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Date : 20150105


Dossier : IMM-5833-13

Référence : 2015 CF 5

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 janvier 2015

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

ZHIAN ZHOU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Contexte et nature de l’affaire

[1]               La Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté la demande d’asile présentée par monsieur Zhou au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], et celui-ci sollicite maintenant le contrôle judiciaire de cette décision en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi et demande à la Cour d’annuler la décision de la SPR et de renvoyer l’affaire à la SPR pour nouvel examen.

[2]               Monsieur Zhou [le demandeur] est un citoyen de la Chine qui est arrivé au Canada le 18 mai 2011. Il a demandé l’asile deux semaines plus tard, alléguant qu’il avait commencé à pratiquer le Falun Gong en Chine afin de guérir ses maux de dos et qu’il craignait d’être persécuté depuis que le groupe d’adeptes auquel il appartient a fait l’objet d’une descente par le Bureau de la sécurité publique (BSP) le 6 mars 2011.

II.                La décision faisant l’objet du contrôle

[3]               Dans sa décision datée du 1er août 2013, la SPR a conclu que le demandeur n'avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au sens de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi.

[4]               Pour la SPR, la véracité des prétentions du demandeur reposait sur sa crédibilité et le demandeur n’en avait aucune. Je suis conscient qu’il existe une présomption de véracité (Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1979), [1980] 2 RCF 302, à la page 305, 31 NR 34 (CA)), mais la SPR a invoqué de nombreux motifs pour ne pas croire les allégations du demandeur :

                     Ses parents lui ont envoyé, à son nom, des documents personnels importants, même si le BSP était censé être à sa recherche et même s’il est reconnu que les autorités chinoises surveille le courrier;

                     Il a soumis tardivement ces documents personnels et a prétendu qu’il ne savait pas qu’il aurait dû conserver l’enveloppe même s’il disposait des services d’un avocat spécialisé en immigration chevronné;

                     Il a déclaré dans son formulaire de renseignements personnels [le FRP] qu’il avait laissé en Chine sa carte d’identité de résident, mais il a déclaré à l’audience qu’il l’avait apportée. La SPR n’a pas accepté son explication selon laquelle cette contradiction était due à une erreur de l’interprète ou du conseiller car le contenu du FRP avait été traduit au demandeur avant qu’il ne le signe;

                     Il avait embauché un passeur environ trois mois avant que son groupe ne fasse l’objet d’une descente, prétendument parce qu’il craignait devoir quitter le pays en toute hâte. Étant donné que le demandeur avait une épouse et un enfant en Chine, la SPR ne croyait pas qu’il continuerait de pratiquer le Falun Gong s’il avait peur que cela se sache;

                     Sa soi-disant crainte que l’on découvrât qu’il pratiquait le Falun Gong était incompatible avec le fait qu’il n’avait jamais vraiment tenté de savoir si son appartenance au groupe d’adeptes du Falun Gong en question comportait des risques ou de savoir depuis combien de temps ce groupe existait;

                     Il y avait une divergence dans la somme qu’il prétendait avoir payée au passeur;

                     Il a déclaré qu’il était allé voir quatre ou cinq médecins différents en rapport avec son dos, mais il a soumis un carnet médical ne faisant état que d’une seule visite. Il a prétendu avoir perdu les carnets faisant état des autres visites, mais la SPR a conclu que ces visites auraient toutes dû être consignées dans le même carnet et que, de toute façon, le passeur aurait dit au demandeur qu’il devait conserver ses documents personnels;

                     Le demandeur a déclaré qu’en pratiquant simplement les exercices qi qong, sans apprendre la philosophie du Falu Gong, il avait amélioré l’état de son dos s’améliorait. Étant donné que la pratique des exercices qi qong est légale et donne des résultats, la SPR estimait que le demandeur ne prendrait pas le risque de devenir membre d’un groupe d’adeptes du Falun Gong;

                     Le demandeur a initialement déclaré qu’il n’avait jamais appris aucun principe philosophique dans de ce groupe et ce n’est qu’après que la SPR lui a posé la question qu’il a fait mention d’un membre plus âgé qui venait parfois se joindre aux membres du groupe et leur faire des lectures;

                     Le demandeur a déclaré à la SPR que le groupe de Falun Gong auquel il appartenait n’avait aucun instructeur, mais, dans son PRF, il avait déclaré que les guetteurs avaient prévenu son instructeur qu’une descente était imminente;

                     Le demandeur a déclaré qu’il s’était enfui lors de la descente du BSP et qu’il ne s’était jamais retourné pour regarder derrière lui, mais la SPR a estimé qu’il était invraisemblable qu’il ne se retourne pas afin de voir s’il était suivi;

                     Après l’audience, le demandeur a déclaré que, après la descente, il s’était rendu chez la tante de son épouse, mais il a dit à un agent d’immigration qu’il était allé chez un ami;

                     Il y avait des contradictions quant à savoir à quel moment le BSP avait demandé au demandeur de se présenter devant lui et également quant à savoir si le BSP avait fait mention du Falun Gong lorsqu’il s’était rendu pour la première fois chez ses parents;

                     Ce n’est que lorsque la SPR lui a posé la question que le demandeur a dit que le BSP s’était rendu à son travail;

                     Dans le récit de son FRP, le demandeur a décrit le Falun Gong comme étant une religion, mais à l’audience, il a déclaré que le Falun Gong n’était pas une religion.

[5]               Compte tenu des conclusions qui précèdent, la SPR a conclu que le demandeur n’était pas crédible et qu’il n’avait jamais pratiqué le Falun Gong en Chine. Bien que le demandeur ait commencé à pratiquer le Falun Gong lorsqu’il est arrivé au Canada et qu’il en possédât une certaine connaissance, la SPR a conclu qu’il n’a fait cela que pour étayer sa demande d’asile frauduleuse. De plus, la SPR a conclu que le demandeur ne serait pas considéré en Chine comme étant un véritable adepte du Falun Gong et qu’il était très peu probable que les autorités chinoises s’intéressent à lui parce qu’il a participé à de telles activités au Canada. La SPR a donc rejeté la demande du demandeur.

III.             Les observations des parties

A.                Les arguments du demandeur

[6]               Le demandeur a invoqué trois arguments : premièrement, la SPR s’est livrée à une analyse microscopique et a indûment mis l’accent sur des contradictions peu importantes dans les allégations du demandeur; deuxièmement, la SPR a tiré, au sujet de questions fondamentales, des conclusions très hypothétiques en matière de vraisemblance; troisièmement, en raison de ces deux premiers problèmes, la SPR a rejeté de façon déraisonnable les allégations du demandeur, notamment l’allégation selon laquelle il est un adepte du Falun Gong.

[7]               Le demandeur affirme qu’il était déraisonnable de la part de la SPR de mettre l’accent sur de légères contradictions comme, par exemple, l’endroit où il s’était enfui après la descente du BSP. En outre, invoquant la décision Valtchev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 776, 208 FTR 267, le demandeur prétend que la SPR a tiré diverses conclusions déraisonnables et hypothétiques relativement à la vraisemblance; par exemple, le demandeur affirme qu’il était déraisonnable de la part de la SPR de spéculer sur la façon dont une personne devrait agir lorsqu’elle tente d’échapper au BSP.

[8]               Le demandeur prétend en outre que certaines des conclusions de la SPR ont été tirées sans aucune preuve ou sans aucune explication, comme, par exemple, la conclusion de la SPR selon laquelle les autorités chinoises vérifient le courrier.

[9]               Compte tenu des conclusions de la SPR énumérées ci-dessus (ainsi que des autres conclusions soulignées par le demandeur durant l’audition de la présente affaire), le demandeur affirme que la conclusion de la SPR selon laquelle il n’est pas un véritable adepte du Falun Gong est déraisonnable. Il prétend également que la SPR n’a pas dûment envisagé la possibilité de présenter une demande sur place fondée sur sa pratique du Falun Gong au Canada.

B.                 Les arguments du défendeur

[10]           Le défendeur invoque la décision Lopez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 102, au paragraphe 30, 23 Imm LR (4th) 4, pour prétendre que la SPR peut tirer des conclusions raisonnables fondées sur l'invraisemblance, le bon sens et le caractère rationnel du récit d’un demandeur, et elle peut rejeter des éléments de preuve s'ils ne sont pas compatibles avec les probabilités.

[11]           Le défendeur prétend en outre que les conclusions défavorables de la SPR en matière de crédibilité sont fondées sur un examen trop approfondi de la preuve ainsi que sur un excès de zèle en vue de discréditer le demandeur. Même si la Commission a bel et bien tiré des conclusions défavorables sur certaines questions accessoires, le défendeur soutient qu’un certain nombre de ses conclusions défavorables avaient trait à des aspects fondamentaux de la demande d'asile du demandeur et qu’elles étaient largement appuyées par la preuve. Le défendeur affirme que chacun des éléments des arguments avancés par le demandeur soulevait, à juste titre, des doutes quant à la crédibilité.

[12]           Le défendeur affirme que, dans l’ensemble, la décision de la SPR est raisonnable et que ses conclusions concernant la pratique par le demandeur du Falun Gong en Chine et au Canada étaient justifiées.

IV.             Analyse

[13]           Les conclusions sur la crédibilité tirées par la SPR ont été décrites comme constituant « l’essentiel de la compétence de la Commission », car elles constituent essentiellement de pures conclusions de fait susceptibles de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Zhou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF, au paragraphe 26; Aguebor c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’Immigration) (1993), 160 NR 315, au paragraphe 4, [1993] ACF no 732 (QL) (CA) [Aguebor]; Singh c Canada (Ministre de l’emploi et de l’Immigration) (1994), 169 NR 107, au paragraphe 3, [1994] ACF no 486 (QL) [Singh]; Cetinkaya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 8, au paragraphe 17, 403 FTR 46). De plus, il est reconnu qu’il convient de faire preuve de retenue à l’égard des conclusions tirées en matière de crédibilité par un tribunal comme la SPR.

[14]           Par conséquent, la principale question dont est saisie la Cour est celle de savoir si la SPR a tiré des conclusions déraisonnables relativement à la crédibilité et à la vraisemblance des allégations du demandeur et, en particulier, de savoir si la conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur n’est pas un véritable adepte du Falun Gong était raisonnable.

[15]           Un résumé utile des principes qui devraient être appliqués en matière d’examen des conclusions de la SPR concernant la crédibilité figure dans la décision Rahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319, aux paragraphes 42 à 46, [2012] ACF no 369 (QL), dans laquelle ma collègue la juge Mary Gleason a déclaré ce qui suit :

42        Premièrement — et il s’agit probablement du point le plus important — il faut reconnaître, avant même de se pencher sur une conclusion relative à la crédibilité, que le rôle de la Cour est très limité, étant donné que le tribunal a eu l’occasion d’entendre les témoins, d’observer leur comportement et de relever toutes les nuances et contradictions factuelles contenues dans la preuve. Ajoutons à cela que, dans bien des cas, le tribunal possède une expertise reconnue dans le domaine qui fait défaut à la cour de révision. Le tribunal est donc bien mieux placé pour tirer des conclusions quant à la crédibilité, et notamment pour juger de la plausibilité de la preuve. En outre, le principe de l’administration efficace de la justice, sur lequel repose la notion de déférence, fait en sorte que l’examen de ce genre de questions doit demeurer l’exception plutôt que la règle. Dans l’arrêt Aguebor, il est écrit, au paragraphe 4:

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire [...]

(voir également l’arrêt Singh, au paragraphe 3, et l’arrêt He c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 49 ACWS (3d) 562, [1994] ACF no 1107, au paragraphe 2).

43        Deuxièmement, les contradictions relevées dans la preuve, particulièrement dans le témoignage du demandeur d’asile, donneront généralement raison à la SPR de conclure que le demandeur manque de crédibilité, et, si cette conclusion est jugée raisonnable, la Cour refusera d’intervenir pour annuler la décision rejetant la totalité de la demande d’asile (voir, par exemple, les arrêts Rajaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 135 NR 300, [1991] ACF no 1271 (C.A.F.); Mohacsi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] 4 CF 771, [2003] ACF  no 586, aux paragraphes 18-19 [arrêt Mohacsi]). Cela dit, les contradictions qui sous-tendent une conclusion négative quant à la crédibilité doivent être réelles et non pas illusoires. Ainsi, le tribunal ne peut pas monter en épingle des contradictions purement banales ou dérisoires pour rejeter une demande (voir, par exemple, les arrêts Attakora c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 99 NR 168, [1989] ACF no 444, au paragraphe 9; Mohacsi, au para 20; Sheikh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (2000) 190 FTR 225, [2000] ACF no 568, aux paragraphes 20‑24).

44        Troisièmement, même si le témoignage sous serment d’un demandeur est présumé être avéré en l’absence de contradiction, la SPR peut être fondée à rejeter ce témoignage si elle le juge invraisemblable. Cette conclusion d’invraisemblance doit cependant être tirée de façon cohérente et en tenant compte des différences culturelles. Elle doit également être énoncée de façon explicite, et les raisons pour lesquelles le tribunal a tiré cette conclusion doivent être exposées dans les motifs de décision (voir, par exemple, les arrêts Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, [2003] ACF no 162, au paragraphe 12 [arrêt Lubana]; Santos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 937, [2004] ACF no 1149, au paragraphe 15).

45        Quatrièmement, la SPR peut tenir compte, à bon droit, du comportement du témoin, y compris ses hésitations, le manque de précision de ses propos, le fait qu’il modifie ou étoffe sa version des faits. Ce genre de points peut être suffisant pour étayer une conclusion quant à la crédibilité, mais il est préférable qu’il y ait des faits objectifs additionnels pour justifier la conclusion (voir, par exemple, les arrêts Faryna c Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354, [1951] B.C.J. no 152; Hassan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1136, au paragraphe 12).

46        Pour finir, lorsqu’une décision repose sur la crédibilité, la SPR doit exposer les motifs de sa conclusion, vu l’importance des questions qui sont en jeu dans une demande d’asile. Une conclusion générale, imprécise, floue et non motivée quant à la crédibilité pourrait être infirmée par la cour de révision (voir, par exemple, l’arrêt Hilo c Canada (Ministre de l’Emploi et de l'Immigration) (1991), 15 Imm. L.R. (2d) 199, [1991] ACF no 228 (CAF)).

[16]           À la lumière de ces principes, la Cour doit faire preuve de respect à l’égard d’une décision et ne peut la modifier que si elle est convaincue que les motifs de la SPR ne sont pas justifiés, transparents ou intelligible et que la décision n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190).

[17]           Le demandeur prétend que la SPR s’est livrée à une analyse microscopique de contradictions peu importantes, une chose qui a jugée inadmissible par la Cour dans des affaires comme : Attakora c Canada (Ministre de l’emploi et de l’Immigration) (1989), 99 NR 168, au paragraphe 3-9, [1989] ACF no 444 (QL) (CA); Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 346, au paragraphe 10, 69 Imm LR (3d) 286; Dong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 55, aux paragraphes 23-28, [2010] ACF no 54 (QL). Une analyse microscopique est une analyse dans le cadre de laquelle un tribunal examine un fait qui ne joue pas un rôle fondamental dans les questions qui sont en litige dans l’affaire et qui a moins de poids que d’autres éléments de preuve, mais dont on se sert pour trancher l’affaire (Konya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 975, au paragraphe 22, 439 FTR 242).

[18]           En l’espèce, la SPR n’a pas fait d’analyse microscopique. La SPR a bel et bien tiré des conclusions défavorables relativement à un certain nombre de questions, comme l’endroit où le demandeur s’est enfui suite à la présumée descente par le BSP en 2011, mais un certain nombre de conclusions défavorables étaient manifestement étayées par la preuve et portaient sur des aspects essentiels de la demande du demandeur. La SPR a interrogé le demandeur au sujet de diverses contradictions importantes et fondamentales relativement à ses allégations figurant dans son témoignage, notamment sa connaissance du Falun Gong, les circonstances entourant la descente qui aurait eu lieu en mars 2011 et la nature des réunions de groupe hebdomadaires.

[19]           Le fait que la SPR ne puisse peut-être pas se livrer à une analyse microscopique afin d’obtenir le résultat souhaité ne dispense pas un demandeur d’asile de s’acquitter du fardeau qui lui incombe de fournir des éléments de preuve crédibles à l’appui de sa demande. Bien qu’un demandeur soit présumé dire la vérité, si des doutes sont soulevés quant à la véracité des éléments de preuve ou quant à la crédibilité du demandeur, la SPR a sans conteste le droit et, en fait, est censée interroger le demandeur à ce sujet.

[20]           Le demandeur prétend également que la SPR a tiré des conclusions très hypothétiques en matière de vraisemblance relativement à des points fondamentaux portant sur des questions comme la descente du BSP, la pratique en groupe du Falun Gong et la réception par le demandeur de pièces d’identité envoyées par ses parents à partir de la Chine. Je ne souscris pas à cette opinion. Dans la mesure où la SPR a pu tirer des conclusions relativement à la vraisemblance, celles-ci étaient rationnelles, fondées sur une appréciation logique de la preuve et tenaient bien compte des différences culturelles; bref, elles étaient raisonnables.

[21]           Il convient de préciser que, bien que la SPR n’ait pas explicitement examiné la demande sur place du demandeur, elle a à tout le moins abordé cette question de façon implicite dans les deux derniers paragraphes de ses motifs, avant sa conclusion définitive, où elle a déclaré ce qui suit :

[39]      Ayant déjà conclu que le témoignage du demandeur d’asile au sujet de son adhésion au Falun Gong en Chine n’était pas crédible, je conclus, selon la prépondérance des probabilités et dans le contexte de l’ensemble des conclusions défavorables tirées ci-dessus, que l’allégation selon laquelle il était un adepte du Falun Gong en Chine est frauduleuse. Le demandeur d’asile a soutenu qu’il avait été incité à pratiquer le Falun Gong en raison de circonstances survenues en Chine. Il fait valoir que sa pratique du Falun Gong au Canada serait la continuation de sa pratique en Chine. Puisque j’ai conclu qu’il n’était pas un adepte du Falun Gong en Chine et que je ne dispose d’aucun élément de preuve établissant une motivation à pratiquer le Falun Gong au Canada ou une sorte de conversion au Canada, je conclus, selon la prépondérance des probabilités et dans le contexte des conclusions énoncées ci-dessus, que le demandeur d’asile s’est joint à un groupe de Falun Gong au Canada dans le seul but d’appuyer une demande d’asile frauduleuse. Compte tenu de l’ensemble de la preuve présentée, je conclus que le demandeur d’asile n’est pas un adepte authentique du Falun Gong et qu’il ne serait pas perçu comme tel en Chine.

[40]      Le conseil fait valoir que le consulat de la Chine au Canada serait en possession de la photo du demandeur d’asile participant à des activités liées au Falun Gong et que le demandeur d’asile serait par conséquent exposé à un risque de persécution s’il devait retourner en Chine, même s’il n’est pas un adepte authentique. Je conclus qu’il n’y a qu’une faible possibilité que le demandeur d’asile soit reconnu ou que les autorités chinoises s’intéressent à lui, car il n’a pas un profil particulier au-delà de ces photos qui auraient été prises de lui.

[22]           La SPR était saisie d’une preuve relativement mince en ce qui concerne la pratique par le demandeur du Falun Gong au Canada. La preuve documentaire soumise à la SPR était composée de quatre photos montrant, à différents endroits, le demandeur et d’autres personnes devant ce qui semblaient être des bannières du Falun Gong, ainsi que d’une courte lettre émanant d’un autre soi-disant adepte du Falun Gong confirmant qu’ils pratiquaient souvent ensemble le Falun Gong les fins de semaine, que le demandeur participait à la réunion et à la manifestation annuelles du Dafa et que le demandeur était [traduction] « un véritable adepte du Falun Gong ».

[23]           La Cour a conclu qu’il est permis à la SPR d’évaluer la sincérité d’un demandeur et, par conséquent, la demande d’asile sur place de celui-ci au regard des préoccupations relatives à la crédibilité se rapportant à l’authenticité initiale d’une demande d’asile : Hou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 993, au paragraphe 57, [2014] 1 RCF 405 [Hou]; Yang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 849, au paragraphe 19, [2012] ACF no 961 (QL); Ma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1057, aux paragraphes 39-40.

[24]           À l’audience, les questions de la SPR n’ont porté que sur la connaissance du demandeur de la théorie du Falun Gong et sur sa pratique de cette discipline en Chine. Le demandeur n’a fait aucune autre déclaration concernant sa pratique du Falun Gong au Canada et son avocat ne lui a posé aucune question concernant cette dernière. De plus, le demandeur n’a pas appelé son soi‑disant camarade pratiquant à témoigner ni, d’ailleurs, aucune autre personne.

[25]           La SPR a sans conteste apprécié les éléments de preuve contradictoires dont elle était saisie avant de conclure que la demande du demandeur était frauduleuse. Bien que le demandeur eût démontré qu’il possédait une certaine connaissance du Falun Gong et qu’il disposât d’une certaine preuve documentaire, quoique mince, à l’appui de sa demande, j’estime qu’il n’était pas déraisonnable, de la part de la SPR, de conclure que le demandeur n’était pas un véritable adepte du Falun Gong. Cette conclusion de la SPR appartient sans conteste « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

V.                Conclusion

[26]           En fin de compte, je conclus que les faits et les circonstances de la demande du demandeur sont semblables, et à de nombreux égards, identiques à ceux dont la Cour était saisie dans les jugements Hou et Su c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 518, [2013] ACF no 588 (QL), où la Cour a refusé d’intervenir dans les décisions de la SPR.

[27]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire du demandeur devrait être rejetée et est par les présentes rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Keith M. Boswell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5833-13

 

INTITULÉ :

ZHIAN ZHOU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE l’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE:

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 OCTOBRE 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 5 JANVIER 2015

 

COMPARUTIONS :

Lev Abramovich

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Kevin Doyle

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Levine Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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