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Date : 20230118


Dossier : A-307-20

Référence : 2023 CAF 9

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE LOCKE

LE JUGE LEBLANC

 

 

ENTRE :

SUCCESSION DE FEU GAÉTAN GAGNÉ

appelante

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

Audience tenue à Montréal (Québec), le 14 novembre 2022.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 18 janvier 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LEBLANC

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE LOCKE

 


Date : 20230118


Dossier : A-307-20

Référence : 2023 CAF 9

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE LOCKE

LE JUGE LEBLANC

 

 

ENTRE :

SUCCESSION DE FEU GAÉTAN GAGNÉ

appelante

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LEBLANC

[1] La Cour est saisie de l’appel d’un jugement du juge Réal Favreau de la Cour canadienne de l’impôt (la CCI), rendu en date du 17 novembre 2020 (Gagné (Succession) c. La Reine, 2020 CCI 111) (le Jugement). Aux termes du Jugement, le juge Favreau (le Juge) rejetait l’appel de l’appelante (la Succession) contestant une cotisation établie contre monsieur Gaétan Gagné (maintenant décédé), le 22 mai 2013 (l’Avis de cotisation) aux termes de l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, c. E-15 (la Loi). Cet article, aux conditions qui y sont prescrites, rend les administrateurs d’une personne morale tenue au versement d’un montant de taxe nette, solidairement responsables, avec cette dernière, du paiement de ce montant et des intérêts et pénalités y afférents.

I. Contexte

[2] En l’espèce, l’Agence du revenu du Québec (l’ARQ), agissant à titre de mandataire de l’intimé, ici représenté par la ministre du Revenu national (la Ministre), a déterminé que feu Gaétan Gagné (Gaétan Gagné) était, sur la base de cette disposition, solidairement responsable du paiement d’un montant de taxe nette sur les produits et services que la société 9129-7903 Québec Inc. (la Société) était tenue de verser à la Ministre, conformément au paragraphe 228(2) de la Loi, pour la période de déclaration s’étendant du 31 décembre 2006 au 30 septembre 2010 (la Période de déclaration). La Société, qui œuvrait dans le secteur de la restauration, était alors en défaut d’acquitter ce montant de taxe nette, lequel était de l’ordre de 162 696,42 $, et la Ministre avait épuisé ses recours en recouvrement contre elle.

[3] Gaétan Gagné s’est opposé à l’Avis de cotisation aux motifs, pour l’essentiel, que celui-ci était prescrit, plus de deux ans s’étant écoulés entre la date de son émission et le moment où il avait cessé d’être administrateur de la Société, et que les états financiers utilisés par la Ministre pour établir le montant de la cotisation étaient de nature « pro forma » et, donc, représentaient non pas les revenus réels de la Société, mais ceux anticipés en marge de l’agrandissement projeté de la surface du restaurant que la Société opérait alors.

[4] Le 7 juillet 2015, la Ministre rejetait l’opposition de Gaétan Gagné et quelques semaines plus tard, celui-ci portait l’affaire devant la CCI, réitérant les arguments qu’il avait fait valoir dans le cadre de son opposition à l’Avis de cotisation. Il y plaidait aussi que les conditions donnant ouverture à la solidarité établie par l’article 323 de la Loi n’étaient de toute façon pas rencontrées et à supposer qu’elles le soient, qu’il avait agi avec autant de soin, de diligence et de compétence que l’aurait fait, dans les mêmes circonstances, une personne raisonnablement prudente. Gaétan Gagné décédait le 3 octobre 2017. La Succession a par la suite pris fait et cause pour lui dans l’appel devant la CCI.

[5] Le 11 novembre 2019, soit trois jours avant le début de l’audience devant la CCI, la Succession amendait l’avis d’appel, alléguant que Gaétan Gagné (i) n’avait même jamais été administrateur de droit de la Société, (ii) que s’il l’avait été, c’était par erreur et (iii) qu’il n’avait, en outre, jamais même été administrateur de facto de la Société pendant toute la période où celle-ci avait été en activité.

II. Le Jugement

[6] Le Juge a conclu que Gaétan Gagné avait été administrateur de jure de la Société pendant toute la Période de déclaration, c’est-à-dire entre le 26 juin 2006, date à laquelle son nom a été inscrit comme administrateur de la Société au Registre des entreprises du Québec (le REQ) établi en vertu de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales, R.L.R.Q. c. P-45 (la LPLE), remplacée par Loi sur la publicité légale des entreprises, R.L.R.Q. c. P-44.1, lequel registre fait foi de son contenu, et le 9 février 2012, date à laquelle son nom en a été retiré (Jugement aux paras. 48 et 52-54).

[7] Le Juge a, du même coup, rejeté l’idée que Gaétan Gagné ait pu être nommé administrateur par erreur, vu la faiblesse de la preuve soumise par la Succession sur ce point. Il lui est plutôt apparu « très plausible » que Gaétan Gagné ait été nommé administrateur « vu que ce dernier détenait plus de 50% des actions votantes de la [Société] » (Jugement aux paras. 50-51), statut « confirmé par les différents documents de démission mis en preuve » (Jugement au para. 53).

[8] Ayant conclu que Gaétan Gagné était administrateur de jure de la Société pendant toute la Période de déclaration et que, par conséquent, l’Avis de cotisation n’était pas prescrit, le Juge a déterminé qu’il ne lui était pas nécessaire d’aussi considérer si Gaétan Gagné avait été administrateur de facto pendant cette période, la preuve au dossier démontrant de toute façon, selon lui, que c’est le fils de Gaétan Gagné, Jean-François Gagné, qui agissait alors à ce titre (Jugement au para. 55).

[9] Quant à la défense de diligence raisonnable, le Juge ne l’a pas retenue, se disant d’avis que bien qu’il ait été au courant des difficultés financières de la Société et qu’il ait posé certains gestes pour l’aider à s’acquitter de ses obligations financières, Gaétan Gagné n’avait rien fait pour prévenir les manquements de la Société à ses obligations fiscales (Jugement au para. 56).

[10] Finalement, le Juge a estimé que l’utilisation des états financiers pro forma de la Société aux fins de déterminer le montant de la taxe nette due par celle-ci au cours de la Période de déclaration était justifiée, puisqu’il s’agissait là des seuls états financiers disponibles lors de la vérification fiscale de la Société, menée par l’ARQ, sans que celle-ci n’ait par ailleurs accès aux registres comptables de l’entreprise pour les années vérifiées. Selon le Juge, « [u]n contribuable ne peut invoquer sa propre turpitude et réclamer des ajustements par la suite », ce que tentait de faire la Succession (Jugement au para. 58).

III. Les motifs d’appel de la Succession

[11] Les reproches adressés au Jugement par la Succession peuvent se résumer comme suit :

a) En notant que rien dans la preuve n’indiquait qu’il ait consenti à devenir administrateur de la Société et que les formalités corporatives requises pour le nommer administrateur n’avaient pas été exécutées, le Juge ne pouvait, sans errer en droit, conclure que Gaétan Gagné était administrateur de jure de celle-ci pendant la Période de déclaration puisqu’il s’agit là, dans un cas comme dans l’autre, en droit québécois et canadien, de conditions impératives à l’accession au statut d’administrateur;

b) Le Juge a erronément écarté l’argument selon lequel la désignation de Gaétan Gagné comme administrateur de la Société aurait été faite par erreur en n’attribuant aucune force probante à la preuve principale de la Succession sur ce point, soit la déclaration assermentée et le témoignage de l’auteur de la déclaration modificative soi-disant erronée produite auprès du REQ en 2006, soit Me Sylvain Doré, le procureur de la Société à l’époque, tout comme il aurait erronément inféré ce statut d’administrateur des documents de démission mis en preuve ou encore du fait qu’il détenait à un certain moment plus de 50% des actions votantes de la Société;

c) Il aurait dû conclure que les faits mis en preuve écartaient la présomption établie par la LPLE, laquelle, par le biais de ses articles 62 et 82, prévoit que les renseignements inscrits au REQ font preuve de leur contenu au bénéfice des tiers de bonne foi, ce qu’il n’a pas fait;

d) Quant à la défense de diligence raisonnable, le Juge s’est mépris en concluant que Gaétan Gagné n’en avait pas fait preuve puisqu’une personne placée dans les mêmes circonstances, c’est-à-dire une personne qui n’a été ni administrateur de jure, ni administrateur de facto d’une société, ne saurait être tenue responsable des manquements de cette société à ses obligations fiscales ou autres;

e) Enfin, le Juge a erré en concluant que l’utilisation des états financiers pro forma était justifiée aux fins d’établir le montant de l’Avis de cotisation, alors que des états financiers vérifiés, reflétant les « vrais » chiffres de la Société pour les années 2009 et 2010, ont été produits en 2013 par les représentants de Gaétan Gagné dans le cadre du processus d’opposition à l’Avis de cotisation.

IV. Question en litige et norme d’intervention

[12] À mon avis, il n’y a qu’une seule question à résoudre en l’espèce, soit celle de savoir si le Juge, en concluant comme il l’a fait, a commis une erreur justifiant l’intervention de cette Cour. Celle-ci sera justifiée d’intervenir si le Juge a commis une erreur de droit ou encore une erreur manifeste et dominante sur une conclusion de fait ou mixte de fait et de droit.

[13] Il est bien établi, en effet, que le Jugement doit être examiné par cette Cour à l’aune de la norme de contrôle établie dans l’affaire Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33 (Housen) (voir aussi : Canada c. Buckingham, 2011 CAF 142 au para. 24 (Buckingham); Contact Lens King Inc. c. Canada, 2022 CAF 154 au para. 19). Selon cette norme, les pures questions de droit doivent être examinées suivant la norme de la décision correcte, alors que les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit dont on ne peut extraire une pure question de droit, ne sont révisables qu’en présence d’une erreur manifeste et dominante.

[14] Eu égard aux pures questions de droit, la Cour a « toute latitude pour substituer [son] opinion à celle des juges de première instance »; aucune déférence, donc, ne leur est due sur ces questions (Housen au para. 8). Ce n’est pas le cas des conclusions de fait (Housen au para. 10) ou encore des conclusions mixtes de fait et de droit, lesquelles supposent l’application d’une norme juridique à un ensemble de faits (Housen au para. 26). La norme d’intervention, dans de tels cas, est plus exigeante. En effet, la Cour n’interviendra que si l’erreur reprochée est évidente et qu’elle a une incidence directe sur l’issue de l’affaire, à supposer, dans les cas des conclusions mixtes de fait et de droit que la norme juridique applicable a été correctement formulée par le juge des faits (Housen aux paras. 4-6 et 27-28; European Staffing Inc. c. Canada (Revenu national), 2020 CAF 219 au para. 13 (European Staffing)).

[15] Comme nous l‘avons vu, la Succession attaque les conclusions du Juge relatives au statut d’administrateur de jure de Gaétan Gagné, à la défense de diligence raisonnable et à l’utilisation des états financiers pro forma dans l’établissement de l’Avis de cotisation.

[16] Pour les motifs ci-après, la Succession ne m’a pas convaincu qu’il y a lieu d’intervenir.

V. Le statut d’administrateur de jure

[17] Les circonstances de la présente affaire sont pour le moins inusitées. En effet, la thèse de la Succession s’articule principalement, depuis novembre 2019, autour de la prétention que Gaétan Gagné n’a jamais été administrateur de la Société puisque contrairement à ce qu’exige le droit en la matière, il n’aurait jamais consenti à le devenir et les formalités pour valider sa désignation n’auraient jamais été exécutées.

[18] Or, la difficulté avec cette thèse tardive est que le principal intéressé, Gaétan Gagné, de son vivant, ne l’a jamais mis de l’avant auprès des autorités fiscales (Jugement au para. 32). La preuve ne manque pas à ce sujet (Dossier d’appel, interrogatoire principal de Valérie Casgrain à la p. 748; Interrogatoire principal de Chantal Thériault à la p. 801; Interrogatoire principal de Me Simon Rocheleau à la p. 826). Les représentants de Gaétan Gagné, dans leurs discussions avec l’ARQ au stade de l’opposition à l’Avis de cotisation, auraient même, selon la preuve au dossier, reconnu son statut d’administrateur (Jugement au para. 40; Dossier d’appel, interrogatoire principal de Me Simon Rocheleau aux pp. 840-841, 846-847 et 876-877). L’avis d’opposition produit par Gaétan Gagné à l’encontre de l’Avis de cotisation, de même que la mouture originale de l’Avis d’appel déposé devant la CCI, où l’accent est plutôt mis sur la démission de Gaétan Gagné comme administrateur, l’illustrent d’ailleurs éloquemment (Dossier d’appel aux pp. 47-49).

[19] Cette toile de fond est essentielle à la résolution du présent appel. En d’autres termes, on ne peut examiner la question du statut d’administrateur de Gaétan Gagné en faisant abstraction du fait (i) que l’argument voulant qu’il n’ait jamais été administrateur n’a été soulevé, suivant la prépondérance de la preuve au dossier, que par le biais de l’Avis d’appel modifié produit à la onzième heure auprès de la CCI; (ii) que Gaétan Gagné a eu tout le loisir de le faire de son vivant, de lui-même ou par le biais de ses représentants, et (iii) qu’il était présumé être administrateur de jure de la Société pendant toute la période en cause du fait des renseignements consignés au REQ.

[20] Cela est essentiel parce que la question de la détermination du statut d’administrateur de Gaétan Gagné en l’espèce, demeure, tout compte fait, une question mixte de fait et de droit. En effet, de façon générale, l’administrateur de jure a obtenu ce statut de manière formelle, c’est-à-dire suivant la législation applicable et les statuts de la société dont il est administrateur (MacDonald c. La Reine, 2014 CCI 308 au para. 30 (MacDonald)). Il faut donc examiner la loi par laquelle la société en cause a été constituée. Dans les provinces de common law, l’administrateur de jure d’une société est celui qui a expressément ou implicitement consenti à sa nomination. Cette règle est généralement suivie en matière fiscale fédérale (Hay c. La Reine, 2004 CCI 51 au para. 34 ; MacDonald au para. 35).

[21] En l’espèce, la Société a été constituée en vertu de la Loi sur les compagnies, R.L.R.Q. c. C-38, laquelle prévoit à l’article 88, que les administrateurs sont élus par les actionnaires de la manière prescrite par l’acte constitutif ou les règlements de la société. Cette loi est par contre silencieuse sur la question du consentement à occuper une telle charge. À cet égard, il faut s’en remettre à l’article 338 du Code civil du Québec, R.L.R.Q. c. CCQ-1991 qui stipule, à son deuxième alinéa, que « [n]ul ne peut être désigné comme administrateur s’il n’y consent expressément ». Cette disposition ne requiert cependant pas, comme c’est le cas d’autres provinces, à tout le moins l’Ontario et le Nouveau-Brunswick, que le consentement soit consigné par écrit (Loi sur les sociétés par actions, L.R.O. 1990, c. B.16, par. 119(9) ; Loi sur les corporations commerciales, L.N-B. 1981, c. B-9.1, al. 63(3)b) ; voir aussi : MacDonald aux paras. 31 et 40 ; Pereira v. The Queen, 2007 TCC 737 aux paras. 12-13 ; Lau c. La Reine, 2002 CanLII 47028 (CCI) aux paras. 5 et 15).

[22] Au Québec, donc, la présence du consentement, et de son caractère exprès, est affaire de circonstances, comme le démontre la jurisprudence se rapportant au droit corporatif québécois (Commission de la construction du Québec c. Légaré, 1998 CanLII 10989 (QC CQ) aux paras. 15 et 24 ; Bisaillon c. La Reine, 2010 CCI 44 au para. 8 (Bisaillon) ; Bishara c. Le Roi, 2022 CCI 105 aux paras. 75-76 et 108 (Bishara)).

[23] En l’espèce, la Succession plaide qu’à partir du moment où il s’est dit d’avis, au paragraphe 49 de ses motifs, que rien dans la preuve n’indiquait que Gaétan Gagné avait consenti à devenir actionnaire et administrateur de la Société, le Juge ne pouvait plus conclure que Gaétan Gagné avait été administrateur de jure pendant la Période de déclaration.

[24] Je ne saurais tirer cette conclusion dans les circonstances bien particulières de la présente affaire. Effectivement, il n’y a pas de preuve directe au dossier indiquant que Gaétan Gagné a consenti à devenir administrateur de la Société. Il n’y a pas de preuve directe non plus qu’il n’ait pas consenti à le devenir. Je crois que c’est de cette façon qu’il faut lire cet extrait du Jugement, la seule, à mon avis, qui puisse, en toute logique, s’arrimer avec le reste du Jugement et l’ensemble de la preuve au dossier.

[25] En effet, le point de départ de l’analyse doit être la présomption créée par l’article 62 de la LPLE. Cette disposition se lit comme suit :

CHAPITRE V - REGISTRE

CHAPTER V – REGISTER

SECTION I - CONSTITUTION

DIVISION I - CONSTITUTION

62. Les informations relatives à chaque assujetti font preuve de leur contenu en faveur des tiers de bonne foi à compter de la date où elles sont inscrites à l’état des informations. Les tiers peuvent par tout moyen contredire les informations contenues dans une déclaration ou dans un document transféré au registraire en vertu de l’article 72, 72.1 ou 73.

Ces informations sont les suivantes :

62. The information relating to each registrant is proof of its contents in favour of third persons in good faith from the date on which it is entered in the statement of information. Third persons may submit any proof to refute the information contained in a declaration or in a document transferred to the enterprise registrar under section 72, 72.1 or 73.

That information shall include:

[…]

[…]

le nom et le domicile de chaque administrateur avec mention de la fonction qu’il occupe;

(6) the names and domiciles of the directors, with an entry indicating the position held by each;

[…]

[…]

[26] Cette disposition fait partie d’un ensemble de règles visant à protéger les tiers de bonne foi en vue de « favoriser la sûreté des rapports juridiques » (Matte c. Charron, 2010 QCCA 1496 au para. 71). La protection découlant de l’article 62 de la LPLE n’est cependant pas absolue, la présomption qu’il crée étant réfragable, et ce, de manière à protéger les intérêts de la personne qui peut prouver qu’elle n’occupe plus – ou n’a jamais occupé – la charge d’administrateur, malgré l’information inscrite au REQ.

[27] Au moment où l’Avis de cotisation a été établi, Gaétan Gagné, du fait que son nom avait été, sans interruption, inscrit au REQ entre le 26 juin 2006 et le 9 février 2012, était présumé, au bénéfice des tiers de bonne foi, et donc de la Ministre, avoir été administrateur en bonne et due forme de la Société pendant cette période. La Ministre était donc en droit de présumer aussi que les exigences formelles devant précéder sa désignation comme administrateur, y compris celle du consentement, avaient été remplies.

[28] Il appert des paragraphes 47 à 49 et 52 du Jugement que le Juge s’est bien dirigé en droit à cet égard. Pour être exonéré de l’obligation solidaire qui lui incombait alors aux termes de l’article 323 de la Loi à titre d’administrateur de la Société, Gaétan Gagné devait donc repousser cette présomption (The Estate of Bela Miklosi c. La Reine, 2004 CCI 253 au para. 24 ; Bishara au para. 112), tout comme il lui appartenait, plus généralement, de réfuter les hypothèses de la Ministre en établissant « des faits qui permettent d’affirmer que la cotisation n’était pas autorisée par la loi fiscale », et ce, sur le fondement d’une preuve « crédible et suffisamment convaincante, selon la balance des probabilités » (Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, 1997 CanLII 357 (CSC); European Staffing aux paras. 15-16).

[29] La question de savoir, dans ce contexte, si Gaétan Gagné avait consenti ou non à être administrateur de la Société était, ici, largement une question de fait. Le Juge a noté que le principal intéressé, de son vivant, n’avait, en aucune occasion, soulevé n’avoir jamais consenti à être administrateur de la Société (Jugement au para. 32). Pourtant, les occasions n’ont pas manqué pour le faire. Sa théorie, comme on l’a vu, était plutôt qu’il avait démissionné de ce poste bien avant le début de la période de prescription établie par le paragraphe 323(5) de la Loi.

[30] Le Juge aurait pu ajouter que Gaétan Gagné était notamment représenté par avocats lors de ses échanges avec l’ARQ au sujet de l’Avis de cotisation, soit Me Dorais, celui-là même qui avait préparé la déclaration modificative de novembre 2006 produite auprès du REQ et désignant Gaétan Gagné comme administrateur, et Me Jocelyn Ouellette, le « bras droit de Me Dorais » (Dossier d’appel, contre-interrogatoire de Jean-François Gagné à la p. 704; Interrogatoire principal de Me Sylvain Dorais à la p. 529), les deux étant identifiés comme les représentants de Gaétan Gagné sur le formulaire d’opposition à l’Avis de cotisation (Dossier d’appel à la p. 48).

[31] Le Juge a aussi rejeté la théorie de la Succession voulant que la désignation de Gaétan Gagné comme administrateur de la Société ait été faite par erreur. Tel que mentionné précédemment, le Juge n’a accordé aucune force probante à la preuve principale présentée par la Succession sur ce point, soit l’affidavit de Me Dorais, au motif que Me Dorais s’était essentiellement fié sur les dires du fils de Gaétan Gagné, Jean-François Gagné, et qu’il n’avait effectué aucune vérification de ses dossiers avant de signer l’affidavit (Jugement au para. 50).

[32] Cette conclusion de fait me parait inattaquable. En effet, il appert de la preuve au dossier que la signature de cet affidavit a fait suite à une rencontre tenue entre Me Dorais et Jean-François Gagné en avril 2019 à la demande de ce dernier. L’affidavit a été produit sur la base des « explications reçues de monsieur Gagné », sans que Me Dorais ne fasse lui-même de vérification (Dossier d’appel, interrogatoire principal de Me Sylvain Dorais aux pp. 533-534).

[33] Mais il y a plus. Me Dorais a précisé lors de son témoignage que l’ajout au REQ du nom de Gaétan Gagné comme administrateur de la Société en 2006 faisait suite à des instructions qui lui avaient été données par Jean-François Gagné, de qui toutes ses instructions venaient (Dossier d’appel, interrogatoire principal de Me Sylvain Dorais aux pp. 540-541 et 545). Il a alors fait, soutient-il, « ce qu’on m’a demandé de faire » (Dossier d’appel, interrogatoire principal de Me Sylvain Dorais à la p. 547), ce qu’a contesté vivement Jean-François Gagné lors de son témoignage, en affirmant que son remplacement par son père comme administrateur de la Société en 2006, défiait la « logique », était « insensé » et le laissait « sans mot » (Dossier d’appel, interrogatoire principal de Jean-François Gagné aux pp. 639-640).

[34] La décision de nommer Gaétan Gagné comme administrateur de la Société était peut-être mal avisée, comme l’a prétendu Jean-François Gagné au procès (Dossier d’appel, interrogatoire principal de Jean-François Gagné aux pp. 620-621; Interrogatoire principal de Me Sylvain Dorais à la p. 545; Interrogatoire principal de Me Simon Rocheleau à la p. 843), mais elle a néanmoins été prise.

[35] Tout cela exacerbe, à mon sens, les failles de la théorie de l’erreur, les deux principaux témoins de la Succession sur ce point ne s’entendant pas sur les éléments clés de cette théorie. L’évocation tardive de la thèse voulant que Gaétan Gagné n’ait jamais été administrateur de la Société, soit parce qu’il n’a jamais consenti à l’être, soit parce que cela s’est fait par erreur, n’est pas non plus sans conséquence sur la plausibilité de cette thèse (Hunter c. La Reine, 2018 CCI 108 au para. 31).

[36] Il apparait tout aussi plausible, comme l’a noté le Juge, que Gaétan Gagné ait été nommé administrateur de la Société vu qu’il détenait alors plus de 50% des actions votantes de la Société (Jugement au para. 51). À mon sens, le Juge était parfaitement en droit de tirer cette inférence à la lumière de l’ensemble de la preuve qu’il avait devant lui.

[37] Je rappelle que la norme d’intervention applicable aux questions de fait ou mixtes de fait et de droit, m’impose, en tant que juge d’appel, un degré de retenue élevé à l’égard des conclusions et inférences de fait tirées par le Juge (Housen aux paras. 10–25). En effet, la tâche de tirer ou non des inférences ou présomptions de fait est une fonction centrale du juge des faits. Les conclusions qui en découlent, comme on l’a vu également, ne peuvent être renversées en appel qu’en présence d’une erreur manifeste et dominante (Housen au para. 21; voir aussi Tiger-Vac International inc. c. Mambro, 2021 QCCA 53 au para. 18). Ce fardeau est élevé et pour en illustrer la teneur, cette Cour a déjà dit que pour conclure à l’erreur manifeste et dominante, il ne suffit pas de faire tomber les feuilles et les branches d’un arbre; l’on doit plutôt « faire tomber l’arbre tout entier » (Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165 au para. 46). Ce fardeau n’a pas été rencontré ici.

[38] La Succession aura donc échoué à démontrer, par une preuve « crédible et suffisamment convaincante, selon la balance des probabilités », que la désignation de Gaétan Gagné comme administrateur, en 2006, était le fruit d’une erreur ou avait été faite sans le consentement du principal intéressé. Le Juge était en conséquence bien fondé d’écarter cette thèse.

[39] Elle aura aussi échoué, à mon avis, à démontrer que le Juge n’a pas suffisamment attribué de poids aux documents de démission, datant de fin 2007, début 2008, mis en preuve lors du procès. Nous sommes encore ici dans l’appréciation des faits, sujette à examen selon la norme de l’erreur manifeste et dominante.

[40] Le moins que l’on puisse dire, c’est que les faits entourant la démission de Gaétan Gagné soulèvent plus de questions qu’ils n’en résolvent. Comme le souligne la Ministre dans son mémoire, des trois exemplaires d’avis de démission évoqués au procès, l’un d’eux n’a pas été produit, soit l’avis manuscrit présumément signé par Gaétan Gagné sur une feuille de papier de couleur jaune. Jean-François Gagné a d’ailleurs été incapable d’expliquer ce qu’il a fait avec cet avis de démission provenant présumément de son père. En réponse à des questions du Juge, il a même évoqué qu’il ait pu être confectionné au cours de l’année 2017 (Dossier d’appel, interrogatoire principal de Jean-François Gagné aux pp. 666-667).

[41] Quant aux deux autres documents, ils sont de format différent et ne concordent pas au niveau des dates, d’autant plus que l’un est signé par Jean-François Gagné alors qu’il n’est plus ni actionnaire ni administrateur de la Société. De plus, la preuve révèle que des changements ont été apportés aux informations inscrites au REQ au sujet de la Société entre janvier 2008 et le 9 février 2012, mais qu’aucun de ces changements n’a porté sur le statut d’administrateur de Gaétan Gagné (Dossier d’appel, interrogatoire principal de Me Simon Rocheleau aux pp. 829-830).

[42] À cela s’ajoute la présence de certains indices dans la preuve au dossier tendant à démontrer que Gaétan Gagné a posé des gestes pour le compte de la Société postérieurement aux soi-disant avis de démission, soit la signature, en octobre 2009, d’une déclaration modificative auprès du REQ à titre de « personne autorisée par la personne morale à signer » (Dossier d’appel aux pp. 200-204), la signature d’une procuration désignant la firme de comptables Dufour, Charbonneau, Brunet et Associés à titre de représentant de la Société dans les tractations de cette dernière avec l’ARQ en septembre 2011 (Dossier d’appel, capture d’écran des dossiers de l’ARQ à la p. 456; voir aussi : Dossier d’appel, contre-interrogatoire de Chantal Thériault aux pp. 806-807), et le paiement d’une somme de 20 000$, tirée de son compte personnel, pour éponger une partie de la dette fiscale de la Société dans le cadre du processus d’opposition à l’Avis de cotisation (Dossier d’appel, interrogatoire principal de Valérie Casgrain à la p. 748).

[43] Il est bien établi que la partie qui invoque la prescription du paragraphe 323(5) de la Loi doit pouvoir démontrer une date de démission précise, capable d’une vérification objective (Canada c. Chriss, 2016 CAF 236 au para. 14). La conclusion du Juge suivant laquelle cette démonstration n’a pas été faite de manière à enclencher l’application de cette prescription, trouvait appui, selon moi, dans la preuve. En d’autres termes, cette conclusion, à la lumière de l’ensemble de la preuve au dossier, n’est pas le fruit d’une erreur manifeste et dominante.

[44] Qu’en est-il, finalement, de l’argument lié à l’absence de formalités ayant précédé cette désignation? La Succession plaide que la désignation de Gaétan Gagné à titre d’administrateur n’a pas été faite en conformité avec les règlements de la Société, ce qu’a reconnu le Juge au paragraphe 49 de ses motifs. Selon ces règlements, les administrateurs sont élus par les actionnaires à chaque assemblée annuelle ou lors d’une assemblée extraordinaire. Or, rien de cela, plaide-t-elle, n’a été fait dans le cas de Gaétan Gagné, pas plus qu’une résolution corporative n’est venue constater l’élection de ce dernier, ce qui suffirait, selon elle, pour repousser la présomption établie à l’article 62 de la LPLE.

[45] Pour une société dont la tenue de livres est, selon la preuve au dossier, inexistante à partir de l’année 2005 (Dossier d’appel, interrogatoire principal de Jean-François Gagné aux pp. 656-657 ; Dossier d’appel aux pp. 89-175), l’argument a peu de poids. D’ailleurs, les décisions invoquées par la Succession sur ce point ne l’assistent pas, puisqu’elles sont, pour l’essentiel, des révisions de décisions rendues par le Registraire des entreprises (le Registraire) sur des demandes d’annulation d’inscriptions au REQ faites aux termes de l’article 84 de la LPLE ou de sa nouvelle mouture, l’article 132 de la Loi sur la publicité légale des entreprises du Québec.

[46] En l’espèce, non seulement ce type de demande n’a jamais été formulé, mais la jurisprudence citée par la Succession concerne principalement le rôle du Registraire en cette matière, lequel y est décrit comme étant « surtout technique et légaliste, de manière à contrôler la fiabilité des informations déposées au registre » (Piciacchia c. Doroudian, 2011 QCCQ 1843 au para. 130). Cette jurisprudence porte donc avant tout sur les rapports entre le Registraire et ceux et celles qui estiment que leur nom a été inscrit par erreur au REQ. Elle est donc de peu d’utilité.

[47] Dans un contexte plus proche du nôtre, c’est-à-dire une affaire elle aussi entreprise dans le contexte de l’article 323 de la Loi, l’affaire Bisaillon, la défense d’absence de formalités y a été considérée, mais ce n’est pas sur cette base qu’elle a été décidée (Bisaillon aux paras. 4 et 8).

[48] Par rapport aux tiers de bonne foi, ce type d’argument, en droit corporatif québécois, a peu de valeur. En effet, il est bien établi qu’une société ne peut leur opposer un vice de régie interne, y compris l’irrégularité dans l’élection d’un administrateur, pour se soustraire à ses obligations (Paul Martel, La société par actions au Québec : Les aspects juridiques, vol.1, Montréal, Wilson & Lafleur, 2022 aux paras. 26-63 et 26-103). En d’autres circonstances, la défense de formalisme corporatif a tout aussi peu de valeur, lorsqu’elle se heurte à l’ensemble des faits de l’affaire (Côté c. Côté, 2014 QCCA 388; Mennillo c. Intramodal inc. 2016 CSC 51, [2016] 2 R.C.S. 438; Gestion Bon Conseil inc. c. Guèvremont, 2006 QCCA 109 aux paras. 163-168).

[49] Dans le contexte de la présente affaire, là où le bât blesse, notamment, c’est que la Succession tente d’exploiter un vice de régie interne que le principal intéressé n’a même jamais soulevé alors, qu’encore une fois, il aurait eu amplement l’occasion de le faire.

[50] D’aucuns pourraient prétendre que le Jugement souffre de lacunes au niveau de la justification. Toutefois, je rappelle que l’insuffisance des motifs ne constitue pas, en soi, un moyen d’appel si le résultat ressort par ailleurs clairement du dossier (Van de Perre c. Edwards, 2001 CSC 60, [2001] 2 R.C.S. 1014 au para. 15; Lesko v. Lesko, 2021 ONCA 369 aux paras. 22 et 49, référant à : R. c. G.F., 2021 CSC 20 au para. 70). À mon sens, c’est le cas en l’espèce.

[51] En somme, la Succession n’a pas été en mesure de démontrer que le Juge s’est mal dirigé en droit ou a commis une erreur manifeste et dominante en concluant que Gaétan Gagné avait été administrateur de la Société pendant l’ensemble de la Période de déclaration et que, par conséquent, la créance de la Ministre à son égard découlant de l’Avis de cotisation établi en vertu de l’article 323 de la Loi n’était pas prescrite.

VI. La diligence raisonnable

[52] Le Juge a conclu de la preuve au dossier que bien que Gaétan Gagné ait posé certains gestes pour aider la Société à rencontrer ses obligations financières, il n’avait néanmoins posé aucun geste visant à prévenir les manquements de la Société à ses obligations fiscales et n’avait pas fait preuve, dans ce contexte, de la diligence et de la prudence attendues d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances (Jugement au para. 56).

[53] Le reproche adressé au Juge par la Succession sur ce point a comme prémisse que Gaétan Gagné n’a jamais été administrateur de la Société. Comme j’ai déterminé que le Juge était bien fondé, à partir de l’ensemble de la preuve au dossier, de conclure autrement, ce reproche n’a aucun fondement et doit, sur cette seule base, être rejeté.

[54] Cette Cour, dans l’affaire Buckingham, rappelait que la conduite de l’administrateur doit être appréciée selon une norme objective, écartant ainsi le principe de common law suivant lequel « la gestion d’une société par un administrateur doit être jugée suivant les compétences, les connaissances et les aptitudes personnelles de celui-ci » (Buckingham au para. 38). Ainsi, une personne nommée administrateur « doit activement s’acquitter des devoirs qui s’attachent à sa fonction, et il ne lui sera pas permis de se défendre contre une allégation de malfaisance dans l’exécution de ses obligations en invoquant son inaction » (ibid).

[55] En l’espèce, je suis satisfait, au vu de l’ensemble de la preuve au dossier, que le Juge n’a commis aucune erreur manifeste et dominante en concluant comme il l’a fait sur cette question, à savoir que Gaétan Gagné n’a, dans les faits, posé aucun geste visant à prévenir les manquements de la Société à ses obligations fiscales.

VII. Les états financiers pro forma

[56] Selon le Juge, l’ARQ était justifiée d’utiliser les états financiers pro forma aux fins de l’établissement des sommes dues aux termes de l’Avis de cotisation puisque ce sont les seuls états financiers qui étaient disponibles au moment de la vérification de la Société et qu’aucun registre comptable n’avait été fourni à la vérificatrice. Le Juge a estimé que la Succession ne pouvait « invoquer sa propre turpitude et réclamer des ajustements par la suite » (Jugement au para. 58).

[57] La Succession prétend que le Juge a erré en ne tenant pas compte des états financiers produits en 2013 auprès de l’ARQ, dans le cadre des procédures d’opposition à l’Avis de cotisation, lesquels reflétaient, selon elle, les « vrais » chiffres de la Société pour les années 2009 et 2010. Elle ajoute que les états financiers pro forma, basés sur des valeurs estimatives, auraient été produits par erreur auprès de l’ARQ et soutient que ceux produits en 2013 ont été écartés arbitrairement par l’ARQ.

[58] Encore ici, je ne vois aucune erreur manifeste et dominante de la part du Juge. Cette question est éminemment factuelle. Selon la preuve, il fait peu de doute que la vérificatrice qui a établi le montant des sommes dues aux termes de l’Avis de cotisation, n’avait en main que les états financiers pro forma et que malgré plusieurs demandes de sa part, Gaétan Gagné et ses représentants n’ont jamais fourni les registres comptables pour les années vérifiées (Dossier d’appel, interrogatoire principal de Chantal Thériault aux pp. 788-790).

[59] Il ressort de la preuve également qu’au stade de l’opposition à l’Avis de cotisation, l’agent d’opposition de l’ARQ a demandé en vain les documents appuyant les états financiers produits en 2013, ni Jean-François Gagné ni Me Dorais n’ayant donné suite à ces demandes (Dossier d’appel, interrogatoire principal de Me Simon Rocheleau à la p. 834).

[60] Il semble que les états financiers pro forma aient été préférés aux états financiers produits en 2013, suite à un débat au sein de l’ARQ, au motif que les premiers, contrairement aux seconds, ont été analysés sur le fond (Dossier d’appel, interrogatoire principal de Me Simon Rocheleau aux pp. 835-836). Entre autres, les ventes inscrites aux états financiers de 2013 auraient été jugées faibles pour le secteur de la restauration compte tenu du total de marchandises vendues (Dossier d’appel, interrogatoire principal de Chantal Thériault aux pp. 797-798).

[61] J’estime que la conclusion du Juge sur cette question, qui reposait sur une appréciation des différents témoignages entendus au procès, notamment ceux de la vérificatrice et de l’agent d’opposition, était à sa portée. Évidemment, cet imbroglio aurait pu être évité par la Succession, et par Gaétan Gagné et ses représentants avant elle, s’ils avaient pleinement collaboré avec l’ARQ. Comme le Juge l’a mentionné, la Succession tend ici à tirer avantage de sa propre turpitude.

[62] Je rejetterais donc ce moyen d’appel et l’appel en son entier, et le ferais avec dépens devant cette Cour. À défaut d’une suggestion commune des parties sur cette question, je fixerais le montant des dépens, comme le permet le paragraphe 400(4) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, à 1 500,00$, déboursés inclus.

[63] Conformément à la Directive à la pratique émise par le juge en Chef de cette Cour le 9 septembre 2022 à l’intention des membres de la communauté juridique et de toutes les parties aux instances devant la Cour, la désignation de l’intimé dans le présent appel a été changée pour « Sa Majesté le Roi ».

« René LeBlanc »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Johanne Gauthier j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Georges R. Locke j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-307-20

 

INTITULÉ :

SUCCESSION DE FEU GAÉTAN GAGNÉ c. SA MAJESTÉ LE ROI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 novembre 2022

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LEBLANC

 

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE LOCKE

 

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 JANVIER 2023

 

 

COMPARUTIONS :

Étienne Paradis

 

Pour l'appelante

 

Gabriel Déry

 

Pour l'intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Zaurrini Avocats

Laval, Québec

 

Pour l'appelante

 

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

 

Pour l'intimée

 

 

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