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Date : 20141210


Dossier : T-754-14

Référence : 2014 CF 1187

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 décembre 2014

En présence de monsieur le juge Rennie

ENTRE :

HELEN WANG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Nature de l’affaire

[1]               La Cour est saisie d’un appel interjeté conformément à l’article 14 de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C-29 (la Loi sur la citoyenneté) à l’encontre de la décision par laquelle la juge de la citoyenneté Ann D. Dillon (la juge de la citoyenneté) a rejeté la demande de citoyenneté canadienne de la demanderesse. Pour les motifs qui suivent, l’appel est rejeté.

[2]               La demanderesse, Helen Han Wang, est une citoyenne de la Chine âgée de 44 ans. Elle est devenue résidente permanente du Canada le 12 février 2007 et elle a ensuite demandé la citoyenneté canadienne pour elle-même et pour sa fille mineure le 9 juillet 2010.

[3]               Le 22 septembre 2011, la demanderesse a passé un examen écrit de citoyenneté. À la fin de l’examen, la demanderesse s’est vu remettre un questionnaire sur la résidence, qu’elle a rempli et retourné à Citoyenneté et Immigration Canada en octobre 2011. Je reviendrai au questionnaire et à son importance quant à l’issue du présent appel plus loin dans les motifs.

[4]               La demanderesse n’a reçu aucune réponse relativement à sa demande et au questionnaire jusqu’en juin 2013, lorsqu’elle a téléphoné pour s’informer de l’état d’avancement de sa demande. Citoyenneté et Immigration Canada lui a répondu par lettre, laquelle indiquait ceci : [traduction] « veuillez prendre note que votre dossier a été renvoyé à un juge de la citoyenneté pour qu’il tienne une audience et détermine si vous satisfaites aux exigences en matière de résidence prévues dans la Loi sur la citoyenneté ». La lettre précisait également qu’il fallait entre 24 et 30 mois pour fixer la date d’une audience, que la demanderesse allait [traduction] « recevoir un avis de comparution » une fois la date établie. La lettre ne contenait aucun autre renseignement à propos de l’objet ou du contenu de l’audience.

[5]               L’avis de comparution a été envoyé le 7 novembre 2013, soit environ cinq mois après la lettre de juin 2013 de Citoyenneté et Immigration Canada et bien avant le délai estimé de 24 à 30 mois. L’avis de comparution était rédigé comme suit :  

[traduction] La juge de la citoyenneté a besoin de renseignements additionnels pour rendre une décision concernant votre demande de citoyenneté et vous devez comparaître à l’audience. À l’audience, la juge déterminera si vous satisfaites à toutes les exigences en matière de citoyenneté et on vous posera aussi des questions afin d’établir si vous avez une connaissance suffisante de l’anglais ou du français ainsi que du Canada.  [Caractères gras dans l’original.]

[6]               À l’audience du 29 novembre 2013, la juge de la citoyenneté a avisé la demanderesse qu’elle lui ferait passer un examen oral des connaissances. La demanderesse a demandé qu’on lui laisse le temps d’étudier, mais la juge a refusé d’accéder à cette demande. Après avoir commencé l’examen et réalisé qu’il ne s’agissait pas d’un examen à choix multiples, la demanderesse a, encore une fois, demandé du temps pour étudier, mais s’est une fois de plus heurtée à un refus. La demanderesse a obtenu une note inférieure à la note de passage, soit 6 sur 20. Il faut 15 sur 20 pour passer l’examen des connaissances.

[7]               À la fin de l’audience, la juge de la citoyenneté a dit à la demanderesse qu’elle ne pouvait pas bénéficier de l’assurance-maladie et lui a ordonné de couper sa carte d’assurance-maladie de la C.-B. La juge de la citoyenneté a aussi posé des questions à la demanderesse au sujet de la TPS/TVH et des crédits d’impôt pour enfants. La demanderesse avait continué de recevoir les crédits pendant qu’elle était à l’extérieur du Canada, en violation de la Loi de l’impôt sur le revenu (LRC, 1985, c 1 (5e suppl)).

II.                Décision de la juge de la citoyenneté

[8]               La juge de la citoyenneté a conclu que la demanderesse a été effectivement présente au Canada pendant au moins 1 095 jours au cours de la période pertinente allant du 12 février 2007 au 5 juillet 2010. Par conséquent, elle a satisfait aux exigences de résidence prévues à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté; cependant, comme elle ne satisfaisait pas aux exigences de l’alinéa 5(1)e) de la Loi sur la citoyenneté, elle n’a pas obtenu la citoyenneté.

[9]               Dans sa décision, la juge de la citoyenneté a conclu que, compte tenu des réponses données aux questions posées à l’audience, la demanderesse n’a pas démontré qu’elle possédait une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté conformément à l’alinéa 5(1)e) de la Loi sur la citoyenneté.

[10]           La juge de la citoyenneté a fait remarquer qu’il était indiqué, en caractères gras, dans l’avis de comparution du 7 novembre 2013 que la demanderesse pourrait devoir passer un examen des connaissances et que les questions étaient [traduction] « fondées sur des renseignements fournis dans le guide d’étude intitulé Découvrir le Canada — Les droits et responsabilités liés à la citoyenneté ».

[11]           La juge de la citoyenneté a expliqué que la demanderesse devait reprendre l’examen parce que, selon elle, le test écrit n’était pas un [traduction] « indicateur récent et fiable » des connaissances qu’avait la demanderesse du Canada. La juge a tiré cette conclusion pour deux raisons : premièrement, le fait que la demanderesse n’avait pas vécu au Canada depuis le jour où elle a présenté sa demande de citoyenneté constituait une source de préoccupation; deuxièmement, certains actes commis par la demanderesse, notamment le fait qu’elle a continué de percevoir la TPS/TVH et les prestations fiscales pour enfants pendant qu’elle ne résidait pas au Canada, laissaient entendre qu’elle ne comprenait pas les responsabilités conférées par la citoyenneté canadienne.

III.             Questions en litige et norme de contrôle

[12]           Voici les questions soulevées en appel :

a.              La juge de la citoyenneté avait-elle compétence pour vérifier de nouveau les connaissances qu’avait la demanderesse du Canada lors de l’audience?

b.             La demanderesse a-t-elle été adéquatement avisée du nouvel examen de telle sorte que l’obligation d’équité a été respectée?

c.              La juge de la citoyenneté a-t-elle violé l’article 7, l’article 15 ou l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11 (la Charte), lorsqu’elle a rejeté la demande de citoyenneté de la demanderesse?

[13]           Les décisions que la juge de la citoyenneté a rendues en application de l’article 5 de la Loi sur la citoyenneté portent sur des questions mixtes de fait et de droit et sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. La norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale et aux questions constitutionnelles est celle de la décision correcte.

IV.             Analyse

A.                La compétence de la juge de la citoyenneté pour procéder à un nouvel examen

[14]           Aux termes de l’alinéa 5(1)e) de la Loi sur la citoyenneté, la personne qui demande la citoyenneté canadienne doit avoir une connaissance suffisante du Canada :

Attribution de la citoyenneté

Grant of citizenship

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois:

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

[…]

[…]

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship;

[15]           Aux termes du paragraphe 14(1), « le juge de la citoyenneté statue sur la conformité — avec les dispositions applicables en l’espèce de la présente loi et de ses règlements — des demandes déposées ». Aux termes du paragraphe 14(2), le juge de la citoyenneté approuve ou rejette la demande.

[16]           Le Règlement sur la citoyenneté, DORS/93-246 (le Règlement sur la citoyenneté) dispose :

11 (7) Lorsque le juge de la citoyenneté saisi de la demande conformément au paragraphe (5) estime qu’il lui est impossible d’approuver celle-ci sans de plus amples renseignements, il demande au ministre d’envoyer un avis écrit au demandeur à sa dernière adresse connue, par courrier, l’informant qu’il a la possibilité de comparaître devant ce juge aux date, heure et lieu qui y sont précisés.

11 (7) If it appears to a citizenship judge that the approval of an application referred to the citizenship judge under subsection (5) may not be possible on the basis of the information available, that citizenship judge shall ask the Minister to send a notice in writing by mail to the applicant, at the applicant’s latest known address, giving the applicant an opportunity to appear in person before that citizenship judge at the date, time and place specified in the notice.

[17]           De plus, selon le paragraphe 15(1) du Règlement sur la citoyenneté, une personne possède « une connaissance suffisante du Canada si les réponses qu’elle donne aux questions rédigées par le ministre montrent qu’elle connaît les symboles nationaux du Canada et comprend d’une manière générale » les sujets suivants :

a.              les principales caractéristiques de l’histoire politique et militaire du Canada;

b.             les principales caractéristiques de l’histoire sociale et culturelle du Canada;

c.              les principales caractéristiques de la géographie physique et politique du Canada;

d.             les principales caractéristiques du système politique canadien en tant que monarchie constitutionnelle;

e.              toutes autres caractéristiques.

[18]           Selon le paragraphe 15(2), une personne possède « une connaissance suffisante des responsabilités et privilèges attachés à la citoyenneté si les réponses qu’elle donne aux questions rédigées par le ministre montrent qu’elle comprend d’une manière générale les sujets suivants » :

a.              la participation au processus démocratique canadien;

b.             la participation à la société canadienne, notamment, l’entraide sociale, le respect de l’environnement et la protection du patrimoine naturel, culturel et architectural du Canada;

c.              le respect des droits, des libertés et des obligations énoncés dans les lois du Canada;

d.             tous autres responsabilités et privilèges attachés à la citoyenneté.

[19]           La demanderesse soutient que la juge de la citoyenneté n’avait pas compétence pour vérifier de nouveau ses connaissances à l’audience vu qu’elle avait déjà réussi l’examen écrit. Plus précisément, elle affirme que la juge a commis une erreur parce que l’article 5 de la Loi sur la citoyenneté enjoint au ministre d’attribuer la citoyenneté à toute personne qui satisfait aux critères énumérés. La citoyenneté est donc un droit en vertu de la Loi sur la citoyenneté. Quand un demandeur satisfait à tous les critères, comme c’était le cas de la demanderesse, il doit se voir attribuer la citoyenneté (article 5). Refuser d’attribuer la citoyenneté à un demandeur qui satisfait à tous les critères équivaut à une décision arbitraire de la part de la juge de la citoyenneté.

B.                 La conclusion sur la compétence pour administrer un nouvel examen

[20]           À mon avis, la juge de la citoyenneté avait compétence pour vérifier les connaissances qu’avait la demanderesse du Canada à l’audience. Les exigences prévues au paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté s’additionnent : le demandeur doit donc satisfaire à toutes les exigences pour que le juge de la citoyenneté recommande au ministre d’attribuer la citoyenneté : Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 719. De plus, les exigences prévues par la loi sont contemporaines. Selon la loi, il ne suffit pas que le demandeur ait eu, à un moment donné, une connaissance suffisante du Canada; elle oblige plutôt le demandeur à avoir une connaissance suffisante du Canada : Huang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 576, et Santos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 205. Par conséquent, le juge de la citoyenneté bénéficie d’un « vaste pouvoir discrétionnaire » pour statuer, aux termes du paragraphe 14(1) de la Loi sur la citoyenneté, « sur la conformité avec les dispositions applicables en l’espèce de la présente loi » : Santos, au paragraphe 23.

[21]           Cette conclusion est également conforme à la jurisprudence établie. Dans Huang, le juge en chef Paul S. Crampton a conclu qu’un juge de la citoyenneté peut vérifier les connaissances du Canada d’un demandeur malgré le fait que ces connaissances avaient déjà été vérifiées par écrit : Huang, au paragraphe 35. Le juge de la citoyenneté peut donc vérifier de nouveau les connaissances d’un demandeur, mais l’obligation d’équité exige, « à tout le moins, que les demandeurs n’aient à subir un nouvel examen que lorsqu’il existe un motif valable » : Santos, au paragraphe 26. En l’espèce, la juge de la citoyenneté avait un motif valable de procéder à un nouvel examen.

[22]           Dans la présente affaire, la juge de la citoyenneté avait bien assez de raisons pour procéder à un nouvel examen au vu des réponses fournies par la demanderesse dans le questionnaire. La demanderesse a été absente du Canada pendant 134 jours au cours de la période pertinente et satisfaisait à l’exigence relative à la résidence par seulement 9 jours. Son mari n’a jamais vécu au Canada et il a perdu son statut de résident permanent en 2012. Curieusement, l’examen pour la citoyenneté a eu lieu le 22 septembre 2011, mais il était indiqué dans le questionnaire sur la résidence, rempli par la demanderesse et certifié conforme, que la demanderesse était à Shanghai le 17 septembre 2011. De plus, à la partie 11 du questionnaire portant sur les absences du Canada, la demanderesse a inscrit : [traduction] « vacances de 321 jours ». À elle seule, cette réponse suffisait pour déclencher à nouveau le processus d’examen. Une absence du Canada de près d’un an ne constitue pas des vacances. La juge de la citoyenneté a conclu ce qui suit :

[traduction] Vous n’avez pas vécu au Canada depuis le jour où vous avez présenté votre demande de citoyenneté le 5 juillet 2010, il y a plus de 3 ans et demi, et depuis, vous n’avez séjourné au Canada que moins de six semaines au total. Par conséquent, je crains vraiment que vous ayez perdu tout contact avec le Canada, ses institutions, son peuple, ses valeurs et ses traditions. Pour savoir si vous satisfaites à l’exigence des connaissances établie dans la Loi, je dois être convaincue que vous avez toujours une connaissance de base du Canada.

[23]           La juge de la citoyenneté a aussi conclu que la demanderesse ne comprenait pas les responsabilités attachées à la citoyenneté canadienne puisqu’elle a perçu les crédits de TPS/TVH et les prestations fiscales pour enfants pendant qu’elle et sa fille étaient à l’extérieur du Canada pendant de longues périodes. À mon avis, nul ne peut contester la décision de la juge de la citoyenneté de refuser la citoyenneté dans ces circonstances. Le régime législatif confère à la juge de la citoyenneté un vaste pouvoir discrétionnaire en vue de décider des procédures de cueillette d’information lui permettant valablement d’évaluer si la demanderesse dispose ou non des connaissances requises et, par conséquent, la juge de la citoyenneté avait un motif valable de procéder à un nouvel examen : Santos, au paragraphe 23.

C.                Il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale puisque la demanderesse a reçu un avis adéquat en ce qui concerne le nouvel examen

[24]           La demanderesse affirme qu’il n’est pas clairement indiqué dans l’avis de comparution, daté du 7 novembre 2013 que ses connaissances du Canada seraient de nouveau évaluées. Elle soutient qu’il y avait une nette différence entre l’avis envoyé avant l’examen écrit et celui envoyé avant l’audience. Plus précisément, avant l’examen écrit, la demanderesse avait reçu le guide d’étude « Découvrir le Canada ». De plus, la demanderesse croyait que l’audience porterait principalement sur l’examen des exigences de résidence – et non sur sa connaissance du Canada. Selon la demanderesse, il était raisonnable pour elle d’arriver à cette conclusion puisqu’elle avait déjà réussi l’examen écrit sur les connaissances.

[25]           La demanderesse soutient que l’équité procédurale oblige le ministre à donner un avis sans équivoque, par exemple : [traduction] « Même si vous avez réussi l’examen écrit, la juge de la citoyenneté vérifiera de nouveau vos connaissances de l’anglais ou du français et du Canada lors de l’audience. Vous devriez donc étudier de nouveau le guide d’étude : Découvrir le Canada ». Selon la demanderesse, réévaluer un demandeur qui a déjà passé l’examen soulève certains problèmes, comme la mesure, le cas échéant, dans laquelle les résultats du premier examen devraient être pris en considération.

[26]           L’obligation d’équité procédurale est souple et variable et elle repose sur une appréciation du contexte particulier de chaque cas : Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, aux paragraphes 21 et 22. Voici les cinq facteurs dont il faut prendre en compte lors de l’examen de la teneur de l’équité procédurale dans une situation donnée : (1) la nature de la décision; (2) le régime législatif; (3) l’importance de la décision pour la personne visée; (4) les attentes légitimes; et (5) le choix des procédures : Baker, aux paragraphes 23 à 28.

[27]           Dans le contexte des critères établis dans l’arrêt Baker, et en tenant compte du fait que le degré d’équité requis est atténué par le fait que la demanderesse peut présenter une nouvelle demande de citoyenneté à une date ultérieure, je vais examiner les avis en question :

[traduction]

AVIS DE COMPARUTION – EXAMEN ÉCRIT POUR L’OBTENTION DE LA CITOYENNETÉ (daté du 22 août 2011)

[…]

Vous devrez passer un examen écrit sur vos connaissances du Canada et des responsabilités et avantages attachés à la citoyenneté. Vous pourrez passer l’examen en anglais ou en français. Pour vous préparer à l’examen, vous devriez utiliser le guide d’étude qui vous a été remis. À ce moment-là, vous aurez aussi à montrer une connaissance de l’anglais ou du français.

et

AVIS DE COMPARUTION – AUDIENCE DEVANT UN JUGE DE LA CITOYENNETÉ (daté du 7 novembre 2013)

[…]

La juge de la citoyenneté a besoin de renseignements additionnels pour rendre une décision concernant votre demande de citoyenneté et vous devez comparaître à l’audience. À l’audience, la juge déterminera si vous satisfaites à toutes les exigences en matière de citoyenneté et on vous posera aussi des questions afin d’établir si vous avez une connaissance suffisante de l’anglais ou du français ainsi que du Canada.  [Caractères gras dans l’original.]

[28]           Le libellé du deuxième avis de comparution est moins exhaustif que celui du premier, mais il n’est pas imprécis. Il n’y a aucune incertitude quant à ce que la demanderesse pourrait avoir à subir. En effet, il était clairement indiqué qu’à l’audience, la juge allait poser [traduction« des questions afin d’établir si [la demanderesse avait] une connaissance suffisante […] du Canada ». À tout le moins, cet avis était suffisant pour inciter la demanderesse à faire preuve de diligence raisonnable et communiquer avec Citoyenneté et Immigration Canada pour se renseigner au sujet des types de questions qui pouvaient lui être posées ou de la façon dont ces questions seraient posées, ce qu’elle n’a pas fait.

[29]           Enfin, notre Cour a confirmé que les demandeurs sont adéquatement avisés, lorsqu’ils reçoivent ce type d’avis de comparution, de la possibilité de subir un nouvel examen. Au terme d’une analyse très approfondie de l’interaction entre les exigences de l’équité procédurale et les audiences relatives à la citoyenneté, le juge Simon Noël a conclu qu’un  libellé très similaire,  soit « il vous posera des questions afin de déterminer si vous avez une connaissance suffisante […] du Canada », qui figurait dans un avis de comparution constituait un avis approprié (Al Koury c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 536). De même, la décision du juge en chef dans Huang confirme que ce type d’avis de comparution ne constitue pas un manquement aux droits à l’équité procédurale d’un demandeur. La décision de la juge de la citoyenneté de vérifier de nouveau les connaissances qu’avait la demanderesse du Canada ne constituait pas un manquement à l’équité procédurale.

D.                Les articles 7, 15 et 3 de la Charte ne s’appliquent pas en l’espèce

[30]           La demanderesse a soulevé trois arguments fondés sur la Charte; cependant, je conclus que ni les articles 7 et 15, ni l’article 3, ne s’appliquent en l’espèce.

[31]           L’article 7 s’intéresse principalement, mais non exclusivement, aux droits des personnes dans le cadre du système de justice pénale, y compris les droits concernant la fouille, la perquisition, la saisie, la détention, l’arrestation, le procès et l’emprisonnement. Je ne vois aucun principe de justice fondamentale identifié en l’espèce qui aurait été violé. La capacité d’immigrer et d’obtenir la citoyenneté ne fait pas partie des choix fondamentaux en matière d’autonomie personnelle qui ferait intervenir l’article 7. L’intérêt qu’a la demanderesse à obtenir sa citoyenneté est très différent de ceux qui ont été examinés dans la jurisprudence se rapportant à l’article 7; Tabingo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 377, conf par Shahid c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 191.

[32]           La demanderesse soutient que l’article 15 s’applique parce qu’elle est victime de discrimination en tant que femme au Canada qui cherche à obtenir la citoyenneté pendant que son mari est toujours en Chine. Cet argument doit être écarté puisqu’il ne satisfait pas à la condition préliminaire selon laquelle la Charte s’applique aux actes du gouvernement : SDGMR c Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 RCS 573. L’argument de la demanderesse repose sur sa propre décision de chercher à obtenir la citoyenneté au Canada. Il s’agissait là d’une décision familiale d’ordre privé qui outrepassait le cadre des actes du gouvernement.

[33]           Enfin, l’article 3 de la Charte s’applique seulement à « tout citoyen canadien ». Comme la demanderesse n’a pas encore obtenu la citoyenneté, cette disposition de la Charte ne s’applique pas à elle. Plus précisément, l’article 3 dispose :

3. Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales.

3. Every citizen of Canada has the right to vote in an election of members of the House of Commons or of a legislative assembly and to be qualified for membership therein.

[34]           Le libellé de la disposition est clair : seuls les citoyens ont le droit de vote. La demanderesse n’est pas une citoyenne et, par conséquent, elle n’a pas ce droit : Lavoie c Canada, [2000] 1 RCF 3, au paragraphe 41 (CA).


JUGEMENT

LA COUR REJETTE l’appel avec dépens.

« Donald J. Rennie »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-754-14

INTITULÉ :

HELEN WANG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 OCTOBRE 2014

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RENNIE

DATE DES MOTIFS :

LE 10 DÉCEMBRE 2014

COMPARUTIONS :

Lawrence Wong

POUR LA DEMANDERESSE

Keith Reimer

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lawrence Wong & Associates

Avocats

Richmond (Colombie-Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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