Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

Date : 20131015

Dossier : A-123-13

Référence : 2013 CAF 244

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE GAUTHIER

                        LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

TEVA CANADA LIMITÉE

appelante

et

NOVARTIS PHARMACEUTICALS CANADA INC., LE MINISTRE DE LA SANTÉ, NOVARTIS AG et BOEHRINGER MANNHEIM GMBH

intimés

 

 

ET ENTRE :

 

TEVA CANADA LIMITÉE

appelante

et

NOVARTIS PHARMACEUTICALS CANADA INC., LE MINISTRE DE LA SANTÉ, NOVARTIS AG et ROCHE DIAGNOSTICS GMBH

intimés

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 15 octobre 2013

Jugement prononcé à l'audience à Toronto (Ontario), le 15 octobre 2013

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                              LA JUGE GAUTHIER

 


 

Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

Date : 20131015

Dossier : A-123-13

Référence : 2013 CAF 244

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE GAUTHIER

                        LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

TEVA CANADA LIMITÉE

appelante

et

NOVARTIS PHARMACEUTICALS CANADA INC., LE MINISTRE DE LA SANTÉ, NOVARTIS AG et BOEHRINGER MANNHEIM GMBH

intimés

 

 

ET ENTRE :

 

TEVA CANADA LIMITÉE

appelante

et

NOVARTIS PHARMACEUTICALS CANADA INC., LE MINISTRE DE LA SANTÉ, NOVARTIS AG et ROCHE DIAGNOSTICS GMBH

intimés

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

 

(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 15 octobre 2013)

 

LA JUGE GAUTHIER

[1]               Teva Canada Limitée (Teva) interjette appel de l'ordonnance d'interdiction que le juge Hughes de la Cour fédérale (le juge) a rendue après avoir entendu ensemble, sur preuve et argumentation communes, deux demandes fondées sur le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133, se rapportant à l'allégation d'invalidité du brevet no 1 338 937 (le brevet 937) et du brevet no 1 338 895 (le brevet 895) formulée par Teva.

 

[2]               L'appel ne porte que sur les dispositions de l'ordonnance accueillant la demande à l'égard du brevet 937 et interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Teva concernant les concentrations de 4 mg/5 ml (dossier T‑1420‑11) et de 5 mg/100 ml (dossier T‑288‑12) d'une solution d'acide zolédronique pour perfusion intraveineuse tant que le brevet 937 ne sera pas expiré.

 

[3]               Teva soutient que l'analyse relative à l'évidence que le juge a effectuée concernant le brevet 937 comportait des erreurs, notamment en ce qu'il :

i)          a appliqué une norme plus exigeante en matière d'évidence en se fondant sur l'extrait d'une décision du Royaume‑Uni (MedImmune Limited v. Novartis Pharmaceuticals UK, [2012] EWCA Civ 1234, paragraphe 90) qu'il a cité au paragraphe 161 de ses motifs;

 

ii)         a omis d'établir l'état de la technique de façon convenable et de recenser les différences entre l'idée originale et l'état de la technique, comme l'exige le troisième volet du « critère Sanofi » (Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, [2008] 3 R.C.S. 265);

 

iii)        a mal appliqué le quatrième volet de l'analyse parce qu'il a omis ou mal effectué l'analyse exigée par le troisième volet.

 

[4]               Teva ajoute que les erreurs de droit susmentionnées entachant l'analyse ont également vicié la conclusion de fait tirée par le juge, selon laquelle « il reste trop d'incertitude quant à savoir si une combinaison donnée sera utile ».

 

[5]               Selon Teva, le juge a mal interprété et mal apprécié la preuve, et il semble avoir fait abstraction d'importants éléments de preuve concernant l'art antérieur.

 

[6]               Nous ne pouvons retenir l'argument selon lequel le juge a appliqué une norme plus exigeante que celle qu'a établie l'arrêt Sanofi lorsqu'il a examiné la question de savoir si le brevet 937 était évident. Il est clair que la conclusion formulée au paragraphe 159 des motifs du juge est fondée sur le critère énoncé par la Cour suprême du Canada. Les remarques exprimées au paragraphe 161 ne sont que des embellissements rhétoriques et n'ajoutent rien à l'énoncé figurant au paragraphe 64 des motifs du juge Rothstein dans Sanofi :

Le régime des brevets vise à favoriser le financement de la recherche et du développement, ce qui est assurément d'une importance capitale dans le domaine pharmaceutique et celui de la biotechnologie. [Je souligne.]

 

[7]               Pour ce qui est de l'affirmation voulant que le juge n'ait pas appliqué le troisième volet du « critère Sanofi », il appert de l'arrêt Sanofi et de la jurisprudence postérieure qu'il n'existe pas de démarche unique ou obligatoire à cet égard (voir, par exemple, Wenzel Downhole Tools Ltd. c. National‑Oilwell Canada Ltd., 2012 CAF 333, au paragraphe 105, Corlac Inc. c. Weatherford Canada Ltd., 2011 CAF 228, aux paragraphes 67 et 68).

 

[8]               En outre, bien que nous convenions que le juge, en l'espèce, aurait pu en dire davantage sur la question des différences entre l'idée originale, telle qu'il l'a définie, et l'état de la technique, nous estimons qu'il a effectivement analysé cette question. Cela ressort clairement des paragraphes 148 à 154 de ses motifs, en particulier du paragraphe 154, où il indique :

154      Après avoir pris connaissance de la preuve présentée par tous les témoins experts, tant dans leurs affidavits que dans leurs contreinterrogatoires, je dois présumer que, malgré la présence d'un vaste choix d'atomes ou de molécules ou de composés pouvant être liés au squelette du carbone géminal d'un bisphosphonate, même si un coupleur carbone était utilisé, il reste trop d'incertitude quant à savoir si une combinaison donnée sera utile. [...]

 

[9]               Bref, on ne nous a pas convaincus que la démarche suivie par le juge pour parvenir à ses conclusions de fait en matière d'évidence était entachée d'une erreur de droit. L'argument de l'appelante voulant que le juge ait omis d'appliquer le « critère Sanofi », ce qui l'aurait amené à tirer la conclusion erronée susmentionnée relative à l'incertitude, est donc sans fondement.

 

[10]           En sélectionnant certains éléments de la preuve, l'appelante a tenté de nous convaincre qu'une conclusion différente aurait pu être tirée, mais malgré ces efforts, elle n'a pas établi que le juge a commis une erreur manifeste et dominante dans son appréciation de la preuve.

 

[11]           À cet égard, les passages suivants des motifs du juge Stratas dans Yukon Forest Corporation c. Canada, 2012 CAF 165, aux paragraphes 46 et 51, sont pertinents :

[46]      L'erreur manifeste et dominante constitue une norme de contrôle appelant un degré élevé de retenue : H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401; Peart c. Peel Regional Police Services, (2006), 217 O.A.C. 269 (C.A.), aux paragraphes 158 et 159; arrêt Waxman, précité. Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente, et par erreur « dominante », une erreur qui touche directement à l'issue de l'affaire. Lorsque l'on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l'arbre debout. On doit faire tomber l'arbre tout entier.

 

[...]

 

[51]      Parfois, des appelants soutiennent, en invoquant l'erreur manifeste et dominante, que les motifs ne mentionnent pas certaines questions qu'ils estiment importantes, ou ne le font que sommairement. Pour juger de la validité d'une telle prétention, il faut veiller à bien faire la différence entre l'erreur manifeste et dominante véritable, d'une part, et le sous‑produit légitime de l'examen minutieux et de la synthèse ou les formulations inadéquates innocentes, d'autre part.

 

 

[12]           Le juge est réputé avoir examiné toute la preuve qui lui a été présentée, et le simple fait qu'il n'ait pas mentionné certains éléments de l'art antérieur ne réfute pas cette présomption (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, paragraphe 46). Il existait en outre en l'espèce des indications claires que le juge s'était montré réceptif et attentif aux questions soulevées, mais qu'il n'avait simplement pas adhéré à l'analyse de la preuve proposée par l'appelante.

 

[13]           En conséquence, l'appel sera rejeté avec dépens.

 

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur


Cour d'appel fédéralE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

Dossier :

A-123-13

 

INTITULÉ :

TEVA CANADA LIMITÉE c. NOVARTIS PHARMACEUTICALS CANADA INC., LE MINISTRE DE LA SANTÉ, NOVARTIS AG ET BOEHRINGER MANNHEIM GMBH

 

 

TEVA CANADA LIMITÉE c. NOVARTIS PHARMACEUTICALS CANADA INC., LE MINISTRE DE LA SANTÉ, NOVARTIS AG ET ROCHE DIAGNOSTICS GMBH

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                         Le 15 octobre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                            Le juge EVANS

                                                                        LA JUGE GAUTHIER

                                                                        LE JUGE NEAR

 

PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR :    LA JUGE GAUTHIER

 

COMPARUTIONS :

Jeffrey S. Leon

Dominique T. Hussey

A. Chandimal Nicholas

 

 

POUR L'APPELANTE

 

Anthony G. Creber

Livia Aumand

 

 

POUR L'INTIMÉE

Novartis PharmaCEUTICALS Canada inc.

 

Aucune comparution

 

POUR L'INTIMÉ

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

Aucune comparution

POUR LES INTIMÉES

BOEHRINGER MANNHEIM GMBH ET ROCHE DIAGNOSTICS GMBH

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bennett Jones llp

Toronto (Ontario)

 

POUR L'APPELANTE

 

Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR L'INTIMÉE

Novartis PharmaCEUTICALS Canada inc.

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR L'INTIMÉ

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES INTIMÉES

BOEHRINGER MANNHEIM GMBH ET ROCHE DIAGNOSTICS GMBH

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.