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Date : 20240118


Dossiers : A-273-22

A-274-22

Référence : 2024 CAF 16

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LEBLANC

LE JUGE HECKMAN

 

 

ENTRE :

 

 

GESTION M.-A. ROY INC. et

 

 

4452712 CANADA INC.

 

 

appelantes

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LE ROI

 

 

intimé

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 18 janvier 2024.

Jugement rendu à l’audience à Montréal (Québec), le 18 janvier 2024.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE BOIVIN

 


Date : 20240118


Dossiers : A-273-22

A-274-22

Référence : 2024 CAF 16

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LEBLANC

LE JUGE HECKMAN

 

 

ENTRE :

 

 

GESTION M.-A. ROY INC. et

 

 

4452712 CANADA INC.

 

 

appelantes

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LE ROI

 

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec), le 18 janvier 2024.)

LE JUGE BOIVIN

[1] Les appelantes, Gestion M.-A. Roy Inc. (Gestion Roy) et 4452712 Canada Inc., se pourvoient à l’encontre du jugement du juge Smith de la Cour canadienne de l’impôt (la CCI), rendu le 28 novembre 2022 (2022 CCI 144). La CCI a confirmé les cotisations émises par la ministre du Revenu national à l’égard des années d’imposition 2014, 2015, 2016 et 2017. La CCI a déterminé que des paiements de primes d’assurance effectués par un tiers (R3D) à l’égard de contrats d’assurance, dont les appelantes sont titulaires, constituent un avantage au sens des paragraphes 15(1) et 246(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. 1 (5e suppl.) (Loi).

[2] Les appelantes étaient titulaires de six (6) polices d’assurance-vie entière avec comptes de placement d’une valeur totale de 20 000 000 $. Les polices assuraient la vie de leur actionnaire majoritaire, Marc-André Roy, et les primes étaient payées par R3D, la bénéficiaire révocable. R3D est une société en exploitation détenue majoritairement par M. Roy par l’entremise de Gestion Roy. Cette structure a été conçue afin que R3D ait le capital nécessaire pour racheter ses actions de la succession de M. Roy advenant le décès de ce dernier.

[3] Les appelantes soulèvent de nombreuses questions devant notre Cour, mais elles se résument en fait à la question suivante : la CCI a-t-elle erré en déterminant que les paiements des primes effectués par R3D, en l’espèce, à l’égard d’un contrat d’assurance, constituent un avantage au sens de la Loi?

[4] La norme de contrôle qui s’applique en l’espèce est celle de l’erreur manifeste et dominante (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235). Comme l’a rappelé notre Cour à plusieurs reprises, notamment dans la décision Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165 au para 46, ce fardeau est lourd : « Lorsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier ».

[5] Nous sommes tous d'avis que cet appel ne peut être accueilli. Nous souscrivons essentiellement à la démarche adoptée par la CCI et adoptons son analyse des questions en cause et son raisonnement juridique à leur égard.

[6] Les appelantes font valoir qu’en tant que titulaires, elles n’ont jamais obtenu d’avantage puisque les polices d’assurance ont été annulées avant que le décès de M. Roy survienne et que de toute manière, elles n’étaient pas désignées comme bénéficiaires au contrat. Or, lorsque les appelantes étaient titulaires, faut-il rappeler que R3D payait les primes d’assurance année après année. Ce faisant, les appelantes ont reçu un avantage puisque pendant des années elles ont été titulaires de polices totalisant un capital-décès de 20 000 000$ avec tous les droits y afférant sans avoir à s’acquitter des primes. La CCI n’a pas erré en concluant qu’il existait d’une part, un avantage pour les appelantes, c’est-à-dire le maintien de la couverture d’assurance, et, d’autre part, un appauvrissement correspondant pour R3D, c’est-à-dire le montant payé au titre des primes d’assurance.

[7] Les appelantes soumettent également qu’elles ne se sont pas vues attribuer un avantage puisqu’elles n’ont pas perçu la valeur de rachat des comptes de placement, celle-ci ayant été versée à R3D. En tant que titulaires des contrats, le choix de verser la valeur de rachat à R3D appartenait aux appelantes. Elles auraient tout autant pu conserver ces montants pour elles-mêmes. Nous ne décelons aucune erreur dans la conclusion de la CCI selon laquelle « le bénéfice qu’a reçu R3D avec l’aval de M. Roy n’est pas pertinent à l’avantage reçu par les appelantes, soit le montant des primes payées par R3D » car « le droit de rachat revient à l’assuré ou au titulaire de la police et non au bénéficiaire [R3D] » (Jugement de la CCI aux para. 72 et 102).

[8] Les appelantes soutiennent de plus que R3D n’avait pas l’intention de leur conférer un avantage et qu’en réalité, lorsque la durée du contrat est prise en compte, l’intention était de conférer un avantage à R3D. Cependant, comme notre Cour l’a indiqué dans l’arrêt Laliberté : « la jurisprudence n’établit pas de manière universelle un lien entre un tel appauvrissement et l’intention d’une société, et encore moins avec l’intention subjective d’un actionnaire majoritaire » (Laliberté c. La Reine, 2020 CAF 97 au para. 44 (Laliberté)). La CCI a correctement conclu que la question de savoir si une opération commerciale confère un bénéfice à l’actionnaire est généralement une question de fait et nous ne décelons pas d’erreur qui justifierait notre intervention.

[9] Compte tenu de notre conclusion quant à la qualification de l’avantage, nous ne voyons aucune erreur dans la détermination de la valeur de l’avantage qu’a faite la CCI pour les années en cause.

[10] Finalement, nous partageons la conclusion de la CCI selon laquelle l’analyse à être effectuée au terme du paragraphe 246(1) est substantiellement la même que celle prescrite par le paragraphe 15(1) (voir Laliberté).

[11] L’appel sera donc rejeté avec dépens.

« Richard Boivin »

j.c.a.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

A-273-22 ET A-274-22

 

 

INTITULÉ :

GESTION M.-A. ROY INC. et 4452712 CANADA INC. c. SA MAJESTÉ LE ROI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 janvier 2024

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LEBLANC

LE JUGE HECKMAN

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :

LE JUGE BOIVIN

 

COMPARUTIONS :

Julie Gaudreault-Martel

Lisa-Marie Gauthier

Pour les appelantEs

 

Christian Lemay

Éliane Mandeville

 

Pour l'intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Julie Gaudreault-Martel BCF s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

 

Pour les appelantEs

 

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Pour l'intimé

SA MAJESTÉ LE ROI

 

 

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