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Date : 20150130


Dossier : IMM-7866-13

Référence : 2015 CF 119

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 janvier 2015

En présence de monsieur le juge Rennie

ENTRE :

YONGCHAO HAO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision, datée du 19 novembre 2013, par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a décidé qu’il n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger, au titre des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Pour les motifs exposés ci-dessous, la demande est rejetée.

[2]               Le demandeur, Monsieur Yongchao Hao, est un citoyen de la Chine âgé de 33 ans. Le 18 octobre 2009, le demandeur a commencé à fréquenter une église clandestine avec son ami. Le demandeur a décidé de fréquenter l’église, car il croyait que par la prière, il pouvait guérir les étourdissements et la fatigue qu’il ressentait.

[3]               Le demandeur a commencé à prêcher l’Évangile aux personnes autour de lui; toutefois, en septembre 2010, un fidèle de l’église a été arrêté par le Bureau de la sécurité publique (BSP) alors qu’il distribuait des dépliants de l’église. En réponse, l’église a suspendu ses activités et le demandeur est allé vivre caché jusqu’en mars 2011, lorsque d’autres membres ont décidé qu’ils étaient suffisamment en sécurité pour qu’ils rentrent chez eux. Le fidèle qui a été arrêté a été condamné à deux années de travaux dans un camp.

[4]               L’église a repris ses activités, mais le 25 septembre 2011, le BSP y a effectué une descente pendant que le demandeur était à l’extérieur de la ville. L’organisateur de l’église et un autre membre ont été arrêtés et le demandeur est reparti vivre caché.

[5]               Deux jours plus tard, le 27 septembre 2011, l’épouse du demandeur l’a informé que les agents du BSP étaient allés chez lui et qu’ils cherchaient à l’arrêter. Ils sont revenus le 30 septembre pour demander pourquoi le demandeur ne s’était pas rendu, ils ont proféré des menaces à l’égard de son épouse afin qu’elle ne dissimule aucun renseignement sur l’endroit où le demandeur se trouvait. Selon le demandeur, les agents du BSP sont allés chez lui quatre fois, pendant qu’il vivait caché, et ont laissé un mandat en vue de son arrestation.

[6]               Le 26 novembre 2011, grâce à l’aide d’un passeur, le demandeur a quitté la Chine. Il s’est servi de son passeport, est passé par les États-Unis, est arrivé au Canada muni d’un visa frauduleux. Le demandeur déclare que les agents du BSP sont allés chez lui cinq fois depuis qu’il a quitté la Chine.

[7]               Le 29 octobre 2013, la Commission a rejeté la demande d’asile du demandeur principalement au motif que le demandeur n’était pas crédible.

[8]               La Commission a conclu que le demandeur n’était pas crédible en raison de plusieurs facteurs, notamment son niveau de connaissance quant aux activités de son église en Chine. De plus, la Commission a tiré une inférence défavorable, sur la foi du témoignage du demandeur dont il ressortait que la première fois qu’il a vécu caché, il a tenté de quitter la Chine pour aller aux États-Unis ou au Canada, au moyen de demandes de visas frauduleuses, même s’il n’y avait pas d’éléments de preuve précis qu’il était exposé au risque d’arrestation de la part des agents du BSP à ce moment-là.

[9]               La Commission a aussi vu d’un mauvais œil le défaut du demandeur de présenter des éléments de preuve sous forme d’une assignation ou d’un mandat d’arrêt délivré par le BSP. Selon le témoignage du demandeur, les agents du BSP ont dit à son épouse qu’ils ne pouvaient donner signification de l’assignation à quiconque d’autre que le demandeur; toutefois, la Commission s’est fondée sur le Cartable national de documentation pour la Chine pour établir que le droit chinois offre la possibilité de délivrer les documents à « un membre adulte de sa famille […] ». La Commission a alors conclu que le témoignage du demandeur n’était pas cohérent au regard de la preuve documentaire, et une inférence défavorable a été tirée quant à la crédibilité.

[10]           La Commission a expliqué que lorsque le demandeur a quitté la Chine, il a voyagé par les États-Unis, mais n’a pas présenté de demande d’asile dans ce pays. De plus, il n’a gardé ni carte d’embarquement ni de billet d’avion, lesquels auraient permis d’établir combien de temps il a passé aux États-Unis, son itinéraire de voyage ou son vol entre Vancouver et Toronto. Le demandeur a expliqué qu’il ne savait pas que ces documents seraient utiles et qu’il a rendu son passeport au passeur. Selon le raisonnement de la Commission, le demandeur était représenté par un avocat depuis son arrivée au Canada, et il aurait dû connaître l’importance accordée aux documents corroborants et il aurait pu faire un effort pour obtenir des renseignements confirmant ses vols auprès des compagnies aériennes. Étant donné qu’il a omis de le faire, la Commission a tiré une inférence défavorable.

[11]           En outre, la Commission a conclu qu’il n’était pas vraisemblable que le demandeur soit en mesure de quitter la Chine sans incident muni de son véritable passeport, car le gouvernement chinois possède un réseau national d’ordinateurs contenant des renseignements sur les fugitifs criminels. Si le BSP était réellement à la recherche du demandeur, la Commission a estimé qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que le nom du demandeur ait été entré dans la base de données en tant que personne recherchée par le BSP.

[12]           La Commission a aussi conclu que le demandeur n’était membre d’aucune église en Chine, et qu’il n’était pas recherché par le BSP ou la police en Chine en raison de ses activités liées à l’église. La Commission a donc conclu que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur n’était pas un véritable chrétien.

[13]           Le demandeur allègue que la décision de la Commission était déraisonnable. En particulier, il déclare que : les conclusions défavorables tirées quant à la crédibilité étaient déraisonnables et n’étaient pas conformes aux éléments de preuve; la Commission a fait une appréciation déraisonnable de l’identité du demandeur en tant que chrétien, et de sa demande d’asile sur place liée à sa foi chrétienne au Canada; la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées selon lesquelles la crainte de persécution du demandeur n’était pas étayée par la preuve, et qu’il aurait été en mesure de pratiquer librement sa foi dans la province de Hebei, en Chine.

I.                   Analyse

[14]           La décision soumise au contrôle est fondée sur la crédibilité, sur les conclusions relatives aux éléments de preuve et aux faits, et elle est donc susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

[15]           Les conclusions de la Commission portant sur la crédibilité étaient fondées sur de nombreux doutes quant à la crédibilité, notamment le caractère vague, les omissions, et l’invraisemblance générale des éléments de preuve du demandeur. Il s’agit des éléments suivants : le demandeur a sollicité un visa au Canada et aux États-Unis à une époque où il n’était pas exposé au risque, l’absence de toute assignation ou de tout mandat d’arrêt dans des circonstances où il était raisonnable de s’attendre à ce que l’une ou l’autre existe, le demandeur a été en mesure de quitter la Chine malgré l’existence de contrôles à la sortie, le défaut de précision entourant les opérations de la maison‑église dont il a déclaré être membre.

[16]           Selon la Cour, la Commission a raisonnablement conclu que le demandeur n’était pas crédible. Cette conclusion est fondée sur son témoignage, sur le manque de documents corroborants et sur sa capacité à quitter la Chine. Relevons que la Commission a conclu que le demandeur n’était pas un chrétien pratiquant en Chine. Les questions soulevées par la Commission étaient toutes raisonnables, et il était raisonnable que la Commission les examine et qu’elle s’y fonde pour tirer des conclusions quant à la crédibilité. Bien que le demandeur fasse valoir un argument convaincant selon lequel il y a une distinction entre les conclusions quant à la crédibilité fondées sur les incohérences, et les conclusions quant à la crédibilité fondées sur l’invraisemblance du récit du demandeur, aucune erreur rendant toute conclusion matérielle précise déraisonnable n’a été décelée.

[17]           La Cour se penche sur les erreurs alléguées relatives à l’identité chrétienne du demandeur. La Commission n’a pas décidé que le demandeur n’était pas un chrétien au Canada, au seul motif qu’il ne pratiquait pas la religion chrétienne en Chine; au contraire, la Commission a décidé que le demandeur s’est uniquement joint à une église chrétienne au Canada dans le but d’étayer une demande d’asile frauduleuse. Encore une fois, les conclusions de la Commission à cet égard sont fondées sur les éléments de preuve et il lui était loisible de les tirer. La Commission a relevé, mais a estimé non convaincante, une lettre du pasteur d’une église au Canada et un acte de baptême. En l’espèce, les circonstances sont analogues à celles examinées par le juge Near (maintenant juge à la Cour d’appel) dans la décision Jing c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 609, au paragraphe 20 :

L’appréciation défavorable de la Commission quant à la crédibilité de la preuve présentée au sujet de la fréquentation par le demandeur d’une église clandestine et du fait qu’il était recherché par le BSP découlait de plusieurs préoccupations liées à la preuve telle qu’elle a été présentée. Les conclusions ont été tirées en « termes clairs et explicites » (Hilo c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] ACF no 228, 15 Imm LR (2d) 199) et elles appartiennent aux issues acceptables. L’insatisfaction du demandeur à l’égard des conclusions de la Commission et du poids qu’elle a accordé à divers éléments de preuve ne constitue pas un fondement justifiant l’intervention de la Cour.

[18]           Selon la Cour, le raisonnement de la Commission en l’espèce cadre parfaitement avec ce que la juge Mary Gleason a décrit dans la décision Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 998; dans cette décision, la Commission a fait état du motif douteux avancé à l’appui de la conversion du demandeur, mais elle a néanmoins examiné le caractère authentique de cette conversion, puis conclu que celle‑ci en était dépourvue.

[19]           Enfin, bien que la Commission ait décidé qu’elle ne croyait pas que le demandeur aurait quelque intérêt que ce soit à pratiquer sa foi en tant que chrétien s’il était renvoyé en Chine, elle a néanmoins examiné la preuve documentaire et a conclu que si le demandeur voulait pratiquer la chrétienté dans la province de Hebei en Chine, il serait en mesure de le faire, sans crainte de persécution. Comme la Cour d’appel fédérale l’a souligné au paragraphe 3 de l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Sellan, 2008 CAF 381 :

Lorsque la Commission tire une conclusion générale selon laquelle le demandeur manque de crédibilité, cette conclusion suffit pour rejeter la demande, à moins que le dossier ne comporte une preuve documentaire indépendante et crédible permettant d’étayer une décision favorable au demandeur. C’est au demandeur qu’il incombe de démontrer que cette preuve existe.

[20]           La Commission a examiné les éléments de preuve au regard de la capacité de pratiquer la chrétienté dans la province de Hebei, et bien qu’il y eût des éléments de preuve contradictoires, il était raisonnablement loisible à la Commission de tirer une telle conclusion à cet égard.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

« Donald J. Rennie »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Endale


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7866-13

INTITULÉ :

YONGCHAO HAO

c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 janvier 2015

Jugement et motifs :

Le juge RENNIE

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 30 janvier 2015

COMPARUTIONS :

Cheryl Robinson

Pour le demandeur

Brad Gotkin

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chantal Desloges Professional Corporation

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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