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Date : 20140414


Dossier : A‑236‑13

 

Référence : 2014 CAF 97

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE STRATAS

 

 

 

ENTRE :

LA SUCCESSION DE CHARLES PILFOLD

 

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 9 avril 2014.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 avril 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE EN CHEF BLAIS

 

LE JUGE STRATAS

 

 


Date : 20140414


Dossier : A‑236‑13

 

Référence : 2014 CAF 97

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE STRATAS

 

 

 

ENTRE :

LA SUCCESSION DE CHARLES PILFOLD

 

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]               Le défunt Charles Pilfold avait le statut d’« Indien » au sens de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I‑5. Selon M. Pilfold, le revenu tiré de ses activités de pêche en 2000 et 2002 était exempté d’imposition en raison de l’application conjointe de l’article 87 de la Loi sur les Indiens et de l’alinéa 81(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5suppl.). Le ministre n’était pas de cet avis. Il a en conséquence établi des cotisations à l’égard de M. Pilfold. Ce dernier a interjeté appel devant la Cour canadienne de l’impôt. L’appel a été entendu par le juge Campbell Miller qui l’a rejeté (2013 CCI 181). La succession de M. Pilfold s’adresse maintenant à notre Cour.

 

[2]               La succession de M. Pilfold n’a droit à l’exemption invoquée que si le revenu en cause était un « bien situé sur une réserve », au sens de l’article 87 de la Loi sur les Indiens. Dans ce contexte, l’emplacement du revenu est déterminé suivant le principe jurisprudentiel connu comme le critère des « facteurs de rattachement ». Tout simplement, le revenu est situé dans une réserve si les faits pertinents révèlent que celui‑ci est suffisamment lié à la réserve.

 

[3]               Dans ses motifs, le juge Miller fait une analyse détaillée de la jurisprudence établissant le critère des facteurs de rattachement, notamment des arrêts Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 RCS 85, Williams c. Canada, [1992] 1 RCS 877, Succession Bastien c. Canada, 2011 CSC 38, [2011] 2 RCS 710, Dubé c. Canada, 2011 CSC 39, [2011] 2 RCS 764, Canada c. Robertson, 2012 CAF 94, et Ballantyne c. Canada, 2012 CAF 95. Son analyse juridique est exacte et complète. L’avocat de M. Pilfold ne soutient pas que le juge Miller s’est mépris sur les principes juridiques applicables ou sur les faits essentiels de l’affaire. Il fait plutôt valoir que le juge Miller a commis une erreur en n’accordant pas un poids déteminant au fait que M. Pilfold tirait son revenu directement des sociétés qui étaient situées dans une réserve.

 

[4]               Le revenu de M. Pilfold provenait directement d’un groupe de sociétés détenues par lui‑même et par sa famille. L’une des sociétés était propriétaire du bateau de pêche et de la plus grande partie du matériel de pêche et exerçait effectivement des activités de pêche, même si M. Pilfold était le titulaire du permis de pêche. Le siège social de ces sociétés était situé dans une maison qui se trouvait dans la réserve Musqueam et dans laquelle étaient conservées les pièces comptables et étaient prises certaines décisions d’affaires. Monsieur Pilfold était l’un des quatre propriétaires de la maison (les autres propriétaires étant son épouse, son fils et l’épouse de son fils), mais il n’y habitait qu’une partie de l’année, passant le reste du temps dans ses résidences situées à Prince Rupert, à Palm Springs et dans l’état de Washington.

 

[5]               Le juge Miller s’est demandé si le fait que les sociétés se trouvaient dans la réserve Musqueam et que les décisions d’affaires y étaient prises permettrait de conclure que, pour l’application de l’article 87 de la Loi sur les Indiens, le revenu que M. Pilfold tirait des sociétés était un bien situé dans la réserve Musqueam. Le juge a conclu par la négative, comme il l’explique au paragraphe 65 de ses motifs :

J’interprète la thèse de l’appelante de la manière suivante : le simple fait que le siège social de la société se trouve dans la réserve, indépendamment de la nature ou de l’emplacement de l’entreprise, est suffisant, depuis les jurisprudences Dubé et Bastien, pour situer toute activité de ces sociétés dans la réserve, et cet emplacement est assimilé à celui d’un Indien inscrit récipiendaire du revenu de pêche tel que Charles Pilfold. En toute déférence, cela ferait passer les nuances relatives aux facteurs de rattachement que la Cour suprême du Canada a recommandées à un critère de démarcation radicalement différent, similaire à un critère de type « établissement permanent ». À mon sens, l’enseignement des arrêts Dubé ou Bastien ne va pas aussi loin.

 

 

[6]               J’estime que la conclusion du juge Miller n’est pas entachée d’erreur. Je partage son avis selon lequel, pour appliquer le critère des facteurs de rattachement au revenu, il faut déterminer s’il existe un fondement valable sur lequel situer le revenu dans une réserve. Il faut donc prendre en considération tous les facteurs relatifs au revenu, notamment le cadre juridique formel par l’intermédiaire duquel est reçu le revenu. La Cour a énoncé récemment dans l’arrêt Kelly c. Canada, 2013 CAF 171, un cadre utile pour l’application du critère des facteurs de rattachement au revenu. À mon avis, même s’il ne disposait pas de l’enseignement de l’arrêt Kelly, le juge Miller a procédé à une analyse conforme pour l’essentiel à ce cadre.

 

[7]               Le juge Miller a reconnu que l’emplacement du siège social et des pièces comptables constituait un facteur montrant le rattachement du revenu de M. Pilfold à la réserve, tout comme le fait que certaines décisions d’affaires étaient prises dans la réserve. Il a néanmoins conclu que ces liens ne permettaient pas de l’emporter sur les aspects de fond de la source du revenu d’entreprise, en l’occurrence les activités de pêche, qui n’avaient pas de liens importants avec la réserve.

 

[8]               Le juge Miller a conclu qu’il n’y avait pas de liens importants entre la réalité opérationnelle des activités de pêche et une réserve. Le bateau et le matériel de pêche étaient conservés à l’extérieur de la réserve. Les préparatifs laborieux nécessaires chaque saison étaient effectués hors de la réserve sous la direction de M. Pilfold, en sa qualité de capitaine du bateau. Les activités de pêche avaient lieu en dehors de la réserve sous la direction de M. Pilfold. Toutes les ventes étaient conclues entre M. Pilfold et des acheteurs commerciaux à l’extérieur de la réserve. Les seuls liens factuels entre les activités de pêche et la réserve étaient insuffisants, à savoir des appels téléphoniques passés depuis la maison située dans la réserve Musqueam pour des réparations du matériel de pêche et le don de parures provenant de la récolte d’œufs de hareng sur algue – une quantité relativement petite – fait aux Premières Nations.

 

[9]               Je ne relève aucune erreur dans l’analyse faite par le juge Miller ni dans sa conclusion selon laquelle le revenu en cause n’était pas un bien de M. Pilfold situé dans une réserve. Par conséquent, je suis d’avis de rejeter l’appel avec dépens.

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

           Pierre Blais, j.c. »

 

« Je suis d’accord.

           David Stratas, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DoSSIER :

                                                                                                A‑236‑13

(APPEL DU JUGEMENT RENDU LE 10 JUIN 2013 PAR LE JUGE CAMPBELL MILLER DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DANS LE DOSSIER NO 2009‑2302(IT)G.)

 

INTITULÉ :

LA SUCCESSION DE CHARLES PILFOLD c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                                                                Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                                                                lE 9 avril 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :                                              

LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                           LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :                                                         Le 14 avril 2014

 

COMPARUTIONS :

 

George Douvelos

POUR L’APPELANTE

LA SUCCESSION DE CHARLES PILFOLD

 

Matthew W. Turnell

POUR L’INTIMÉE

SA MAJESTÉ LA REINE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Wiebe Douvelos Wittman LLP

Avocats

 

POUR L’appelantE

LA SUCCESSION DE CHARLES PILFOLD

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉE

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

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