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Date : 20140317


Dossier :

A-256-13

 

Référence : 2014 CAF 63

CORAM :     

LE JUGE NOËL

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE MAINVILLE

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

demandeur

et

Youssef BOUGACHOUCH

 

défendeur

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 24 février 2014.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 17 mars 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                  

LE JUGE PELLETIER

                                                                                                                    LE JUGE MAINVILLE

 

 


Date : 20140317


Dossier :

A-256-13

 

Référence : 2014 CAF 63

CORAM :     

LE JUGE NOËL

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE MAINVILLE

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

demandeur

et

YOUSSEF BOUGACHOUCH

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire dirigée à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de révision agricole du Canada (la Commission) (2013 CRAC 20 – CART/CRAC-1624), annulant l’avis de violation émis à l’encontre de monsieur Youssef Bougachouch (le défendeur) au titre de l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux, C.R.C., ch. 296 (Règlement sur les animaux) relatif à l’interdiction d’importation d’un sous-produit de viande au Canada.

[2]               L’avis de violation fut émis à l’encontre du défendeur par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) pour avoir illégalement importé des produits à base de viande dans ses bagages, contrairement à l’article 7 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, L.C. 1995, ch. 40 (Loi sur les sanctions), à l’article 2 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, DORS/2000-187 et l’article 40 du Règlement sur les animaux.

 

[3]               La Commission s’est dite satisfaite du fait que la violation alléguée avait été commise, mais a annulé l’avis de violation parce qu’il y aurait eu discrimination dans le processus de vérification qui a mené à son émission.

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la Commission a agi de façon déraisonnable en annulant l’avis de violation sur cette base, et que l’affaire doit lui être retournée pour qu’elle soit adjugée selon la preuve du geste reproché. 

 

[5]               Les dispositions législatives pertinentes à l’analyse qui suit sont reproduites en annexe.

 

Faits pertinents

[6]               Les faits sont survenus le 27 mars 2012 à l’aéroport international Pierre-Elliot Trudeau, alors que le défendeur arrivait au Canada sur un vol en provenance du Maroc (dossier du demandeur aux pages 56 et 61). Le dossier révèle que le défendeur a omis de déclarer la présence de saucissons dans ses bagages, tant sur sa Carte de déclaration que lorsqu’interrogé à cet effet par l’agent à la ligne d’inspection primaire (dossier du demandeur aux pages 59 et 61). Une fois dirigé à l’inspection secondaire, le défendeur a à nouveau nié avoir importé de la nourriture (dossier du demandeur à la page 56).

 

[7]               Une fouille à l’inspection secondaire a mené à la découverte de trois saucissons de dinde emballés commercialement dans les bagages du défendeur (dossier du demandeur aux pages 56, 67 et 74). À défaut d’être autorisé à importer les saucissons, le défendeur s’est vu décerner un « avis de violation au point d’entrée », assorti d’une sanction pécuniaire de 800 $ (dossier du demandeur aux pages 68 et 69).

 

[8]               Le ou vers le 1er avril 2012, le défendeur a déposé une demande de révision de l’avis de violation devant la Commission (dossier du demandeur aux pages 80 et s.). Dans sa demande, le défendeur fait notamment valoir qu’il a été victime d’un préjugé sur la base de son origine ethnique de la part de l’ASFC puisque « seuls les Arabes étaient en masse la cible de vérification de bagages » (dossier du demandeur aux pages 82 et 83). 

 

[9]               À l’audience, la Commission a voulu entendre les parties sur l’allégation de discrimination formulée par le défendeur. La représentante de l’ASFC a plaidé que le comportement des inspecteurs n’était pas pertinent devant la Commission, et devait plutôt faire l’objet d’une plainte via le mécanisme interne de l’ASFC (motifs au paragraphe 21). Un témoin de l’ASFC est quant à lui venu expliquer que le défendeur a pu avoir l’impression que seuls les Arabes étaient visés parce qu’il s’agissait d’un vol en provenance du Maroc et que les nouveaux arrivants au Canada sont automatiquement envoyés à l’inspection secondaire (motifs au paragraphe 22; dossier du demandeur aux pages 123 et 124).

[10]           Insatisfaite de ces réponses, la Commission a invité l’ASFC à soumettre des preuves supplémentaires au sujet des allégations de discrimination, suggérant que soient analysés les avis de violation émis aux passagers à bord du même vol que le défendeur (motifs aux paragraphes 23 et 24; dossier du demandeur aux pages 35 et s., 125 à 134). L’ASFC n’a pas souhaité apporter de nouvelles preuves, arguant que l’avis de violation devait s’analyser indépendamment des allégations de discrimination, que rien dans la Loi sur les sanctions ne l’obligeait à faire état des motifs pour lesquels une personne a pu être référée à l’inspection secondaire, et qu’en tout état de cause, la Commission n’a pas le pouvoir de réviser les avis de violation sur cette base (motifs aux paragraphes 25 à 29; dossier du demandeur aux pages 21 et s.).

 

[11]           Le 24 juin 2013, la Commission a rendu une décision exonérant le défendeur au motif que la preuve sous-tendant l’avis de violation devait être mise de côté, d’où la demande de contrôle judiciaire devant cette Cour.

 

dÉCISION DE LA COMMISSION

[12]           En cours d’instance, la Commission s’est déclarée satisfaite que la preuve démontrait que le défendeur avait commis le geste qui lui était reproché (dossier du demandeur, transcription, à la page 128). Elle a néanmoins annulé l’avis de violation au motif que la preuve de violation avait été obtenue de manière arbitraire ou discriminatoire (motifs aux paragraphes 34 et 35).

 

[13]           Au soutien de cette conclusion, la Commission a rappelé dans un premier temps l’allégation de discrimination du défendeur, présentée en ces termes (motifs au paragraphe 19):

 

… Je suis d’origine marocaine, je suis venu avec une Avion qui contient la moitié de voyageurs d’origines européennes et Américaines et canadiennes et seuls les Arabes étaient en masse la cible de vérification de Bagages …

 

 

[14]           Citant la décision de la Commission Zhou c. Canada (Agence des services frontaliers), 2010 CRAC 20, la Commission a précisé que le comportement des inspecteurs de l’ASFC n’est généralement pas pertinent dans le cadre d’une demande de révision d’un avis de violation (motifs au paragraphe 30). Elle s’est néanmoins considérée investie du devoir de « déterminer si les motifs et les actions de l’inspectrice montrent qu’elle a abusé de son pouvoir discrétionnaire et donc a basé sa décision d’émettre un avis de violation au défendeur sur les critères arbitraires et discriminatoires » (motifs au paragraphe 30). 

 

[15]           Se déclarant insatisfaite des explications fournies par l’ASFC pour contrer l’impression de discrimination exprimée par le défendeur, la Commission conclut à l’existence d’un parti-pris en matière d’inspection secondaire des passagers (motifs aux paragraphes 32 et 33) : 

 

[…] Pour une cause sans explication convaincante, seuls les Arabes étaient dirigés à l’inspection secondaire, dans le dossier qui nous concerne. Ce n’est pas l’exercice de discrétion quand seuls les Arabes, venant d’un vol avec beaucoup d’autres individus, sont obligés de subir une inspection secondaire. La Commission reste sans explication convaincante de [l’ASFC] pour cette « ligne d’attente arabique ».

 

 

[16]           S’appuyant sur les décisions R. v. Johnson, 55 CR (6th) 118, 2007 CanLII 57813 (ON SC) ; R. v. Nguyen, 139 CRR (2d) 65, 2006 CanLII 1769 (ON SC); et Amalia Eustergerling v. Canada (Agence des service frontaliers), 2012 CRAC-1593, 2012 CART 19 (CanLII) (Amalia), la Commission a annulé l’avis de violation en invoquant son pouvoir discrétionnaire « d’empêcher de produire des éléments de preuve » obtenus suite à une conduite « hautement inacceptable » de la part des fonctionnaires de l’ASFC, afin d’éviter que le système de justice n’en soit discrédité (motifs aux paragraphes 31 et 34).

 

POSITION DES PARTIES

[17]           Le Procureur général du Canada (le demandeur) invoque deux principaux moyens au soutien de sa demande de contrôle judiciaire. Premièrement, il fait valoir que les motifs de la Commission ne rencontrent pas les critères de transparence et d’intelligibilité requis d’une décision émanant d’un tribunal administratif (mémoire du demandeur aux paragraphes 31 et 32). À cet égard, le demandeur fait remarquer qu’« il est extrêmement difficile, voir impossible, de déterminer quel concept juridique a véritablement été appliqué par la Commission de révision afin d’en arriver à sa conclusion » (mémoire du demandeur au paragraphe 36). 

 

[18]           Deuxièmement, le demandeur est d’avis qu’en excluant la preuve au soutien de l’avis de violation, la Commission a outrepassé les pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur les sanctions, en plus d’agir de façon déraisonnable (mémoire du demandeur aux paragraphes 39 à 62). 

 

[19]           Plus précisément, la Commission a commis une erreur déraisonnable en écartant les éléments de preuve à l’appui de l’avis de violation sans que les conditions justifiant leur exclusion ne soient réunies. Le demandeur admet qu’un tribunal peut rejeter certains éléments de preuve obtenus en contravention de droits fondamentaux et dont l’utilisation serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice (mémoire du demandeur au paragraphe 41, citant Bellefeuille c. Morisset, 2007 QCCA 535 aux paragraphes 23 et 24 (Bellefeuille)). Il soutient cependant qu’aucune de ces conditions n’était remplie en l’espèce.

[20]           Concernant les conditions d’obtention de la preuve, le demandeur prétend que la Commission a erré en tirant une inférence de parti-pris de la part de l’ASFC strictement fondée sur les impressions subjectives du demandeur. La Commission ne saurait baser sa décision sur de simples conjonctures, alors qu’une multitude de raisons peuvent expliquer la présence de personnes d’origine arabe à l’inspection secondaire, outre un biais discriminatoire.

 

[21]           Le demandeur souligne qu’il lui était impossible de fournir des statistiques sur la proportion de personnes d’origine arabe référées à l’inspection secondaire, puisque les Cartes de déclaration ne permettent pas de déterminer l’origine ethnique des passagers (mémoire du demandeur au paragraphe 53). Qui plus est, de telles statistiques n’expliqueraient pas les raisons pour lesquelles certains passagers auraient été envoyés à l’inspection secondaire (mémoire du demandeur aux paragraphes 52 et 54).

 

[22]           Le demandeur ajoute que le raisonnement de la Commission est tout aussi déraisonnable quant à la question de savoir si l’admission de la preuve déconsidérerait l’administration de la justice. La Commission a omis d’appliquer le test de proportionnalité dégagé par la jurisprudence, lequel exige de mettre en balance le respect des droits fondamentaux et la recherche de la vérité (mémoire du demandeur aux paragraphes 59 et 60, citant Bellefeuille aux paragraphes 70 et 71). Si elle avait appliqué ce test, la Commission aurait dû conclure que la recherche de la vérité l’emportait en l’espèce, en raison de l’économie et des objectifs du régime législatif en cause (mémoire du demandeur au paragraphe 61).

 

[23]           Le défendeur pour sa part n’a pas soumis de représentations écrites et j’en conclus qu’il s’en remet à la décision de la Commission.

 

ANALYSE

            Norme de contrôle applicable

[24]           Le demandeur se contente d’énoncer l’état du droit sur la norme de révision applicable dans le cadre d’un contrôle judiciaire, sans pour autant identifier la nature des questions tranchées par la Commission et la norme de contrôle appropriée pour chacune d’elles (mémoire du demandeur aux paragraphes 22 et 23).

 

[25]           L’intelligibilité des motifs doit être évaluée selon la norme de la décision raisonnable, tandis que la question de savoir si la Commission a agi dans les limites de sa compétence fait quant à elle appel à la norme de la décision correcte.

 

            Intelligibilité et transparence des motifs de la Commission

[26]           La première question soulevée par le demandeur est celle de savoir si les motifs de la Commission sont suffisants pour répondre aux critères d’intelligibilité et de transparence du processus décisionnel établis par l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9. Pour rencontrer ces critères, les motifs en cause doivent « permett[re] à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses' Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au paragraphe 16 (Newfoundland Nurses)). À noter que le fardeau de la partie prétendant attaquer la suffisance ou la raisonnabilité des motifs est particulièrement exigeant. De fait, comme l’a récemment rappelé la Cour suprême dans la décision Newfoundland Nurses au paragraphe 16 :

 

Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision.  Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale. […]

 

 

[27]           À mon avis, ce premier moyen d’appel doit échouer. Il est vrai que la Commission réfère en plusieurs endroits à son pouvoir discrétionnaire de « refuser d’admettre les preuves obtenues » (motifs au paragraphe 31), ou encore d’« empêcher de produire des éléments de preuve obtenus » [mon soulignement] (motifs aux paragraphes 31 et 34). Ces formulations sont malheureuses, en ce qu’elles semblent en effet faire référence aux pouvoirs du tribunal en matière d’administration de la preuve.

 

[28]           Il ressort cependant des motifs, lus dans leur contexte, que la Commission a en réalité exclu la preuve, une fois que celle-ci ait été produite et soumise, au motif qu’elle avait été obtenue par l’entremise d’une fouille abusive. Cette interprétation est confirmée par le fait que la Commission s’appuie, au paragraphe 31 de ses motifs, sur deux décisions de la Cour supérieure de l’Ontario portant sur l’exclusion de la preuve obtenue en violation des droits fondamentaux de l’accusé dans un contexte criminel, en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte canadienne des droits et libertés. La Commission cite également l’affaire Amalia au paragraphe 45, dans laquelle un autre panel avait semblé admettre la possibilité que la Commission puisse, dans certaines circonstances, intervenir « si l’émission de l’avis de violation infligeant une sanction avait été dictée en grande partie par des fins illégitimes » (motifs au paragraphe 31). 

 

[29]           Bien que la décision de la Commission puisse paraître lacunaire à certains égards, il convient pour une Cour siégeant en révision de « d’abord chercher à […] compléter [les motifs] avant de tenter de les contrecarrer » (Newfoundland Nurses au paragraphe 12, citant David Dyzenhaus, « The Politics of Deference : Judicial Review and Democracy », dans Michael Taggart, dir., The Province of Administrative Law (1997), 279, à la page 304). Suivant cette approche, force est de conclure que la demande de contrôle judiciaire ne saurait être accordée sur cette seule base comme le prétend le demandeur. Cependant, la demande de contrôle judiciaire doit selon moi être accueillie pour le motif  qui suit.

 

            Motifs de l’exclusion de la preuve

[30]           Il n’est pas nécessaire ou opportun d’examiner la question à savoir si la Commission avait le pouvoir d’exclure la preuve puisque de toute façon l’exclusion, même si autorisée, est déraisonnable. La preuve de discrimination telle qu’elle fut acceptée par la Commission est basée sur la perception du défendeur quant au fait que sur son vol (motifs, au paragraphe 19) :

 

[…] la moitié des voyageurs [étaient] des voyageurs d’origines européennes et Américaines et Canadiennes et seuls les Arabes étaient en masse la cible de vérification de bagages…

 

 

[31]           C’est à partir de cette allégation, telle que ci-haut libellée ou reformulée, que la Commission a conclu qu’il incombait à l’ASFC de prouver qu’il n’y avait pas eu de profilage racial. Puisque l’ASFC n’a pas répondu à l’invitation de fournir une preuve contradictoire, la Commission a retenu le témoignage du défendeur pour conclure que l’ASFC avait effectué une inspection secondaire en fonction du profil racial des voyageurs.

 

[32]           Les motifs intégraux de la Commission à cet égard se retrouvent au paragraphe 23 de sa décision : 

 

L’[ASFC] n’a pas donné une explication concernant le fait que seuls les Arabes (qui pouvaient être Canadien(ne)s, ou citoyen(ne)s d’un autre pays) étaient dirigé(e)s à la ligne de l’inspection secondaire. La Commission a décidé de donner une opportunité à l’[ASFC] de démontrer qu’une impression préliminaire du parti-pris n’est pas correcte. L’une des suggestions de la Commission était que, l’[ASFC] pouvait soumettre l’information aux individus du vol à qui était signifié des avis de violation. La Commission a suggéré une date limite de trente jours, afin de soumettre une réponse, avec la possibilité de prolongation, afin de dresser l’information.

 

[Mon soulignement]

 

 

[33]           Comme la Commission le reconnaît dans ce passage, l’affirmation du défendeur est basée sur une simple impression. Or, une impression  ne fait pas preuve. Comme l’a affirmé notre Cour dans Doyon c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 152 au paragraphe 28, la Commission devait « s’appuyer sur une preuve qui repose sur des assises factuelles et non sur de simples conjectures, encore moins de la spéculation, des intuitions, des impressions ou du ouï-dire ».

 

[34]           Ceci est d’autant plus vrai que la Commission avait devant elle une preuve lui permettant d’expliquer l’impression du défendeur autrement. En effet, l’agent transfrontalier qui était présent lors de la vérification secondaire à l’arrivée du vol du défendeur a témoigné à l’effet suivant (transcription, dossier du demandeur, aux pages 123 et 124) :

 

Il faut comprendre que beaucoup de passagers sont des arrivants au Canada, donc ils ont beaucoup de formulaires à remplir puis quand on arrive au Canada pour la première fois, on doit absolument passer au secondaire pour faire vérifier, il y a plein de papiers à remplir. Donc, c’est une des raisons pourquoi beaucoup d’immigrants se retrouvent au secondaire pour des questions formelles de formulaires à remplir.

 

Ensuite, il y a toutes les occasions de ce que le système au primaire est programmé pour avoir des aléatoires, sur des références aléatoires au secondaire. Donc, tous ces gens-là qui ont une référence aléatoire doivent aller au secondaire. Donc, il y a plusieurs raisons pourquoi quelqu’un se retrouverait au secondaire et le seul fait que beaucoup d’immigrants doivent remplir des formulaires, ça l’explique un peu la raison pourquoi, souvent, il y a beaucoup d’immigrants qui se trouvent au secondaire.

 

 

[35]           Indépendamment de ce qui précède, la Commission a eu tort de reprocher à l’ASFC de ne pas avoir produit les cartes de déclaration des voyageurs en question et les statistiques afférentes afin de démontrer l’absence de profilage. Comme le souligne le demandeur, il est impossible de déterminer l’origine ethnique d’individus à partir de ces cartes et de toute façon, les statistiques quant à l’origine ethnique des voyageurs présents dans la salle d’inspection secondaire n’auraient pas tenu compte des nombreux motifs qui pouvaient expliquer leur présence dans cette salle, notamment le paiement de droits douaniers, les formalités d’immigration, les demandes de statut de réfugié et les fouilles aléatoires. Rien d’utile ou de probant n’aurait pu découler de cette preuve.

 

[36]           En résumé, la Commission a agi de façon déraisonnable en opérant un renversement du fardeau de la preuve à partir d’une simple impression et en reprochant à l’ASFC de ne pas avoir mis en preuve les cartes de déclaration et statistiques afférentes.

 

[37]           Puisque par ailleurs la Commission s’est déclarée satisfaite du fait que le défendeur a commis le geste reproché, j’accorderais la demande de contrôle judiciaire, j’annulerais la décision de la Commission et je lui retournerais l’affaire avec instruction de la décider à nouveau en donnant effet à la conclusion selon laquelle elle était satisfaite que la violation a été commise.

 

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

          J.D. Denis Pelletier j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

          Robert M. Mainville j.c.a. »

 

 

 

 

 


ANNEXE

 

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

 

 

Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (DORS/2000-187)

 

 

2. La contravention aux dispositions ci-après est une violation punissable au titre de la Loi :

 

 

 a) toute disposition de la Loi sur les produits antiparasitaires qui figure à la colonne 1 de la partie 1 de l’annexe 1;

  

 b) toute disposition du Règlement sur les produits antiparasitaires qui figure à la colonne 1 de la partie 2 de l’annexe 1;

 

 c) toute disposition du Règlement concernant les rapports sur les renseignements relatifs aux ventes de produits antiparasitaires qui figure à la colonne 1 de la partie 3 de l’annexe 1;

  

d) toute disposition du Règlement sur les déclarations d’incident relatif aux produits antiparasitaires qui figure à la colonne 1 de la partie 4 de l’annexe 1.

 

Agriculture and Agri-Food Administrative Monetary Penalties Regulations Respecting the Pest Control Products Act and Regulations (SOR/2000-187)

 

2. The contravention of any of the following provisions is a violation that may be proceeded with in accordance with the Act:

 

       (a) a provision of the Pest Control Products Act that is set out in column 1 of Part 1 of Schedule 1;

        

       (b) a provision of the Pest Control Products Regulations that is set out in column 1 of Part 2 of Schedule 1;

 

 

       (c) a provision of the Pest Control Products Sales Information Reporting Regulations that is set out in column 1 of Part 3 of Schedule 1; and

 

 

(d) a provision of the Pest Control Products Incident Reporting Regulations that is set out in column 1 of Part 4 of Schedule 1.

 

 

 

 

Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (L.C. 1995, ch. 40)

 

7. (1) Toute contravention désignée au titre de l’alinéa 4(1)a) constitue une violation pour laquelle le contrevenant s’expose à l’avertissement ou à la sanction prévus par la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                (2) L’agent verbalisateur qui a des motifs raisonnables de croire qu’une violation a été commise peut dresser un procès-verbal qu’il fait notifier au contrevenant. Le procès-verbal comporte, outre le nom du contrevenant et les faits reprochés, soit un avertissement, soit le montant, établi en application du règlement, de la sanction à payer — auquel cas il précise le délai et les modalités de paiement — et, sous réserve des règlements, le montant inférieur de la sanction infligée prévu au procès-verbal dont le paiement, dans le délai et selon les modalités, vaut règlement.

 

                                 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(3) Figurent aussi au procès-verbal en langage clair un sommaire des droits et obligations du contrevenant prévus par la présente loi, notamment le droit de contester les faits reprochés auprès du ministre ou de la Commission et la procédure pour le faire.

 

Agriculture and Agri-Food Administrative Monetary Penalties Act (S.C. 1995, c. 40)

 

 

7. (1) Every person who

 

         (a) contravenes any provision of an agri-food Act or of a regulation made under an agri-food Act,

 

         (b) contravenes any order made by the Minister under the Plant Protection Act, or

 

         (c) refuses or neglects to perform any duty imposed by or under the Plant Protection Act or the Health of Animals Act the contravention of which, or the refusal or neglect of which, is designated to be a violation by a regulation made under paragraph 4(1)(a) commits a violation and is liable to a warning or to a penalty in accordance with this Act.

 

                                (2) Where a person designated under paragraph 6(a) has reasonable grounds to believe that a person has committed a violation, the designated person may issue, and shall cause to be served on the person, a notice of violation that names the person, identifies the violation and

                                 

         (a) contains a warning that the person has committed a violation; or

 

         (b) sets out

(i)      the penalty, established in accordance with the regulations, for the violation that the person is liable to pay,

 

(ii)    particulars concerning the time for paying and the manner of paying the penalty, and

 

(iii) subject to the regulations, a lesser amount that may be paid in complete satisfaction of the penalty if paid within the time and manner specified in the notice.

 

 

    (3) A notice of violation must clearly summarize, in plain language, the rights and obligations under this Act of the person on whom it is served, including the right to have the facts of the violation reviewed by the Minister or the Tribunal, and the procedure for requesting such a review.

 

 

 

Charte canadienne des droits et libertés

 

24. (2) Lorsque, dans une instance visée au paragraphe (1), le tribunal a conclu que des éléments de preuve ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la présente charte, ces éléments de preuve sont écartés s’il est établi, eu égard aux circonstances, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

 

Canadian Charter of Rights and Freedoms

 

24. (2) Where, in proceedings under subsection (1), a court concludes that evidence was obtained in a manner that infringed or denied any rights or freedoms guaranteed by this Charter, the evidence shall be excluded if it is established that, having regard to all the circumstances, the admission of it in the proceedings would bring the administration of justice into disrepute.

 

 

 

 

 

 

Règlement sur la santé des animaux (C.R.C., ch. 296)

 

40. Il est interdit d’importer un sous-produit animal, du fumier ou une chose contenant un sous-produit animal ou du fumier, sauf en conformité avec la présente partie.

 

Health of Animals Regulations (C.R.C., c. 296)

 

40. No person shall import into Canada an animal by-product, manure or a thing containing an animal by-product or manure except in accordance with this Part.

 

 

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


Dossier :

                                                            A-256-13

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. Youssef BOUGACHOUCH

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                                                                Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                                                                LE 24 février 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

                                                                                                LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                          

LE JUGE PELLETIER

                                                                                                LE JUGE MAINVILLE

DATE DES MOTIFS :

                                                                                                LE 17 mars 2014

COMPARUTIONS :

Dominique Guimond

Erin Morgan

 

Pour le demandeur

 

Youssef Bougachouch

 

Pour le défendeur

(pour lui-même)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le demandeur

 

 

 

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