Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20140410


Dossier :

A‑228‑13

Référence : 2014 CAF 98

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE NEAR

 

 

 

ENTRE :

ANTHONY COOTE

appelant

et

LAWYERS’ PROFESSIONAL INDEMNITY COMPANY (LAWPRO) et autre

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 2 avril 2014.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 10 avril 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

 

LE JUGE NEAR

 

 

 

 


Date : 20140410


Dossier :

A‑228‑13

Référence : 2014 CAF 98

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE NEAR

 

 

 

ENTRE :

ANTHONY COOTE

appelant

et

LAWYERS’ PROFESSIONAL INDEMNITY COMPANY (LAWPRO) et autre

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PELLETIER

[1]               M. Coote interjette appel de la décision par laquelle le juge Hughes de la Cour fédérale a déclaré que l’appelant a agi de façon vexatoire au sens de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7 (la Loi). La requête visant à faire déclarer que M. Coote a agi de façon vexatoire a été présentée par la Lawyers’ Professional Indemnity Company (Lawpro).

[2]               Au paragraphe 31 de ses motifs, publiés sous la référence Lawyers’ Professional Indemnity Company c. Coote, 2013 CF 643, [2013] A.C.F. no 720 (les motifs), le juge Hughes fait l’historique des litiges auxquels M. Coote est ou a été partie devant la Cour fédérale. Il s’agit d’un long historique, compte tenu de la période relativement courte pendant laquelle M. Coote a été partie à des litiges devant cette cour.

[3]               M. Coote invoque un grand nombre de motifs dans son avis d’appel qu’il complète avec d’autres motifs dans son mémoire des faits et du droit. Les motifs invoqués dans l’avis d’appel et ma décision à l’égard de ces motifs sont exposés ci‑dessous.

[4]               M. Coote affirme que l’avis de requête de Lawpro ne lui a pas été signifié correctement. L’article 147 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), porte que la Cour peut considérer la signification comme valide si elle est convaincue que la partie concernée a pris connaissance du document visé. En l’espèce, le juge Hughes a constaté que M. Coote était en mesure de répondre à la requête de LawPro et il a donc jugé la signification valide. Ce motif d’appel est donc rejeté.

[5]               M. Coote fait état d’irrégularités procédurales relativement au dépôt d’un dossier en réponse à un dossier de réponse, et résultant du fait que le protonotaire Aalto, siégeant seul, a entendu et accueilli une requête en annulation. Si le dépôt d’un dossier en réponse à un dossier de réponse a influé sur l’instance, cela ne ressort pas du dossier. Un simple vice de procédure sans preuve de préjudice ne confère aucun droit. Quant à l’allégation qui concerne le protonotaire Aalto, les membres de la Cour fédérale ne siègent pas en formations; la Cour d’appel le fait. Le protonotaire Aalto doit nécessairement siéger seul. Ce motif est mal fondé.  

[6]               Aux paragraphes 3 à 5 et 7 à 11 de l’avis d’appel, M. Coote allègue de diverses façons que le juge Hughes a fait preuve de partialité et qu’il a agi de mauvaise foi. Si des éléments de preuve avaient été présentés à l’appui de ces allégations, ils mériteraient un examen approfondi. Toutefois, le dossier d’appel contient pour l’essentiel des actes de procédure, un mémoire des faits et du droit, ainsi que les décisions de différents décideurs; ces documents ne jettent aucune lumière sur les allégations formulées dans l’avis d’appel et reprises de façon plus détaillée dans le mémoire des faits et du droit de M. Coote. Aucun de ces documents ne constitue un élément de preuve. Les quelques autres documents, en général de la correspondance sous une forme ou sous une autre, ne sont pas pertinents quant à la question de la partialité et de la mauvaise foi. Rien de tout cela n’est en mesure d’inciter une personne bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, à conclure que, selon toute vraisemblance, le juge Hughes n’a pas rendu une décision juste. Ce motif d’appel ne saurait donc être retenu.

[7]               Le paragraphe 6 de l’avis d’appel est ainsi formulé :

[traduction] « En tant que personne de couleur, il a été affirmé qu’il n’est pas possible de solliciter des mesures de réparation fondée sur la Charte des droits devant la Cour fédérale, tout en ignorant plus de 99 % des actes de procédure ».

[8]               On ne comprend pas clairement ce qui est allégué. La Cour fédérale a compétence pour accorder des réparations demandées sur le fondement de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, ch. 11 (la Charte), mais seulement si le dossier est adéquat. Le juge Hughes a rejeté les arguments de M. Coote fondés sur la Charte au motif qu’aucun élément de preuve n’avait été présenté à l’appui de ceux‑ci. Un recours fondé sur la Charte doit reposer sur un solide dossier de preuve : voir l’arrêt Dunmore c. Ontario (Procureur général), 2001 CSC 94, [2001] 3 R.C.S. 1016, au paragraphe 25. Tel n’était pas le cas du dossier dont disposait le juge Hughes. Le juge Hughes n’était pas tenu de mentionner chacun des éléments de preuve au dossier pour arriver à cette conclusion.

[9]               De plus, M. Coote soulève d’autres questions dans son mémoire des faits et du droit.

[10]           M. Coote conteste l’élément de preuve visant à établir que le procureur général a consenti à la requête de Lawpro visant à faire déclarer que M. Coote a agi de façon vexatoire. Il s’agit d’un document, signé par le sous‑procureur général adjoint, Contentieux, intitulé Consentement du procureur général. Dans ce document, le procureur général, par l’entremise du sous‑procureur général adjoint, consent à la présentation d’une requête en vertu de l’article 40 de la Loi. M. Coote conteste le document au motif que seul le procureur général en personne peut consentir à la présentation d’une requête en vertu de l’article 40. Il affirme que le document ne satisfait pas à l’exigence de l’article 40 en matière de consentement parce qu’il n’est pas signé par le procureur général lui‑même.

[11]           Je suis d’accord avec le juge Hughes que la doctrine du consentement tacite, élaborée en common law et codifiée à l’article 24 de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I‑21, s’applique en l’espèce, de telle sorte que le consentement du ministre peut être donné par un fonctionnaire du ministère habilité à accorder ce consentement. Prima facie, le sous‑procureur général adjoint, Contentieux, est un fonctionnaire habilité à le faire. Ce motif est aussi mal fondé.

[12]           M. Coote fait aussi valoir que la présente instance est viciée parce qu’elle a été introduite par avis de requête et non par requête. Dans le même ordre d’idées, il signale l’absence du sceau de la cour sur l’avis de requête de Lawpro, ce qui, selon lui, démontre que les Règles n’ont pas été respectées. L’article 40 doit être interprété en tenant compte du contexte dans lequel la requête visée à cet article est présentée. Une requête fondée sur l’article 40 peut être présentée indépendamment de toute instance. En pareil cas, la requête doit être introduite au moyen d’un acte introductif d’instance, lequel est un avis de demande devant porter le sceau de la cour : voir l’article 63 des Règles. Cependant, il est également possible de présenter une requête en vertu de l’article 40 dans le cadre d’une action existante et, dans ce cas, l’instance est introduite par un avis de requête, qui n’est pas délivré par le greffe et qui ne porte donc pas le sceau de la Cour.

[13]           Dans son mémoire des faits et du droit, M. Coote reprend de diverses façons ses allégations relatives à la partialité et à la mauvaise foi dont aurait fait preuve le juge Hughes. Ainsi qu’il a été mentionné plus tôt, rien au dossier ne permet de conclure à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité ou que le juge Hughes a fait preuve de mauvaise foi.

[14]           Devant nous, M. Coote a aussi soutenu qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale du fait que le juge Hughes avait limité à une heure le temps accordé à l’audition de ses arguments, d’autant que le juge Boivin a ordonné de réserver une journée à l’audition des arguments de M. Coote au sujet de la Charte et de la requête de Lawpro visant à faire déclarer qu’il a agi de façon vexatoire. Selon les inscriptions consignées au dossier no T‑312‑13, l’audience devant le juge Hughes a duré 3 heures et 30 minutes. Quoi qu’il en soit, toute limite de temps pour présenter une plaidoirie est atténuée par le fait que la Cour a à sa disposition le mémoire des faits et du droit des parties.

[15]           Il reste donc à trancher la question du bien‑fondé de la décision du juge Hughes selon laquelle l’appelant a agi de façon vexatoire. L’ordonnance déclarant qu’une personne a agi de façon vexatoire est de nature discrétionnaire : voir l’arrêt Forrest c. Canada, 2008 CAF 397, au paragraphe 3; voir également l’arrêt Liu v. Matrikon Inc., 2010 ABCA 383, [2010] A.J. no 1441 (C.A.). La norme de contrôle qui s’applique à une décision discrétionnaire consiste à déterminer si une erreur de droit ou de principe a été commise, ou s’il y a eu défaut d’exercer le pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire : Elders Grain Co. c. Ralph Misener (Le), [2005] A.C.F. no 612, [2005] 3 C.F. 367 (C.A.), au paragraphe 13; AB Hassle c. Apotex Inc. (C.A.), [2006] 4 R.C.F. 513, au paragraphe 27.

[16]           Les motifs invoqués par le juge Hughes ne sont pas parfaitement limpides, mais ils exposent la jurisprudence applicable et les faits pertinents. Compte tenu de la décision relative à la requête de Lawpro, nous pouvons conclure qu’il a estimé, après avoir appliqué les principes pertinents au vu des éléments de preuve dont il disposait, qu’il avait été démontré que M. Coote a agi de façon vexatoire. On ne m’a pas convaincu qu’en tirant cette conclusion il a commis une erreur de droit ou de principe ou qu’il n’a pas exercé judiciairement son pouvoir discrétionnaire. La preuve au dossier justifie sa conclusion selon laquelle au cours de la période relativement brève où il a été partie à un litige devant les tribunaux fédéraux, M. Coote a agi de façon vexatoire.

[17]           Le juge Hugues a entendu une autre requête en même temps que celle de Lawpro visant à faire déclarer que M. Coote a agi de façon vexatoire. Dans cette autre requête, M. Coote demandait que l’ordonnance du juge Manson rejetant l’appel interjeté contre une décision rendue par le protonotaire Aalto soit annulée ou modifiée. Il a aussi demandé que l’ordonnance du juge Boivin réunissant les arguments de M. Coote fondés sur la Charte et la requête de LawPro soit annulée ou modifiée. Dans la mesure où ces requêtes demandaient à un juge de la Cour fédérale de siéger en appel d’une décision rendue par un autre juge de la Cour fédérale, le juge Hughes a eu raison de les rejeter. Par ailleurs, j’ai déjà répondu à l’argument selon lequel le protonotaire Aalto ne pouvait pas, siégeant seul, annuler une procédure. Quant à l’ordonnance du juge Boivin, il ne ressort pas du dossier de la Cour que cette ordonnance est visée par le présent appel.

[18]           Je suis donc d’avis de rejeter l’appel avec dépens.

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

            Johanne Gauthier, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            D.G. Near, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A‑228‑13

 

INTITULÉ :

 

ANTHONY COOTE c. LAWYERS’ PROFESSIONAL INDEMNITY COMPANY (LAWPRO) ET AUTRE

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 AVRIL 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PELLETIER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :

LE 10 AVRIL 2014

 

COMPARUTIONS :

Anthony Coote

 

POUR L’APPELANT

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Faren H. Bogach

 

POUR L’INTIMÉE

LAWYERS’ PROFESSIONAL INDEMNITY COMPANY (LAWPRO) ET AUTRE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Anthony Coote

Brampton (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

POUR SON PROPRE COMPTE

 

WeirFoulds LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉE

LAWYERS’ PROFESSIONAL INDEMNITY COMPANY (LAWPRO) ET AUTRE

 

 

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