portent la marque circulaire « Caterpillar Inc. Licensed Merchandise ». Pourtant, la juge n’a reçu aucune preuve que CAT est le diminutif de Caterpillar ou que la marque Caterpillar Inc. Licensed Merchandise indique que c’est la conclusion juste. En conséquence, rien ne permet de conclure que la juge a commis une erreur en estimant que le mot CAT dans la marque CAT accompagnée d’un triangle évoque l’idée d’un félin (décision de la juge, aux para. 78 à 81).

[33] En fin de compte, la décision de la juge en l’espèce était principalement fondée sur l’absence de preuve que la marque procat avait déjà été utilisée au Canada dans la mesure où elle aurait acquis un caractère distinctif ou serait devenue connue. Puma allègue qu’il s’agit en soi d’une erreur, résultant du fait que la juge n’a pas tenu compte de la preuve de ventes importantes de la marque procat dans l’affidavit de M. Narriman, ce qui l’a conduit à conclure à tort qu’il n’y avait que des ventes de minimus. Après avoir examiné les éléments de preuve, je ne suis pas d’accord avec Puma pour dire que la juge n’a pas tenu compte de cette preuve. Premièrement, il s’agit d’un principe bien établi selon lequel un juge est présumé avoir examiné tous les éléments de preuve (Housen, au para. 46; Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157, 387 C.R.R. (2d) 1, au para. 67 (Mahjoub)). Deuxièmement, le dossier de la preuve ne soutient pas de manière concluante l’allégation de Puma concernant les ventes de la marque procat (transcription du contre-interrogatoire de Neil Jafar Narriman (13 septembre 2019), p. 69 à 88, dossier d’appel public, p. 2909 à 2928) et Puma ne peut pas substituer des ventes de produits portant d’autres marques nominatives contenant le mot « cat » (chat) pour étayer son affirmation selon laquelle la marque procat est distinctive ou connue des consommateurs au Canada. En l’espèce, la juge a expressément examiné cette question et, constatant que la preuve présentait des lacunes, elle n’a pas contesté la décision de la Commission à cet égard. La juge s’est exprimée comme suit :

De plus, la COMC a conclu que rien n’indique que la marque de commerce procat a acquis un caractère distinctif. Bien que M. Narriman atteste dans son deuxième affidavit que des articles chaussants procat ont été vendus dans des magasins Target au Canada, les pièces à l’appui qui sont jointes à son affidavit indiquent des ventes d’autres produits procat, y compris des bouteilles d’eau, des bandeaux, des ballons de soccer et des protège‑tibias. Au mieux, je suis disposée à conclure, de minimis, à des ventes d’articles chaussant au Canada dans des magasins Target pendant la période limitée où ces magasins étaient exploités ici. En outre, bien que M. Narriman atteste également dans son deuxième affidavit que Target, aux États‑Unis, vend [avec livraison des produits procat] à des clients au Canada par l’entremise de son site Web, aucun détail de ces ventes [avec livraison] n’a été fourni.

(Décision de la juge, au para. 73) [Mon soulignement.]

[34] Il n’y a aucune raison de revenir sur cette conclusion.

[35] Comme je l’ai indiqué ci-dessus, Puma a présenté une série d’arguments concernant l’évaluation des éléments de preuve par la juge en ce qui concerne le caractère distinctif inhérent de la marque de Caterpillar, CAT accompagnée d’un triangle. Bien que l’analyse de la confusion comprenne une comparaison entre la marque de l’opposante (CAT accompagnée d’un triangle) et la marque de la demanderesse (procat), il incombe en l’espèce à Puma, en tant que demanderesse, de démontrer qu’il n’y a pas de risque de confusion. En se fondant sur le facteur du caractère distinctif inhérent et de la notoriété, Puma aurait dû démontrer que la marque procat était distinctive et connue dans la mesure où un consommateur occasionnel et pressé, dont le souvenir est imparfait, associerait cette marque à Puma. Comme je l’ai expliqué ci-dessus, la juge a constaté, compte tenu de la preuve, que Puma ne s’est pas acquittée de ce fardeau. La juge a donc conclu que la marque de Caterpillar possédait un « un degré élevé de caractère distinctif inhérent » (décision de la juge, au para. 67) et, par conséquent, sur ce motif d’appel, je conclus que Puma n’a pas soulevé d’erreur manifeste et dominante.

B. La juge a-t-elle commis une erreur dans sa détermination du degré de ressemblance entre la marque procat et la marque CAT accompagnée d’un triangle?

[36] Plusieurs conclusions de la juge concernant le degré de ressemblance se recoupent avec ses conclusions concernant le caractère distinctif. C’est souvent le cas, car les considérations soulevées dans chacun des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi sont entrelacées et déterminent ensemble le risque de confusion. Néanmoins, le facteur du degré de ressemblance est souvent « le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion » (Masterpiece, au para. 49).

[37] Après avoir examiné le facteur du degré de ressemblance, la juge a d’abord convenu avec la Commission que les marques des parties se ressemblent dans la présentation et la phonétique du fait qu’elles ont le composant « cat » en commun. Cependant, la juge n’est pas d’accord avec la Commission sur le fait que le préfixe « pro » dans la marque procat aide à la différencier de la marque de Caterpillar, CAT accompagnée d’un triangle. Le juge a fait référence à son analyse du caractère distinctif inhérent à cet égard et à sa conclusion selon laquelle il existait des éléments de preuve que le mot « pro » avait une connotation suggestive ou élogieuse et a donc déplacé l’accent sur le mot « cat ». Elle a conclu qu’il y avait une ressemblance importante entre les deux marques, car la caractéristique dominante des deux marques était « cat » (décision de la juge, au para. 78).

[38] Puma fait valoir que la juge a commis une erreur en ne considérant pas chacune des marques en litige comme un tout et en se concentrant plutôt sur le mot « cat » dans les deux marques. Selon Puma, il s’agit là d’une erreur manifeste et dominante, car, en faisant abstraction des éléments distinctifs de chacune des marques, la juge a finalement comparé le « mot cat par rapport au mot cat » et a inévitablement conclu que les marques se ressemblaient.

[39] Cet argument ne peut pas non plus être retenu. La décision de la Cour suprême dans Masterpiece enseigne qu’il est légitime de tenir compte d’un élément frappant ou unique d’une marque pour déterminer si elle ressemble à une autre marque et que « les marques de commerce comportant certaines différences peuvent aussi créer de la confusion » (décision de la juge, au para. 64; Masterpiece, aux para. 62 à 64). L’arrêt Masterpiece enseigne également que, lorsque l’enregistrement d’une marque verbale est demandé, il faut garder à l’esprit que cette marque verbale peut être utilisée ultérieurement dans la taille, le style de lettres, la couleur ou le motif du choix de l’entreprise (Masterpiece, au para. 55). Comme le souligne à juste titre Caterpillar, le degré de ressemblance doit donc être examiné en tenant compte de l’utilisation réelle ainsi que de toutes les utilisations futures possibles.

[40] En l’espèce, la juge a examiné différentes présentations de la marque de Puma où « parfois, les éléments “pro” et “cat” sont présentés dans des couleurs différentes et […] parfois, “ProCat” est employé avec le principal dessin de félin qui bondit » (décision de la juge, au para. 80). La juge a estimé que le mot CAT dans la marque CAT accompagnée d’un triangle de Caterpillar était dominant, malgré les arguments contraires de Puma :

Je ne suis pas d’accord avec l’argument de Puma selon lequel le dessin de triangle est l’élément dominant de la marque de commerce déposée de Caterpillar. À mon avis, le mot « CAT » est l’aspect le plus dominant de la marque de commerce CAT & TRIANGLE DESIGN, surtout dans le son ou la façon dont la marque de commerce serait prononcée, tandis que le mot « cat » est l’élément le plus dominant de la marque de commerce procat à la lumière de la connotation suggestive ou élogieuse de l’élément « pro ». Je conclus que ce dernier point est étayé par les éléments de preuve fournis par M. Narriman dans son deuxième affidavit, selon lesquels l’emploi des sous‑marques ou de noms de produits formés du mot « cat » par Puma visait à invoquer l’image d’un félin.

(Décision de la juge, au para. 83)

[41] Comme elle l’a fait pour le facteur du caractère distinctif inhérent, Puma soulève à nouveau la préoccupation que l’analyse de la juge aboutisse à un monopole sur le mot « cat » au profit de Caterpillar. Cette affirmation n’est pas convaincante. Il a été jugé que les marques constituées de mots d’usage courant méritent une protection plus restreinte et qu’un certain risque de confusion est acceptable pour permettre une concurrence loyale sur le marché : General Motors Corp. v. Bellows, [1949] R.C.S. 678, [1950] 1 D.L.R. 569, p. 691. Toutefois, cela nécessite généralement une preuve – insuffisante en l’espèce – que le mot est si couramment utilisé dans le commerce qu’un consommateur sera sensible à de petites différences dans la marque (Johnson (S.C.) and Son, Ltd. et autre c. Marketing International Ltd., [1980] 1 R.C.S. 99, 105 D.L.R. (3d) 423, p. 110 à 112; décision Swatch, au para. 42; San Miguel Brewing International Limited c. Molson Canada 2005, 2013 CF 156, 108 C.P.R. (4th) 325, aux para. 33 à 40).

[42] Sur ce point, il ne s’ensuit pas que Caterpillar puisse désormais empêcher l’enregistrement de toute marque utilisant le mot « cat ». Comme je l’indique ci-dessous, les éléments de preuve concernant l’état du registre fournis par Puma indiquent clairement que ce n’est pas le cas. Il s’agit seulement du fait que le simple mot servant de marque procat, qui n’est différencié que par un préfixe élogieux et qui ne présente que peu d’indices d’utilisation ou de reconnaissance par les consommateurs, n’est pas suffisamment distinctif pour empêcher toute confusion quant à la provenance des produits en litige. La juge était donc en droit de former ses propres conclusions quant aux similitudes entre les deux marques, sans bénéficier d’aucune preuve d’experts ou d’enquêtes (décision de la juge, au para. 84; Masterpiece, au para. 90) et Puma n’a fait valoir aucun principe de droit indiquant le contraire.

[43] En clair, la juge n’a pas accordé à Caterpillar un monopole sur le mot « cat ». Elle a simplement conclu que la marque procat ressemblait à la marque de Caterpillar. Il n’est pas loisible à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve relative à la ressemblance des marques en litige afin d’aboutir au résultat que Puma aurait préféré. Ce motif d’appel doit également être rejeté.

C. La juge a-t-elle commis une erreur en estimant que les circonstances importantes de l’espèce n’étaient pas favorables à Puma?

[44] Puma soutient que la juge a commis une erreur en ne prenant pas en compte deux circonstances importantes à l’appui de sa demande d’enregistrement de la marque procat : l’état du registre et la famille de marques contenant le mot « cat » de Puma. Comme je l’ai expliqué ci-dessous, Puma n’a pas réussi à démontrer que la juge a commis une erreur dans son analyse des circonstances de l’espèce.

[45] Tout d’abord, en ce qui concerne l’état du registre, la juge a estimé que 13 marques ne constituaient pas un nombre suffisant pour permettre de conclure à une utilisation sur le marché. Puma concède que la juge a pris en compte l’état du registre aux paragraphes 91 à 96 de ses motifs, mais allègue qu’il existait de nombreuses autres marques enregistrées pertinentes contenant le mot « cat ». Selon Puma, cette erreur a entaché toute l’analyse de la juge sur l’état du registre, car elle a considéré que 13 marques étaient un nombre insuffisant pour tirer des conclusions sur l’état du marché. Puma affirme également que, même s’il n’y avait que 13 marques enregistrées pertinentes, cela aurait été suffisant pour tirer la conclusion que le mot « cat » est un terme couramment utilisé sur le marché et que, par conséquent, les consommateurs sont plus sensibles aux différences entre les produits portant des marques qui contiennent le mot « cat ».

[46] Pour sa part, Caterpillar fait valoir que la juge n’a pas commis d’erreur en ne se fondant que sur 13 des marques enregistrées au motif que les autres marques ne lui étaient pas réellement soumises, étant donné qu’elle avait jugé irrecevable l’affidavit de Mme Papadopoulos mettant à jour la preuve de l’état du registre. Puma n’est pas d’accord et allègue que ces marques ont été correctement présentées à la juge par l’intermédiaire du contre-interrogatoire de l’auteur de l’affidavit pour Caterpillar, M. Beaupre.

[47] En réalité, et quels que soient les arguments des parties, la juge a effectivement pris en considération le contre-interrogatoire de M. Beaupre au sujet des « sous‑marques ou noms de produits formés du mot “Cat” » (décision de la juge, au para. 96). En toute honnêteté, le refus de la juge de tirer la conclusion recherchée par Puma – à savoir que « cat » est un terme couramment utilisé sur le marché – n’était pas uniquement fondé sur son appréciation du fait que 13 enregistrements étaient trop peu nombreux, mais également sur l’absence de preuve d’un usage réel des marques enregistrées :

En d’autres termes, ce nombre de marques de commerce est insuffisant pour tirer des conclusions sur l’état du marché, particulièrement sans que l’emploi sur le marché soit démontré : McDowell, précité, au para 46, citant Hawke & Company Outfitters LLC c Retail Royalty Company, 2012 CF 1539 au para 40. Cette conclusion s’applique aux marques de commerce BOBCAT et ARCTIC CAT sur lesquelles Puma a cherché à s’appuyer particulièrement pendant l’audience devant moi. Même si les propriétaires de ces marques de commerce étaient, peut‑être certes, des concurrents de Caterpillar, rien n’indique si ces marques sont employées dans l’espace occupé par les articles chaussants et les couvre‑chefs sur le marché, et, le cas échéant, dans quelle mesure elles sont employées.

(Décision de la juge, au para. 94) [Mon soulignement.]

[48] Comme l’a noté la juge, le nombre de marques similaires nécessaires pour établir qu’un élément d’une marque est courant en liaison avec les produits pertinents est une question contextuelle qui dépend des faits de l’affaire en question (au para. 91). La juge était en droit d’accorder moins de poids à l’existence de marques tierces au motif qu’aucune preuve d’un usage effectif sur le marché pertinent n’a été apportée (décision de la juge, aux para. 95 et 96). En effet, de telles lacunes dans la preuve nuisent au fardeau qui incombe à Puma (voir, par exemple, McDowell c. Laverana GmbH & Co. KG, 2017 CF 327, 154 C.P.R. (4th) 128, aux para. 42 à 46; Hawke & Company Outfitters LLC c. Retail Royalty Company, 2012 CF 1539, 108 C.P.R. (4th) 358, aux para. 40 à 46).

[49] Puma affirme néanmoins que la juge aurait dû tirer une conclusion à l’encontre de Caterpillar en raison de l’absence de preuve d’une confusion réelle. Le recours de Puma à cette lacune est mal fondé. Le paragraphe 6(5) de la Loi traite de la probabilité de confusion, et non de l’existence d’une confusion réelle. Si la preuve d’une confusion effective peut être convaincante, l’absence d’une telle preuve peut être jugée non pertinente lorsque, comme en l’espèce, il n’y a aucune preuve que les marques tierces enregistrées ont été utilisées en même temps que la marque de l’opposante. Il incombait à Puma de démontrer que l’existence de marques tierces permettait de tirer la conclusion qu’elle souhaitait, à savoir que le terme « cat » est un terme couramment utilisé en liaison avec des chaussures et des couvre-chefs. Étant donné que Puma n’a pas réussi à démontrer une utilisation réelle, Caterpillar a, à raison, refusé de tenter de démontrer une confusion réelle.

[50] Deuxièmement, en ce qui concerne la famille de marques contenant le mot « cat » de Puma, celle-ci reconnaît que la juge a examiné sa famille de marques aux paragraphes 86 à 89 de ses motifs. Toutefois, Puma soutient que la juge a commis une erreur en ne considérant pas que ses éléments de preuve relatifs aux quantités vendues et aux captures d’écran de la boutique de détail en ligne de Puma démontraient que les marques formées du mot « cat », qu’elles soient enregistrées ou établies en common law par l’usage, sont associées à Puma. Puma fait valoir que ces éléments de preuve illustrent clairement que les noms de marque contenant le mot « cat » de Puma sont reconnus par les consommateurs et que l’enregistrement d’une autre marque formée du mot « cat », à savoir la marque procat, n’introduirait aucun risque de confusion quant à la source.

[51] Comme le souligne Caterpillar, la juge a soigneusement pris en compte la preuve relative à la famille de marques de Puma dans son examen des circonstances de l’espèce (mémoire public des faits et du droit de Caterpillar, au para. 60). Le juge a noté que l’affichage de marques verbales dans des catalogues ne suffit pas à établir l’usage (décision de la juge, au para. 87) et que les chiffres de vente associés aux noms de marque contenant le mot « cat » n’indiquaient pas dans quelle mesure les consommateurs reconnaîtraient un nom de produit contenant le mot « cat » sans le dessin du chat sauteur de Puma (décision de la juge, au para. 89).

[52] Comme je l’ai indiqué ci-dessus, bien que la juge n’ait pas expressément mentionné les pièces présentant des images provenant du magasin de détail en ligne de Puma, en tant que juge des faits, la présomption qu’elle a examiné tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés s’applique (Housen, au para. 46; Mahjoub, au para. 67). En effet, une lecture équitable de son analyse révèle clairement que la juge n’a pas manqué de prendre en compte les éléments de preuve présentés par Puma. Au contraire, elle a simplement constaté que ces éléments de preuve étaient insuffisants pour tirer les conclusions recherchées par Puma :

En ce qui concerne les photos jointes en tant que pièce à cet affidavit, lesquels montrent un exemple d’étiquette de boîte à chaussures et d’une étiquette volante de t‑shirt arborant respectivement les noms de produits Future Cat et Paint Cat Tree, la pièce fournit des reproductions « agrandies » des mêmes [photos] en raison de la petite taille de l’impression, où ces noms figurent sur l’étiquette et l’étiquette volante. De même, aucun renseignement n’a été fourni concernant la quantité ou l’étendue de la distribution de ce matériel aux consommateurs, ni la mesure dans laquelle les consommateurs reconnaîtraient ou connaîtraient les sous‑marques ou les noms de produits formés du mot « Cat » dont l’emploi a été démontré en liaison avec l’étiquette et l’étiquette volante en raison de la très petite taille des caractères des noms, particulièrement dans le contexte du consommateur pressé.

(Décision de la juge, au para. 88)

[53] Puma demande à la Cour de conclure que la juge était « obnubilée » par le fait que les images fournies des produits de Puma étaient « agrandies », au point de ne pas tenir compte des éléments de preuve qui lui étaient présentés. Cependant, la juge ne faisait que mesurer comment les produits de Puma pourraient se présenter à un consommateur occasionnel pressé, dont le souvenir est imparfait, qui rencontre les produits de Puma dans la vie réelle.

[54] Puma soutient également que la juge n’a pas accordé à ses éléments de preuve de ventes importantes le poids qu’ils méritaient. Bien que la preuve des chiffres de vente, de l’emballage ou de la publicité ait été jugée suffisante pour démontrer l’usage (ouvrage Fox on Trade-marks, de Kelly Gill, au paragraphe 8:38; Everex Systems Inc. c. Everdata Computer Inc. [1992] A.C.F. no 701, 44 C.P.R. (3d) 175 (CF 1re inst.), aux para. 28 à 30), les motifs de la juge n’indiquent pas non plus qu’elle n’a pas tenu compte de cette preuve. Ce point est expressément abordé au paragraphe 89 de ses motifs et elle a convenu avec la Commission que c’est le motif du « chat qui saute » qui lie les produits à Puma dans l’esprit du consommateur, et non le mot « cat » dans les gammes de produits de Puma (décision de la juge, aux para. 86, 89 et 90). Il était loisible à la juge de conclure que les éléments de preuve produits par Puma étaient insuffisants pour démontrer que ce lien existerait pour la marque procat sans l’intégration du dessin du chat qui saute. À ce titre, la juge pouvait également estimer que la preuve de l’utilisation par Puma d’autres marques formées du mot « cat » avait peu d’incidence sur le risque de confusion entre la marque procat et la marque CAT accompagnée d’un triangle de Caterpillar.

[55] Je ne discerne aucune erreur manifeste et dominante. Par conséquent, je rejetterais également ce moyen d’appel.

VIII. Conclusion

[56] Pour tous ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens, fixés à une somme globale de 20 000 $, payable par Puma à Caterpillar.

« Richard Boivin »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Yves de Montigny, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Judith Woods, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-276-21

 

INTITULÉ :

PUMA SE c. CATERPILLAR INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 3 novembre 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 10 janvier 2023

 

COMPARUTIONS :

Lorne Lipkus et David Lipkus

Pour l’appelante

John Cotter et Sydney Young

 

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kestenberg Siegal Lipkus LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour l’appelante

 

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée

 

 

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