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Date : 20140402


Dossier : A‑273‑13

 

Référence : 2014 CAF 88

En présence de monsieur le juge Stratas

 

ENTRE :

FOREST ETHICS ADVOCACY ASSOCIATION

et DONNA SINCLAIR

 

demanderesses

et

L’OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET ENBRIDGE PIPELINES INC.

 

défendeurs

et

 

LE CONSEIL DES CANADIENS – SECTION DE THUNDER BAY

 

intervenant

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 2 avril 2014.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

 

 


Date : 20140402


Dossier :

A‑273‑13

 

Référence : 2014 CAF 88

En présence de monsieur le juge Stratas

 

ENTRE :

FOREST ETHICS ADVOCACY ASSOCIATION

et DONNA SINCLAIR

 

demanderesses

et

L’OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET ENBRIDGE PIPELINES INC.

 

défendeurs

 

et

 

LE CONSEIL DES CANADIENS – SECTION DE THUNDER BAY

 

intervenant

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE STRATAS

[1]               Dans la présente requête, les demanderesses cherchent à obtenir en vertu de l’article 312 des Règles une ordonnance les autorisant à déposer un élément de preuve complémentaire au dossier de la demande de contrôle judiciaire dont la Cour est saisie.

 

[2]               L’élément de preuve complémentaire que les demanderesses souhaitent verser au dossier de la Cour est un rapport publié par l’Institut canadien de politique énergétique, un organisme non gouvernemental. Les demanderesses soulignent que l’un des déposants a fait mention de ce rapport au cours de son contre‑interrogatoire. Elles soutiennent, pour cette raison, que le rapport en question fait partie du dossier de la présente instance.

 

[3]               Bien sûr, ce n’est pas le cas. Le dossier de la présente instance est composé des éléments de preuve ayant effectivement été produits par les parties. Or, le rapport ne fait pas partie du dossier des demanderesses. Il n’en fera partie, le cas échéant, que si les demanderesses démontrent à la Cour qu’il doit y être déposé en vertu de l’article 312 des Règles.

 

[4]               D’entrée de jeu, afin d’obtenir une ordonnance fondée sur l’article 312 des Règles, les demanderesses doivent satisfaire à deux exigences préliminaires :

 

(1)               La preuve doit être admissible dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire. Comme il est bien établi en droit, le dossier dont est saisie la cour de révision est habituellement composé des documents dont était saisi le décideur. Il y a cependant des exceptions à ce principe. Voir les décisions Gitxsan Treaty Society c. Hospital Employees’ Union, [2000] 1 C.F. 135, aux pages 144‑145 (C.A.); Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22.

 

(2)        L’élément de preuve doit être pertinent à une question que la cour de révision est appelée à trancher. Par exemple, certaines questions ne peuvent pas être soulevées pour la première fois dans le cadre d’un contrôle judiciaire : Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 (CanLII), [2011] 3 R.C.S. 654.

 

[5]               En supposant que les demanderesses satisfont à ces deux exigences préliminaires, elles doivent aussi convaincre la Cour qu’elle doit dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire rendre l’ordonnance visée à l’article 312 des Règles. La Cour exerce son pouvoir discrétionnaire sur le fondement des éléments de preuve dont elle dispose et en appliquant les principes pertinents.

 

[6]               Dans l’arrêt Holy Alpha and Omega Church of Toronto c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 101, au paragraphe 2, la Cour énonce les principes censés la guider dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 312 des Règles. Elle pose certaines questions qui permettent d’établir si une ordonnance fondée sur l’article 312 des Règles servirait l’intérêt de la justice :

 

a)                  Est‑ce que la partie avait accès aux éléments de preuve dont elle demande l’admission au moment où elle a déposé ses affidavits en application de l’article 306 ou 308 des Règles, selon le cas, ou aurait‑elle pu y avoir accès en faisant preuve de diligence raisonnable?

 

b)                  Est‑ce que la preuve sera utile à la Cour, en ce sens qu’elle est pertinente quant à la question à trancher et que sa valeur probante est suffisante pour influer sur l’issue de l’affaire?

 

c)                  Est‑ce que l’admission des éléments de preuve entraînera un préjudice important ou grave pour l’autre partie?

 

[7]               Pour les besoins de la discussion, je supposerai que les demanderesses ont satisfait aux deux exigences préliminaires. Je passe maintenant aux trois questions posées dans l’arrêt Holy Alpha.

 

[8]               En ce qui a trait à la question a), je relève qu’avant de déposer leur dossier le 23 janvier 2014, les demanderesses connaissaient l’existence du rapport dont elles cherchent maintenant à obtenir l’admission en preuve. Il en a aussi été question lors du contre‑interrogatoire du 6 décembre 2013. Toutefois, le rapport ne figure pas dans le dossier des demanderesses.

 

[9]               La demande de contrôle judiciaire sera entendue sous peu. Les parties ont déposé leurs mémoires des faits et du droit. Les demanderesses ont déposé la demande d’audience. De fait, c’est le lendemain même du dépôt de leur demande d’audience dans laquelle elles indiquaient qu’elles étaient prêtes à procéder que les demanderesses ont déposé la présente requête. Dans ces circonstances, la tentative de faire admettre un nouvel élément de preuve exige une explication factuelle.

 

[10]           Les demanderesses ne l’ont pas fait. Le seul affidavit qu’elles fournissent à l’appui de leur requête a été établi sous serment par un technicien juridique qui travaille pour le cabinet d’avocats des demanderesses. Cet affidavit contient uniquement des renseignements et des opinions qui mentionnent le rapport et certains documents, rien de plus.

 

[11]           En ce qui a trait à la question b), les demanderesses ne m’ont pas convaincu de l’importance de verser au dossier le rapport en question, c’est‑à‑dire qu’il pourrait influer sur l’issue de l’affaire.

 

[12]           Enfin, en ce qui a trait à la question c), deux des défendeurs, soit le procureur général et Enbridge Pipelines Inc., allèguent un préjudice : ils n’ont pas eu l’occasion de contester le rapport, que ce soit par une contre‑preuve ou dans le cadre d’un contre‑interrogatoire. Les demanderesses n’ont pas présenté d’éléments de preuve ou d’explications abordant de façon satisfaisante la question du préjudice que causerait l’admission en preuve du rapport. Dans les circonstances, il y aurait manquement à l’équité procédurale si le rapport était versé au dossier.

 

[13]           Règle générale, la Cour n’exercera pas un pouvoir discrétionnaire fondé sur les faits à l’avantage d’une partie à moins de disposer d’éléments de preuve pertinents pour ce faire. En l’espèce, l’affidavit produit devant la Cour ne justifie pas l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour.

 

[14]           Je ne puis accueillir la requête des demanderesses. Toutefois, il est tout à leur honneur de l’avoir présentée. En effet, certaines parties tentent d’incorporer subrepticement à leur recueil de jurisprudence et de doctrine des rapports et d’autres documents qui devraient l’être par voie d’affidavit. Cette pratique n’est pas appropriée et a été critiquée par la Cour suprême : Public School Boards’ Association of Alberta c. Alberta (Procureur général), [1999] 3 R.C.S. 845.

 

[15]           Pour les motifs qui précèdent, je rejette la requête avec dépens.

 

 

« David Stratas »

j.c.a.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

A-273-13

 

INTITULÉ 

FOREST ETHICS ADVOCACY ASSOCIATION ET DONNA SINCLAIR c. L’OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, ENBRIDGE PIPELINES INC. ET LE CONSEIL DES CANADIENS – SECTION DE THUNDER BAY

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

JUGE STRATAS

 

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 AVRIL 2014

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Clayton Ruby

Nader R. Hansan

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Douglas E. Crowther, c.r.

Joshua A. Jantzi

POUR Enbridge Pipelines Inc., DÉFENDERESSE

 

 

Michael H. Morris

Roger Flaim

Jacqueline Wilson

POUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ruby Shiller Chan Hasan

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

 

 

Dentons Canada LLP

Calgary (Alberta)

 

POUR Enbridge Pipelines Inc.,  DÉFENDERESSE

 

 

William F. Pentney

Sous‑Procureur général du Canada

POUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, DÉFENDEUR

 

 

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