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Date : 20140404


Dossier :

A‑556‑12

 

Référence : 2014 CAF 92

En présence de monsieur le juge Stratas

 

ENTRE :

DAVID BRACE

 

appelant

Et

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 4 avril 2014.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                                                LE JUGE STRATAS

 


Date : 20140404


Dossier :

A‑556‑12

 

Référence : 2014 CAF 92

En présence de monsieur le juge Stratas

 

ENTRE :

DAVID BRACE

 

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE STRATAS

[1]               L’intimée sollicite une ordonnance en vertu de l’article 351 des Règles lui permettant de présenter de nouveaux éléments de preuve en appel.

 

[2]               Pour comprendre le rôle que pourraient jouer les nouveaux éléments de preuve dans le présent appel, il faut situer le contexte.

 

[3]               L’appelant interjette appel d’une ordonnance, datée du 25 juin 2012, par laquelle la Cour canadienne de l’impôt a rejeté un appel pour défaut de procéder à l’intérieur des délais. Dans les motifs de son ordonnance, la Cour canadienne de l’impôt a tiré une conclusion essentielle sur le plan des faits : l’appelant a constamment refusé de fournir ses coordonnées, notamment l’adresse de sa résidence.

 

[4]               L’appelant a tardé à déposer son avis d’appel devant la Cour. Par conséquent, il a dû déposer une requête devant la Cour afin d’obtenir une prorogation de délai (que la Cour lui a accordée). Dans sa requête, il a soutenu qu’il n’avait pas été informé de l’ordonnance de la Cour canadienne de l’impôt au moment où cette dernière a été rendue et ce n’est qu’environ quatre mois plus tard qu’il en a pris connaissance. Il a déposé un affidavit à l’appui de cette requête, auquel était annexée comme pièce une lettre non datée de l’appelant adressée à la Cour canadienne de l’impôt, dans laquelle il lui communiquait son adresse. L’appelant dit avoir envoyé cette lettre à la Cour canadienne de l’impôt à la mi‑janvier 2012.

 

[5]               L’appelant a déposé son dossier d’appel. La lettre non datée figure dans ce dossier.

 

[6]               Cependant, cette lettre n’aurait pas dû figurer dans le dossier d’appel. En effet, la lettre non datée n’avait pas été produite devant la Cour canadienne de l’impôt, et habituellement seuls les documents dont était saisie la Cour canadienne de l’impôt auraient dû se retrouver dans le dossier d’appel.

 

[7]               Étant donné qu’elle se trouve dans le dossier d’appel, la lettre non datée a pour effet apparent d’invalider la principale conclusion factuelle de la Cour canadienne de l’impôt selon laquelle l’appelant a constamment refusé de fournir ses coordonnées.

 

[8]               L’intimée a relevé ce problème.

 

[9]               Deux choix s’offraient à l’intimée pour résoudre le problème auquel elle se heurtait, soit déposer une requête pour demander que la lettre non datée soit retirée du dossier d’appel, soit déposer une requête pour obtenir l’admission d’un nouvel élément de preuve relatif à la lettre non datée. L’intimée a choisi de se prévaloir de cette dernière possibilité. Bien que la première option eût sans doute soulevé moins de questions à ce stade, je vais examiner la requête, telle que présentée.

 

[10]           Le nouvel élément de preuve est constitué d’une lettre datée du 7 janvier 2014 envoyée par Lucie Pilon de la Cour canadienne de l’impôt du Canada à Tokunbo Omisade du ministère de la Justice. Dans cette lettre, la Cour canadienne de l’impôt précise que [traduction] « la Cour ne possède pas dans ses dossiers la lettre non datée que l’appelant affirme lui avoir envoyée vers la mi‑janvier 2012 ».

 

[11]           Le critère relatif à l’admission de nouveaux éléments de preuve est exigeant : Palmer c. La Reine, [1980] 1 RCS 759; Shire Canada Inc. c. Apotex Inc., 2011 CAF 10. À mon avis, il est satisfait à tous les éléments du critère en l’espèce :

 

(1)                    On ne devrait généralement pas admettre un élément de preuve qui, avec diligence raisonnable, aurait pu être produit au procès. Il est satisfait à cet élément du critère. La lettre du 7 janvier 2014 est postérieure à la date du procès.

 

(2)               L’élément de preuve doit être pertinent, en ce sens qu’il doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive quant au procès. Il est satisfait à ce volet du critère. La lettre du 7 janvier 2014 concerne le document non daté de l’appelant, document qui constituait un élément essentiel de la conclusion de fait selon laquelle l’appelant avait constamment refusé de fournir ses coordonnées.

 

(3)               L’élément de preuve doit être plausible, en ce sens qu’on puisse raisonnablement y ajouter foi. Il est satisfait à ce volet du critère. Vu qu’elle a été rédigée par un officier de justice dans le cours des activités habituelles d’un tribunal, il est raisonnablement possible d’ajouter foi à la lettre du 7 janvier 2014.

 

(4)               Elle doit être telle que si l’on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu’avec les autres éléments de preuve produits au procès, elle aurait influé sur le résultat. Il est satisfait à ce volet du critère. Si la formation qui instruit l’appel ajoute foi à la lettre du 7 janvier 2014 et lui accorde une valeur probante, celle‑ci est susceptible d’amener la formation à tirer des conclusions au sujet de la lettre non datée de l’appelant. Comme je l’ai dit, cette lettre vise la conclusion fondamentale du juge du procès selon laquelle l’appelant a constamment refusé de fournir ses coordonnées.

 

[12]           J’ajoute que même dans les cas où il n’est pas satisfait au critère de l’arrêt Palmer relatif à l’admission de nouveaux éléments de preuve, la Cour possède le pouvoir discrétionnaire résiduel d’admettre de nouveaux éléments de preuve en appel dans l’intérêt de la justice, mais ce pouvoir discrétionnaire résiduel doit être exercé uniquement [traduction] « dans les cas les plus clairs » et « avec beaucoup de soin » : Shire, précité, au paragraphe 18; voir aussi l’arrêt R. c. J.A.A., 2011 CSC 17, [2011] 1 R.C.S. 628, un arrêt dans lequel la Cour suprême elle‑même a admis de nouveaux éléments de preuve même s’il n’avait pas été satisfait au critère de l’arrêt Palmer, ce qui tend à confirmer l’existence de ce pouvoir discrétionnaire résiduel.

 

[13]           S’il n’avait pas été satisfait au critère de l’arrêt Palmer en l’espèce, j’exercerais mon pouvoir discrétionnaire résiduel en vue d’admettre la lettre du 7 janvier 2014. La présente affaire est inhabituelle. En effet, un nouvel élément de preuve est présenté dans le but de contrer un autre élément de preuve nouveau qui a été versé de façon irrégulière au dossier d’appel. Il ne s’agit que d’une lettre. Je ne juge pas vraisemblable que l’admission de cet élément de preuve donne lieu à des différends factuels complexes dans le cadre du présent appel. Toutefois, si cela devait se produire, la formation qui entendra l’appel pourra rendre toute ordonnance qu’elle jugera appropriée concernant l’admissibilité des éléments de preuve devant elle, y compris le nouvel élément de preuve mentionné dans les présents motifs.

 

[14]           Par conséquent, pour les motifs qui précèdent, j’accueille la requête de l’intimée. La lettre du 7 janvier 2014 sera versée au dossier d’appel supplémentaire avec mon ordonnance, les présents


motifs et une table des matières. L’intimée devra préparer ce dossier d’appel supplémentaire et le déposer dans les quatre jours suivant la date de la présente ordonnance.

 

 

David Stratas

j.c.a.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

A‑556‑12

 

INTITULÉ :

DAVID BRACE c. SA MAJETSÉ LA REINE

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

                                                                                                LE JUGE STRATAS

DATE DES MOTIFS :

                                                                                                LE 4 AVRIL 2014

OBSERVATIONS ÉCRITES :

David Brace

POUR SON PROPRE compte

 

John Bodurtha

Tokunbo Omisade

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous‑procureur‑général du Canada

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

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