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Date : 20140919

Dossier : A-302-13

Référence : 2014 CAF 206

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

 

 

ENTRE :

WILLIAM A. JOHNSON

appelant

et

LE PRÉSIDENT INDÉPENDANT DU TRIBUNAL DISCIPLINAIRE DE L'ÉTABLISSEMENT DE WARKWORTH

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 9 septembre 2014.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 19 septembre 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

 



Date : 20140919

Dossier : A-302-13

Référence : 2014 CAF 206

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

 

 

ENTRE :

WILLIAM A. JOHNSON

appelant

et

LE PRÉSIDENT INDÉPENDANT DU TRIBUNAL DISCIPLINAIRE DE L'ÉTABLISSEMENT DE WARKWORTH

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PELLETIER

[1]               Monsieur Johnson interjette appel de la décision ayant la référence 2013 CF 905, par laquelle la Cour fédérale a rejeté sa demande de contrôle judiciaire à l'égard de la décision du président indépendant nommé conformément au Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92‑620. Le président indépendant a déclaré M. Johnson coupable d'une infraction disciplinaire, soit d'avoir désobéi à l'ordre légitime d'un agent.

[2]               Les faits ne sont pas compliqués. M. Johnson a été avisé qu'il était attendu au centre des visites et de la correspondance (le centre) de l'établissement de Warkworth où un huissier l'attendait pour lui signifier des documents dans une affaire civile. M. Johnson affirme qu'il s'est présenté au centre, mais a été avisé que puisqu'il n'avait pas de laissez‑passer, il ferait l'objet de mesures disciplinaires s'il ne quittait pas les lieux immédiatement. Il est retourné à son emplacement initial, où on l'a avisé, pas une mais deux fois, qu'il était attendu au centre. M. Johnson a refusé de s'y rendre comme on le lui demandait et a suggéré que l'instruction soit insérée dans l'une des cavités corporelles au sens de l'article 46 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la Loi).

[3]               Monsieur Johnson a été accusé d'une infraction disciplinaire au motif qu'on lui avait dit (pour utiliser un terme neutre), à deux occasions, de se présenter au centre et qu'il avait omis de le faire. Le président indépendant a conclu que M. Johnson était coupable de l'infraction, mais a réduit l'accusation d'infraction grave à une accusation d'infraction mineure et lui a imposé une amende de 20 $ et a accordé un délai de paiement pour une période déterminée.

[4]               Monsieur Johnson a présenté une demande de contrôle judiciaire à l'égard de la décision du président indépendant. Il a invoqué trois motifs de contrôle :

a         on ne lui a pas ordonné de se présenter au centre, car l'acte d'accusation indiquait qu'on lui avait simplement [TRADUCTION] « donné instruction » de s'y rendre ;

b        l'ordre ou la directive constituait une atteinte à son droit en tant que partie à un litige de se soustraire à la signification ;

c         le président indépendant ne pouvait le reconnaître coupable hors de tout doute raisonnable, comme l'exige le paragraphe 43(3) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, en raison de l'ambiguïté soulevée par l'utilisation de l'expression [TRADUCTION] « donné instruction » dans l'acte d'accusation.

[5]               Le juge de la Cour fédérale a rejeté l'argument de M. Johnson sur le fondement de la distinction entre l'utilisation de l'expression [TRADUCTION] « donné instruction » et du mot [TRADUCTION] « ordonné ». Il a conclu que les termes étaient synonymes, en particulier dans le contexte de l'administration quotidienne d'un établissement correctionnel. Le juge de la Cour fédérale a également conclu qu'il n'y avait aucun droit de se soustraire à la signification de documents, de sorte que d'ordonner à M. Johnson de se présenter au centre ne pouvait constituer une violation de ce droit. S'agissant du troisième motif de contrôle, le juge de la Cour fédérale a conclu que M. Johnson demandait à la Cour d'apprécier à nouveau la preuve et il a refusé de le faire.

[6]               Monsieur Johnson interjette maintenant appel devant la Cour. Il soulève quatre motifs d'appel. Il prétend que le juge de la Cour fédérale a manqué à son obligation d'équité procédurale en n'énonçant pas correctement les questions en litige dans la demande de contrôle judiciaire. Il répète son argument selon lequel l'instruction qu'il a reçue de se présenter au centre n'équivalait pas à un ordre et que l'expression [TRADUCTION] « donné instruction » utilisée dans l'acte d'accusation est ambiguë. Il fait également valoir que l'instruction qu'il a reçue, même s'il s'agissait d'un ordre, n'était pas légitime, puisqu'il constituait une atteinte à son droit en tant que partie à un litige dans une procédure contradictoire. Selon lui, cela excède le mandat des Services correctionnels, de sorte que l'instruction est ultra vires. Finalement, M. Johnson prétend que le juge de la Cour fédérale ne s'est pas penché sur la question du doute raisonnable. Le paragraphe 43(3) de la Loi prévoit que le président indépendant ne peut prononcer la culpabilité d'un détenu que s'il est convaincu de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.

[7]               Dans un appel d'une demande de contrôle judiciaire, la cour d'appel se met essentiellement à la place du tribunal de révision : Agence du revenu du Canada c. Telfer, 2009 CAF 23, [2009] A.C.F. no 71, aux paragraphes 18 et 19.

[8]               La préoccupation de M. Johnson concernant l'expression [TRADUCTION] « donné instruction » dans l'acte d'accusation ne lui est d'aucun secours.

[9]               L'utilisation de cette expression soulève deux questions. La première est celle de savoir si M. Johnson a été accusé d'une infraction autre que celle énoncée à l'alinéa 40a) de la Loi. Le juge de la Cour fédérale a conclu que le mot [TRADUCTION] « ordonné » et l'expression [TRADUCTION] « donné instruction » étaient des synonymes dans le contexte correctionnel, conclusion qui n'a pas été contestée. Bien qu'il soit préférable d'utiliser les termes de la loi dans l'acte d'accusation, l'utilisation d'un synonyme n'est pas fatale pour l'accusation. Pourvu que M. Johnson ait été raisonnablement informé des allégations formulées contre lui et que l'infraction dont il était accusé fasse référence à un article précis de la Loi, les exigences formelles d'une accusation valide étaient remplies : voir R. c. Coté, [1978] 1 R.C.S. 8, à la page 13 (paragraphe 11).

[10]           La deuxième question soulevée par l'utilisation de l'expression [TRADUCTION] « donné instruction » est celle de savoir si, à la lumière des faits, M. Johnson comprenait que les autorités correctionnelles, dans l'exercice de leurs pouvoirs, l'obligeaient à se présenter au centre pour une raison liée à l'administration de l'établissement. Il a évidemment compris qu'il devait se présenter au centre puisqu'il s'y était initialement rendu. Rien ne permet de croire que M. Johnson croyait autre chose lorsqu'on lui a subséquemment donné instruction de se présenter au centre une deuxième et troisième fois.

[11]           Comme l'établissement avait la garde de M. Johnson et qu'il ne pouvait recevoir signification à moins d'être amené par les agents correctionnels, l'instruction de se présenter au centre visait une raison liée à l'administration de l'établissement en ce sens que l'établissement ne peut, en tant qu'établissement public, nuire à l'administration de la justice en refusant d'amener une personne pour signification hormis dans les circonstances les plus exceptionnelles.

[12]           S'agissant de l'autre argument de M. Johnson fondé sur la règle de l'ultra vires, il ne lui est d'aucun secours non plus, étant donné que l'ordre de l'agent correctionnel ne constituait pas une atteinte au droit de M. Johnson de mener son procès comme il l'entend. L'ordre de l'agent correctionnel n'était pas illégitime parce qu'il entravait la capacité de M. Johnson de se soustraire à la signification. Se soustraire à la signification n'est pas une stratégie légitime.

[13]           Monsieur Johnson a également fait valoir que l'utilisation de l'expression [TRADUCTION] « donné instruction » aurait dû semer un doute raisonnable dans l'esprit du président indépendant. Pour les motifs énoncés ci‑dessus, cet argument n'a aucun fondement.

[14]           L'allégation selon laquelle le juge de la Cour fédérale a commis une erreur de droit en n'énonçant pas correctement les questions en litige ne peut être retenue. Bien qu'il n'ait pas décrit les questions comme l'a fait M. Johnson, il s'est penché sur les questions de droit soulevées dans sa demande.

[15]           Par conséquent, je suis d'avis de rejeter l'appel avec dépens. Compte tenu du montant de l'amende imposée par le président indépendant (20 $), du délai de paiement pour une période déterminée et de sa réduction de l'accusation d'une infraction grave à une infraction mineure, il se pourrait bien que le président indépendant ait conclu qu'il y avait des facteurs atténuants. Compte tenu de ces facteurs atténuants ainsi que des ressources limitées des détenus fédéraux, je suis d'avis de limiter les dépens de l'intimé à ses débours.

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

David Stratas, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DoSSIER :

A-302-13

INTITULÉ :

WILLIAM A. JOHNSON c. LE PRÉSIDENT INDÉPENDANT DU TRIBUNAL DISCIPLINAIRE DE L'ÉTABLISSEMENT DE WARKWORTH

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 9 SEPTEMBRE 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

DATE DES MOTIFS :

LE 19 SEPTEMBRE 2014

COMPARUTIONS :

L'appelant lui‑même

 

POUR L'APPELANt,

WILLIAM A. JOHNSON

Andrew Law

 

POUR L'INTIMÉ,

LE PRÉSIDENT INDÉPENDANT DU TRIBUNAL DISCIPLINAIRE DE L'ÉTABLISSEMENT DE WARKWORTH

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

L'appelant lui‑même

POUR L'Appelant,

WILLIAM A. JOHNSON

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR L'INtIMÉ,

LE PRÉSIDENT INDÉPENDANT DU TRIBUNAL DISCIPLINAIRE DE L'ÉTABLISSEMENT DE WARKWORTH

 

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