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                                                                                                                                            Date : 20021125

                                                                                                                                       Dossier : T-1894-01

                                                                                                             Référence neutre : 2002 CFPI 2002

Entre :

                                                                 PATRICK AYOTTE

                                                                                                                                                    Demandeur

                                                                              - et -

                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                     Défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

        La présente demande de contrôle judiciaire vise l'annulation de la décision rendue le 27 septembre 2001 par Bernard Boudreau, président indépendant (le « président » ) du tribunal disciplinaire de l'Établissement Drummond, qui a condamné le demandeur en vertu du paragraphe 40l) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. (1992), ch. 20 (la « Loi » ).

        Le demandeur purge présentement sa peine à l'Établissement de détention Drummond.

        Le 7 septembre 2001, l'agent correctionnel St-Pierre l'a obligé à lui fournir un échantillon d'urine pour le faire analyser. Malgré deux heures d'attente et plusieurs essais, le demandeur a dit ne pas être en mesure de fournir l'échantillon d'urine demandé.


        Durant l'attente, l'agent St-Pierre a donné à boire au demandeur. Cependant, leurs témoignages sont contradictoires en ce qui concerne la quantité d'eau fournie. Le demandeur affirme qu'il n'a reçu qu'une petite quantité d'eau, tandis que l'agent dit lui en avoir donné un verre et demi, ce qui serait en conformité avec le paragraphe 14 des Lignes de conduite no 572.

        L'agent St-Pierre a aussi témoigné qu'au moment de l'avis, le demandeur était habillé en blanc pour travailler à la cuisine, alors que ce dernier a déclaré qu'il était habillé dans le but de prendre une douche.

        Le président n'a pas cru la version du demandeur et l'a reconnu coupable de l'infraction reprochée. Il lui a imposé une amende de 25 $ et dix (10) jours de détention avec perte de privilèges.

        Il importe de reproduire les dispositions pertinentes suivantes de la Loi, de la Directive du commissaire no 572 et des Lignes de conduite applicables :

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition :


40. Est coupable d'une infraction disciplinaire le détenu qui :

[. . .]

l) refuse ou omet de fournir l'échantillon d'urine qui peut être exigé au titre des articles 54 ou 55;


   40. An inmate commits a disciplinary offence who

[. . .]

(l) fails or refuses to provide a urine sample when demanded pursuant to section 54 or 55;


44. (1) Le détenu déclaré coupable d'une infraction disciplinaire est, conformément aux règlements pris en vertu des alinéas 96i) et j), passible d'une ou de plusieurs des peines suivantes :

a) avertissement ou réprimande;

b) perte de privilèges;

c) ordre de restitution;

d) amende;

e) travaux supplémentaires;

f) isolement pour un maximum de trente jours, dans le cas d'une infraction disciplinaire grave.


44. (1) An inmate who is found guilty of a disciplinary offence is liable, in accordance with the regulations made under paragraphs 96(i) and (j), to one or more of the following:

(a) a warning or reprimand;

(b) a loss of privileges;

(c) an order to make restitution;

(d) a fine;

(e) performance of extra duties; and

(f) in the case of a serious disciplinary offence, segregation from other inmates for a maximum of thirty days.


54. L'agent peut obliger un détenu à lui fournir un échantillon d'urine dans l'un ou l'autre des cas suivants :

[. . .]

b) il le fait dans le cadre d'un programme réglementaire de contrôle au hasard, effectué sans soupçon précis, périodiquement et, selon le cas, conformément aux directives réglementaires du commissaire;


54. Subject to section 56 and subsection 57(1), a staff member may demand that an inmate submit to urinalysis

[. . .]

(b) as part of a prescribed random selection urinalysis program, conducted without individualized grounds on a periodic basis and in accordance with any Commissioner's Directives that the regulations may provide for; or


Directive du commissaire no 572 :


19.           Le refus par un détenu dans un établissement de fournir un échantillon d'urine doit être traité conformément à l'article 41 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et peut résulter en une infraction disciplinaire comme le prévoit l'alinéa 40(l) de ladite Loi.

23.           Les Lignes de conduite relatives au programme d'analyse d'urine dans les établissements et dans la collectivité liées à la présente directive, ainsi que la Directive du commissaire no 585 intitulée « Stratégie nationale antidrogue » doivent être suivies.


19.           Refusal to provide a urine sample by an inmate in an institution shall be dealt with pursuant to section 41 of the Corrections and Conditional Release Act and may result in a disciplinary offence as stated in paragraph 40(l) of the Corrections and Conditional Release Act.

23.           The Guidelines for Urinalysis Program in Institutions and in the Community related to this Commissioner's Directive and Commissioner's Directive 585 - National Drug Strategy, shall be followed.


Lignes de conduite relatives au programme d'analyse d'urine dans les établissements et dans la collectivité :


13.           Le délinquant doit fournir l'échantillon d'urine dans les deux (2) heures suivant l'heure de la demande.

14.           Durant ces deux (2) heures, le délinquant peut boire un maximum de huit (8) onces de liquide.


13.           Offenders shall be required to provide a sample within two (2) hours from the time of the request.

14.           During those two (2) hours, offenders may be authorized to drink a maximum of eight (8) ounces of liquid.


        Le demandeur soumet que toute condamnation à une infraction disciplinaire doit être rendue en conformité avec les principes de justice fondamentale garantis par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, puisqu'une condamnation à une infraction disciplinaire peut entraîner une détention en isolement pour une période de trente (30) jours. Le demandeur cite le juge Le Dain dans l'arrêt R. c. Miller, [1985] 2 R.C.S 613, à la page 641 :


. . . L'incarcération dans une unité spéciale de détention, ou en ségrégation administrative comme c'était le cas dans l'affaire Cardinal, constitue une forme de détention qui est tout à fait distincte de celle imposée à la population carcérale générale. Elle entraîne une diminution importante de la liberté résiduelle du détenu. Il s'agit en fait d'une nouvelle détention qui est censée avoir son propre fondement juridique. . . .

Dans ce cas, le prisonnier avait été mis en ségrégation administrative dans une « unité spéciale de détention » réservée aux détenus particulièrement dangereux et ce, sans audience disciplinaire, ce qui constituait une violation des principes de justice fondamentale. En l'espèce, ces principes ont été respectés, vu l'audience disciplinaire.

        Le demandeur soumet qu'il a présenté une défense de diligence raisonnable non contestée à l'effet qu'il avait tenté à plusieurs reprises d'uriner mais qu'il en était incapable. Or, ayant considéré le témoignage du demandeur dans le contexte de la preuve globale, le président ne l'a tout simplement pas cru. Ceci, en soi, ne justifie certes pas l'intervention de cette Cour sur la base suggérée.

      Le demandeur soumet en outre que le président n'a pas respecté les règles de droit concernant l'évaluation de la crédibilité, en présence de versions contradictoires relativement à la quantité d'eau et à l'habillement du demandeur. À cet égard, ce dernier invoque les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. W.(D.), [1991] 1 R.C.S. 742, à la page 748. Or, ces principes ne représentent qu'un modèle de directives que le juge, dans une affaire criminelle, pourrait donner au jury au sujet de la crédibilité et de la culpabilité de l'accusé, et ne s'applique donc pas dans le contexte d'un tribunal disciplinaire.

      Au sujet des principes qui gouvernent la discipline au niveau du Service correctionnel, j'ai déjà exprimé ce qui suit dans Procureur général du Canada (Service correctionnel du Canada) c. Plante (10 novembre 1995), T-1452-94, [1995] A.C.F. no 1509 (QL) :


Quant à la nature et aux fonctions du tribunal disciplinaire en cause, elles ont été bien résumées par mon collègue le juge Denault dans Hendrickson v. Kent Institution Disciplinary Court (Independent Chairperson) (1990), 32 F.T.R. 296, aux pages 298 et 299 :

The principles governing the penitentiary discipline are to be found in Martineau (No. 1) (supra) and Martineau v. Matsqui Institution Disciplinary Board (1979), 30 N.R. 119; 50 C.C.C. (2d) 353 (S.C.C.); Blanchard v. Disciplinary Board of Millhaven Institution (1982), 69 C.C.C. (2d) 171 (F.C.T.D.); Howard v. Stony Mountain Institution Inmate Disciplinary Court (1985), 57 N.R. 280; 19 C.C.C. (3d) 195 (F.C.A.), and may be summarized as follows:

1. A hearing conducted by an independent chairperson of the disciplinary court of an institution is an administrative proceeding and is neither judicial nor quasi-judicial in character.

2. Except to the extent there are statutory provisions or regulations having the force of law to the contrary, there is no requirement to conform to any particular procedure or to abide by the rules of evidence generally applicable to judicial or quasi-judicial tribunals or adversary proceedings.

3. There is an overall duty to act fairly by ensuring that the inquiry is carried out in a fair manner and with due regard to natural justice. The duty to act fairly in a disciplinary court hearing requires that the person be aware of what the allegations are, the evidence and the nature of the evidence against him and be afforded a reasonable opportunity to respond to the evidence and to give his version of the matter.

4. The hearing is not to be conducted as an adversary proceeding but as an inquisitorial one and there is no duty on the person responsible for conducting the hearing to explore every conceivable defence, although there is a duty to conduct a full and fair inquiry or, in other words, examine both sides of the question.

5. It is not up to this court to review the evidence as a court might do in a case of a judicial tribunal or a review of a decision of a quasi-judicial tribunal, but merely to consider whether there has in fact been a breach of the general duty to act fairly.

6. The judicial discretion in relation with disciplinary matters must be exercised sparingly and a remedy ought to be granted "only in cases of serious injustice" (Martineau No. 2, p. 360) [Martineau v. Matsqui Institution Disciplinary Board (1979), 30 N.R. 119].

(Je souligne.)

      La norme de contrôle applicable, en semblable matière, a été bien établie par le juge Kelen, dans l'arrêt Forrest v. The Attorney General of Canada, 2002 FCT 539, au paragraphe 19 :

Accordingly, this Court will not intervene on a question of fact, or a question of mixed fact and law unless the Disciplinary Court:

(i)            has made the finding of fact in a patently unreasonable manner; or,

(ii)           has made the finding of mixed fact and law in an unreasonable manner, i.e. without a reasonable basis.

      Ici, le président n'a pas commis d'erreur manifestement déraisonnable dans l'appréciation des témoignages, puisqu'il y avait des éléments de preuve pouvant soutenir sa décision, notamment le témoignage de l'agent St-Pierre.


      Finalement, quant à l'argument subsidiaire du demandeur relié à la peine imposée, je ne suis pas convaincu que celle-ci ne respecte pas les dispositions législatives pertinentes, soit l'article 44 de la Loi, les articles 34, 35 et 37 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620, et les articles 43, 44 et 45 de la Directive du commissaire sur les mesures disciplinaires prévues à l'endroit des détenus, no 580, 1997-01-24. Une lecture de la transcription de l'audience devant le président m'amène à conclure que celui-ci a simplement entendu suivre la recommandation d'une sentence minimale suggérée par le Service correctionnel, considérant l'absence de circonstances particulières justifiant une peine inférieure. Dans les circonstances, la sentence m'apparaît à la fois correcte et raisonnable.

      Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens.

                                                                    

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 25 novembre 2002


                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

             NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                              T-1894-01

INTITULÉ :                           PATRICK AYOTTE c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                   Le 23 octobre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE :     L'honorable juge Pinard

EN DATE DU :                    25 novembre 2002             

ONT COMPARU :

Me Daniel Royer                       POUR LE DEMANDEUR

Me Éric Lafrenière                    POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Labelle, Boudrault, Côté et Ass.             POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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