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Date : 20141008


Dossier : A-80-14

Référence : 2014 CAF 225

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

 

ENTRE :

KOSMA-KARE CANADA INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audiences tenues à Montréal (Québec), les 7 et 8 octobre 2014.

Jugement rendu à l’audience à Montréal (Québec), le 8 octobre 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE GAUTHIER

 


Date : 20141008


Dossier : A-80-14

Référence : 2014 CAF 225

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

 

ENTRE :

KOSMA-KARE CANADA INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec), le 8 octobre 2014)

LA JUGE GAUTHIER

[1]               Kosma-Kare Canada Inc. en appelle d’une décision de la juge Lucie Lamarre de la Cour canadienne de l’impôt (la juge) rejetant son appel d’une cotisation établie en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (la Loi), pour les périodes d’imposition comprises entre le 1er avril 2006 et le 30 juin 2010. Dans ladite cotisation, le ministre du Revenu du Québec a refusé les crédits de taxe sur les intrants demandés par Kosma-Kare, parce que fondés sur des « factures de complaisance », puisqu’elles ne décrivent pas le véritable fournisseur de service ou l’intermédiaire. Il a aussi imposé une pénalité et la cotisation quant à la période allant du 1er avril 2006 à février 2007 a été établie hors les délais normalement applicables aux termes de l’article 298 de la Loi.

[2]               Kosma-Kare est une entreprise manufacturière fabriquant des produits de premiers soins et des cotons à cosmétique. Elle faisait régulièrement appel à deux agences de placement soit 9167-4523 Québec Inc. (9167) et 9199-9201 Québec Inc. (9199) pour obtenir du personnel pour effectuer certaines tâches comme l’empaquetage.

[3]               Kosma-Kare soumet qu’il n’est pas contesté qu’elle a payé pour du personnel qui a effectivement travaillé pendant la période pertinente. Selon elle, la documentation soumise à l’appui de ses demandes de crédits d’impôt répond aux exigences strictes de la Loi. La juge devait donc appliquer le raisonnement de notre Cour dans Systematix Technology Consultants Inc. c. Sa Majesté La Reine, 2007 CAF 226 et la cotisation aurait dû être annulée.

[4]               Kosma-Kare argue que la juge a erré en droit en lui imposant (i) un devoir de moralité (soit celui de s’assurer qu’elle n’utilisait pas des travailleurs « illégaux » - payés au noir et en deçà du salaire minimum) et (ii) d’agir comme police fiscale en obtenant les détails demandés par l’Agence du Revenu du Québec (ARQ) à l’égard desdits travailleurs, tels que leurs numéros d’assurance sociale. Selon Kosma-Kare, ces éléments ne sont aucunement pertinents pour déterminer si elle a droit ou non aux crédits d’impôt demandés.

[5]               Il est vrai que dans ses motifs (2014 CCI 13), la juge commente abondamment le stratagème mis en place par 9167 et 9199 et le fait que Kosma-Kare s’est volontairement fermé les yeux alors qu’elle aurait dû savoir qu’elle profitait de travailleurs illégaux. Toutefois, avant même de ce faire, la juge avait déjà conclu que l’intimé avait fait la démonstration que les travailleurs utilisés par Kosma-Kare ne pouvaient être des employés ni de 9167 ni de 9199, ni de sous-traitants avec lesquels ces agences disaient faire affaires.

[6]               La juge a conclu qu’il ressortait très clairement de la preuve que les compagnies ayant émis les factures soumises par Kosma-Kare au soutien de ses demandes de crédit d’impôt n’agissaient ni comme agences de placement de personnel ni comme intermédiaires auprès de sous-traitants dans le domaine (motifs paragraphe 51).

[7]               Donc, contrairement à ses dires, Kosma-Kare n’avait pas respecté les dispositions strictes de la Loi exigeant, entre autres, qu’elle déclare le nom du fournisseur ou de l’intermédiaire et le numéro d’inscription attribué conformément au paragraphe 241(1) de la Loi, à ce fournisseur ou à l’intermédiaire, selon le cas, (Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants (TPS/TVH) DORS/91-45, alinéa 3b)(i) (le Règlement).

[8]               Compte tenu des éléments de preuve au dossier et des conclusions de la juge quant au manque de crédibilité de certains témoins, Kosma-Kare ne nous a pas persuadés que la juge a commis une erreur manifeste et dominante à cet égard. Elle ne nous a pas convaincus non plus que la juge a commis quelque autre erreur pouvant justifier notre intervention en concluant que Kosma-Kare n’avait pas fait la preuve prima facie que les présomptions retenues par ce ministre étaient erronées.

[9]               Dans les circonstances, il n’est pas nécessaire de trancher les autres questions mises de l’avant par Kosma-Kare pour décider de l’appel quant au bien-fondé du rejet de ses demandes de crédits d’impôt. Ceci est d’autant plus évident qu’à l’audience, les parties ont confirmé que ces questions qui sont sérieuses font déjà l’objet d’un appel dans un autre dossier (Salaison Lévesque Inc. c. La Reine, 2014 CCI 36, (A-134-14), et qu’elles devraient être tranchées sous peu par notre Cour. Il est évident que rien ici ne doit être interprété comme entérinant quelques commentaires de la juge à ce sujet.

[10]           Kosma-Kare attaque de plus les conclusions de la juge confirmant l’imposition d’une pénalité en vertu de l’article 285 de la Loi. Elle soumet aussi que l’intimée n’a pas rencontré son fardeau de prouver qu’il pouvait la cotiser en dehors de la période normale, et ce, en vertu du paragraphe 298(4) de la Loi pour la période allant d’avril 2006 à février 2007.

[11]           La juge décrit les bons critères applicables pour trancher ces deux questions au paragraphe 74 de ses motifs. Toutefois, selon Kosma-Kare, c’est dans l’application de ceux-ci que la juge a erré.

[12]           Son raisonnement quant à la pénalité et l’application du paragraphe 298(4) de la Loi est bref (paragraphe 76). La juge indique que Kosma-Kare, malgré l’alerte reçue de l’ARQ en 2005, a accepté de travailler avec des gens sans s’inquiéter de savoir si ces personnes avaient un permis de travail ou un numéro d’assurance sociale, mais en pensant que le blâme serait porté par les agences avec lesquelles elle faisait affaires. Selon la juge, ceci démontre une indifférence totale au respect de la Loi et équivaut à une faute lourde. Elle s’appuie à cet égard sur la décision du juge Strayer dans Venne c. Canada (ministre du Revenu national), [1984] A.C.F. No. 314 (QL), 1984 CarswellNat 210, 84 D.T.C. 6247 (Venne).

[13]           D’abord, l’intimée a admis que la Loi ne traite pas de l’obligation de payer les employés au salaire minimum non plus qu’elle n’exige d’obtenir des permis de travail. Ensuite, contrairement à l’approche du juge Strayer dans Venne, la juge n’explique pas le lien qu’elle établit entre le faux énoncé ou l’omission de Kosma-Kare (la seule question discutée à l’audience devant nous était le nom et le numéro d’enregistrement du fournisseur ou de l’intermédiaire que Kosma-Kare doit déclarer aux termes du Règlement) et le non-respect d’autres lois qui traitent des permis de travail et du salaire minimum.

[14]           Il s’agit là d’une erreur manifeste et dominante puisque rien d’autre dans la décision ne justifie la conclusion que Kosma-Kare a commis une faute lourde directement liée à un faux énoncé ou omission au sens de l’article 285 de la Loi.

[15]           De la même façon, lorsqu’elle traite de l’application du paragraphe 298(4) de la Loi, la juge ne précise pas le lien qu’elle établit entre l’aveuglement volontaire de Kosma-Kare quant à l’illégalité des travailleurs et la présentation erronée qu’elle aurait faite. En aucun temps, la juge n’indique sur quelle base Kosma-Kare savait ou aurait dû savoir n’eut été de sa négligence, inattention ou omission volontaire que 9167 et 9199 n’étaient pas des fournisseurs de service et n’agissaient pas à titre d’intermédiaire au sens du Règlement.

[16]           Dans les circonstances, ces deux conclusions de la juge doivent être infirmées. L’appel sera donc rejeté sauf quant à la pénalité et la cotisation pour la période d’imposition entre avril 2006 et février 2007. Le dossier sera retourné à la CCI pour qu’elle traite à nouveau de ces deux questions. Compte tenu des résultats partagés, chaque partie devra assumer ses dépens.

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-80-14

(APPEL D’UNE ORDONNANCE DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT EN DATE DU 15 JANVIER 2014, DOSSIER 2011-3056(GST)G).

 

 

INTITULÉ :

KOSMA-KARE CANADA INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LES 7 ET 8 octobre 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE NADON

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :

LA JUGE GAUTHIER

 

COMPARUTIONS :

Louis-Frédérick Côté

 

 

Pour l'appelante

 

Martine Bergeron

 

 

Pour l'intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Spiegel Sohmer Inc.

Montréal (Québec)

 

Pour l'appelante

 

Larivière Meunier

Montréal (Québec)

 

Pour l'intimée

 

 

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