Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20141001

Dossiers : A‑147‑11

A‑186‑11

Référence : 2014 CAF 219

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE STRATAS

ENTRE :

FRANCIS MAZHERO

appelant

et

ANDREW FOX, JACQUES ROBERGE ET NEIL SHARKEY

intimés

Jugé sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 1er octobre 2014.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

 



Date : 20141001

Dossiers : A‑147‑11

A‑186‑11

Référence : 2014 CAF 219

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE STRATAS

ENTRE :

FRANCIS MAZHERO

appelant

et

ANDREW FOX, JACQUES ROBERGE ET NEIL SHARKEY

intimés

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE STRATAS

[1]               Le 11 septembre 2014, notre Cour a ordonné que les présents appels réunis se poursuivent à titre d'instance à gestion spéciale. J'ai été désigné à titre de juge responsable de la gestion de l'instance : Mazhero c. Fox et al., 2014 CAF 200.

[2]               Je dispose de vastes pouvoirs pour faire avancer les appels réunis de l'état chaotique actuel vers la tenue rapide d'une audience sur le fond. Plus particulièrement, le paragraphe 385(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), me confère deux types de pouvoirs utiles en l'espèce. Premièrement, je peux donner toute directive ou rendre toute ordonnance « nécessaires pour permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible ». Deuxièmement, je peux « fixer les délais applicables aux mesures à entreprendre subséquemment dans l'instance ».

[3]               Le paragraphe 385(1) s'apparente aux articles 53 et 55. En vertu de ces dispositions, je peux modifier une disposition des Règles, exempter une partie ou une personne de son application, rendre des ordonnances supplémentaires équitables et assortir toute ordonnance de conditions.

[4]               Le paragraphe 385(1) s'inscrit aussi dans le pouvoir absolu de la Cour de réglementer le déroulement des instances et de restreindre les abus de sa procédure : Canada (Revenu national) c. Compagnie d'assurance vie RBC, 2013 CAF 50, aux paragraphes 33 à 36.

[5]               L'exercice de ces pouvoirs doit toujours respecter les principes d'équité procédurale. L'équité procédurale ne porte pas sur ce que les parties estiment être juste et n'est pas une question de perception. Il s'agit d'une notion bien définie qui tire ses origines de la jurisprudence. En l'espèce, les exigences relatives à l'équité procédurale ne viendront pas faire obstacle à mon mandat consistant à mettre de l'ordre dans le chaos.

[6]               L'exercice de ces pouvoirs ne me limite pas à instruire des affaires passivement, c'est‑à‑dire trancher des requêtes et d'autres questions soulevées par les parties. Je peux plutôt jouer un rôle plus actif et exercer mes vastes pouvoirs, parfois de mon propre chef, pour réglementer équitablement la conduite des parties, en vue de faire avancer le dossier vers la tenue rapide d'une audience sur le fond. Une brève description des appels et de leur état actuel montre que je dois être très actif.

[7]               Je suis saisi des deux appels réunis suivants :

                     Le dossier A‑147‑11, l'appel de l'ordonnance du 30 mars 2011 par laquelle la juge Tremblay‑Lamer de la Cour fédérale a déclaré que l'appelant était un plaideur vexatoire au sens du paragraphe 40(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, et a tranché des questions connexes. L'appelant a interjeté appel le 31 mars 2011.

                     Le dossier A‑186‑11, l'appel de l'ordonnance du 28 avril 2011 par laquelle le juge Noël de la Cour fédérale a refusé à l'appelant l'autorisation d'introduire une instance. L'appelant a interjeté appel le 5 mai 2011.

[8]               Les appels n'ont pas progressé au‑delà du stade du dépôt de l'avis d'appel. Plus particulièrement, l'appelant n'est pas passé à l'étape suivante, à savoir le dépôt des dossiers d'appel prévu à l'article 343.

[9]               Habituellement, cette étape ne prend pas plus de 60 jours à compter du dépôt de l'avis d'appel. Or, nous voici à présent 1 279 jours et 1 244 jours respectivement après l'introduction de l'appel, et l'étape en question n'a pas encore été franchie. Le déroulement des appels a été bloqué par le dépôt de nombreuses requêtes et lettres visant diverses réparations ainsi que par certaines ordonnances antérieures de la Cour.

[10]           En ayant recours à mes vastes pouvoirs en matière de gestion de l'instance, j'établirai maintenant certaines règles obligatoires qui régiront les présents appels réunis jusqu'à la fin de l'instance. Mon but est de faire avancer rapidement les appels vers la tenue d'une audience sur le fond.

[11]           Premièrement, j'établirai des règles relatives à la façon dont les parties doivent s'adresser à la Cour. La juge Sharlow a fait observer, à juste titre, que l'appelant dépose à la Cour des lettres et des documents plus rapidement qu'elle ne peut les traiter : Mazhero, précité, au paragraphe 14. Certains documents et lettres sont dépourvus de fondement juridique et d'autres contestent la bonne foi et les motifs de la Cour. Pourtant, la Cour doit traiter des documents déposés devant elle, une tâche qui fait gaspiller les ressources déjà insuffisantes sans faire avancer l'affaire vers la tenue d'une audience.

[12]           En l'espèce, les propos du sous‑comité sur l'examen global des Règles des Cours fédérales, approuvés à l'unanimité par le Comité des règles des Cours fédérales, se révèlent pertinents à cet égard :

Le système des Cours fédérales ne peut plus être perçu seulement comme un outil à l'intention des parties à un litige conçu pour parvenir à leurs fins avec peu de contraintes. Nous ne pouvons plus continuer de considérer les Règles seulement pour concilier et servir les intérêts de certaines parties à un litige. Les Règles doivent être perçues comme régissant les droits des parties à un litige dans l'ensemble du système. La surutilisation des maigres ressources judiciaires dans une instance pourrait priver d'autres instances de ces ressources et causer une dépense inutile de fonds publics.

Bien que l'appareil judiciaire fédéral existe pour desservir les parties à un litige, il ne faut pas oublier un élément très important : le système des Cours fédérales appartient à la collectivité, est financé par la collectivité et doit être au service de la collectivité.

(Rapport du sous‑comité sur l'examen global des Règles des Cours fédérales, 2012, à la page 22.)

[13]           Selon les Règles, les parties à un litige s'adressent à la Cour uniquement par voie de requête. En l'espèce, aucune exception ne sera autorisée. J'ordonnerai donc que les parties ne s'adressent pas à la Cour par lettre ou autre document. Les parties s'adresseront à la Cour uniquement par voie de requête formelle, en application de l'article 369. La requête doit faire explicitement mention de la disposition des Règles des Cours fédérales justifiant la réparation demandée, sinon le greffe la rejettera.

[14]           Plus précisément, le greffe n'acceptera aucune lettre ni autre document transmis par les parties par quelconque moyen, sauf s'il s'agit d'un dossier de requête conforme, d'un dossier d'appel conforme, d'un mémoire des faits et du droit conforme ou des observations écrites suivant une ordonnance de la Cour. La Cour ne doit en aucun cas répondre à une lettre ou à un autre document.

[15]           Ensuite, j'établirai des règles relatives aux procédures à suivre par le greffe et la Cour lorsqu'une partie dépose un dossier de requête conforme. Après le dépôt du dossier, le greffe me le transmet immédiatement. Je déterminerai rapidement si la requête est fondée, compte tenu de la preuve et des observations écrites figurant dans le dossier de requête présenté par le requérant. Si la requête est dénuée de tout fondement, je la rejetterai immédiatement.

[16]           Il s'agit de mesures qui respectent la pratique de la Cour en matière d'audience. Lorsqu'une partie vise à obtenir réparation, par voie de requête, de demande ou d'appel, et qu'elle ne démontre pas que la réparation demandée peut être accordée, l'affaire ne va pas plus loin — la requête, la demande ou l'appel est rejeté sans demander à l'intimé de déposer des observations en réponse.

[17]           Si la requête est possiblement fondée ou si elle nécessite une réponse, je donnerai une directive invitant l'intimé ou les intimés à la requête à déposer un dossier de requête en réponse. Le délai prescrit à l'article 365 commencera à courir à compter de la date à laquelle est donnée la directive.

[18]           Ensuite, je souhaite corriger un malentendu possible de la part de l'appelant. La Cour est saisie présentement de plusieurs requêtes déposées par celui‑ci en vue de faire annuler certaines ordonnances rendues antérieurement. Toutefois, l'appelant semble ne pas se rendre compte que les Règles ne lui confèrent pas le droit absolu d'agir ainsi. Loin de là.

[19]           En règle générale, une ordonnance est définitive et lie les parties à l'instance. Elle ne peut être modifiée ou annulée que par voie d'appel. Cette règle générale comporte des exceptions précises, par exemple lorsque l'ordonnance ne concorde pas avec les motifs qui ont été donnés pour la justifier, lorsque l'ordonnance contient des erreurs typographiques ou lorsqu'une question est omise involontairement (article 397). Un autre exemple est le cas où l'ordonnance a été obtenue par fraude ou des faits nouveaux sont survenus (article 399). Il est difficile de satisfaire à l'exigence relative aux nouveaux faits : UHA Research Society c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 134, au paragraphe 9.

[20]           Dans les motifs formulés dans la décision Mazhero, précitée, aux paragraphes 13a) et 14, la juge Sharlow a utilement énoncé les requêtes déposées par l'appelant dont la Cour est actuellement saisie. Certaines de ces requêtes ont été présentées dans des lettres. Pour une dernière fois, par souci d'efficacité, je considérerai les lettres comme faisant état de requêtes formelles.

[21]           Les lettres de l'appelant du 18 juillet 2014 et du 4 septembre 2014 ainsi que le dossier de requête du 13 août 2014 contestent, de manière générale, la validité en tout ou en partie de l'ordonnance de la Cour du 9 juillet 2014. Ces lettres ne font pas valoir de motif valable au titre des articles 397 ou 399. Il ressort de ses requêtes que l'appelant se croit lésé par l'ordonnance du 9 juillet 2014. Son recours consiste à tenter d'en interjeter appel et non de présenter les requêtes en question. Par conséquent, toutes ces requêtes seront rejetées.

[22]           La requête déposée par l'appelant en annulation des ordonnances rendues par la Cour le 19 août 2011 est également rejetée. Contrairement à la prétention de l'appelant, la Cour avait compétence pour prononcer ces ordonnances. De plus, il n'y a aucune raison de revenir sur ces ordonnances au titre des articles 397 et 399. S'il n'est pas satisfait de ces ordonnances, l'appelant peut essayer de les porter en appel. Il n'existe cependant aucun recours au sens des articles 397 et 399.

[23]           Par lettre du 9 septembre 2014, l'appelant sollicite une ordonnance enjoignant à la Cour fédérale de produire des copies électroniques de certains documents relatifs au dossier T‑1067‑10. Notre Cour n'a pas compétence pour rendre une telle ordonnance concernant les documents de la Cour fédérale. Cette requête sera rejetée.

[24]           La requête du 22 juillet 2014 par laquelle l'appelant sollicite une ordonnance prescrivant que l'intimé Sharkey soit accusé d'une infraction criminelle et accordant d'autres réparations est rejetée. La Cour n'a pas compétence pour accorder la réparation demandée. En outre, la requête est tout à fait dépourvue de fondement juridique. Cette requête reprend une requête antérieure déposée sans succès devant notre Cour, par laquelle l'appelant demandait l'autorisation d'intenter une poursuite privée contre un protonotaire et un avocat.  

[25]           Ces requêtes soulèvent des préoccupations. L'appelant souhaite‑t‑il réellement contester le bien‑fondé des jugements par lesquels la Cour fédérale a déclaré qu'il était un plaideur vexatoire? Ou souhaite‑t‑il plutôt se servir des appels réunis à des fins accessoires illégitimes? J'examinerai cette question plus loin.

[26]           Je passe maintenant aux autres étapes procédurales des appels réunis.

[27]           Initialement, la Cour avait été saisie de deux appels, à savoir dans les dossiers A‑147‑11 et A‑186‑11. Le 26 mai 2011, notre Cour a déterminé le contenu du dossier d'appel dans le dossier A‑147‑11. Le 19 août 2011, la Cour a ordonné la réunion des appels. Il incombe maintenant à l'appelant de préparer un dossier d'appel pour les appels réunis (dans les dossiers A‑147‑11 et A‑186‑11) qui soit conforme à l'article 344.

[28]           Pour préparer son dossier d'appel, l'appelant devrait commencer par l'ordonnance du 26 mai 2011 qui énonce les documents à inclure dans le dossier d'appel A‑147‑11. Il doit évaluer s'il existe des documents supplémentaires pertinents au dossier A‑186‑11 qui avaient été soumis aux instances inférieures et qui sont nécessaires à l'audition des appels réunis. Ces documents devraient être versés dans le dossier d'appel pour les appels réunis. Il faut y inclure au moins les motifs et le jugement de la Cour fédérale visés par l'appel dans le dossier A‑186‑11.

[29]           Le contenu du dossier d'appel pour les appels réunis sera établi par ordonnance ultérieure de la Cour. Les parties doivent déposer des observations à cet égard.

[30]           L'appelant doit déposer à la Cour, au plus tard le 21 octobre 2014, des observations écrites et inclure la table des matières détaillée proposée pour le dossier d'appel dans les appels réunis. Dans la table des matières, il doit énumérer chaque document et le décrire avec précision. Les intimés peuvent répondre, au plus tard le 4 novembre 2014, pour s'opposer (en faisant part de leurs motifs) à la table des matières de l'appelant. Au besoin, les intimés peuvent présenter leur propre table des matières ainsi que des observations sur la raison pour laquelle la Cour devrait adopter celle‑ci. L'appelant doit déposer sa réplique au plus tard le 12 novembre 2014. Ma décision sur le contenu du dossier d'appel sera communiquée aux parties au plus tard le 24 novembre 2014.

[31]           Compte tenu du retard accumulé jusqu'à présent, les étapes procédurales restantes, à savoir le dépôt du dossier d'appel et des mémoires des parties ainsi que la tenue de l'audience, doivent être fixées par ordonnance judiciaire. L'historique des procédures en l'espèce et l'intérêt public dans le règlement rapide des appels n'exigent rien de moins.

[32]           Au plus tard le 21 octobre 2014, l'appelant doit déposer des observations d'une longueur de trois pages pour indiquer un projet d'échéancier concernant les étapes restantes des appels réunis, notamment les dates possibles pour l'audience au cours de la période allant de février à avril 2015 et l'endroit préféré pour la tenue de l'audience. Au plus tard le 4 novembre 2014, les intimés peuvent déposer en réponse des observations d'une longueur de trois pages. Au plus tard le 12 novembre 2014, l'appelant peut déposer en réplique des observations écrites d'une longueur de deux pages.

[33]           Les parties sont avisées que l'échéancier définitif établi par la Cour sera énoncé dans une ordonnance qui lie les parties à l'instance. L'échéancier ne pourra pas être modifié, sauf dans des circonstances véritablement exceptionnelles. Toute requête subséquente n'aura pas d'incidence sur l'échéancier.

[34]           Enfin, si les ordonnances que je prononce aujourd'hui ne sont pas respectées, si une partie dépose plusieurs requêtes visant à obtenir une réparation que la Cour n'a pas compétence pour accorder, si une partie persiste à demander, par requête, l'annulation de chaque ordonnance sans fondement, ou si une partie dépose des requêtes frivoles et vexatoires, je prendrai des mesures fermes conformément au pouvoir absolu de la Cour de remédier aux abus de ses propres procédures.

[35]           Par exemple, si l'appelant adopte une pareille conduite, je conclurai que les appels réunis ne constituent qu'un outil permettant de poursuivre des fins illégitimes et je les rejetterai par procédure sommaire pour cause d'abus de procédure. Comme je l'ai déjà mentionné, j'ai des préoccupations à cet égard, mais j'espère avoir tort.

[36]           S'il estime que ses appels sont bien fondés, l'appelant doit à présent procéder de manière méthodique, diligente et ferme pour qu'ils soient rapidement prêts pour audition pour permettre à la Cour de les examiner équitablement sur le fond.

[37]           Les intimés se sont vu adjuger des dépens à plusieurs reprises. Pour fixer et recouvrer les dépens, les intimés doivent suivre les procédures prescrites par les Règles. Rien ne me permet de suspendre les appels réunis, à moins que les dépens ne soient fixés et que l'appelant ait eu un délai raisonnable pour payer et se trouve en défaut.

[38]           Une ordonnance sera prononcée conformément aux présents motifs.

 « David Stratas »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DoSSIERS :

A‑147‑11 ET a‑186‑11

 

INTITULÉ :

FRANCIS MAZHERO c. ANDREW FOX, JACQUES ROBERGE ET NEIL SHARKEY

 

 

JUGÉ SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 1ER OCTOBRE 2014

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Francis Mazhero

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Ronald D. Lunau

 

POUR L'INTIMÉ Neil sharkey

 

Donna Keats

 

POUR LES INTIMÉS andrew fox ET jacques roberge

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson, S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR L'INTIMÉ neil sharkey

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR LES INTIMÉS andrew fox ET jacques roberge

 

 

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