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Date : 20150108


Dossiers : IMM-2996-14

IMM-2997-14

Référence : 2015 CF 27

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 janvier 2015

En présence du juge en chef

Dossier : IMM-2996-14

ENTRE :

FRANKIE'S BURGERS LOUGHEED INC (FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE FATBURGER LOUGHEED)

demandeur

et

LE MINISTRE DE L’EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL DU CANADA

défendeur

Dossier : IMM-2997-14

ET ENTRE :

SETON FB LTD. (FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE FATBURGER)

demandeur

et

LE MINISTRE DE L’EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Les présents motifs concernent deux décisions pratiquement identiques rendues par Madame Nimira Sandhu, agente à Emploi et Développement social Canada (EDSC), concernant le refus d’émettre les avis relatifs au marché du travail (AMT) favorables demandés par les demandeurs.

[2]               Les AMT ont été demandés relativement à l’embauche d’étrangers, en vertu du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), comme serveurs aux comptoirs de service alimentaire de deux restaurants exploités par les demandeurs sous l’enseigne Fatburger. L’un de ces restaurants est situé à Lougheed, en Colombie-Britannique, et l’autre à Seton, en Alberta.

[3]               La décision relative au dossier IMM-2996-14 concerne l’établissement de Lougheed, tandis que la décision relative au dossier IMM-2997-14 a trait à l’établissement de Seton.

[4]               Les demandeurs demandent l’annulation des décisions de l’agente pour les motifs qui suivent :

A.    L’évaluation effectuée par l’agente était déraisonnable, notamment en ce qui a trait aux conclusions selon lesquelles les demandeurs :

                                                              i.      auraient dû consacrer plus d’efforts au recrutement de travailleurs à temps partiel pour combler les postes vacants;

                                                            ii.      n’ont pas prouvé l’existence d’une pénurie de main-d’œuvre;

                                                          iii.      ne se sont pas conformés aux normes minimales en matière de recrutement à l’égard des postes qu’ils cherchaient à combler.

B.     L’agente n’a pas offert aux demandeurs la possibilité de répondre à ses préoccupations à propos de l’authenticité de certaines annonces qui ont été diffusées concernant le restaurant de Seton, en Alberta.

C.     L’agente a entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire dans l’appréciation des demandes en négligeant de tenir compte des circonstances particulières de l’espèce et en se fondant sur des directives opérationnelles émises par EDSC pour justifier le refus des demandes.

[5]               Pour les motifs énoncés ci-après, la demande ayant trait au dossier IMM-2996-14 sera rejetée, et la demande ayant trait au dossier IMM-2997-14 sera accueillie, tel qu’il est énoncé dans le jugement ci-joint.

I.                   Contexte

[6]               Les demandeurs font partie d’un groupe d’entreprises apparentées, qui ensemble exploitent une soixantaine de restaurants dans l’ouest canadien. Environ 16 de ces restaurants sont exploités par Frankie’s Burger Enterprises Inc. (Frankie’s), sous l’enseigne Fatburger en Colombie-Britannique, et environ 18 sont exploités par Frankie’s sous cette enseigne en Alberta.

[7]               En novembre 2013, Madame Dianna Lasenby, directrice concept et présidente de Frankie’s, a soumis au ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences (RHDCC), au nom des demandeurs, des demandes d’avis relatifs au marché du travail concernant des travailleurs temporaires étrangers non désignés nommément, en vue de combler quatre postes de serveurs aux comptoirs de service alimentaire (SCSA) à l’établissement de Lougheed, et dix postes de SCSA à l’établissement de Seton. Le ministère précité porte maintenant le nom de ministère de l’Emploi et du Développement social.

[8]               A l’appui de ces demandes, Mme Lasenby a soumis des éléments de preuve documentaire concernant les efforts infructueux qu’elle-même et une tierce partie dûment autorisée (la tierce partie) ont déployés pour recruter des citoyens canadiens ou des résidents permanents en vue de combler les postes de SCSA.

[9]               En février 2014,  en guise d’appui supplémentaire aux demandes, Mme Lasenby a soumis des documents additionnels faisant état de la poursuite des efforts visant à recruter des citoyens canadiens ou des résidents permanents pour combler les postes de SCSA.

[10]           En avril 2014, Mme Lasenby a soumis des preuves supplémentaires concernant les efforts de recrutement.

[11]           Madame Lasenby a de plus parlé avec l’agente à plusieurs occasions en mars 2014, ainsi que le 2 avril 2014. Lors de ces discussions, l’agente a indiqué qu’elle évaluait les demandes en se fondant sur l’information fournie à la date où elles avaient été présentées. Elle a ajouté que même si les efforts de recrutement devaient se poursuivre, les modifications apportées aux annonces, tel l’ajout des adresses des restaurants, seraient sans effet sur l’appréciation des demandes telles qu’elles ont été soumises à l’origine.

[12]           L’agente a en outre exprimé diverses préoccupations à Mme Lasenby. Plus précisément, elle était préoccupée par le fait que les annonces incluses dans les demandes de novembre 2013 mentionnaient uniquement des postes à plein temps et ne précisaient pas les adresses des restaurants concernés. De plus, elle se demandait si des efforts suffisants avaient été déployés pour cibler les groupe sous-représentés, car les demandes soumises à l’origine n’incluaient pas de documentation ou d’autres éléments d’information indiquant pendant combien de temps les annonces ciblant les groupes en question avaient paru. En outre, l’agente a demandé des précisions concernant les personnes qui avaient soumis leur candidature pour les postes annoncés, et les raisons pour lesquelles elles n’avaient pas été embauchées.

II.                Dispositions législatives pertinentes et directives d’EDSC

[13]           Le PTET a été créé sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement). Il est mis en œuvre aux termes de diverses ententes administratives et politiques et procédures connexes conclues entre EDSC, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) et l’Agence des services frontaliers du Canada.

[14]           Un travailleur étranger temporaire doit détenir un permis de travail pour pouvoir travailler légalement au Canada.

[15]           Le sous-alinéa 200(1)c)(iii) du Règlement prévoit qu’un agent de CIC délivre un permis de travail au ressortissant étranger s’il est satisfait à certaines exigences. Au nombre de celles-ci  figure le fait d’avoir rendu une décision positive conformément aux alinéas 203(1)a) à e) du Règlement. Pour les besoins de la présente décision, la disposition pertinente de l’article 203 est l’alinéa 203(1)b), en vertu duquel l’agent de CIC doit déterminer, en se fondant sur l’AMT émis par EDSC, si le travail de l’étranger est susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien.

[16]           Le paragraphe 203(3) stipule qu’un AMT émis par un agent d’EDSC doit prendre en considération les sept facteurs suivants :

a) l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’entraîner la création directe ou le maintien d’emplois pour des citoyens canadiens ou des résidents permanents;

b) l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’entrainer le développement ou le transfert de compétences ou de connaissances au profit des citoyens canadiens ou des résidents permanents;

c) l’exécution du travail par l’étranger est susceptible de résorber une pénurie de main-d’œuvre;

d) le salaire offert à l'étranger correspond aux taux de salaires courants pour cette profession et les conditions de travail qui lui sont offertes satisfont aux normes canadiennes généralement acceptées;

e) l’employeur embauchera ou formera des citoyens canadiens ou des résidents permanents, ou a fait ou accepté de faire des efforts raisonnables à cet effet;

f) le travail de l’étranger est susceptible de nuire au règlement d’un conflit de travail en cours ou à l’emploi de toute personne touchée par ce conflit;

g) l’employeur a respecté ou a fait des efforts raisonnables pour respecter tout engagement pris dans le cadre d’un avis précédemment fourni en application du paragraphe (2) relativement aux facteurs visés aux alinéas a), b) et e).

[17]           Pour les besoins des présents motifs, seulement deux des facteurs précités sont pertinents, à savoir les facteurs c) et e).

[18]           Il convient de souligner que ce sont les décisions de l’agente d’EDSC de refuser les AMT qui font l’objet des demandes de contrôle judiciaire dont est saisie la Cour.

[19]           L’Annexe « A » jointe à un affidavit déposé au nom du défendeur par Michele Morandini, directrice, PTET, Région de l’Ouest et des Territoires, Direction générale des services aux citoyens et de l'exécution des programmes, EDSC, est un document téléchargé à partir du site Web d’EDSC et intitulé Volet des professions peu spécialisées (les Directives). Selon la description qui en est donnée, ce document énonce les exigences d’EDSC en matière d’annonces et de recrutement relativement aux AMT liés aux professions peu spécialisées, ce qui correspond au volet du PTET en cause dans la présente procédure.

[20]           Entre autres choses, les Directives stipulent que les annonces de recrutement doivent inclure l’adresse de l’entreprise, les conditions d’emploi et le lieu de travail (nom de la région, de la ville ou de la municipalité). En outre, elles précisent que « [l]es employeurs doivent démontrer qu'ils répondent aux exigences sur l'affichage de poste, en fournissant des preuves qu'ils ont affiché le poste à pourvoir, et qu'ils ont déployé les efforts nécessaires pour recruter des Canadiens ou des résidents permanents (p. ex., copies d'affichage du poste incluant les renseignements pour préciser où, quand et pendant combien de temps le poste a été affiché) ».

[21]           Sous la rubrique « Comment présenter une demande », les Directives stipulent que l’employeur qui demande un AMT devrait se conformer aux exigences minimales en matière d’efforts de recrutement.

III.             Norme de contrôle

[22]            La norme de contrôle qui s’applique aux questions soulevées concernant le caractère raisonnable des conclusions tirées par l’agente d’EDSC est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 51 à 53 [Dunsmuir].

[23]           La question de l’équité procédurale soulevée par le demandeur est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Dunsmuir, précité, aux paragraphes 79 et 87, et Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 43).

[24]           En ce qui concerne la question soulevée concernant l’entrave à l'exercice du pouvoir discrétionnaire, il n’est pas nécessaire d’établir de façon absolue si la norme de contrôle est celle de la décision correcte ou celle de la décision raisonnable, car le résultat est le même : une décision résultant d’une entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire doit en soi être considérée comme déraisonnable (Stemijon Investments Ltd. c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, aux paragraphes 20 à 24).

IV.             Analyse

A.                L’appréciation effectuée par l’agente était-elle raisonnable?

(1)               Aperçu

[25]           Les décisions pratiquement identiques de l’agente portant refus d’émettre les AMT demandés par les demandeurs ont été communiquées dans ce que Mme Morandini a décrit comme le [traduction] « langage courant » utilisé par EDSC pour assurer l’uniformité.

[26]           Ces décisions se fondaient sur trois constatations principales.

[27]           Premièrement, l’agente a établi que les demandeurs n’avaient pas prouvé de manière satisfaisante que leur entreprise avait raisonnablement besoin des postes annoncés, à savoir uniquement des postes à plein temps. Ce faisant, l’agente s’est fondée sur l’alinéa 200(5)b) du Règlement, selon lequel il faut établir, au moment d’évaluer le caractère authentique d’une offre d’emploi, si celle-ci correspond aux besoins légitimes en main-d’œuvre de l’employeur.

[28]           Deuxièmement, l’agente a établi que les demandeurs n’avaient pas prouvé l’existence d’une pénurie de main-d’œuvre, tel que le prévoit l’alinéa 203(3)c) du Règlement.

[29]           Troisièmement, l’agente a établi que les demandeurs n’avaient pas prouvé qu’ils avaient fait des efforts suffisants pour recruter des citoyens canadiens ou des résidents permanents afin de combler les postes vacants, comme le prévoit l’alinéa 203(3)e) du Règlement.

[30]           Les demandeurs prétendent que chacune de ces constatations est déraisonnable.

[31]           Au moment d’apprécier les arguments des demandeurs, je dois garder à l’esprit le fait que l’examen par la Cour doit mettre l’accent de manière générale sur la caractère raisonnable des décisions finales de l’agente portant refus d’émettre les AMT. Ces décisions ont été rendues après que l’agente eut conclu que les demandeurs n’avaient pas prouvé que l’embauche des étrangers non nommément désignés qu’ils voulaient recruter serait susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien, tel que l’exige l’alinéa 203(1)b) du Règlement.

[32]           Le caractère raisonnable de la décision finale de l’agente de refuser les AMT sera examiné à la fin de la présente section, à la Partie IV.A.(5) ci-après, après l’examen des diverses observations présentées par les demandeurs.

(2)               Décision de l’agente concernant la nécessité d’annoncer des postes à temps partiel

[33]           Après avoir indiqué que les demandeurs n’avaient pas prouvé de manière satisfaisante qu’ils avaient raisonnablement besoin des postes annoncés, l’agente a fourni l’explication suivante : [traduction] « Service Canada n’est pas en mesure d’émettre à l’égard d’un poste un avis favorable relatif au marché du travail lorsque l’exigence ou les exigences se limitent au travail à temps plein, car de telles conditions de travail ne correspondent pas à la norme observée dans l’industrie et elles sont jugées excessives. »

[34]           Dans ses notes au dossier, l’agente a précisé ses préoccupations dans les termes suivants : [traduction] « Ai avisé la demandeure que le temps partiel est la norme dans l’industrie et lui ai demandé si elle avait envisagé d’embaucher du personnel à temps partiel. Elle a répondu que ce n’était pas la norme chez Fatburger ». Dans les mêmes notes, l’agente ajoute qu’environ 59 p. 100 de la main-d’œuvre travaille à temps partiel, et 41 p. 100 à temps plein, et que 61 p. 100 des travailleurs ont entre 15 et 24 ans. Plus loin, sous la mention « DÉCISION : REFUSÉ », l’agente indique : [traduction] « Ne constitue pas un besoin raisonnable de main-d’œuvre (la norme dans l’industrie est le TP – les conditions d’emploi dans les annonces ne parlent pas de TP ». L’acronyme TP renvoie à « temps partiel ».

[35]           Les demandeurs font valoir que le fait de ne pas avoir annoncé de postes à temps partiel ne constitue pas une raison valable pour l’agente de refuser de délivrer un AMT. Ils soutiennent qu’il doit être loisible à un employeur de décider s’il veut embaucher des employés à temps plein ou à temps partiel. À cet égard, ils soulignent qu’il peut être plus coûteux d’embaucher et de former plusieurs employés à temps partiel et d’organiser leurs horaires que d’embaucher un nombre plus limité d’employés à temps plein, ajoutant que la qualité et l’uniformité du travail des employés à temps partiel peuvent être inférieures à celles du travail des employés à temps plein.

[36]           A l’appui de leur position, les demandeurs invoquent l’affirmation du juge Zinn dans l’arrêt Construction and Specialized Workers' Union, Local 1611 c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 512, au paragraphe 142 [Specialized Workers], selon laquelle « l'employeur doit avoir une certaine latitude pour décider qui embaucher, même en vertu du PTÉT ». Je suis d’accord avec ce grand principe, bien que j’ajouterais qu’il a certes ses limites et ne peut être étendu jusqu’à entrer en contradiction avec les dispositions énoncées dans le Règlement. Je suis également d’accord avec l’observation faite par le juge Zinn, dans la phrase suivante, selon laquelle « [l]a véritable question est celle de savoir si l'agent disposait d'éléments selon lesquels il devait raisonnablement conclure que le demandeur d'AMT n'avait pas fait d'efforts raisonnables pour embaucher des Canadiens ».

[37]           Dans cette affaire, le juge Zinn a fait remarquer qu’il existait une pénurie de main-d’œuvre dans l’industrie minière, que l’un des défendeurs avait fait approuver une demande relativement au même projet seulement 12 mois plus tôt et que ce défendeur, avec un autre défendeur, avaient tous deux fait du recrutement. Il ressort clairement de ces observations que le juge Zinn était convaincu que l’agent ne disposait en fait d’aucun élément qui l’aurait raisonnablement amené à conclure que le demandeur n’avait pas fait d’efforts raisonnables pour embaucher des Canadiens.

[38]           En l’espèce, les faits à l’origine de la décision de l’agente sont très différents de ceux de l’arrêt Specialized Workers. Comme on le verra plus loin, les demandeurs n’ont pas prouvé l’existence d’une pénurie de main-d’œuvre dans leur secteur particulier. Qui plus est, comme l’agente l’a fait observer, la norme dans ce secteur d’activité favorise l’embauche de travailleurs à temps partiel. Cela se reflétait dans les statistiques qui sont mentionnées plus haut et qui étaient citées dans les notes au dossier de l’agente. Ces statistiques pourraient expliquer, du moins en partie, les raisons pour lesquelles les annonces des demandeurs ont engendré si peu de réponses de la part de candidats éventuels.

[39]           Je reconnais qu’il est fort possible qu’il soit plus coûteux pour les demandeurs d’embaucher et de former des travailleurs à temps partiel et d’organiser leurs horaires que des travailleurs à temps plein, et que ces derniers puissent fournir un meilleur rendement et une meilleure fiabilité à long terme que les travailleurs à temps partiel.

[40]           Cependant, les demandeurs n’ont attiré mon attention sur aucun élément appuyant l’argument selon lequel le caractère raisonnable de la décision de l’agente devrait être apprécié principalement à la lumière de ces facteurs. En fait, il ressort clairement du paragraphe 203(3) du Règlement que le caractère raisonnable des décisions d’un agent devrait être évalué en fonction du critère ultime consistant à savoir si « le travail de l’étranger n’est pas susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien ». Les sept critères particuliers énoncés aux alinéas 203(3)a) à g) renforcent cette orientation, et ils ne font mention ou ne tiennent compte d’aucune façon du genre de facteurs ou de latitude qu’évoquent les demandeurs.

[41]           Selon les éléments de preuve non contredits qu’a fournis Mme Morandini, le PTET vise à permettre aux employeurs d’embaucher des travailleurs étrangers de manière temporaire pour combler des pénuries immédiates de compétences et de main-d’œuvre, lorsqu’il n’y a pas suffisamment de citoyens canadiens ou de résidents permanents disponibles pour combler les postes vacants.

[42]           Étant donné que la majorité (59 p. 100) des travailleurs dans l’industrie de la restauration occupent des emplois à temps partiel et qu’environ 61 p. 100 d’entre eux ont entre 15 et 24 ans, il n’était pas déraisonnable pour l’agente d’être préoccupée par le fait que des citoyens canadiens ou des résidents permanents qui aurait autrement pu être disponibles pour combler les postes de SCSA n’ont pas eu la possibilité de soumettre leur candidature pour ces postes. En fait, cette préoccupation était fermement enracinée dans l’alinéa 203(3)e) du Règlement.

[43]           Contrairement à ce que laisse entendre la position des demandeurs, le PTET n’a pas été prévu comme un moyen pour les employeurs de changer les normes de l’industrie en excluant des segments de la population active canadienne, tels ceux des étudiants ou des autres jeunes personnes, qui ont traditionnellement occupé des postes particuliers selon un régime à temps partiel. Qui plus est, EDSC n’avait aucune obligation à l’endroit des employeurs pour ce qui est de leur fournir un préavis à ce sujet dans les Directives.

[44]           Le fait que le site Web de WorkBC, pendant provincial de la Banque nationale d'emplois, n’a autorisé qu’un peu plus tôt cette année la diffusion d’une même annonce pour embaucher à la fois des travailleurs à temps plein et des travailleurs à temps partiel n’aide en rien la cause des demandeurs. Cela s’explique en partie par le fait que les autres annonces concernant les postes au restaurant de Lougheed, en Colombie-Britannique, parues avant que soient soumises les demandes d’AMT, mentionnaient aussi uniquement des postes à temps plein. Qui plus est, comme l’a fait observer le défendeur, rien ne pouvait raisonnablement empêcher la diffusion d’annonces séparées pour des postes à temps partiel et des postes à plein temps sur le site Web de WorkBC.

[45]           De même, n’aide pas les demandeurs le fait qu’ils ont modifié leurs annonces en février et mars 2014 en y ajoutant ce qui suit : [traduction] « Même si ce poste est un poste à plein temps, nous encourageons les personnes voulant travailler à temps partiel à soumettre également leur candidature ». Les Directives indiquent clairement que les employeurs sont censés, dans le cas des professions peu spécialisées, faire à tout le moins des efforts minimaux de recrutement avant de demander un AMT. Il s’agit là d’une position tout à fait raisonnable, car les agents d’EDSC doivent pouvoir évaluer les demandes d’AMT à un moment déterminé dans le temps. Il n’y a rien de déraisonnable dans le fait d’adopter comme position que ce moment est celui où la demande est soumise. Le fait que des efforts continus de recrutement soient également exigés vise simplement à assurer que les employeurs continueront de chercher des citoyens canadiens ou des résidents permanents pour combler les postes vacants jusqu’à ce qu’un AMT favorable ait été délivré.

[46]           Je ferai observer en passant que l’énoncé précité (encourageant les personnes voulant à travailler à temps partiel à soumettre leur candidature) qui a été ajouté aux annonces des demandeurs a paru dans la plupart des cas vers la fin de la période d’affichage. Dans plusieurs cas, il se trouvait à la deuxième ou la troisième page de l’annonce modifiée. Selon moi, cela ne constituait pas un effort raisonnable pour indiquer clairement aux candidats éventuels que des postes à temps partiel étaient disponibles, compte tenu tout particulièrement du fait que les mentions concernant les postes à plein temps se trouvaient à des endroits bien en vue au tout début des annonces.

[47]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus qu’il n’était pas déraisonnable pour l’agente de refuser de délivrer un AMT favorable, en partie parce que les demandeurs n’ont pas indiqué dans leurs annonces qu’ils étaient disposés à embaucher des travailleurs à temps partiel.

[48]           J’aborderai plus loin, dans la Partie IV.B des présents motifs, le fait que certaines des annonces diffusées concernant les postes vacants au restaurant de Seton, en Alberta, contenaient la phrase précitée concernant les candidats à temps partiel et que la date de ces annonces était antérieure à celle où les demandeurs ont soumis leurs demandes d’AMT.

(3)               Conclusion de l’agente concernant le défaut des demandeurs de prouver l’existence d’une pénurie de main-d’œuvre

[49]           La constatation de l’agente selon laquelle les demandeurs n’avaient pas réussi à prouver l’existence d’une pénurie de main-d’œuvre, tel qu’il est prévu à l’alinéa 203(3)c) du Règlement, semble avoir été fondée sur une constatation selon laquelle l’existence d’une telle pénurie n’a pas été établie sur la foi des résultats de leurs efforts de recrutement.

[50]           Dans ses notes au dossier concernant ses deux refus, l’agente souligne que les demandeurs n’ont pas été en mesure de fournir des précisions quant aux résultats de leurs efforts de recrutement. Pour expliquer cela, les demandeurs ont indiqué que les efforts en question avaient été déployés par la tierce partie, qui a combiné les résultats des efforts de recrutement concernant les postes de SCSA avec les résultats concernant les postes de surveillants des services alimentaires (SSA).

[51]           En ce qui concerne l’établissement de Lougheed, les notes au dossier de l’agente indiquent que 18 candidatures ont été reçues pour les postes de SCSA et de SSA avant le 18 novembre 2013. De ce nombre, 14 venaient de citoyens canadiens ou de résidents permanents, et quatre d’étrangers. Les notes ajoutent que la tierce partie a communiqué avec tous ces candidats et a indiqué que deux d’entre eux avaient trouvé un emploi, qu’un autre avait fourni un numéro de téléphone erroné, que deux ne voulaient pas d’emploi à plein temps et que cinq n’avaient pas retourné les appels de la tierce partie. Plus loin, l’agente souligne que la tierce partie avait précisé que 13 des candidatures visaient les postes de SCSA, tandis que les cinq autres visaient les postes de SSA. Les notes précisaient en outre que la tierce partie avait indiqué qu’aucun des candidats pour les postes de SCSA n’avait été embauché parce qu’il avait été impossible de les joindre, qu’ils étaient hors du pays, qu’ils avaient trouvé un autre emploi ou qu’ils étaient non disponibles pour d’autres raisons. L’agente a ajouté que la tierce partie et l’employeur n’ont pas été en mesure de fournir des précisions concernant les candidats ayant postulé chacun des postes. Enfin, elle a fait observer que seulement deux des sept indicateurs relatifs au marché du travail pour la catégorie d’emplois visée (CNP 6641) faisait ressortir une possible pénurie de main-d’œuvre et que le taux de chômage régional global pour la Colombie-Britannique était de 6,5 %.

[52]           En ce qui concerne l’établissement de Seton, les notes au dossier de l’agente indiquent que huit candidatures avaient été reçues pour le poste de SCSA et qu’aucun des candidats n’avait été embauché parce qu’ils étaient soit non disponibles, soit à l’extérieur du pays. L’agente fait ensuite observer que même si personne n’avait été embauché à cet établissement au moment où la demande d’AMT a été soumise à l’origine, en novembre 2013, huit personnes s’étant présentées spontanément ont par la suite été embauchées. L’agente était manifestement préoccupée par ce fait, qui mettait en évidence l’absence de réels efforts pour embaucher des citoyens canadiens ou des résidents locaux.

[53]           Les demandeurs soutiennent avoir fourni un aperçu acceptable des résultats relatifs aux candidats qui ont postulé aux postes de SCSA. De plus, ils soulignent que ni les Directives, ni les autres éléments d’information présentés sur le site Web d’EDSC ne précisent le niveau de détail avec lequel doivent être présentés les résultats du recrutement. Ils affirment en conséquence qu’on ne saurait s’attendre à ce qu’ils se conforment à des exigences qui n’ont pas été publiées.

[54]           S’agissant de l’établissement de Seton, en Alberta, le demandeur dans le dossier IMM‑2997‑14 fait observer que selon les données présentées aux pages 43 et 44 du dossier certifié du tribunal, le taux de chômage à Calgary, en Alberta, se situait en février et mars 2014 à 4,5 % et 5,0 % respectivement. Le demandeur fait valoir que cela n'appuie pas la conclusion de l’agente concernant l’existence d’une pénurie de main-d’œuvre, notamment parce qu’EDSC traite actuellement les demandes relatives aux professions peu spécialisées si le lieu de travail se trouve dans une région à faible taux de chômage, ce qu’EDSC définit prétendument comme un taux inférieur à 6 %.

[55]           En ce qui a trait aux faits particuliers liés aux cas des demandeurs, je suis convaincu qu’il n’était pas déraisonnable pour l’agente de conclure que les demandeurs n’ont pas prouvé l’existence d’une pénurie de main-d’œuvre. L’information qu’ils ont fournie était insuffisante et vague. Il était raisonnable pour l’agente de déterminer que cette information ne présentait pas le niveau de détail requis pour satisfaire à l’exigence dans les circonstances.

[56]           Concernant l’établissement de Lougheed, le fait que seulement deux des sept indicateurs relatifs au marché du travail pour la catégorie d’emplois visée (CNP 6641) faisaient ressortir une possible pénurie de main-d’œuvre fournit un appui supplémentaire en faveur de la conclusion de l’agente.

[57]           Relativement à l’établissement de Seton, un tel appui supplémentaire est venu du fait que huit personnes s’étant présentées spontanément ont été embauchées après que le demandeur eut  affirmé ce qui suit dans sa demande : [traduction] « D’intensifs efforts de recrutement ne nous ont pas permis de trouver des Canadiens ou des résidents permanents pour combler ce poste vacant dans notre entreprise ». Le fait que le taux de chômage dans l’ensemble de la région de Calgary s’établissait en février et mars 2014 à 4,5 % et 5 % respectivement ne permet pas, en soi, d’établir qu’il existait une pénurie de main-d’œuvre pour les postes de SCSA.

(4)               Conclusion de l’agente concernant le défaut des demandeurs de satisfaire aux normes minimales en matière de recrutement

[58]           Les conclusions de l’agente à ce sujet se fondaient sur sa conclusion selon laquelle les demandeurs n’avaient pas prouvé qu’ils avaient déployé des efforts suffisants pour embaucher des citoyens canadiens ou des résidents permanents pour combler leurs postes vacants, tel que l’exige l’alinéa 203(3)e) du Règlement.

[59]           Cette conclusion semble avoir été fondée essentiellement sur le fait que les annonces des demandeurs n’incluaient pas les adresses complètes des restaurants, comme le prévoient les Directives. Sous la rubrique « DÉCISION : REFUSÉ », les notes au dossier de l’agente indiquent : [traduction] « recrutement insuffisant (adresse de l’entreprise manquante) ». Ailleurs dans les notes, il est dit que les annonces étaient exactement les mêmes que celles que Madame Lasenby avait publiées dans la même période en rapport avec une demande d’AMT soumise à Edmonton, en Alberta, demande qui avait été refusée parce que les adresses des entreprises étaient manquantes. L’agente a fait observer qu’étant donné qu’elle avait refusé pour ce motif les demandes d’AMT présentées à Edmonton, les résultats pour les établissements de Lougheed et Seton serait les mêmes, car les annonces étaient les mêmes. Les notes au dossier indiquent qu’elle a avisé Mme Lasenby de sa décision au téléphone le 11 mars 2014 et que Mme Lasenby l’a informée la semaine suivante qu’elle soumettrait une confirmation écrite du retrait de ses demandes d’AMT. Cependant, il semble qu’environ deux semaines plus tard, la tierce partie ait demandé à l’agente de procéder à l’appréciation des demandes des demandeurs.

[60]            Dans les notes au dossier de l’agente concernant l’établissement de Lougheed, il est indiqué que les cinq annonces soumises à l’appui de la demande d’AMT indiquaient comme adresse soit [traduction] « Lougheed, Vancouver C.-B. », soit « Lougheed, Burnaby », soit [traduction] « Rte Lougheed, Burnaby C.-B. », soit encore [traduction] « divers endroits à Vancouver ». Concernant l’établissement de Seton, il est mentionné que les annonces soumises avec la demande indiquaient comme adresse « Seton, Calgary, Alberta », « Seton, Calgary » ou « Seton » (sous une mention [traduction] « divers endroits à Calgary) ». Les notes au dossier indiquent que ces adresses n’étaient pas suffisantes. Dans une entrée ultérieure, il est mentionné que les annonces modifiées contenant les adresses complètes des établissements ont été soumises après que Mme Lasenby eut été avisée qu’il manquait des renseignements. Cette entrée présente un lien avec un différend que j’aborderai plus loin séparément, à la Partie IV.C. des présents motifs.

[61]           Si nous mettons à part pour l’instant ce différend distinct, la conclusion de l’agente selon laquelle les annonces des demandeurs ne satisfaisaient pas aux exigences parce qu’elles n’incluaient pas les adresses complètes des lieux de travail des établissements n’était pas déraisonnable. Cela est particulièrement vrai du fait (i) que les Directives indiquent très clairement que les annonces doivent inclure à la fois le [traduction] « lieu de travail (nom de la région, de la ville ou de la municipalité) » et l’adresse de l’entreprise associée à l’établissement et (ii) qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que les candidats éventuels pour des postes à temps partiel dans un restaurant veuillent connaître ces éléments d’information avant de soumettre leur candidature pour un poste annoncé. Sur ce dernier point, j’accepterai les éléments de preuve non contestés de Mme Morandini selon lesquels [traduction] « si les annonces d’un employeur ne contiennent pas l’information élémentaire requise aux termes du PTET concernant le poste, les candidats canadiens éventuels ne bénéficient pas d’une possibilité équitable d’évaluer leurs qualifications ou leur intérêt à l’égard du poste ». Cela est particulièrement vrai dans le cas des nouveaux lieux de travail tels que le restaurant de Seton. Les demandeurs n’ont soumis aucun élément de preuve à l’appui de l’affirmation voulant que leurs restaurants de Lougheed et Seton sont si bien connus du grand public qu’il n’était pas raisonnablement nécessaire d’inclure les adresses précises de ces restaurants, et que par conséquent les candidats éventuels pouvaient prendre une décision éclairée quant à savoir si les postes vacants les intéressaient.

[62]           Le fait que les demandeurs aient modifié leurs annonces après le dépôt de leur demande d’AMT en novembre 2013 n’est pas pertinent. Comme il est indiqué au paragraphe 45 plus haut, les Directives indiquent clairement que les employeurs sont censés à tout le moins se conformer aux normes minimales en matière de recrutement établies à l’égard des professions peu spécialisées avant de demander un AMT. Pour les raisons exposées dans ce paragraphe, il ne s’agit pas là d’une position déraisonnable. Je constate que Mme Lasenby a confirmé dans son affidavit que l’agente lui avait indiqué en mars 2014 que les efforts de recrutement doivent se poursuivre jusqu’au moment où une décision est rendue concernant une demande d’AMT, [traduction] « les modifications apportées, tel l’ajout d’adresses, seront sans effet sur l’évaluation de la demande initiale ». Qui plus est, dans les demandes, Mme Lasenby a coché la case qui se trouvait à côté de l’énoncé suivant : [traduction] « Je connais et j’ai respecté les exigences en matière d’annonces de recrutement établies par EDSC ».

[63]           Outre sa préoccupation concernant l’absence des adresses de complètes de l’entreprise, les notes au dossier de l’agente soulèvent une deuxième préoccupation concernant les efforts faits par les demandeurs pour cibler les groupes sous-représentés. Concernant l’établissement de Lougheed, ces notes indiquent que le demandeur n’avait pas prouvé avoir fait des efforts pour cibler les groupes sous-représentés. De ce fait, les demandeurs ont été priés d’indiquer les dates et la durée exactes de leurs efforts, en fournissant les coordonnées des personnes contactées et le contenu des annonces. Une entrée ultérieure dans les notes de l’agente indique que l’information fournie en guise de suivi par la tierce partie ne précisait pas les dates et la durée des efforts visant à cibler les groupes sous-représentés.

[64]           S’agissant de l’établissement de Seton, les notes au dossier indiquent qu’en avril 2014, la tierce partie a fourni une liste des groupes sous-représentés qui avaient été ciblés. Cependant, comme dans le cas de l’établissement de Lougheed, aucune précision n’a été fournie quant aux dates ou à la durée des annonces.

[65]           Dans ses affidavits, Mme Lasenby a expliqué les raisons pour lesquelles elle n’avait pas été en mesure de confirmer les dates et la durée des annonces ciblant les groupes de sous-représentés. En bref, elle a envoyé une annonce à divers organismes, en leur demandant de l’afficher sur leur babillard, mais elle n’a reçu de ces organismes aucune réponse indiquant pendant combien de temps l’annonce avait été affichée. Mme Lasenby a aussi expliqué qu’elle avait fourni les noms des personnes contactées au sein de ces organismes en avril 2014, après que l’agente lui ait demandé l’information en question.

[66]           Les relevés de transmission par télécopieur annexés à l’affidavit de Mme Lasenby révèlent que bon nombre des demandes ont été envoyées aux organismes à la mi-août 2013. En ce qui concerne l’établissement de Seton, les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si certains des documents ont bien été envoyés à l’agente. Quoi qu’il en soit, j’ai la conviction qu’il n’était pas raisonnable pour l’agente d’insister pour qu’on lui fournisse des renseignements supplémentaires sur les dates et la durée de l’affichage des annonces par les organismes en question.

[67]           Comme l’ont souligné les demandeurs, l’alinéa 203(3)e) du Règlement exige que soit appréciée la question de savoir si des efforts raisonnables ont été déployés pour embaucher et former des citoyens canadiens ou des résidents permanents. De leur côté, les Directives laissent simplement entendre que les employeurs devraient cibler les groupes sous-représentés en [traduction] « essayant » de recruter des travailleurs auprès d’organismes comme les centres d’emploi locaux ou provinciaux/territoriaux et les centres de services pour les jeunes Autochtones. C’est précisément ce que les demandeurs ont essayé de faire. En supposant qu’ils ont de fait fourni à l’agente de l’information qu’ils ont envoyée par télécopieur aux organismes en question, avec l’information concernant les personnes contactées au sein de ces organismes, il était déraisonnable de la part de l’agente d’exiger des renseignements supplémentaires concernant la durée et les dates d’affichage des annonces. Ces renseignements n'étaient pas faciles à obtenir pour les demandeurs ou pour la tierce partie.

[68]           Il est inutile de s’attarder sur cette question particulière étant donné que la raison principale pour laquelle l’agente a conclu que les efforts de recrutement des demandeurs avaient été insuffisants était le fait que les annonces soumises à l’origine à l’appui des demandes d’AMT n’incluaient pas les adresses des établissements de Lougheed et Seton. Gardant cela à l'esprit, je suis persuadé que la conclusion générale de l’agente concernant le caractère insuffisant de ces efforts était raisonnable. C’est sur cela que je me fonde plus loin, au moment d’évaluer si l’agente a commis une erreur en s'abstenant d’offrir aux demandeurs la possibilité de répondre à ses préoccupations concernant l’authenticité de certaines des annonces fournies relativement à l’établissement de Seton.

(5)               Caractère globalement raisonnable du refus de l’agente de délivrer les AMT

[69]           Le refus de l’agente d’émettre les AMT favorables demandés par les demandeurs se fondait sur trois principaux motifs, à savoir le défaut des demandeurs de prouver (i) que les postes à plein temps annoncés correspondaient à des besoins légitimes en main-d’œuvre de l’entreprise, (ii) qu’il existait une pénurie de main-d’œuvre pour les postes de SCSA, et (iii) qu’ils avaient déployé des efforts suffisants pour embaucher des Canadiens afin de combler leurs postes vacants.

[70]           Comme il est indiqué au début de la Partie IV.A des présents motifs, les constatations à ce sujet sont liées aux alinéas 200(5)b), 203(3)c) et 203(3)e) du Règlement, respectivement. Après avoir fait ces constatations, l’agente a conclu que l’embauche de travailleurs étrangers pour combler les postes vacants des demandeurs [traduction] « aurait une incidence négative sur le marché du travail canadien, plus particulièrement en ce qui a trait aux possibilités d’emploi pour les citoyens canadiens et les résidents permanents ». En d’autres termes, l’agente a implicitement conclu que les demandeurs n’avaient pas prouvé que l’embauche d’étrangers non nommément désignés serait susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien, tel que l’exige l’alinéa 203(1)b) du Règlement.

[71]           Étant donné que chacune des constatations faites par l’agente à l’égard des trois points qu’elle avait soulevés était raisonnable, sa décision concernant la question primordiale consistant à savoir si l’embauche d’étrangers non nommément désignés serait susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien était également raisonnable.

B.                 L’agente a-t-elle commis une erreur en négligeant d’offrir aux demandeurs la possibilité de répondre à ses préoccupations concernant l’authenticité de certaines annonces?

[72]           Le demandeur dans le dossier IMM-2997-14 soutient que l’agente a commis une erreur en négligeant de lui offrir la possibilité de répondre à ses préoccupations concernant l’authenticité de certaines annonces qu’il lui avait soumises en mars et avril 2014. Plusieurs de ces annonces semblent avoir été publiés en août 2013 et avoir contenu à la fois l’adresse complète de l’établissement de Seton et une mention encourageant : [traduction] « les personnes voulant travailler à temps partiel à soumettre également leur candidature ».

[73]           Les exigences en matière d’équité procédurale varient selon les circonstances propres à chaque cas (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 21 [Baker]). Dans le contexte des demandes d’AMT présentées par les employeurs, un examen des facteurs à évaluer au moment de déterminer ces exigences indique que ces dernières sont relativement faibles. Cela s’explique par le fait que (i) la structure du processus d’évaluation aux fins des AMT est loin d’être de caractère judiciaire, (ii) les demandeurs qui essuient un refus peuvent simplement soumettre une autre demande (Maysch c Canada (Citoyenneté et Immigration), [2010] CF 1253, au paragraphe 30; Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), [2012] CF 484, au paragraphe 31 [Li]), et (iii) les refus à l’égard des demandes d’AMT sont sans répercussions négatives marquées sur les employeurs, au sens qu’elles n’ont pas de « conséquences graves et permanentes » ou un « effet [...] important » (Baker, précité, aux paragraphes 23 à 25).

[74]           Cela dit, les employeurs s'attendent de façon légitime à se voir offrir la possibilité de répondre à toute préoccupation qu’un agent d’EDSC pourra avoir concernant leur crédibilité ou l’authenticité des documents qu’ils soumettent à l’appui d’une demande d’AMT favorable. (Baker, précité, au paragraphe 26; Hassani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2006 CF 1283, au paragraphe 24; Ma c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2009 CF 1042, au paragraphe 13; Li, précité, au paragraphe 33).

[75]           En conséquence, je suis d’accord pour dire que l’agente a commis une erreur en négligeant d’offrir aux demandeurs la possibilité de répondre à ses préoccupations concernant l’authenticité des annonces en question. Cela constitue en soi un motif suffisant pour renverser la décision de l’agente à l’égard de l’établissement de Seton.

[76]           Dans ses notes au dossier, sous la mention « DÉCISION : REFUSÉ », et immédiatement sous la liste des trois principaux motifs de refus de la demande d’AMT du demandeur, l’agente a écrit ce qui suit :

[traduction]

« NOTA : Annonce de recrutement originale soumise avec la demande utilisée pour rendre la décision concernant le recrutement. [L’employeur] a fourni des copies papier des MÊMES ANNONCES (mêmes numéro d’offre d’emploi et dates d’impression), mais celles-ci ont été modifiées – très évident (polices de caractères différentes pour indiquer le changement de lieu), tout particulièrement dans la banque d’emplois et dans kijiji – questions de crédibilité et d’authenticité. » (Non souligné dans l’original.)

[77]           Plus loin sur la même page dans les notes de l’agente, cette dernière a écrit [traduction] « Authenticité des annonces ciblant les groupes sous-représentés. »

[78]           Ces entrées dans les notes de l’agente font clairement ressortir que les préoccupations de cette dernière concernant l’authenticité de l’information fournie par le demandeur ont joué un rôle déterminant dans sa décision de refuser l’AMT relatif à l’établissement de Seton.

[79]           Les préoccupations de l’agente à cet égard n’étaient pas déraisonnables, tout particulièrement compte tenu des faits suivants : (i) les annonces lui ont été soumises en mars 2014, après qu’elle eut exprimé ses préoccupations à Mme Lasenby, alors que les annonces en question ont prétendument été diffusées en août, (ii) certaines des annonces ont été diffusées par les mêmes entités (Banque d’emplois de Service Canada, Kijiji, Craigslist et AllStarJobs) que les annonces soumises à l’agente en novembre 2013, mais elles ne contenaient pas d’informations nouvelles, (iii) la police de caractères utilisée pour indiquer les adresses des établissements dans les annonces sur Kijiji était différente de celle utilisée pour le reste de l’annonce, et (iv) certaines des annonces en question contenaient exactement les mêmes énoncés encourageant les personnes souhaitant travailler à temps partiel à soumettre leur candidature que les annonces ayant paru relativement à l’établissement de Lougheed en mars 2014.

[80]           Toutefois, étant donné que les préoccupations de l’agente avaient trait à l’authenticité des annonces qui contenaient l’adresse complète de Seton et avaient prétendument été publiées en avril 2013, on ne peut affirmer que le fait que l’agente n’ait pas fourni au demandeur la possibilité de répondre à ses préoccupations était sans importance. Cela est attribuable au fait qu’il est possible que le demandeur ait réussi à dissiper ces préoccupations, auquel cas l’agente aurait fort bien pu arriver à une conclusion différente concernant le défaut du demandeur d’inclure l’adresse complète de l’établissement de Seton dans ses publicités. Étant donné qu’il s’agit là de la principale raison pour laquelle l’agente a conclu que le demandeur n’avait pas respecté les exigences minimales sur l'affichage de poste énoncées dans les Directives, la conclusion de l’agente à cet égard aurait bien pu être différente.

[81]           À partir de là, si la conclusion de l’agente sur ce dernier point avait été différente, il est possible que sa décision finale concernant l’AMT demandée par le demandeur ait elle aussi été différente. Bien qu’un tel résultat ait pu sembler improbable compte tenu des conclusions de l’agente sur les autres points abordés dans les présents motifs de décision, on ne peut affirmer que cette probabilité était ténue. En d’autres termes, on ne peut affirmer que la conclusion finale de l’agente était inévitable, même si elle avait reconnu l’authenticité des publicités en question (Hassani, précité, aux paragraphes 35 à 44).

[82]           Compte tenu de la conclusion à laquelle je suis arrivé sur ce point, la décision de l’agente concernant l’établissement de Seton sera rejetée, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il effectue un nouvel examen conformément des présents motifs.

C.                 L’agente a-t-elle entravé son pouvoir discrétionnaire?

[83]            Nonobstant la conclusion à laquelle je viens d’arriver, je procéderai à l’examen de cette question parce qu’elle a été soulevée par les demandeurs relativement aux décisions de l’agente concernant les établissements de Lougheed aussi bien que de Seton.

[84]           Les demandeurs soutiennent que l’agente a entravé son pouvoir discrétionnaire dans l’évaluation de leurs demandes d’AMT favorables par ce qu’elle a [traduction] « suivi aveuglément » la politique d’EDSC, telle qu’elle est énoncée dans les Directives, sans tenir compte de leur situation particulière. Les demandeurs affirment que même si l’agente peut être guidée dans son travail par les politiques d’EDSC, elle devrait être disposée à faire des exceptions en fonction des particularités du cas.

[85]           Plus précisément, les demandeurs font valoir que l’agente a rejeté leur demande uniquement ou principalement parce que leurs annonces ne contenaient pas les adresses des restaurants. Ils soutiennent que même si les Directives peuvent prévoir une exigence à cet égard, l’alinéa 203(3)e) du Règlement prévoit simplement qu’il faut déterminer si l’employeur a fait des efforts raisonnables en vue d’embaucher ou de former des citoyens canadiens ou des résidents permanents.

[86]           A l’appui de leur position, les demandeurs invoquent l’observation faite par le juge Zinn dans l’arrêt Specialized Workers (précité, au paragraphe 137), selon laquelle « on pourrait très bien soutenir que M. MacLean aurait "restreint son pouvoir discrétionnaire" s'il avait appliqué strictement les politiques de RHDCC en matière de recrutement, c'est-à-dire si les autres renseignements démontraient que les efforts de recrutement de HD Mining étaient "raisonnables" ». Dans ce cas, l’agent n’avait pas appliqué strictement les politiques de RHDCC au moment de rendre une décision concernant la délivrance des AMT. Le juge Zinn a refusé de casser la décision de l’agent pour ce motif, après avoir implicitement déterminé que les renseignements montraient d’une autre manière que les efforts de recrutement de HD Mining avaient été « raisonnables ».

[87]           À l'opposé, les documents qui ont été déposés en l’espèce ne « montrent pas d’une autre manière » que les efforts de recrutement des demandeurs ont été raisonnables et auraient justifié qu’on passe outre aux Directives. Par comparaison avec la documentation détaillée qui a été soumise au juge Zinn dans l’arrêt Specialized Workers, précité, et qui mettait en évidence les efforts de recrutement de HD Mining, l’information fournie par les demandeurs à l’appui de leurs demandes d’AMT était limitée et peu convaincante. Il n’y avait dans la situation particulière des demandeurs, comme le reflète la documentation soumise à l’agente, rien qui aurait justifié que l’on s’écarte des Directives ou aurait expliqué pourquoi on ne s’en était pas écarté.

[88]           Les demandeurs invoquent en outre les décisions de la Cour dans l’arrêt Xiao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] ACF no 731, au paragraphe 11 [Xiao], et dans l’arrêt Campagna c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 49, aux paragraphes 11 à 15 [Campagna].

[89]           Ces cas concernaient, respectivement, une demande de résidence permanente et une demande de parrainage d’un conjoint. Ces demandes ont été renvoyées aux demandeurs au motif qu’elles étaient incomplètes, juste avant que des changements défavorables aux demandeurs soient apportés aux dispositions législatives. Dans l’un et l’autre cas, le décideur s’était fondé sur des politiques opérationnelles pour renvoyer les demandes. La question consistait à savoir si les demandeurs avaient le droit de faire examiner les nouvelles demandes aux termes des dispositions législatives en vigueur au moment où ils avaient soumis leurs demandes initiales. Dans les deux cas, la Cour a soutenu en substance que les politiques du décideur ne pouvaient être évoquées à l’appui de la position selon laquelle les demandes n’avaient pas étaient soumises sous le régime des dispositions législatives antérieures.

[90]           Au moment de tirer sa conclusion dans l’arrêt Xiao, précité, la Cour a affirmé que le pouvoir dont dispose le ministre pour établir des exigences produisant des effets juridiques contraignants doit lui être conféré en termes explicites et positifs dans une loi ou dans un règlement pertinent et ne peut découler de lignes directrices et d’autres documents n’ayant aucun effet exécutoire. Cette décision a été suivie dans l’arrêt Campagna, précité, après que le tribunal eut déterminé qu’aucun pouvoir n’était énoncé clairement dans le Règlement concernant la décision d’un agent de traiter une demande incomplète de parrainage d’un conjoint comme si elle n’avait jamais existé. Le fait que le guide opérationnel de CIC indique clairement qu’une demande n’existe pas tant qu’elle n’est pas complète n’est pas pertinent.

[91]           Il est bien connu en droit que les directives administratives ne sont pas contraignantes et ne peuvent être appliquées d’une manière qui entrave indûment l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’un décideur, à moins qu’elles constituent de la législation déléguée qui a force de loi (Thamotharem c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) CAF 198, aux paragraphes 62 à 72; Herman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 629, au paragraphe 28). Rien ne m’a été soumis qui puisse étayer le point de vue selon lequel les Directives constituent une telle législation déléguée.

[92]           Dans la mesure où les Directives n’ont pas force obligatoire pour les agents et où elles sont appliquées d’une manière qui permet d’y passer outre lorsque cela est justifié, il n’est pas déraisonnable pour les agents de les suivre et de les appliquer dans la plupart, voire dans la grande majorité des cas.

[93]           Dans son affidavit, Mme Morandini a indiqué que des permis de travail sont délivrés à des milliers de travailleurs étrangers temporaires chaque année. Cela signifie qu’EDSC doit traiter un très fort volume de demandes d’AMT par année. Dans ce contexte, il ne serait pas raisonnable de s’attendre à ce qu’EDSC ait à expliquer pourquoi des écarts par rapport aux Directives ne sont pas autorisés, à moins que les circonstances particulières du cas d’un demandeur soient telles qu’il serait raisonnable d’envisager sérieusement un tel écart par rapport aux Directives. On pourrait s'attendre à ce que les circonstances en question présentent un caractère quelque peu exceptionnel ou inhabituel.

[94]           On peut généralement s’attendre à ce que le fait d’adhérer aux Directives avec une telle souplesse présente de nombreux avantages pour le public. On pensera par exemple à l’amélioration de l’efficience administrative, à la réduction des arriérés, à la limitation de l’arbitraire et à l’accroissement de la certitude et de la prévisibilité. En outre, les politiques opérationnelles publiées, telles que les Directives, jouent un rôle utile en créant des attentes légitimes concernant le cadre d’évaluation qu’utilisera un organisme public comme EDSC  (Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 98 [Agraira]). On peut également s’attendre à ce qu’elles améliorent la qualité de la prise de décisions par l’organisme (Malik c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1283, au paragraphe 33).

[95]           Qui plus est, les documents tels que les Directives peuvent fournir « une indication utile de ce qui constitue une interprétation raisonnable » des dispositions législatives comme l’alinéa 203(3)e) du Règlement (Agraira, précité, au paragraphe 85).

[96]           Les faits qui entrent en jeu dans les cas des demandeurs sont distincts de ceux qui existaient dans l’arrêt Xiao, précité, et dans l’arrêt Campagna, précité, tout particulièrement parce que les Directives semblent être appliquées de manière souple par l’agente et les autres membres du personnel d’EDSC. Cela se reflète dans les notes au dossier de l’agente et dans plusieurs passages de l’affidavit de Mme Morandini.

[97]           Dans ses notes au dossier, l’agente fait observer que Mme Lasenby a déclaré avoir été informée par la tierce partie que l’agente avait rendu une décision favorable dans d’autres dossiers contenant la même information en matière de recrutement. À ce sujet, l’agente a écrit : [traduction] « Ai avisé [Mme Lasenby] que chaque dossier est évalué selon son bien-fondé (et en fonction des faits pertinents) ». Bien que l’agente ait ensuite écrit : [traduction] « depuis que le gouvernement a déposé des changements (31 juillet 203) [sic] les exigences concernant les annonces doivent être respectées », je suis disposé à lui accorder le bénéfice du doute, en me fondant tout particulièrement sur le premier des deux énoncés précités de même que sur le témoignage de Mme Morandini.

[98]           Au paragraphe 20 de son affidavit, Mme Morandini déclare ce qui suit concernant les exigences en matière d’annonces : [traduction] « EDSC envisage des dérogations à ces exigences à l’égard de diverses professions pour lesquelles les conditions du marché du travail ou les normes en matière d’annonces et de recrutement justifient de telles dérogations ». Dans une certaine mesure, cela se reflète dans les Directives. De plus, ces dernières offrent expressément une certaine latitude quant aux méthodes employées pour diffuser les annonces et pour cibler les groupes sous-représentés.

[99]           L’approche souple qu’adopte EDSC par rapport au Directives semble se refléter ailleurs dans l’affidavit de Mme Morandini. Par exemple, au paragraphe 21, on peut lire [traduction] : « À proprement parler, si une annonce exacte et complète n’est pas publiée avant la date de présentation de la demande d’AMT, on conclura en règle générale au non‑respect de l’exigence voulant que des efforts suffisants soient déployés pour embaucher des citoyens canadiens ou des résidents permanents en conformité avec l’alinéa 203(3)e) » (non souligné dans l’original.). Mme Morandini poursuit au paragraphe 22 en écrivant : [traduction] « Si les groupes sous-représentés n’ont pas eu la possibilité de soumettre leur candidature à ces postes, on considérera que l’embauche de l’étranger pourrait avoir une incidence négative sur le marché du travail canadien » (non souligné dans l’original).

[100]       À la lumière des notes au dossier de l’agente et du témoignage non contesté de Mme Morandini, j’ai la conviction que l’agente n’a pas entravé son pouvoir discrétionnaire en « suivant aveuglément » les Directives lorsqu’elle a refusé les demandes d’AMT favorables des demandeurs.

[101]       Nonobstant ce qui précède, les Directives pourraient être beaucoup plus claires en ce qui a trait à la souplesse d’application. A cet égard, il aurait été utile de trouver au début des Directives un énoncé explicite indiquant que des dérogations sont possibles lorsque les circonstances le justifient. Quoi qu’il en soit, dans l’application des Directives, les agents auraient tout intérêt à s’abstenir d’utiliser un langage laissant entendre que les Directives ont force obligatoire en toutes circonstances.

[102]       Dans des observations connexes, les demandeurs soutiennent également que l’agente [traduction] « ne peut prendre en compte seulement un facteur (adresse de l’entreprise) et refuser la demande sans l’évaluer dans son ensemble ».

[103]       À l’issue de mon appréciation des décisions de l’agente, il ressort clairement qu’en fait, elle n’a pas refusé les demandes d’AMT favorables des demandeurs en se fondant uniquement sur le défaut de ces derniers d’inclure les adresses de leurs restaurants dans leurs annonces. Comme il est indiqué au début de la Partie IV.A. des présents motifs de décision, ces demandes ont été refusées pour trois raisons principales différentes.

V.                Conclusion

[104]       Compte tenu de ce qui précède, la demande visée au dossier IMM-2996-14 sera rejetée, et la demande visée au dossier IMM-2997-14 sera accueillie. La décision relative à cette dernière est annulée, et l’affaire est renvoyée pour nouvel examen par un autre décideur, conformément aux présents motifs.

[105]       Les parties n’ont pas proposé de question à certifier. Je suis convaincu que les faits particuliers liés à ces demandes ne soulèvent aucune question à certifier.



ANNEXE « 1 »

Dispositions législatives

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

Permis de travail — demande préalable à l’entrée au Canada

Work Permits

200. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), et de l’article 87.3 de la Loi dans le cas de l’étranger qui fait la demande préalablement à son entrée au Canada, l’agent délivre un permis de travail à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments ci-après sont établis :

200. (1) Subject to subsections (2) and (3) — and, in respect of a foreign national who makes an application for a work permit before entering Canada, subject to section 87.3 of the Act — an officer shall issue a work permit to a foreign national if, following an examination, it is established that

c) il se trouve dans l’une des situations suivantes :

(c) the foreign national

(i) il est visé par les articles 206, 207 ou 208,

(i) is described in section 206, 207 or 208,

(ii) il entend exercer un travail visé aux articles 204 ou 205 pour lequel aucune offre d’emploi ne lui a été présentée,

(ii) intends to perform work described in section 204 or 205 but does not have an offer of employment to perform that work,

(ii.1) il entend exercer un travail visé aux articles 204 ou 205, il a reçu une offre d’emploi pour un tel travail et l’agent a conclu, en se fondant sur tout renseignement fourni, à la demande de l’agent, par l’employeur qui présente l’offre d’emploi et tout autre renseignement pertinent, que :

(ii.1) intends to perform work described in section 204 or 205, has an offer of employment to perform that work and an officer has determined, on the basis of any information provided on the officer’s request by the employer making the offer and any other relevant information,

(A) l’offre était authentique conformément au paragraphe (5),

(A) that the offer is genuine under subsection (5), and

(B) l’employeur, selon le cas :

(B) that the employer

(I) au cours des six années précédant la date de la réception de la demande de permis de travail par le ministère, a confié à tout étranger à son service un emploi dans la même profession que celle précisée dans l’offre d’emploi et lui a versé un salaire et ménagé des conditions de travail qui étaient essentiellement les mêmes — mais non moins avantageux — que ceux précisés dans l’offre,

(I) during the six-year period before the day on which the application for the work permit is received by the Department, provided each foreign national employed by the employer with employment in the same occupation as that set out in the foreign national’s offer of employment and with wages and working conditions that were substantially the same as — but not less favourable than — those set out in that offer, or

(II) peut justifier le non-respect des critères prévus à la sous-division (I) au titre du paragraphe 203(1.1),

(II) is able to justify, under subsection 203(1.1), any failure to satisfy the criteria set out in subclause (I), or

(iii) il a reçu une offre d’emploi et l’agent a rendu une décision positive conformément aux alinéas 203(1)a) à e);

(iii) has been offered employment, and an officer has made a positive determination under paragraphs 203(1)(a) to (e); and

Appréciation de l’emploi offert

Assessment of employment offered

203. (1) Sur présentation d’une demande de permis de travail conformément à la section 2 par tout étranger, autre que celui visé à l’un des sous-alinéas 200(1)c)(i) à (ii.1), l’agent décide, en se fondant sur l’avis du ministère de l’Emploi et du Développement social, sur tout renseignement fourni, à la demande de l’agent, par l’employeur qui présente l’offre d’emploi et sur tout autre renseignement pertinent, si, à la fois :

203. (1) On application under Division 2 for a work permit made by a foreign national other than a foreign national referred to in subparagraphs 200(1)(c)(i) to (ii.1), an officer must determine, on the basis of an opinion provided by the Department of Employment and Social Development, of any information provided on the officer’s request by the employer making the offer and of any other relevant information, if

a) l’offre d’emploi est authentique conformément au paragraphe 200(5);

(a) the job offer is genuine under subsection 200(5);

b) le travail de l’étranger est susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien;

(b) the employment of the foreign national is likely to have a neutral or positive effect on the labour market in Canada;

c) la délivrance du permis de travail respecte les conditions prévues dans l’accord fédéral-provincial applicable aux employeurs qui embauchent des travailleurs étrangers;

(c) the issuance of a work permit would not be inconsistent with the terms of any federal-provincial agreement that apply to the employers of foreign nationals;

d) s’agissant d’un étranger qui cherche à entrer au Canada à titre d’aide familial :

(d) in the case of a foreign national who seeks to enter Canada as a live-in caregiver,

(i) il habitera dans une résidence privée au Canada et y fournira sans supervision des soins à un enfant ou à une personne âgée ou handicapée,

(i) the foreign national will reside in a private household in Canada and provide child care, senior home support care or care of a disabled person in that household without supervision,

(ii) son employeur lui fournira, dans la résidence, un logement privé meublé qui est adéquat,

(ii) the employer will provide the foreign national with adequate furnished and private accommodations in the household, and

(iii) son employeur possède les ressources financières suffisantes pour lui verser le salaire offert;

(iii) the employer has sufficient financial resources to pay the foreign national the wages that are offered to the foreign national; and

e) l’employeur, selon le cas :

(e) the employer

(i) au cours de la période commençant six ans avant la date de la réception, par le ministère de l’Emploi et du Développement social, de la demande d’avis visée au paragraphe (2) et se terminant à la date de réception de la demande de permis de travail par le ministère, a confié à tout étranger à son service un emploi dans la même profession que celle précisée dans l’offre d’emploi et lui a versé un salaire et ménagé des conditions de travail qui étaient essentiellement les mêmes — mais non moins avantageux — que ceux précisés dans l’offre,

(i) during the period beginning six years before the day on which the request for an opinion under subsection (2) is received by the Department of Employment and Social Development and ending on the day on which the application for the work permit is received by the Department, provided each foreign national employed by the employer with employment in the same occupation as that set out in the foreign national’s offer of employment and with wages and working conditions that were substantially the same as — but not less favourable than — those set out in that offer, or

(ii) peut justifier le non-respect des critères prévus au sous-alinéa (i) au titre du paragraphe (1.1).

(ii) is able to justify, under subsection (1.1), any failure to satisfy the criteria set out in subparagraph (i).

Facteurs – effets sur le marché du travail

Factors — effect on labour market

(3) Le ministère de l’Emploi et du Développement social fonde son avis relatif aux éléments visés à l’alinéa (1)b) sur les facteurs ci-après, sauf dans les cas où le travail de l’étranger n’est pas susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien en raison de l’application du paragraphe (1.01) :

(3) An opinion provided by the Department of Employment and Social Development with respect to the matters referred to in paragraph (1)(b) shall, unless the employment of the foreign national is unlikely to have a positive or neutral effect on the labour market in Canada as a result of the application of subsection (1.01), be based on the following factors:

a) le travail de l’étranger entraînera ou est susceptible d’entraîner la création directe ou le maintien d’emplois pour des citoyens canadiens ou des résidents permanents;

(a) whether the employment of the foreign national will or is likely to result in direct job creation or job retention for Canadian citizens or permanent residents;

b) le travail de l’étranger entraînera ou est susceptible d’entraîner le développement ou le transfert de compétences ou de connaissances au profit des citoyens canadiens ou des résidents permanents;

(b) whether the employment of the foreign national will or is likely to result in the development or transfer of skills and knowledge for the benefit of Canadian citizens or permanent residents;

c) le travail de l’étranger est susceptible de résorber une pénurie de main-d’oeuvre;

(c) whether the employment of the foreign national is likely to fill a labour shortage;

d) le salaire offert à l’étranger correspond aux taux de salaires courants pour cette profession et les conditions de travail qui lui sont offertes satisfont aux normes canadiennes généralement acceptées;

(d) whether the wages offered to the foreign national are consistent with the prevailing wage rate for the occupation and whether the working conditions meet generally accepted Canadian standards;

e) l’employeur embauchera ou formera des citoyens canadiens ou des résidents permanents, ou a fait ou accepté de faire des efforts raisonnables à cet effet;

(e) whether the employer will hire or train Canadian citizens or permanent residents or has made, or has agreed to make, reasonable efforts to do so;

f) le travail de l’étranger est susceptible de nuire au règlement d’un conflit de travail en cours ou à l’emploi de toute personne touchée par ce conflit;

(f) whether the employment of the foreign national is likely to adversely affect the settlement of any labour dispute in progress or the employment of any person involved in the dispute; and

g) l’employeur a respecté ou a fait des efforts raisonnables pour respecter tout engagement pris dans le cadre d’un avis précédemment fourni en application du paragraphe (2) relativement aux facteurs visés aux alinéas a), b) et e).

(g) whether the employer has fulfilled or has made reasonable efforts to fulfill any commitments made, in the context of any opinion that was previously provided under subsection (2), with respect to the matters referred to in paragraphs (a), (b) and (e).


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

IMM-2996-14 ET IMM-2997-14

DOSSIER :

IMM-2996-14

INTITULÉ :

FRANKIE'S BURGERS LOUGHEED INC. (FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE FATBURGER LOUGHEED) c LE MINISTRE DE L’EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL DU CANADA

 

DOSSIER :

IMM-2997-14

 

INTITULÉ :

SETON FB LTD. (FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE FATBURGER) c LE MINISTRE DE L’EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 novembre 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

Le JUGE EN CHEF CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

Le 8 JANVIER 2015

COMPARUTIONS :

Katrina Sriranpong

Kristin McHale

 

POUR LE DEMANDEUR

POUR Le DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Overseas Immigration

12830, 80e avenue, bureau 202

Vancouver (C.-B.)

Ministère de la Justice

840, rue Howe, bureau 900

Vancouver (C.-B.)

POUR LE DEMANDEUR

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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