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Date : 20140911


Dossier : A-171-13

Référence : 2014 CAF 196

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE BOIVIN

 

ENTRE :

 

IMMUNOVACCINE TECHNOLOGIES INC.

 

appelante

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

 

Audience tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 9 septembre 2014.

Jugement rendu à Fredericton (Nouveau-Brunswick), le 11 septembre 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LA JUGE TRUDEL

 


Date : 20140911


Dossier : A-171-13

Référence : 2015 CAF 196

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE BOIVIN

 

ENTRE :

 

IMMUNOVACCINE TECHNOLOGIES INC.

 

appelante

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE BOIVIN

[1]               L’appelante interjette appel de la décision de la juge Lamarre (la juge) de la Cour canadienne de l'impôt du 10 avril 2013.

[2]               La juge a confirmé la décision du ministre du Revenu national selon laquelle les versements que l'appelante a reçus de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique (l'APÉCA) pour les années d'imposition 2005, 2006, 2007 et 2008 constituaient de l'« aide gouvernementale » au sens du paragraphe 127(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi). En tant qu'aide gouvernementale, ces versements réduisent le montant des dépenses en recherche scientifique et développement expérimental que l'appelante peut réclamer pour les années d'imposition en question.

[3]               L’appelante, une société de recherche et de développement, fabrique des vaccins contre des maladies infectieuses. L'APÉCA est un organisme fédéral établi pour aider le développement économique de la région de l'Atlantique.

[4]               Le 31 décembre 2004, l'appelante a conclu une entente avec l'APÉCA pour recevoir près de 3,8 millions de dollars en financement durant les années 2005‑2008 (l'entente). En tout, l'appelante a reçu 3 786 474 $ de l'APÉCA en vertu de cette entente.

[5]               En mars 2008, le ministre du Revenu national a déterminé que les montants susmentionnés constituaient de l'aide gouvernementale.

[6]               La juge a conclu que l'APÉCA, en concluant l'entente avec l'appelante, remplissait sa mission et exerçait ses pouvoirs conformément à la Loi sur l'Agence de promotion économique du Canada atlantique (L.R.C. 1985, ch. 41 (4e suppl.)). Par conséquent, à la lumière de la preuve et du contexte, la contribution de l'APÉCA constituait de l'« aide gouvernementale » au sens du paragraphe 127(9) de la Loi et n'était pas un prêt ordinaire accordé selon des conditions raisonnables à des fins commerciales.

[7]               L’appelante soutient que l'entente conclue avec l'APÉCA n'équivaut pas à un « prêt à remboursement conditionnel » au sens du paragraphe 127(9) de la Loi, mais constitue plutôt un [TRADUCTION] « prêt ordinaire » qui n'est pas visé au paragraphe 127(9) de la Loi. L'appelante soutient donc que la juge a commis une erreur de droit dans son interprétation du terme « aide gouvernementale » au sens du paragraphe 127(9) de la Loi et en appliquant ensuite cette interprétation à l'entente entre elle et l'APÉCA.

[8]               Les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit de la juge sont susceptibles de contrôles selon la norme de l'erreur manifeste et dominante (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235).

[9]               En l'espèce, la juge a examiné en détail les faits et les thèses des parties. Après un examen attentif du dossier et des observations écrites et orales des avocats, je propose de rejeter l'appel. L'appelante ne m'a pas convaincu que la juge a commis une erreur susceptible de contrôle qui justifierait l'intervention de cette Cour.

[10]           Dans l'arrêt Canada c. CCLC Technologies Inc., [1996] A.C.F. no 1226 (QL), 1996 CanLII 11571 (CCLC Technologies), notre Cour a adopté un critère pour déterminer si les versements effectués par une autorité publique semblable à l'APÉCA en vertu d'une entente ont les caractéristiques d'une entreprise commerciale. Autrement dit, la question clé est la suivante : l'autorité publique en question agit‑elle à titre commercial plutôt que gouvernemental?

[11]           La juge a renvoyé au critère établi dans l'arrêt CCLC Technologies et l'a appliqué pour savoir si l'organisme gouvernemental a agi « exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que les paiements faits par les entreprises privées, c'est‑à‑dire afin de promouvoir les intérêts [commerciaux] du payeur » (par. 46 des motifs de la juge).

[12]           La juge a également examiné le courant jurisprudentiel ayant mené à l'arrêt CCLC Technologies, à savoir Canada c. Consumers' Gas Co., [1987] 2 C.F. 60 (C.A.F.) (Consumers' Gas), et Ottawa Valley Power Co. v. Minister of National Revenue, [1969] Ex. C.R. 64, 69 D.T.C. 5166, confirmé en appel devant la Cour suprême dans l'arrêt Ottawa Valley Power Company c. Ministre du Revenu national, [1970] R.C.S. 941, [1970] C.T.C. 305.

[13]           Je constate que l'appelante ne conteste pas que le critère établi dans l'arrêt CCLC Technologies a été adopté pour déterminer si un paiement constitue une « aide gouvernementale » au sens de la Loi. L'appelante fait plutôt valoir qu'elle n'a pas besoin de satisfaire à ce critère puisqu'il constitue essentiellement une [TRADUCTION] « règle jurisprudentielle ». Se fondant en grande partie sur la règle ejusdem generis d'interprétation des lois, l'appelante prie la Cour d'interpréter le libellé du paragraphe 127(9) comme limitant la portée de l'« aide » au lieu d'appliquer le critère actuel établi dans l'arrêt CCLC Technologies. Toutefois, je suis d'avis que l'interprétation textuelle du paragraphe 127(9) proposée par l'appelante doit être rejetée pour les raisons suivantes.

[14]           Le paragraphe 127(9) de la Loi est une disposition de définitions. Il définit notamment le terme « aide gouvernementale » comme suit :

« aide gouvernementale » Aide reçue d'un gouvernement, d'une municipalité ou d'une autre administration sous forme de prime, subvention, prêt à remboursement conditionnel, déduction de l'impôt ou allocation de placement ou sous toute autre forme, à l'exclusion d'une déduction prévue au paragraphe (5) ou (6).

“government assistance” means assistance from a government, municipality or other public authority whether as a grant, subsidy, forgivable loan, deduction from tax, investment allowance or as any other form of assistance other than as a deduction under subsection 127(5) or 127(6);

[15]           Il convient de souligner que l'expression « aide reçue d'un gouvernement » précède une énumération : prime, subvention, prêt à remboursement conditionnel, déduction de l'impôt, allocation de placement. Toutefois, l'expression « ou sous toute autre forme » suit immédiatement cette énumération. Contrairement à l'affirmation de l'appelante — et comme l'a conclu la juge au paragraphe 45 de ses motifs — une telle expression ne limite pas la forme de l'aide visée au paragraphe 127(9). Elle donne plutôt un sens large au mot « aide », englobant diverses formes d'aide gouvernementale qui ne font pas nécessairement partie de ladite énumération. Par conséquent, cette définition peut comprendre les ententes qui ne sont pas purement gratuites et unilatérales.

[16]           Finalement, je conviens avec la juge que le libellé de l'entente conclue par les parties indique que leur intention était de considérer la contribution comme une « aide gouvernementale » et non comme une opération commerciale ordinaire. En effet, plusieurs dispositions de fond dans l'entente et les annexes pointent clairement dans cette direction : l'entente comporte des exigences en matière de rapports; l'appelante est tenue de payer la contribution, mais seulement dans une certaine mesure et selon un pourcentage de son revenu brut; l'entente prend fin en 2017, qu'il y ait eu ou non remboursement; le mieux que l'APÉCA puisse espérer est le remboursement de sa contribution sans intérêts.

[17]           Je ne vois aucune erreur dans la façon dont la juge a interprété l'entente.

[18]           Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter l'appel avec dépens.

« Richard Boivin »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

M. Nadon, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Johanne Trudel, j.c.a. »

Traduction

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-171-13

 

INTITULÉ :

IMMUNOVACCINE TECHNOLOGIES INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 septembre 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LA JUGE TRUDEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 septembre 2014

 

COMPARUTIONS :

Bruce Russell, c.r.

 

Pour l'appelante

IMMUNOVACCINE TECHNOLOGIES INC.

 

Daniel Bourgeois

Frédéric Morand

 

Pour l'intimée

SA MAJESTÉ LA REINE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McInnes Cooper

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

Pour l'appelante

IMMUNOVACCINE TECHNOLOGIES INC.

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

Pour l'intimée

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

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