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Date : 20141212


Dossier : T-380-14

Référence : 2014 CF 1206

Ottawa (Ontario), le 12 décembre 2014

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

MOHAMED BALIKWISHA PATANGULI

demandeur

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(MINISTÈRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION)

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Nature de l’affaire

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, d’une décision rendue le 20 janvier 2014 en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, LC 2003, c 22, art. 2 [la Loi] par l’arbitre Linda Gobeil [l’arbitre] rejetant le grief du demandeur.

II.                Faits

[2]               Le demandeur occupait un poste d’agent d’examen des risques avant renvoi classifié de niveau PM-04 au sein du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration à Calgary jusqu’à son congédiement en avril 2010. La connaissance de la langue anglaise est essentielle pour ce poste. Le demandeur s’exprime avec davantage d’aisance dans la langue française que dans la langue anglaise, bien qu’il soit bilingue.

[3]               Le rendement du demandeur est excellent et celui-ci a toujours entretenu une relation cordiale avec ses collègues.

[4]               Le demandeur et certains autres de ses collègues se sont inscrits à un processus de sélection afin d’être promus à un poste classifié de niveau PM-05. Suivant ce processus, les participants se soumettent à un examen écrit à livres ouverts dont les questions doivent demeurer confidentielles. À la suite de cet examen, les participants se voient remettre les réponses aux questions. Ces réponses ne doivent pas être divulguées par les participants.

[5]               Alors que les collègues du demandeur, Mme Lewis et Mme Lasonde, ont écrit l’examen le 8 juillet 2009 tel que prévu, une blessure à la main ou au poignet droit(e) du demandeur l’a forcé à remettre la rédaction de l’examen au 13 août 2009.

[6]               Le 8 juillet 2009, après que les collègues du demandeur eurent terminé leur examen, le demandeur a contacté Mme Lewis par courriel afin de la féliciter. Cependant, le demandeur a également mentionné dans son courriel : « I also wanted to verify your questions, could you forward them to me? » Cela laisse entendre que le demandeur souhaitait obtenir les questions à l’avance, mais le demandeur soutient que cette demande n’était qu’une blague.

[7]               Le 7 août 2009 à 12 h 09, le demandeur reçoit un courriel contenant les questions et les réponses d’examen de niveau PM-05. Ce courriel provient de l’ordinateur de Mme Lasonde. Trente minutes après la réception de ce courriel, le demandeur le transfère dans sa boîte de courriel personnelle.

[8]               L’identité de celui qui a envoyé ce courriel à partir de l’ordinateur de Mme Lasonde est au centre de la présente demande de contrôle judiciaire.

[9]               Le demandeur soutient ne pas avoir utilisé l’ordinateur de Mme Lasonde afin de transférer les questions et les réponses d’examen dans sa boîte courriel. Il affirme avoir pris sa pause du midi au moment de l’envoi de ce courriel conformément à son habitude, et soutient donc qu’il ne peut avoir envoyé ce courriel à 12 h 09. Le demandeur soutient qu’il a transféré ce courriel vers sa boîte courriel personnelle en ne sachant pas qu’il contenait les réponses à l’examen de niveau PM-05. Le demandeur allègue avoir eu une brève conversation avec Mme Lasonde le 7 août 2009, mais ne pas avoir eu la chance d’aborder la question du courriel, car il devait quitter pour son traitement de physiothérapie.

[10]           De son côté, Mme Lasonde affirme catégoriquement ne pas avoir envoyé ce courriel au demandeur puisqu’elle prenait sa pause du midi avec une amie, Mme Grixti, au moment de l’envoi. Mme Lasonde allègue avoir accompagné Mme Grixti à l’Hôtel de Ville afin de payer un billet de stationnement durant cette pause du midi. Mme Grixti a corroboré le témoignage de Mme Lasonde.

[11]           Mme Lasonde soutient que c’est en effectuant un nettoyage périodique de sa boîte courriel qu’elle a découvert le courriel transférant les questions et les réponses d’examen au demandeur. Perturbée par cette découverte, elle en informe son superviseur, M. Fergusson. Par la suite, Mme Lasonde a tenté d’éviter le demandeur.

[12]           Le demandeur soutient qu’il a tenté de discuter avec Mme Lasonde du courriel le 11 août 2009, mais que cela ne fut pas possible puisque sa collègue affirmait être occupée. Le demandeur soutient également qu’il n’a pas tenté de discuter de ce courriel avec son supérieur afin de préserver de bonnes relations de travail avec ses collègues et de ne pas nuire à Mme Lasonde.

[13]           Le 12 août 2009, soit la veille de l’examen, le demandeur révise le courriel afin de préparer ses propres réponses aux questions d’examen.

[14]           Le 13 août 2009, alors qu’il rédige son examen, le demandeur constate que les questions d’examen sont les mêmes que celles qu’il avait reçues et utilise ses réponses préparées d’avance afin de répondre à son examen.

[15]           Le 13 août 2009, peu de temps après avoir terminé son examen, le demandeur est convoqué dans le bureau de M. Fergusson, son supérieur. M. Fergusson montre alors au demandeur deux courriels. Le premier courriel est celui envoyé du courriel de Mme Lasonde vers celui du demandeur et comprend les questions et les réponses d’examen. Le deuxième courriel est celui transférant le premier courriel vers l’adresse personnelle du demandeur, et cela à partir de la boîte courriel de travail du demandeur. Confronté par son supérieur, le demandeur refuse d’abord d’admettre son erreur et affirme ne pas avoir connaissance de ces courriels. Cependant, le soir venu, le demandeur écrit un courriel à son supérieur dans lequel il affirme regretter profondément avoir rédigé l’examen alors qu’il connaissait d’avance les questions.

[16]           Le 27 août 2009, M. Fergusson avise le demandeur qu’une enquête administrative interne a été initiée afin de faire la lumière sur les événements entourant l’utilisation des questions et des réponses d’examens par ce dernier.

[17]           Le 31 août 2009, le demandeur est interviewé relativement à ces événements afin de lui permettre de fournir de l’information supplémentaire utile à l’enquête. Durant cette entrevue, le demandeur formule des craintes quant à l’équité du processus d’investigation et affirme être considéré coupable avant même que l’ensemble des faits soit exposé. De plus, à deux reprises, une fois avant l’entrevue et une fois durant l’entrevue, le demandeur demande à être questionné en français. Cette demande est refusée sur la base qu’il occupe un poste dont la connaissance de la langue anglaise est essentielle. Cependant, le comité d’enquête informe le demandeur qu’il porterait une attention particulière à la clarté des questions posées et l’encourage à demander des clarifications dans l’éventualité ou il ne comprendrait pas une question. Le demandeur est interviewé deux fois durant cette enquête.

[18]           Par une lettre datée du 19 avril 2010, le demandeur est informé de son congédiement. Le 11 mai 2010, suivant la section 208 de la Loi, le demandeur présente un grief individuel devant un arbitre. Par ce grief, le demandeur conteste son congédiement, demande sa réintégration, demande le retrait de toute mention disciplinaire dans son dossier personnel de même que le remboursement des traitements et des avantages sociaux dont il fut privé à la suite de son congédiement.

III.             Décision de l’arbitre

[19]           Dans ses motifs, l’arbitre précise qu’elle n’a « aucune hésitation » à rejeter le grief du demandeur; la preuve contre celui-ci étant accablante. L’arbitre de grief souligne que les faits reprochés et prouvés selon la prépondérance des probabilités sont graves et ont détruit le lien de confiance entre l’employé et l’employeur.

[20]           L’arbitre considère, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur a profité de l’absence de Mme Lasonde pour s’introduire dans son bureau et transférer les questions et les réponses à sa boîte courriel. L’arbitre déduit également de la preuve soumise que le demandeur connaissait la routine de Mme Lasonde et savait qu’une dizaine de minutes doivent s’écouler avant que l’écran de l’ordinateur de cette dernière ne s’éteigne automatiquement. L’arbitre fonde sa conclusion sur le fait que la preuve démontre que le demandeur a franchi l’aire de travail, où se trouvent les bureaux du demandeur et de Mme Lasonde à 11 h 58 le 7 août 2009 et qu’il y était donc présent lorsque le courriel fut envoyé de l’ordinateur de Mme Lasonde. L’arbitre note également le fait non contesté que le demandeur a envoyé dans son courriel personnel les questions et les réponses aux questions d’examen.

[21]           Évaluant le témoignage de Mme Lasonde durant l’audience, l’arbitre mentionne que celle-ci a donné l’impression d’être une personne crédible et de principe. L’arbitre note que Mme Lasonde a témoigné de façon non équivoque et qu’elle s’est précipitée dans le bureau de son superviseur lorsqu’elle a pris connaissance du courriel envoyé au demandeur. L’arbitre note que Mme Lasonde n’avait ni raison ni motivation de partager les questions et les réponses du courriel avec le fonctionnaire.

[22]           De plus, l’arbitre souligne que le demandeur a d’abord mentionné à son superviseur, M. Fergusson, n’avoir jamais vu le courriel du 7 août 2009 envoyé à partir de l’ordinateur de Mme Lasonde de même que le courriel qu’il s’est envoyé à partir de son ordinateur. Bien que le demandeur ait finalement avoué ses fautes, l’arbitre soutient que la première négation du demandeur indique qu’il n’était prêt à avouer ses fautes qu’en dernier recours. L’arbitre considère également que le demandeur n’aurait jamais avoué ses fautes si M. Fergusson ne l’avait pas confronté.

[23]           Suite à l’analyse des faits, l’arbitre a jugé sans hésitation que le demandeur a envoyé le premier courriel à partir de l’ordinateur de Mme Lasonde et que celui-ci ne réalise pas pleinement la gravité de ses gestes. Qui plus est, l’arbitre mentionne être perplexe quant à l’attitude du fonctionnaire et la sincérité de son repentir. L’arbitre juge également que « compte tenu de la nature des fonctions de l’agent de risque et des conséquences de leur décision sur la vie d’un requérant l’employeur se doit de faire pleinement confiance à ses employés ».

[24]           Avant de conclure, l’arbitre rejette l’argument à l’effet que M. Fergusson aurait dû empêcher le demandeur de se présenter à l’examen car la preuve révèle que M. Fergusson ne savait pas que le fonctionnaire avait rédigé l’examen le 13 août 2009.

[25]           Finalement, l’arbitre soutient que l’entrevue et l’enquête auraient dû se dérouler en français. L’arbitre dit espérer que l’employeur reverra cette façon de faire dans le futur. Cependant, l’arbitre soutient que le processus d’arbitrage a remédié à ce vice de procédure puisqu’il s’agit d’une procédure de novo et que le demandeur a pu s’y exprimer dans la langue française.

IV.             Questions en litige

[26]           Il y a quatre questions en litige :

1.                  La décision de l’arbitre de grief est-elle raisonnable? Plus particulièrement :

a.       L’arbitre a-t-elle fourni des motifs suffisants et considéré adéquatement la preuve à l’appui de sa décision?

b.      L’arbitre a-t-elle raisonnablement conclu que le congédiement était une sanction appropriée?

2.                  L’arbitre de grief a-t-elle erré en concluant que le processus d’arbitre remédiait à la violation des droits linguistiques du demandeur?

3.                  L’arbitre a-t-elle fait preuve de partialité?

4.                  L’arbitre a-t-elle permis la tenue d’une audience équitable?

V.                Observations des parties

[27]           Le demandeur n’est pas représenté par avocat. Ses arguments sont résumés ci-dessous dans l’optique de refléter le plus fidèlement possible les 52 pages d’argumentaire écrit soumises et ses représentations orales (en plus des 23 pages d’observations écrites supplémentaires au support de ses représentations orales). Essentiellement, le demandeur s’oppose à chacune des conclusions de l’arbitre. À mon avis, il n’est pas nécessaire de traiter de tous les arguments du demandeur dans la présente décision afin que justice soit rendue. Bien que j’aie considéré tous les arguments du demandeur, mon analyse porte sur les arguments qui, selon moi, méritent d’être discutés à la lumière des faits de la présente affaire. À titre d’exemple, le demandeur soulève l’argument du manquement au principe de la présomption d’innocence. Cette présomption trouve application en matière de droit criminel, la présente décision ne traite donc pas de cet argument.

A.                Observations du demandeur

[28]           Le demandeur soutient que les questions mixtes de fait et de droit doivent être analysées sous la norme de la décision raisonnable. Il soutient que les questions relatives au manque d’impartialité de l’arbitre, les erreurs de droit, les questions relatives à la compétence de l’arbitre, de même que le manquement aux principes de justice naturelle sont des questions qui doivent être traitées selon la norme de la décision correcte.

[29]           Le demandeur soutient que le cumul des erreurs et des omissions de l’arbitre de grief vicie la décision de cette dernière de façon à la rendre déraisonnable. Le demandeur soutient notamment que l’arbitre a fait un usage sélectif de la preuve et des témoignages de façon à violer les principes de justice naturelle. Il soutient également que l’arbitre a : i) refusé de traiter de la jurisprudence applicable; ii) refusé de se prononcer sur la partialité du comité d’enquête; iii) soumis des motifs insuffisants à l’appui de ses conclusions; iv) suscité une crainte raisonnable de partialité; et v) erré en concluant au bien-fondé du congédiement.

[30]           Le demandeur allègue qu’aucune preuve solide et convaincante « de haute qualité » ne permet de conclure qu’il s’est introduit dans le bureau de Mme Lasonde. De plus, le demandeur soutient que l’analyse par prépondérance des probabilités n’est pas appropriée dans le présent cas, car son congédiement constitue une sanction grave.

[31]           Le demandeur soutient que les préjugés de l’arbitre et sa conduite ont forcé le demandeur à témoigner contre lui-même. Cette affirmation du demandeur est notamment basée sur le fait que l’arbitre aurait « forcé le demandeur à témoigner contre lui-même » en le questionnant sur sa potentielle présence dans le local de Mme Lasonde le 7 août 2009 à 12 h 09.

[32]           Le demandeur soutient également que l’arbitre n’a pas justifié adéquatement le fait qu’elle considère que son témoignage n’est pas crédible.

[33]           Le demandeur soutient que l’arbitre a soumis des motifs insuffisants à l’appui de ses conclusions; les motifs n’étant pas clairs, précis, transparents et intelligibles (Sidhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 176 au para 20).

[34]           De plus, le demandeur soutient que l’arbitre a manqué à son devoir de neutralité et d’indépendance en affirmant notamment au paragraphe 88 de sa décision : « [j]’ajouterais ici que compte tenu de la nature des fonctions d’un agent des risques avant renvoi et des conséquences de leur décision sur la vie d’un requérant, l’employeur se doit d’être en mesure de faire pleinement confiance à ses employés ». Le demandeur soutient que sa crainte de partialité est notamment causée par le fait que l’arbitre lui a demandé d’abréger son témoignage afin de pouvoir aller aux funérailles de sa belle-mère.

[35]           Le demandeur argumente que la déférence et la retenue dues à l’arbitre ne sauraient justifier un manquement aux principes d’équité procédurale (Mooney c Société canadienne de consultants et immigration, 2011 CF 496 au para 122).

[36]           De plus, le demandeur soutient que l’arbitre a erré en s’opposant à ce que les plaidoiries se poursuivent à Ottawa de manière à s’assurer qu’il puisse soumettre l’ensemble de son témoignage.

[37]           Finalement, le demandeur soutient que l’employeur avait l’obligation de le questionner dans la langue française puisqu’il s’agit de la langue dans laquelle il préfère s’exprimer. Le demandeur soutient également que l’arbitre a erré en ne traitant pas adéquatement de son droit d’être entendu et de s’exprimer dans la langue de son choix.

B.                 Observations du défendeur

[38]           Le défendeur soutient que la norme de contrôle applicable à la présente affaire est la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau Brunswick, 2008 CSC 9 au para 68 [Dunsmuir]; Canada (Procureur général) c Pepper, 2010 CF 226 au para 35). Le défendeur soutient que la norme de la décision raisonnable s’applique à la décision d’une arbitre quant au bien-fondé d’un congédiement pour inconduite (Morissette c Canada (Procureur général), 2002 CAF 314 [Morissette]).

[39]           Le défendeur admet qu’un manquement aux principes d’équité procédurale et de justice naturelle doit être révisé sous la norme de la décision correcte. Cependant, il soutient que puisque dans la présente affaire l’arbitre a motivé sa décision, le résultat qui sous-tend la décision doit être remis en question dans le cadre de l’analyse de son caractère raisonnable (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au para 22 [Newfoundland Nurses]), soit principalement son intelligibilité et la transparence du processus décisionnel (Newfoundland Nurses, au para 11).

[40]           Le défendeur argumente que contrairement aux enseignements de Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34 [Syndicat canadien des communications] au para 54, le demandeur a fait une analyse phrase par phrase des conclusions de l’arbitre plutôt que de considérer la décision comme un tout.

[41]           Le défendeur soutient que les prétentions du demandeur selon lesquelles le fait que l’enquête et l’interrogatoire ne se soient pas déroulés en français suffit à conclure que la décision de l’arbitre est déraisonnable ne peuvent être retenues, puisque la demande de contrôle judiciaire concerne la décision de l’arbitre et non l’enquête effectuée par l’employeur du demandeur. Il précise que l’arbitrage est un processus de novo qui permet de réparer les injustices causées par les décisions de l’employeur (Pagé c Canada (Procureur général), 2009 CF 1299 [Pagé] au para 21; Tipple c Canada (Conseil du Trésor), [1985] ACF no 818 (CAF) (QL) et l’arbitre a fondé sa décision sur les faits présentés à l’audience.

[42]           Quant aux allégations de partialité formulées par le demandeur, le défendeur soutient qu’elles ne sauraient être retenues puisqu’une personne sensée, raisonnable et « bien renseignée qui étudierait la situation en profondeur, de façon réaliste et pratique », ne pourrait conclure que l’arbitre avait un parti pris à l’encontre du demandeur (Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369, à la page 394). Le défendeur souligne que bien qu’il soit possible et compréhensible que le demandeur soit déçu que l’arbitre ne l’ait pas trouvé crédible sur certains aspects, l’arbitre a tiré ses conclusions des réponses du demandeur et non en raison d’une tendance, d’une inclination ou d’une prédisposition à privilégier l’une des deux parties.

[43]           Le défendeur soutient également qu’il est possible que le demandeur ait perçu comme de la partialité le fait que l’arbitre lui ait posé des questions, car il n’est pas familier avec le processus d’arbitrage, mais souligne que l’avocate du demandeur n’a soulevé aucune objection quant à cet aspect de la procédure durant le processus d’arbitrage.

[44]           Finalement, le défendeur soutient que la décision de l’arbitre n’était pas déraisonnable à sa face même puisqu’il existe des précédents voulant que le fait de tricher à un examen en vue d’obtenir une promotion soit suffisamment grave pour briser le lien de confiance entre un employeur et un employé (R c S (RD), [1997] 3 RCS 484 aux paras 106-108 [R c S (RD)] ; Thomas c Chambre des communes, [1991] CRTFP no 75).

VI.             Analyse

[45]           Le demandeur a fourni de nombreux arguments à l’appui de sa demande de révision judiciaire. Chacun de ces arguments fut considéré. La présente analyse se concentre cependant sur les arguments du demandeur qui, à mon avis, sont les plus importants.

A.                Question préliminaire

[46]           Au début de l’audition et après avoir entendu les représentations des parties sur les questions en litige, j’ai rejeté la demande du demandeur d’admettre en preuve certains documents qui ont été inclus au dossier, mais qui n’ont pas été déposés en preuve devant l’arbitre.

[47]           Je suis d’avis que ces documents ne me seraient d’aucune assistance afin de rendre une décision dans la présente affaire. De plus, le demandeur ne m’a pas convaincu que ces documents n’étaient pas disponibles durant le processus d’arbitrage ou que le demandeur ne pouvait savoir qu’ils étaient pertinents. Suivant les décisions Rosenstein c Atlantic Engraving Ltd, 2002 CAF 503 aux paras 8-9 et Tint King of California Inc. c Canada (Registraire des marques de commerce), 2006 CF 1440 aux paras 18-19, je n’exercerai pas mon pouvoir discrétionnaire de façon à admettre ces documents.

B.                 La norme de contrôle

[48]           Dans Dunsmuir, aux paras 57 et 63, la Cour suprême du Canada énonce qu’une analyse de la norme de contrôle n’est pas nécessaire lorsque « la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ».

[49]           Dans Newfoundland Nurses, aux paras 14 et 22, la Cour suprême du Canada établit que l’insuffisance des motifs qui sous-tendent une décision ne peut être remise en question que dans le cadre du caractère raisonnable de celle-ci.

[50]           De plus, il importe de faire preuve d’une grande déférence en analysant le caractère raisonnable de la décision d’un arbitre de grief (Smith c Canada (Procureur général), 2009 CF 162 aux paras 13-14).

[51]           Une analyse suivant la norme de la décision raisonnable doit être effectuée afin de déterminer si l’arbitre a erré en concluant que le congédiement était une sanction adéquate (Deschênes c Banque canadienne impériale de commerce, 2011 CAF 216 aux paras 40, 45 [Deschênes], Morissette au para 2).

[52]           Une analyse suivant la norme de la décision correcte doit être effectuée afin de déterminer si le droit du demandeur à une audience équitable a été compromis (McBride v Canada (National Defence), 2012 FCA 181 au para 32 [McBride]; Chapagain c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 887 au para 14). La même norme s’applique à la question de savoir si l’arbitre a fait preuve de partialité (Zhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1139 au para 38).

C.                 La décision de l’arbitre était-elle raisonnable?

(1)               La suffisance des motifs et la prise en compte de la preuve

[53]           Le demandeur s’oppose essentiellement à la quasi-totalité des motifs qui sous-tendent les conclusions de l’arbitre. Le demandeur soutient notamment : i) que le cumul des erreurs et des omissions de l’arbitre de grief vicie sa décision; ii) que l’arbitre a fait un usage sélectif de la preuve; et iii) que les motifs qui sous-tendent la décision de l’arbitre sont incomplets, notamment parce qu’ils ne traitent pas de la partialité du comité d’enquête et n’exposent pas de façon complète pourquoi Mme Lasonde fut jugée plus crédible que le demandeur.

[54]           La Cour suprême du Canada a clarifié les principes quant à la suffisance des motifs qui sous-tendent une décision dans Newfoundland Nurses au paragraphe 16 :

Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision.  Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soitil, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., 1973 CanLII 191 (CSC), [1975] 1 R.C.S. 382, p. 391).  En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

[Soulignements ajoutés]

[55]           Les motifs d’une décision permettent au justiciable de s’assurer de la considération des éléments clés de la preuve soumise et de la prise en compte de ses prétentions (Via Rail Canada Inc. c Office national des transports, [2001] 2 CF 25 (CA) aux paras 17-18). Ceci étant dit, tel que souligné par le défendeur, il est établi qu’une sentence arbitrale doit être considérée « comme un tout et s’abstenir de faire une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » (Syndicat canadien des communications au para 54). Qui plus est, dans la mesure où la preuve soumise supporte les conclusions de fait tirées par l’arbitre, la jurisprudence reconnaît que les motifs d’une décision n’ont pas à être parfaits. Ils peuvent comprendre des erreurs mineures et ne pas faire référence à chacun des éléments de preuve sans pour autant être jugés déraisonnables (Colistro c BMO Banque de Montréal, 2008 CAF 154 au para 8; 6245820 Canada Inc. c Perrella, 2011 CF 728 au para 55).

[56]           Je note que le demandeur soutient que l’arbitre a erré en concluant que Mme Lasonde était crédible sans évaluer la crédibilité du demandeur. L’arbitre mentionne dans ses motifs qu’elle considère que Mme Lasonde a donné l’impression d’être un témoin crédible durant l’audience et que celle-ci n’avait aucune raison ou motivation de partager ses questions d’examen. Je ne peux souscrire aux arguments du demandeur. D’une part, l’arbitre était dans une position privilégiée pour tirer des conclusions quant à la crédibilité des témoins. D’autre part, les motifs de l’arbitre permettent au justiciable de comprendre pourquoi le témoignage de Mme Lasonde fut préféré au sien. La décision de l’arbitre était adéquatement motivée sur ce point. Alors que Mme Lasonde n’avait aucun motif d’envoyer le courriel au demandeur, celui-ci fut évasif lorsque confronté par son employeur. De plus, il est clair que le demandeur aurait pu bénéficier de l’obtention des questions et des réponses si la tricherie n’avait pas été découverte.

[57]           Le demandeur soutient également que les motifs de la décision révèlent que l’arbitre a fait un usage sélectif de la preuve et que le cumul des erreurs et des omissions de l’arbitre vicie sa décision. À titre d’exemple, le demandeur soutient que :

1.      L’arbitre a mentionné que le 10 août 2009, Mme Lasonde n’a pas parlé au demandeur, mais qu’au contraire Mme Lasonde lui a dit deux mots : « QUOI » et « OUI » pour lui signifier qu’elle était occupée;

2.      L’arbitre aurait dû considérer le fait que M. Fergusson a reçu les courriels utilisés par le demandeur le 12 août 2009. L’arbitre a erré en concluant que l’employeur ne connaissait pas la date et l’heure de l’examen du demandeur. Selon le demandeur, le fait que M. Fergusson avait reçu et imprimé les courriels avant l’examen sans pour autant avoir empêché le demandeur de le compléter démontre que l’employeur était de mauvaise foi;

3.      L’arbitre a erré en concluant que le demandeur est entré dans le bureau de Mme Lasonde afin de transférer les questions et les réponses d’examen à son adresse courriel de bureau pour ensuite les transférer à sa propre adresse courriel;

4.      L’arbitre a conclu au paragraphe 82 que le demandeur est entré dans le bureau de Mme Lasonde et a envoyé un courriel à son adresse courriel personnelle, alors que le courriel a été envoyé initialement à son adresse courriel du bureau.

[58]           Ces erreurs et omissions sont mineures et n’entachent pas le caractère raisonnable des motifs sous-tendant la décision de l’arbitre.

[59]           Le demandeur semble oublier que l’élément factuel clé de toute cette histoire est qu’il a triché afin d’obtenir un poste plus élevé au sein de la fonction publique, faisant ainsi preuve d’un grave manque d’intégrité et d’honnêteté. Questionné à cet effet, il a d’abord refusé d’avouer ses torts avant d’avouer une partie de la vérité à son employeur.

[60]           À mon avis, la décision de l’arbitre est cohérente et intelligible. Les arguments du demandeur démontrent qu’il a effectué une analyse à la loupe de chacune des phrases de l’arbitre, relevant ainsi les moindres imperfections d’une décision devant être considérée comme un tout. Le demandeur se contente de réinterpréter individuellement chaque fait en sous-entendant qu’une fois imbriqués les uns dans les autres, ceux-ci permettront de conclure que la décision de l’arbitre était déraisonnable, mais il ne formule pas de théorie factuelle plus convaincante que celle supportant les conclusions de l’arbitre. Je suis d’avis que les motifs de l’arbitre exposent de façon adéquate les éléments essentiels justifiant sa décision. De plus, l’arbitre n’avait pas, comme semble le soutenir le demandeur, à copier chaque parcelle de la preuve.

(2)               Le congédiement comme sanction appropriée à l’inconduite du demandeur

[61]           Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que le demandeur n’est pas parvenu à démontrer que la décision de l’arbitre en ce qui concerne le congédiement du demandeur était déraisonnable.

[62]           À mon avis, l’arbitre a eu raison de conclure au para 82 de sa décision :

[...] sur la base de la prépondérance des probabilités, que le 7 août 2009, [le demandeur] a profité de l’absence prévisible de Mme Lasonde, qu’il s’est introduit dans son bureau et qu’il s’est envoyé les questions et les réponses de l’examen du processus de sélection du poste de PM-05 de Mme Lasonde à son adresse courriel personnelle à la maison.

[63]           Je suis d’accord avec les propos de l’arbitre, malgré l’absence de preuve directe que le demandeur est entré dans le bureau de Mme Lasonde et le fait que celui-ci nie être entré dans le bureau de Mme Lasonde. Les conclusions de l’arbitre à cet égard sont tout à fait raisonnables.

[64]           Par ailleurs, que le demandeur se soit introduit ou non dans le bureau de Mme Lasonde, il ne fait aucun doute que celui-ci a triché en utilisant les questions et réponses d’un examen antérieur. De plus, il a d’abord refusé d’admettre son inconduite lorsqu’il fut confronté par son supérieur. Je ne crois pas non plus qu’il soit déraisonnable de conclure que le demandeur a tenté d’induire sa collègue Mme Lewis en erreur lorsqu’il lui demanda : « I also wanted to verify your questions, could you forward them to me? »

[65]           Tel que le souligne le défendeur, des décisions similaires furent rendues par la Commission des relations de travail dans la fonction publique selon lesquelles le fait de tricher à un examen dans le but d’être promu est passible de congédiement (Rivard c Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2002 CRTFP 75; Thomas c Chambre des communes, [1991] CRTFP no 75). Le demandeur soutient que l’arbitre aurait dû suivre l’affaire Hampton c Conseil du Trésor, CRTFP, Dossier : 166-2-28445 (1998) [Hampton], une décision où, dans des circonstances similaires à la présente affaire, il fut décidé que le congédiement était une sanction trop sévère. Dans l’affaire Hampton, le fonctionnaire en question vivait un stress personnel énorme au moment de son inconduite en raison de la grossesse de sa femme et de la perte d’une part importante de ses économies. Or, le défendeur n’est pas parvenu à démontrer une situation personnelle similaire. Sa qualité de vie s’est dégradée à la suite de son congédiement et non au moment de son inconduite. Qui plus est, la norme applicable à la présente affaire est celle de la décision raisonnable et le congédiement ne semble pas être une sanction excessive à la lumière des précédents mentionnés ci-haut.

[66]           Par ailleurs, la lettre de congédiement d’un employeur est un élément pertinent à prendre en compte dans l’évaluation de la perte du lien de confiance entre un employeur et un employé (Deschênes au para 54). Au paragraphe 88 de sa décision, l’arbitre mentionne : « je suis d’accord avec les commentaires de Mme Deschênes que les gestes posés par [le demandeur] étaient sérieux et ont eu pour effet de briser le lien de confiance entre l’employeur et son employé ». Dans sa lettre, Mme Deschênes mentionne :

In rendering my decision, I have taken into consideration various mitigating circumstances including your years of service, your previous disciplinary record, and your previous performance appraisal.

That said, I consider your misconduct to be very serious. You have failed to take full responsibility for your actions.

[...]

In considering the above, your actions have caused irreparable damage to the mutual relationship of trust required to maintain the employment relationship. As such, in accordance with the authority vested in me pursuant to section 12 (1) c) of the Financial Administration Act, your employment with the Department of Citizenship & Immigration is terminated [...].

[Soulignements ajoutés]

À la lumière de l’ensemble du dossier, cette lettre illustre que l’inconduite du demandeur a causé un tort irréparable à la relation de confiance qu’il entretenait avec son employeur et démontre que l’employeur du demandeur a considéré les circonstances atténuantes s’appliquant au cas du demandeur.

[67]           Le demandeur a triché à son examen et a ainsi trahi la confiance de son employeur. La fonction publique est un milieu où l’intégrité et l’honnêteté de ceux qui la composent jouent un rôle nécessaire au maintien de la confiance du public. La sanction imposée au demandeur est dure, mais elle n’est pas déraisonnable compte tenu du milieu de travail dans lequel celui-ci évoluait.


D.                Les questions analysées suivant la norme de la décision correcte

(1)               La crainte raisonnable de partialité

[68]           Le demandeur soutient que l’arbitre a fait preuve de partialité. Tel que l’explique avec justesse le défendeur et selon la Cour suprême dans R c S (RD) au para 106, la notion de partialité peut se définir comme suit :

Dans la langue courante, le terme partialité désigne une tendance, une inclination ou une prédisposition conduisant à privilégier une partie plutôt qu’une autre ou un résultat particulier. Dans le domaine des procédures judiciaires, c’est la prédisposition à trancher une question ou une affaire d’une certaine façon qui ne permet pas au juge d’être parfaitement ouvert à la persuasion. La partialité est un état d’esprit qui infléchit le jugement et rend l’officier judiciaire inapte à exercer ses fonctions impartialement dans une affaire donnée.

[69]           Le juge Rennie dans Banque de Montréal c Payne, 2012 CF 431 aux paras 51-52, résume la norme applicable à cette question :

Le critère servant à établir l’existence d’une crainte raisonnable de partialité de la part du décideur a été réitéré par la CSC dans l’arrêt R. c S. (R.D.), 1997 CanLII 324 (CSC), [1997] 3 RCS 484, au paragraphe 111 : pour conclure à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité, il faut qu’une personne sensée et bien renseignée, qui est au courant de l'ensemble des circonstances pertinentes et qui étudie la question de façon réaliste et pratique, conclue que la conduite du juge fait naître une crainte raisonnable de partialité. Il n’est pas nécessaire que le décideur se soit montré partial; il suffit qu’existe une crainte raisonnable de partialité pour conclure à la violation du principe de l’équité procédurale,

Afin de déterminer s’il y a une crainte raisonnable de partialité, la Cour doit répondre à la question de savoir si une personne bien renseignée croirait que, selon toute vraisemblance, consciemment ou non, le décideur ne rendra pas de décision juste: voir les arrêts Committee for Justice & Liberty c Canada (Office national de l’énergie) (1976), 1976 CanLII 2 (CSC), [1978] 1 RCS 369; et R. c S. (R.D.), précités. Les arbitres sont présumés être impartiaux; par conséquent, toute conclusion quant à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité doit satisfaire à une norme rigoureuse: R. c S. (R.D.), cidessus, au paragraphe 158.

[70]           Une partie qui soutient qu’un décideur est partial doit en faire la preuve et le standard de preuve applicable est élevé (Rafizadeh c Banque Toronto-Dominion, 2013 CF 781 au para 16; Farah v Sauvageau Holdings Inc., 2011 ONSC 1819 aux paras 89-90).

[71]           En l’espèce, le demandeur soutient que l’arbitre a manqué à son devoir de neutralité et d’indépendance. Cette affirmation du demandeur repose, entre autres choses, sur le fait que l’arbitre aurait manqué de neutralité en affirmant : « [j]’ajouterais ici que compte tenu de la nature des fonctions d’un agent des risques avant renvoi et les conséquences de leur décision sur la vie d’un requérant, l’employeur se doit d’être en mesure de faire pleinement confiance à ses employés ». À mon avis, l’arbitre de grief n’a fait qu’exercer ses pouvoirs en tirant des conclusions à partir des faits qui lui étaient soumis.

[72]           Le demandeur soutient également que l’arbitre a fait preuve de partialité en lui demandant d’abréger son témoignage afin de pouvoir aller à des funérailles. Le demandeur ne soumet cependant aucune preuve démontrant que l’arbitre a effectivement écourté son témoignage dans le simple but d’aller à des funérailles. De plus, le demandeur soutient que l’arbitre a erré en s’opposant à ce que les plaidoiries se poursuivent à Ottawa afin de lui permettre de compléter son témoignage. D’une part, la décision de l’arbitre et l’ensemble du dossier reflètent qu’elle avait en sa possession amplement d’information pour rendre une décision complète et intelligible. D’autre part, le demandeur n’indique pas quelle preuve il aurait présentée à Ottawa afin d’influencer les conclusions de l’arbitre. Finalement, le défendeur soutient que l’avocate qui représentait le demandeur au moment du processus d’arbitrage ne s’est opposée à aucun aspect des procédures, ce que le demandeur ne conteste pas. À mon avis, l’arbitre n’a fait qu’exercer ses pouvoirs de gestion d’instance.

[73]           Qui plus est, les preuves soumises par le demandeur ne suffisent pas à faire naître chez une personne sensée et bien renseignée une crainte raisonnable de partialité. Je suis d’avis que le demandeur ne s’est pas déchargé du fardeau de preuve qui lui était imposé. Avec respect, le demandeur semble confondre le pouvoir de gestion d’instance et le pouvoir discrétionnaire de l’arbitre avec la notion de partialité.

(2)               La tenue d’une audience équitable

[74]           Le demandeur soutient que l’arbitre a violé son droit à une audience équitable en lui posant elle-même des questions. Le demandeur mentionne que l’arbitre aurait « forcé le demandeur à témoigner contre lui-même » en le questionnant sur sa potentielle présence dans le local de Mme Lasonde à 12 h 09 le 7 août 2009. Avec respect pour la position du demandeur, l’arbitre n’a fait qu’exercer ses pouvoirs suivant le paragraphe 226 (1) de la Loi. De plus et tel que mentionné ci-haut, l’avocate qui représentait le demandeur au moment du processus d’arbitrage ne s’est objectée à aucun aspect des procédures. À la lumière de l’ensemble du dossier et des arguments du demandeur, je suis d’avis que le demandeur a eu droit à une audience équitable.

(3)               La violation des droits linguistique

[75]           À mon avis, il ne fait aucun doute que les allégations du demandeur quant à la violation de ses droits linguistiques méritent d’être prises au sérieux. Je suis d’accord avec l’arbitre que le demandeur aurait dû pouvoir s’exprimer en français pendant l’enquête. Cependant, le demandeur demande la révision judiciaire de la décision de l’arbitre de grief. Tel que le souligne le défendeur, le processus de grief devant un arbitre n’est pas une forme de contrôle quasi-judiciaire car l’arbitre entend l’affaire de novo (para. 226 (1) de la Loi; McBride aux paras 43-45; MacDonald c Ville de Montréal, [1986] 1 RCS 460 au para 122; Pagé au para 21;). Ainsi, le demandeur a eu l’opportunité d’être entendu de novo dans la langue de son choix, soit la langue française.

[76]           Par ailleurs, le demandeur ne précise pas comment le fait que l’enquête s’est déroulée en anglais aurait influencé les conclusions de l’arbitre. À la lumière de l’ensemble du dossier, je suis d'accord avec l’argument du défendeur selon lequel l’arbitre a fondé sa décision sur l’ensemble des faits présentés à l’audience et non sur les opinions de l’employeur.

VII.          Conclusions

[77]           La demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

« George R. Locke »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-380-14

 

INTITULÉ :

MOHAMED BALIKWISHA PATANGULI c ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL (MINISTÈRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 septembre 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 12 décembre 2014

 

COMPARUTIONS :

Mohamed Balikwisha Patanguli

 

POUR LE DEMANDEUR
(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Me Martin Desmeules

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mohamed Balikwisha Patanguli

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR
(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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