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Date : 20131113

Dossier : A‑445‑12

Référence : 2013 CAF 265

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MAINVILLE

LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

RICHARD W. CLARE

 

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 1er octobre 2013.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 13 novembre 2013.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                   LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MAINVILLE

 


 


Date : 20131113

Dossier : A‑445‑12

Référence : 2013 CAF 265

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MAINVILLE

LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

RICHARD W. CLARE

 

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NEAR

[1]               M. Richard W. Clare a présenté une demande de contrôle judiciaire d’une décision non publiée du 19 septembre 2012 rendue par la Commission de révision agricole du Canada. La Commission a refusé d’accorder à M. Clare une prorogation de délai pour présenter une demande de révision d’une violation alléguée par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) du paragraphe 35(1)b) de la Loi sur la santé des animaux, L.C. 19‑90, ch. 21, pour avoir fait une déclaration fausse ou trompeuse à un inspecteur, un  analyste ou un agent d’exécution.

 

I. Les faits

[2]               Le 27 juin 2012, l’ACIA a émis l’avis de violation no 1112ON0018‑04 à M. Clare, assorti d’une sanction pécuniaire de 10 000 $ (pouvant être réduite de 50 % si elle est acquittée dans les 15 jours) où il est allégué qu’il a fait, le 15 avril 2011, une déclaration fausse ou trompeuse à un inspecteur. L’avis a été signifié par courrier recommandé le 3 juillet 2012 et il a ensuite été récupéré, le 4 juillet 2012, par un employé de M. Clare.

 

[3]               Plus tôt ce printemps-là, M. Clare avait reçu d’autres avis de violation émis par l’ACIA concernant le même animal et des allégations semblables à celles dont il est question en l’espèce. Ces autres avis de violation ont été signifiés à M. Clare personnellement. Par l’intermédiaire de son avocat, M. Clare a présenté à la Commission une demande de révision de ces autres violations.

 

[4]               M. Clare et son avocat ont fait valoir qu’ils ne s’étaient rendu compte de l’existence de la violation en cause qu’à la suite de discussions avec l’ACIA qui ont eu lieu depuis l’écoulement du délai prescrit de 30 jours pour soumettre une demande d’examen. M. Clare s’est par la suite mis à la recherche de cet avis de violation et l’a retrouvé dans les locaux de son bureau.

 

II. Historique des procédures

[5]               Le 14 août 2012, M. Clare a présenté une demande de révision de la violation devant la Commission. Une demande de prorogation de délai permettant de présenter la demande de révision de la violation a également été présentée à ce moment. L’avocat de M. Clare a reconnu que la demande de révision n’avait pas été présentée en temps utile en raison d’une « inadvertance » de la part de son client. En outre, l’avocat a admis que la [traduction] « demande de révision par la Commission n’avait pas été présentée dans le délai de 30 jours ».

 

[6]               La Commission a rejeté la demande de révision parce qu’elle avait été présentée après le délai prescrit de 30 jours suivant la notification de l’avis de violation.

 

[7]               Pour être en mesure d’accorder toute prorogation, la Commission a conclu que ce pouvoir devait lui être conféré par un texte législatif ou réglementaire. La Commission a conclu que nul texte législatif ou réglementaire ne lui accordait pas ce pouvoir, et elle a conclu qu’[traduction] « en l’instance, la Loi et son règlement d’application sont clairs, et que la question dont nous sommes saisis est explicitement visée par leurs dispositions » (au paragraphe 9).

 

III. Question en litige

[8]               La Commission a‑t‑elle compétence pour accueillir une demande de prorogation de délai en vue de la révision d’une violation?

 

IV. Norme de contrôle

[9]               La question de savoir si la Commission est légalement habilitée à accueillir une demande de prorogation de délai afin de permettre la présentation d’une demande de révision d’une violation est une question d’interprétation des lois.

 

[10]           Notre Cour enseigne que la norme de contrôle applicable lorsque la Commission interprète un texte législatif est celle de la décision correcte : Doyon c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 152, aux paragraphes 30 à 32 (Doyon); Canada (Procureur général) c. Porcherie des Cèdres Inc., 2005 CAF 59, au paragraphe 13; Canada (Agence canadienne de l’inspection des aliments) c. Westphal‑Larsen, 2003 CAF 383, au paragraphe 7 (Westphal‑Larsen).

 

V. Législation pertinente

[11]           La Loi sur la santé des animaux vise à protéger le Canada contre l’introduction et la propagation de maladies animales en réglementant des domaines tels que l’importation au Canada de produits et de sous‑produits d’animaux, la possession et le transport d’animaux ainsi que leur vente et leur destruction. Le paragraphe 35(1) interdit à quiconque d’entraver l’exécution de la Loi sur la santé des animaux.

 (1) Il est interdit d’entraver l’action de l’inspecteur, de l’analyste ou de l’agent d’exécution dans l’exercice des fonctions qui lui sont conférées par la présente loi ou les règlements ou de lui faire, oralement ou par écrit, une déclaration fausse ou trompeuse.

 

35. (1) No person shall obstruct or hinder or make any false or misleading statement either orally or in writing to an analyst, inspector or officer who is performing duties or functions under this Act or the regulations.

 

[12]           De façon à atteindre l’objectif législatif de la Loi sur la santé des animaux et à protéger le Canada contre l’introduction et la propagation de maladies animales, le législateur a adopté la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, L.C. 1995, ch. 40 (la loi SAPMAA). Cette loi, de concert avec la réglementation, établit un régime de sanctions administratives pécuniaires dont l’objectif est de faire respecter les lois canadiennes en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, dont la Loi sur la santé des animaux. Ce régime permet au ministre (dans les cas de violation à la Loi sur la santé des animaux, le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire) de prendre des règlements autorisant l’application du régime de sanctions administratives pécuniaires dans les cas d’infractions aux dispositions des lois agroalimentaires :

 (1) Le ministre peut, par règlement :

 

 

a) désigner comme violation punissable au titre de la présente loi la contravention — si elle constitue une infraction à une loi agroalimentaire :

 

(i) aux dispositions spécifiées d’une loi agroalimentaire ou de ses règlements,

 

[…]

 

 

 

 

 

 

 

b) qualifier les violations, selon le cas, de mineures, de graves ou de très graves;

 

c) fixer le montant — notamment par barème — de la sanction applicable à chaque violation;

 

d) prévoir les critères de majoration ou de minoration — notamment pour les transactions — de ce montant, ainsi que les modalités de cette opération;

 

 

 

e) régir la détermination d’un montant inférieur à la sanction infligée dont le paiement, dans le délai et selon les modalités réglementaires, vaut règlement;

 

f) prévoir les cas dans lesquels la Commission peut procéder, dans le cadre du paragraphe 14(1), par écrit ou par la tenue d’une audience;

 

g) régir, notamment par l’établissement de présomptions et de règles de preuve, la notification des documents autorisés ou exigés par la présente loi;

 

 

 

 

 

h) prendre toute mesure d’ordre réglementaire prévue par la présente loi;

 

i) prendre toute autre mesure d’application de la présente loi.

 

 (1) The Minister may make regulations

 

(a) designating as a violation that may be proceeded with in accordance with this Act

 

 

(i) the contravention of any specified provision of an agri‑food Act or of a regulation made under an agri‑food Act,

 

 

if the contravention, or the failure or neglect to perform the duty, as the case may be, is an offence under an agri‑food Act;

 

(b) classifying each violation as a minor violation, a serious violation or a very serious violation;

 

(c) fixing a penalty, or a range of penalties, in respect of each violation;

 

 

(d) respecting the circumstances under which, the criteria by which and the manner in which a penalty may be increased or reduced, including the reduction of a penalty pursuant to a compliance agreement under subsection 10(1);

 

(e) respecting the determination of a lesser amount that may be paid in complete satisfaction of a penalty if paid within the prescribed time and manner;

 

(f) respecting the circumstances under which reviews under this Act by the Tribunal shall be oral or in writing;

 

 

(g) respecting the service of documents required or authorized to be served under this Act including, without restricting the generality of the foregoing, the manner of serving such documents, the proof of their service and the circumstances under which such documents shall be deemed to have been served;

 

(h) prescribing anything that by this Act is to be prescribed; and

 

 

(i) generally, for carrying out the purposes and provisions of this Act.

 

 

[13]           En vertu de l’article 2 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, D.O.R.S./2000‑187 (le règlement SAPMAA), les infractions à la Loi sur la santé des animaux sont punissables conformément au régime de sanctions administratives pécuniaires :

 L’infraction à une disposition de la Loi sur la santé des animaux, de la Loi sur la protection des végétaux ou de leurs règlements, à tout arrêté ou toute catégorie d’arrêtés pris par le ministre au titre de la Loi sur la protection des végétaux, ou à toute obligation ou catégorie d’obligations — par refus ou omission de l’accomplir — découlant de la Loi sur la santé des animaux ou de la Loi sur la protection des végétaux, qui figure à la colonne 1 de l’annexe 1, est une violation punissable au titre de la Loi.

 

 The contravention of a provision of the Health of Animals Act or the Plant Protection Act or of a regulation made under these Acts, or the contravention of an order — or class of orders — made by the Minister under the Plant Protection Act, or the refusal or neglect to perform any specified duty — or class of duties — imposed by or under the Health of Animals Act or the Plant Protection Act that is set out in column 1 of an item of Schedule 1, is a violation that may be proceeded with in accordance with the Act.

 

 

[14]           En vertu de l’effet conjugué de l’article 3 et de l’annexe 1 du règlement SAPMAA, l’infraction prévue au paragraphe 35(1) de la Loi sur la santé des animaux est scindée en deux descriptions sommaires, emportant deux classifications différentes, et donc deux sanctions distinctes :

 Les sommaires figurant à la colonne 2 de l’annexe 1 sont établis pour caractériser, dans un procès‑verbal, la violation de la disposition correspondante figurant à la colonne 1 de la même annexe.

 

 The short‑form descriptions that are set out in column 2 of Schedule 1 are established to be used in notices of violations in respect of violations of the corresponding provisions that are set out in column 1 of Schedule 1.

 

[15]           L’annexe 1 du règlement SAPMAA dispose que l’ infraction au paragraphe 35(1) de la Loi sur la santé des animaux est qualifiée soit d’« infraction sérieuse », dans le cas d’entrave à l’action d’un inspecteur, d’un analyste ou d’un agent d’exécution en contravention de l’alinéa 35(1)a), soit d’« infraction très sérieuse », dans le cas d’une déclaration fausse ou trompeuse faite à un inspecteur, un analyste ou un agent d’exécution en contravention à l’alinéa 35(1)b).

 

[16]           Le paragraphe 5(3) du règlement SAPMAA dispose que la sanction pour une infraction très sérieuse commise dans le cadre d’une entreprise ou à des fins lucratives est de 10 000 $, sous réserve d’un rajustement (une sanction non rajustée de 10 000 $ semble avoir été appliquée à M. Clare) :

5. (3) Le montant de la sanction applicable à une violation commise par une personne dans le cadre d’une entreprise ou à des fins lucratives est de 6 000 $, dans le cas d’une violation grave, et de 10 000 $, dans le cas d’une violation très grave. Ce montant peut être rajusté, selon le calcul prévu à la colonne 2 de l’annexe 2 et en fonction de la cote de gravité globale figurant à la colonne 1, laquelle est établie conformément à l’article 6.

 

5. (3) The amount of the penalty in respect of a violation that is committed by a person in the course of business or in order to obtain a financial benefit is $6,000 for a serious violation and $10,000 for a very serious violation, with adjustments, if any, determined for each total gravity value, as established in accordance with section 6, that is set out in column 1 of Schedule 2 in accordance with the calculation set out in column 2.

 

 

[17]           Lorsque l’intéressé reçoit un avis de violation avec sanction, comme ce fut le cas pour M. Clare, la personne nommée dans le procès‑verbal de violation a l’option de demander à la Commission de l’entendre sur les faits reprochés en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la loi SAPMAA :

9. (2) À défaut d’effectuer le paiement, le contrevenant peut, dans le délai et selon les modalités réglementaires :

 

 

 

a) si la sanction est de 2 000 $ ou plus, demander au ministre de conclure une transaction en vue de la bonne application de la loi agroalimentaire ou du règlement en cause;

 

 

b) contester auprès du ministre les faits reprochés;

 

c) demander à la Commission de l’entendre sur les faits reprochés.

9. (2) Instead of paying the penalty set out in a notice of violation or, where applicable, the lesser amount that may be paid in lieu of the penalty, the person named in the notice may, in the prescribed time and manner,

 

(a) if the penalty is $2,000 or more, request to enter into a compliance agreement with the Minister that ensures the person’s compliance with the agri‑food Act or regulation to which the violation relates;

 

(b) request a review by the Minister of the facts of the violation; or

 

(c) request a review by the Tribunal of the facts of the violation.

 

[18]           Selon le paragraphe 11(2) du règlement SAPMAA, la personne qui désire se prévaloir de cette option doit le faire dans les 30 jours suivant la date de notification du procès-verbal :

11. (2) Lorsque, en vertu du paragraphe 9(2) de la Loi, la personne nommée dans un procès-verbal qui comporte une sanction conteste les faits reprochés auprès du ministre ou demande à la Commission de l’entendre sur ces faits ou, si la sanction est de plus de 2 000 $, demande au ministre de transiger, elle le fait par écrit dans les 30 jours suivant la date de notification du procès‑verbal.

 

11. (2) Where a person named in a notice of violation that contains a penalty requests, pursuant to subsection 9(2) of the Act, a review of the facts of the violation by the Minister or the Tribunal or, if the penalty is $2,000 or more, to enter into a compliance agreement with the Minister, the request shall be made in writing within 30 days after the day on which the notice is served.

 

 

[19]           Il est important que l’option soit exercée dans le délai imparti, parce que le défaut de le faire équivaut pour l’intéressé, en vertu du paragraphe 11(3) de la loi SAPMAA, à une déclaration de responsabilité à l’égard de la violation :

11. (3) Le défaut du contrevenant d’exercer l’option dans le délai et selon les modalités prévus vaut déclaration de responsabilité à l’égard de la violation.

 

11. (3) Where a person does not pay the amount referred to in paragraph (1)(a) in the prescribed time and manner or does not request a review under paragraph (1)(b), the person is deemed to have committed the violation identified in the notice of violation.

 

 

[20]           Les méthodes permises de notification des documents à une personne, y compris un procès-verbal, sont aussi énoncées dans le règlement SAPMAA. En vertu de l’alinéa 8(1)b), il est possible d’effectuer une notification par courrier recommandé, par l’envoi d’une copie du procès-verbal à la dernière adresse connue ou au lieu de résidence habituel de la personne nommée dans le document :

 (1) La notification de tout document émanant du ministre, y compris un procès‑verbal, à la personne physique qui y est nommée peut se faire :

 

 

a) par remise à personne d’une copie :

 

*    (i) à la personne en tout lieu,

 

 

*    (ii) s’il est en pratique impossible de trouver la personne, à quiconque semble être un membre adulte du même ménage à la dernière adresse connue ou au lieu de résidence habituel de la personne; la date à laquelle le document est laissé à la personne est réputée être la date de notification;

 

b) par envoi d’une copie par courrier recommandé ou par messagerie, ou par télécopieur ou autre moyen électronique, à la dernière adresse connue ou au lieu de résidence habituel de la personne

 

 (1) Service of any document originating from the Minister, including a notice of violation, on an individual named in the document may be made

 

(a) personally, by leaving a copy of it

 

*    (i) with the individual at any place, or

 

*    (ii) if the individual cannot conveniently be found, with someone who appears to be an adult member of the same household at the last known address or usual place of residence of the individual. The day on which the document is left with that person is deemed to be the day on which the document is served; or

 

(b) by sending a copy of it by registered mail, courier, fax or other electronic means to the last known address or usual place of residence of the individual.

 

 

[21]           Lorsqu’un document est transmis par courrier recommandé, il est réputé, en vertu du règlement SAPMAA, avoir été notifié le 10e jour après son envoi :

 (1) La personne qui signe le certificat de notification, en une forme approuvée par le ministre, indiquant que la personne qui y est nommée a été notifiée et précisant le mode de notification est réputée avoir procédé à la notification à la date établie selon les paragraphes (2) à (4).

 

 

(2) Le document envoyé par courrier recommandé est notifié le 10e jour suivant la date indiquée sur le récépissé du bureau de poste.

 

[…]

 

 (1) A person who signs a certificate of service, in a form approved by the Minister, stating that the notice of violation was served on the person named in the certificate and the means by which service was effected is deemed to have served the document on the date that is determined pursuant to subsections (2) to (4).

 

(2) A document sent by registered mail is served on the 10th day after the date indicated in the receipt issued by a post office.

 

 

 

VI. Analyse

[22]           L’avis de violation en l’instance a été émis le 27 juin 2012. Il semble que la Commission ait calculé la présomption de 10 jours relative à la notification prévue au paragraphe 9(2) du règlement SAPMAA en utilisant la date de l’avis de violation comme point de départ et qu’elle ait conclu que le délai de 30 jours pour présenter une demande de révision a commencé le 9 juillet 2012. Cette conclusion semble incorrecte, mais, à mon avis, elle n’a aucune incidence sur l’issue de l’affaire. La Commission a reconnu que [traduction] « sur la foi des renseignements dont [elle] dispose maintenant, il est impossible de déterminer avec précision la date [de la notification à M. Clare] » (au paragraphe 7). Il aurait été préférable pour la Commission de disposer d’un dossier complet avant de rendre une décision. Toutefois, selon les faits exposés dans le dossier soumis à notre Cour, il est évident que la demande de M. Clare a été présentée en dehors du délai de 30 jours prescrit par la loi.

 

[23]           L’avis de violation a été transmis par courrier recommandé le 3 juillet 2012 et le reçu fourni par Postes Canada confirmant cette notification a été produit en preuve devant notre Cour. Il est admis que l’avis de violation fut reçu par un mandataire de M. Clare le 4 juillet 2012. M. Clare a soulevé une nouvelle question devant notre Cour soutenant qu’il y avait une légère différence dans l’adresse du demandeur, mais, à mon avis, il ne s’agit pas d’une erreur importante ayant pour effet d’invalider la notification de l’avis de violation, car il a été admis que cet avis fut reçu le 4 juillet 2012 par un employé du demandeur. Selon le paragraphe 9(2) du règlement SAPMAA, la notification effectuée par courrier recommandé est réputée avoir été effectuée le 10e jour suivant la date indiquée sur le récépissé du bureau de poste. Par conséquent, la notification au demandeur eut vraiment lieu le 13 juillet 2012.

 

[24]           Il ressort clairement du dossier que la demande de révision a été présentée par M. Clare le 14 août 2012, soit une journée après le délai de 30 jours fixé par la Loi SAPMAA. La jurisprudence de notre Cour enseigne que la Commission n’a pas le pouvoir d’écarter les délais fixés par la législation applicable en matière de SAPMAA : Renvoi relatif à l’article 14 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, 2012 CAF 130, Adam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 1 C.F. 373 (C.A.), Wilbur‑Ellis Co. of Canada c. Canada (Sous‑ministre du Revenu national, Douanes et Accise – M.N.R.), [1995] A.F.C. No 1435 (C.A.). La Commission a donc statué à juste titre qu’elle n’avait pas le pouvoir de dispenser quiconque des effets de l’application stricte des dispositions de la Loi et du règlement SAPMAA.

 

[25]           Dans ses observations écrites, Monsieur Clare a également soulevé pour la première fois devant notre Cour un moyen tiré de l’article 11 de la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.U.).

 

[26]           Ces observations n’ont pas été développées plus avant lors des débats. Selon moi, l’article 11 de la Charte ne joue pas en l’espèce. Selon les jurisprudences R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541 et Martineau c. Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CSC 81, pour bénéficier de la protection accordée par l’article 11, celle-ci doit être invoquée à l’occasion soit 1) d’une affaire dont la nature est de celle d’une procédure pénale, soit 2) d’une affaire où la sanction infligée est assimilable à une véritable conséquence pénale. Or, ni l’un ni l’autre de ces deux éléments ne s’applique à  la violation en l’espèce.

 

[27]           Le législateur s’est exprimé très clairement par la Loi SAPMAA en disposant que la violation de cette loi ne constitue pas une infraction donnant lieu à une sanction pénale :

 Les violations n’ont pas valeur d’infractions; en conséquence nul ne peut être poursuivi à ce titre sur le fondement de l’article 126 du Code criminel.

 

 For greater certainty, a violation is not an offence and, accordingly, section 126 of the Criminal Code does not apply.

 

 

[28]           Il est évident que l’objectif de la Loi SAPMAA est l’instauration d’un système juste et efficace fondé sur le recours aux sanctions administratives pécuniaires en vue d’apporter une solution de rechange au régime pénal actuel. Bien que les amendes potentielles puissent être considérables – jusqu’à 10 000 $ en l’espèce – ces sommes se situent nettement dans les paramètres de la plupart des systèmes de sanctions administratives : voir, par exemple, Cartaway Resources Corp. (Re), 2004 CSC 26 (sanction de 100 000 $ infligée par une Commission des valeurs mobilières); Canada c. Guindon, 2013 CAF 153 (sanction de 564 747 $ infligée en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C., 1985, ch. 1 (5e suppl.)); et Canada (Procureur général) c. United States Steel Corp., 2011 CAF 176 (une sanction de 10 000 $ par jour pour chaque jour de manquement à un engagement).

 

VII. Conclusion

[29]           La date de la notification réputée à M. Clare était le 13 juillet 2012, date à compter de laquelle il avait 30 jours pour présenter une demande une révision. Parce qu’il n’a pas présenté sa demande de révision dans ce délai, le demandeur n’est dorénavant plus en mesure de le faire. La Commission n’a pas le pouvoir de le dispenser des délais précis fixés par la Loi et le règlement SAPMAA.

 

[30]           Je rejetterais la demande de contrôle judiciaire, avec dépens.

 

 

« David G. Near »

j.c.a.

 « Je suis d’accord.

     K. Sharlow, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

     Robert M. Mainville, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, réviseur

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑445‑12

 

DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION DE LA COMMISSION DE RÉVISION AGRICOLE DU CANADA, DATÉE DU 19 SEPTEMBRE 2012, RELATIVE À L’AVIS DE VIOLATION NOV No 1112ON0018‑04

 

 

INTITULÉ :                                                  RICHARD W. CLARE c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 1er octobre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                            LE JUGE NEAR

 

Y ONT SOUSCRIT :                                   LA JUGE SHARLOW

                                                                        LE JUGE MAINVILLE

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 13 novembre 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ian C. Wallace

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Andrew Law

Matthew Sullivan

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Harrison Pensa LLP

London (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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